Utilisateur:Eloa31/Phytolithe

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Le nom « phytolithe » vient du grec phuton (plante) et phytos (pierre) ; se sont des particules de silice biogénique qui précipitent en opale(silice hydratée) de type A dans et entre les cellules des tissus végétaux de n’importe quel organe de la plante. Ils ont été observés pour la première fois en 1835 par un naturaliste allemand, Struve.

Les phytolithes peuvent également être constituer d’oxalate de calcium ; on les trouve dans les racines et rhizomes de nombreuses plantes telles que l'oseille, la rhubarbe, la betterave et les plantes de la famille des oxalis. On s’intéresse ici uniquement aux opales biogéniques constituées de silice.

Les phytolithes, formés de microsphères de silice amorphe, sont des marqueurs du recyclage du silicium par la végétation et de l’évolution du couvert végétal. Ils ont une valeur taxonomique qui fait d’eux d’excellents traceurs paléoécologiques et paléoclimatiques.


Description[modifier | modifier le code]

Formation[modifier | modifier le code]

L’acide silicique (Si(OH)4), provenant de l’altération des roches, est présent dans la solution de sol.

Il est prélevé par le système racinaire de la plante et entrainé dans les parties aériennes par la sève. Au niveau des tissus transpirants, en particulier les épidermes, la silice se concentre dans les cellules végétales après évaporation de l’eau. Ceci conduit à la formation d’un gel de silice de plus en plus concentré qui finit par précipité sous forme d’opale dans les parois cellulaires, ou dans les vides cellulaires ou intercellulaires.

Le mécanisme de précipitation peut être également lié à une augmentation du pH. On a alors une sursaturation en silice car l’acide silicique est plus mobile dans ces conditions.

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Les dimensions des phytolithes siliceux varient de quelques micromètres à plusieurs centaines de micromètres (Dormaar et Lutwick, 1968 ; Jones et al., 1963) ; ils sont translucides et à éclat gras résineux, rarement transparents, ce qui est dû aux impuretés organiques ; leurs densités et duretés sont très variables, de 1,5 à 2,3 T/m3 pour la densité.

Le carbone organique contribue à la pigmentation responsable de l’opacité et des faibles densités des phytolithes ; la densité dépend également de la présence d’eau intrastructurale et de lacunes.


Les phytolithes développent des surfaces spécifiques relativement grandes (Bartoli, 1985) de 5 à 159 m2/g (Fraysse et al., 2006). Par exemple, celle des phytolithes de pins est de 33 m2/g et celle des hêtres est de 60 m2/g.

La charge totale de surface correspond au cumul des charges permanentes et des charges variables fonctions du pH. Lorsque le pH est inférieur au point de charge nulle (PCN), les phytolithes se comportent comme des échangeurs d’anions pouvant se fixer sur des surfaces chargées positivement.


Les phytolithes sont très riches en silicium, entre 66 et 80%, mais possèdent des teneurs en aluminium et en eau non négligeable, de l’ordre de 10%. Selon Bartoli (1981), les phytolithes les plus hydratés se dissolveraient plus facilement.

On constate aussi des inclusions de carbone organique issues de la cellulose ou de lignine présentes durant la formation du phytolithe.

Les opales biogéniques se différencient des opales géologiques par de plus grandes teneurs en eau et une porosité supérieure ; leur structure se rapproche de celle des gels.


Fonction dans le vivant[modifier | modifier le code]

Parmi les effets bénéfiques des phytolithes pour les plantes on peut citer la diminution de la transpiration du végétal, favorisant la résistance au stress hydrique et au stress salin, et l’augmentation de la résistance mécanique augmentant d’une part la résistance au stress biotique, et d’autre part l’interception de la lumière, ce qui confère à la plante une croissance et une vigueur accrues.

En absence de silicium, les plantes ont généralement une structure plus faible que les plantes riches en Si, appelées plantes bio-accumulatrices de silicium, mais aussi des anormalités en terme de croissance, de développement, de viabilité, de reproduction et sont plus sujettes au stress biotique et abiotique (Epstein, 1999).

Le rôle des phytolithes dans les plantes est analogue à celui de la lignine dans le sens où c’est un composant structural résistant à la compression au sein de la paroi cellulaire du végétal, jouant aussi un rôle important sur la croissance en hauteur de la plante et favorisant ainsi la réception de l’énergie lumineuse par le végétal (Raven, 1983).

Il semble que les phytolithes peuvent servir à stocker et à neutraliser certains composés toxiques pour la plante (Lewin et Reimann, 1969 ; Sangster et Hodson, 2001).

La présence de certains éléments dans les opales biogéniques peut modifier leurs propriétés physicochimiques ; certains comme le calcium et le magnésium favorisent une meilleure conservation ( Bartoli et Wilding, 1980 ; Sangster et Hodson, 2001) alors que d’autres comme le carbone organique pourraient être un facteur de fragilisation.


Classification[modifier | modifier le code]

Les phytolithes sont classés selon leur forme en différents morphotypes (Madella et al., 2005). Cependant, une même plante peut produire plusieurs morphotypes différents et un même morphotype peut exister chez plusieurs plantes différentes. Il est donc difficile d’identifier précisement un phytolithe isolé.

La classification taxonomique la plus utilisée est celle des graminées (Poaceae) développée (1969) et améliorée (1992) par Twiss car les phytolithes y sont particulièrement abondants, différents et distincts.

Il existe 5 sous familles de graminées dont 3 sont correctement différenciées par les phytolithes qu’elles produisent.

tableau n°1 : Phytolythes et milieu caractéristique des sous-familles de graminées

sous-famille de graminées type de phytolithe milieu caractéristique
Panicoideae
haltère ou croix
chaud et humide
Arundinoideae
absence de phytolithe
très varié
chloridoideae
selle
chaud et sec
Bambusoideae
absence de phytolithe
très varié
Pooideae
uni-lobé, rectangle, ou poly-lobé
froid, tempéré, ou d'altitude

Il n’existe pas de classification taxonomique regroupant et homogénéisant les descriptions des phytolithes de non-graminées. De ce fait, les descriptions et les significations taxonomiques sont très hétérogènes ; c’est pourquoi elles sont peu utilisées.

Rôle dans le cycle du silicium[modifier | modifier le code]

Le Silicium est le deuxième élément le plus important de la croûte terrestre après l’oxygène. On le retrouve dans les compartiments végétation/sol, rivières, et océans (sédiments, eau de mer, organismes marins).


Schéma des phytolithes dans le cycle global du silicium


Les roches silicatées se dissolvent en acide silicique au contact de l’eau selon la réaction :

2 CO2 + 3 H2O + CaSiO3 Ca2+ + 2 HCO3- + H4SiO4° (aq)

2CO2+ 3H2O + MgSiO3→Mg2++ 2HCO3-+ H4SiO4


L’acide silicique (H4SiO4) est un donneur de protons très important dans les sols et leurs matériaux parentaux. Cette réaction consomme du carbone atmosphérique (CO2), et le transforme en carbone dissout (HCO3-) transporté par les eaux de surface jusqu'aux océans. Dans l'océan, les ions bicarbonate (HCO3-) précipitent en carbonate de calcium. L'altération des silicates constitue donc un puit de carbone.

Dans le cycle biogéochimique du silicium, on peut distinguer 2 phases, l’absorption et la restitution de cette matière minérale au sol.

Absorption[modifier | modifier le code]

Avant de rejoindre les eaux de surface, l’acide silicique dissout des eaux interstitielles du sol peut être intercepté par les racines des plantes au niveau de la rhizosphère. Il est transporté vers les parties aériennes de la plante sous forme passive en s’associant avec le flux de sève sous forme de gel de silice.

Par dessiccation progressive liée à la transpiration du végétal et à une augmentation de pH, le gel va précipité sous forme d’opale, silice hydratée amorphe. Les cristaux ainsi formés prenant la forme de cellules végétales, on les appelle phytolithes. La localisation des dépôts est liée aux propriétés cellulaires.

Restitution[modifier | modifier le code]

Les végétaux morts se déposent sous forme de litière sur les sols (litière forestière) ; les phytolithes sont alors libérés par dégradation des matières organiques. Le silicium contenu dans les phytolithes sera alors transféré au sol puis soit retenu dans les horizons du sol, soit exporté par lessivage.

Rôle dans les réservoirs sol et eau[modifier | modifier le code]

Les phytolithes participent aux apports en silicium du sol. La silice biogène peut se recombiner avec l’aluminium et former des argiles ; ainsi agrégée, elle peut facilement migrer dans le sol. Les quantités de silice mobilisées par les plantes peuvent donc jouer un rôle important dans les processus d’altération et de formation des sols. Les phytolithes ont en outre un effet stabilisant sur les composés organiques et les rendent inaccessibles aux processus de décomposition bactérienne.

La modélisation du cycle biogéochimique du silicium dans un système sol-végétation-eau par Bartoli, montre que la vitesse de dissolution des phytolithes au sein du sol contrôle la teneur en Si dans les eaux du sol.


La dissolution des phytolithes durant la minéralisation de la litière montre que le taux de dissolution de la matière organique est supérieur à celui de l’opale biogénique ce qui provoque un enrichissement en opale dans les litières décomposées. On peut alors émettre l’hypothèse d’une augmentation de l’exportation en silice par le départ de litière riche en phytolithes dans les ruissellements de surface et donc indirectement une accumulation dans les océans. Cet apport continental représente un intérêt majeur car le silicium dans l’eau de mer sert à la constitution du phytoplancton et tout particulièrement des “diatomées” dont le squelette est entièrement fait de silice (Meunier, 2006). Ces microorganismes consomment le CO2 dissous pour leur photosynthèse, ce qui en fait une pompe à carbone.


Applications[modifier | modifier le code]

Méthode d'étude[modifier | modifier le code]

Sur le terrain, les quantités échantillonnées sont variables selon l’abondance des phytolithes dans le sédiment. Aucune précaution supplémentaire n’est nécessaire hormis celles d’usage (profil fraichement dégagé, outils nettoyés…) car il n’y a pas de possible contamination par des phytolithes en suspension dans l’air.

Généralement les phytolithes extraits de sols proviennent de l’horizon A uniquement afin de pouvoir constituer de meilleures relations entre les assemblages phytolithiques modernes et la végétation.


Au laboratoire, l’étude des phytolithes se fait en deux étapes : l’extraction et l’observation. Même dans les échantillons riches en phytolithes il est nécessaire de les concentrer et de les isoler car ils sont beaucoup moins abondants que les particules détritiques. Tout d’abord les échantillons sont défloculés. Les particules grossières sont éliminées par tamisage et les argiles par sédimentation. On supprime également les carbonates de calcium (par attaque chlorhydrique) et la matière organique (par oxydation à l’acide nitrique ou à l’eau oxygénée). Enfin les particules minérales détritiques (de densité bien supérieure à 2,3 ; valeur maximale de densité des opales biogéniques) sont séparées des phytolithes par une méthode de flottation (à l’aide d’une liqueur dense de densité comprise entre 2,3 et 2,4).


Les phytolithes sont ainsi prêts pour l’observation. Celle-ci s’effectue généralement à l’aide d’un microscope de type pétrographique qui permet de contrôler la nature minéralogique des grains observés (contrairement à un microscope de type biologique). Le microscope électronique à balayage peut également être utilisé.


Archéologie[modifier | modifier le code]

Les phytolithes sont également utilisés en archéologie. En effet on retrouve dans certains matériaux de construction et pâtes céramiques des restes microscopiques de végétaux sous forme de particules d’opale. Les végétaux sont utilisés comme dégraissant des matériaux argileux et lors de la cuisson de la pâte la matière organique est détruite et ne subsistent que les opales biogéniques. Les phytolithes des graminées permettent une détermination des taxons d’une part et des différentes parties de la plante d’autre part. En effet les formes diffèrent selon qu’ils ont été produits au niveau de la tige, des feuilles ou des glumes/glumelles. A partir des phytolithes présents dans les céramiques on peut donc savoir sous quelle forme la plante a été ajoutée à la pâte (paille, résidus de traitement des céréales). Ces indications permettent ainsi une interprétation des systèmes techniques et économiques concernant les sous produits agricoles (leur production, leur utilisation et leur valeur économique). Il est également possible, sans les identifier strictement, de connaitre le type d’outils utiliser pour traiter ces sous produits céréaliers. Les graminées et plus particulièrement les céréales sont les végétaux les plus utilisés comme dégraissant et ce sont eux qui contiennent le plus de phytolithes. En d’autres termes les phytolithes sont les témoins archéobotaniques les mieux préservés et les plus fréquents dans les matériaux argileux permettant une bonne reconstitution de l’économie végétale en particulier les systèmes utilisés et les activités agricoles.

Les phytolithes sont également utilisés dans des études d’archéopédologie car ils permettent la reconstitution de couvertures végétales et la caractérisation des activités humaines. En effet ils sont abondants dans les horizons de labour et en faible quantité dans les horizons de jardin et de prairie. De plus la présence et la fréquence de phytolithes de céréales cultivées dans des horizons de labour permettent d’identifier les pratiques agricoles. Les phytolithes contribuent donc à l’étude de l’anthropisation des paysages.

La présence de carbone organique piégé dans les phytolithes, permet également des analyses C12/C13 (Kelly et al ;, 1991) et des datations par la méthode du carbone 14 (Wilding et al., 1967).


Reconsitution paléo-environnementale[modifier | modifier le code]

Dans certaines zones les reconstitutions paléo climatiques et les modélisations de la végétation sont restreintes notamment en zone intertropicale où les marqueurs de végétation courants apprécient mal les formations herbacées actuelles. Des études montrent que les données phytolithiques peuvent être associées à la méthode de biomisation pollinique afin de reconstituer les paléo-environnements.

La méthode de biomisation permet d’estimer des biomes (ou aires biotiques) grâce à des données polliniques. Cette technique est couramment utilisée en écologie et donne de bons résultats pour la reconstitution de biomes forestiers. Cependant les biomes herbacés, plus répandus sur les continents, sont mal caractérisés par les pollens. Les phytolithes permettent de reconstituer les paléo-environnement de type formations herbacées intertropicales, tempérées et méditerranéennes par l’étude des assemblages phytolithiques, modernes et fossiles, provenant de sols et de sédiments. En couplant la dynamique des formations herbacées ainsi obtenues par les outils phytolithiques à la méthode de biomisation pollinique la reconstitution précise de la végétation est alors possible.


Les phytolithes sont particulièrement abondants, différents et distincts dans les graminées ou poacées. C’est pourquoi les caractères taxonomiques des phytolithes de Poaceae sont les plus utilisées pour les reconstitutions paléo-environnementales car chaque sous-familles est caractéristiques d’un environnement particulier. Par exemple, les Pooideae (Poaceae à cycle photosynthétique en C3) sont des graminées adaptées aux zones froides, tempérées ou d’altitudes alors que Chloridoideae (Poaceae à cycle photosynthétique en C4) sont caractéristiques des milieux chauds et humides.


Cependant on observe des caractères de multiplicité et de redondance affectant les productions de phytolithes ce qui rend difficile la reconstitution paléo-environnementale par la constitution de classification de référence. En effet un même phytolithe peut être produit par plusieurs taxons et un même taxon peut produire différents phytolithes. C’est pourquoi les assemblages phytolithiques doivent être interpréter dans leur globalité pour la reconstitution de biome herbacé. L’utilisation de la valeur taxonomique des phytolithes comme traceurs de l’histoire de l’environnement ne s’est développée que récemment et de plus en plus d’études tendent à améliorer cette méthode.


Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • A. Alexandre, Phytolithes, intércations sol-plante et paléoenvironnement, 1996.
  • R. Mathieu, Etude des phytolithes par micro-spectrometrue infrarouge : application à l’origine des Mascareignites (île de la Réunion), 1995.
  • C. Delhon, Potentiel de l’analyse des phytolithes contenus dans les pâtes céramiques et les matériaux de construction, Cahier des thèmes transversaux ArScAn (vol. VII) 2005 – 2006.
  • L. Bremond, Calibration des fonctions de transfert entre assemblage phytolithiques, structure des végétations et variables bioclimatiques actuelles, pour l’intégration de la dynamique des biomes herbacés dans les modèles de végétation, 2003.
  • L. Vrydaghs, Phytolithes d’opale des terres noires bruxelloises: prairies et labours entre les 10e et 13e siècles, search Team in Archaeo- and Palaeo- Sciences, Belgique.
  • B. Delvaux, Introduction à l’ingénierie da la biosphère, BIR 1230, 2009.
  • J-D. Meunier, La silice, une bienfaitrice peu connue des plantes, ECHOS SCIENCES, numéro 3, juillet 2006.
  • J-E Brochier, Les phytolitaires.
  • G. Pedro, Cycles biogéochimiques et écosystèmes continentaux, Académie des sciences, 2007.


Liens externes[modifier | modifier le code]