Lhassa, étoile-fleur

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Lhassa, étoile-fleur
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167Voir et modifier les données sur Wikidata
ISBN 10
0-885-66031-5Voir et modifier les données sur Wikidata

Lhassa, étoile-fleur est la version en français parue en 1976 de Lhasa, the Open City: A Journey to Tibet[1], compte rendu que l'écrivain d'origine chinoise et belge Han Suyin fit de son séjour à Lhassa dans la région autonome du Tibet en octobre-novembre 1975[2]. L'écrivain et journaliste Max Olivier-Lacamp, qui signe la préface de l'ouvrage, collabora à son édition en français. Le titre renvoie à l'image du « Toit du Monde, où les étoiles sont fleurs à portée de main »[3][source insuffisante][4],[5].

Han Suyin avait été la première étrangère autorisée à se rendre au Tibet une fois la révolution culturelle terminée. Sa famille chinoise, habitant le Sichuan, avait entretenu des rapports (commerce du thé) avec le Tibet pendant plus de deux siècles[6],[7][source insuffisante].

L'ouvrage est considéré par Patrick French, Peter Bishop et Warren W. Smith Jr comme relevant de la propagande chinoise.

Contexte historique[modifier | modifier le code]

Seul quelques journalistes occidentaux favorables aux Chinois furent autorisés dans les années 1950 et au début des années 1960 à visiter Lhassa et ont publié des récits enthousiastes sur des réformes dont ils sont témoins, comme Alan Winnington (en) en 1955, Anna Louise Strong en 1960 et Stuart et Roma Gelder en 1962.[pertinence contestée] Vers la fin de la révolution culturelle au Tibet, des visiteurs sympathisants sont de nouveau autorisés à visiter le Tibet, comme Han Suyin, qui écrit Lhassa, étoile-fleur en 1976 et Felix Greene, qui réalise Tibet (1976) un film documentaire sur sa visite[8],[9].

Contenu[modifier | modifier le code]

Selon la professeur de chimie polonaise Teresa Kowalska (pl), traductrice en polonais d'ouvrages de Han Suyin, cette dernière rappelle, dans Lhassa, étoile-fleur, la vassalisation ancienne du Tibet par rapport à la Chine, puis les machinations ourdies par les Britanniques pour conquérir les contrées himalayennes stratégiques, dont le Tibet. Elle fait l'éloge des progrès matériels réalisés sous la direction des communistes chinois, du passage d'une théocratie médiévale arriérée à une société laïque éduquée et productrice »[10]. Toujours selon Kowalska, « en tant que médecin, elle fait état de certaines superstitions de l'ancien Tibet, comme l'autodafé des mères qui accouchaient de jumeaux, triplés, quadruplés, etc., naissances qui étaient considérées comme étant la punition de graves péchés ainsi qu'un signe de très mauvais augure qu'il fallait éradiquer sur le champ. Également l'obligation faite aux Tibétaines d'accoucher dans l'étable et d'y rester pendant la prétendue période de purification, pratique qui se soldait souvent par l'infection et la mort de la parturiente »[11].

Le journaliste et tibétologue anglais Robert Barnett, dans Lhasa: Street with memories (2010), fait état de la description que livre Han Suyin de la ville à l'époque du séjour de l'écrivain : l'architecture n'a pas changé mais quelques vieux bâtiments ont disparu ; la nouvelle Lhassa s'agrandit tandis que l'ancienne rétrécit ; les nouveaux bâtiments auront tout le confort moderne (des latrines et l'eau courante). Si elle craint que leur architecture ne se conforme au style fonctionnel chinois, elle remarque toutefois que les maisons appartenant à la noblesse tibétaine sont intactes et entretenues[12].Robert Barnett rapporte également les propos de Han Suyin sur le progrès de l'hygiène publique à Lhasa au milieu des années 1970 : alors qu'en 1962 on se soulageait encore dans la rue, les autorités municipales avait désormais construit de discrètes latrines publiques peintes en blanc et orange (mais sans papier toilette) et instauré le ramassage des ordures. Barnett précise que ces mêmes installations avaient cédé la place, en 2005, à des bâtiments de style tibétain[13].

Accueil critique[modifier | modifier le code]

Peter Bishop, l'auteur de The Myth of Shangri-La (1989), met Lhassa, étoile-fleur dans ce qu'il appelle « la catégorie de la propagande chinoise »[14]. Selon lui, la représentation des Tibétains dans Lhassa, étoile-fleur est l'une des rares à louer « les effets de l'occupation chinoise »[15].

Le journaliste et écrivain Claude Arpi, directeur du pavillon de la culture tibétaine à Auroville, considère que cet ouvrage permet de connaitre le point de vue chinois sur le Tibet[16].

L'écrivain et biographe britannique Patrick French indique que, jusqu’au début des années 1980, personne ne pouvait se rendre au Tibet sans un visa spécial de Pékin. Lhassa, étoile-fleur, publié en 1976, fait partie de ces ouvrages « honteux tant ils sont mensongers » qu’écrivaient dans les années 1960 et 1970 les sympathisants de la Chine communiste qui s’étaient rendus au Tibet strictement encadrés par des guides chinois, et qui se félicitaient de la politique qu’y menait le régime[17].

Warren W. Smith Jr, historien du droit et animateur au service tibétain de Radio Free Asia[18], a fait une analyse critique de Lhassa étoile-fleur, où il écrit notamment que « le ton prédominant du livre est celui du chauvinisme Han tempéré par une préoccupation bienveillante pour les pauvres Tibétains arriérés. »[19]. Au début des années 1980, le Tibet fut ouvert à nombre d'autres observateurs moins réceptifs à l'égard des affirmations chinoises d'avoir libéré les Tibétains. Selon cet auteur, les récits comme ceux d'Han Suyin, affirmant que tout allait bien au Tibet et que les Tibétains étaient des sujets heureux de la Chine, sont apparus comme très éloignés de la vérité[20].

Dans son livre Les réfugiés tibétains en Inde: Nationalisme et exil (2015), la docteur en relations internationales Anne-Sophie Bentz affirme que Han Suyin, comme d'autres auteurs chinois, décrit le Tibet féodal selon son imagination, pour ensuite le comparer au Tibet après la « libération » de 1951. Elle consacre les deux premiers chapitres de Lhassa, étoile-fleur aux conditions de vie des habitants du Tibet féodal pour faire ensuite l'apologie élogieuse des réformes chinoises après la « libération »[21].

Selon Bertil Lintner, elle y reproduit la version officielle chinoise sans critique[22].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Lhasa, the Open City: A Journey to Tibet, Putnam, New York, 1976, 180 p.
  2. (en) Warren W. Smith Jr, China's Tibet?: Autonomy or Assimilation, AltaMira Press, U.S., 16 mai 2008, (ISBN 0-7425-3989-X) : « It is an account of a visit by author Han Suyin to Lhasa in October-November 1975. »
  3. Présentation du livre sur la page 4 de couverture.
  4. Un des noms de de l'Edelweiss originaire d' Asie est « Silver star » (Étoile d'argent)House of Switzerland Jessica Davis Pluess L’aura mystique et mythique de l’edelweiss (consulté le 17 août 2023)
  5. Le terme étoile-fleur est employé par les surréalistes, ainsi ce court extrait d'un poème antérieur à l'étude : « Etoile - fleur dans sa robe à serrure, / Etoile - fleur de jour au corsage qui chante, / Etoile aux longs pieds de ...  » (Affichage d'extrait de La Femme et le surréalisme de José Pierre et Lourdes Andrade, Musée cantonal des beaux-arts, Lausanne, 1987, 545 pages).
  6. (en) Book Description (présentation du livre par l'éditeur) : « In October and November 1975 Han Suyin visited Tibet, the region of China which lies next to her own province of Szechuan. Her family in Szechuan had had links with Tibet for over two centuries, and Szechuan itself harbours a great many Tibetans, whose families have lived there for ten centuries or more. This was the first time since 1962, when the English journalist Stuart Gelder and his wife Roma visited Tibet, that a visitor from abroad was admitted to the region. »
  7. « Depuis mon enfance, je connaissais bien des choses sur le Tibet. Mon père me parlait souvent du commerce du thé avec Lhassa, qui avait duré deux siècles dans notre famille », p. 14.
  8. (en) Robert Barnett, op. cit. , p. 145 : « In the 1950s and early 1960s a number of Western journalists sympathetic to the Chinese were allowed to visit Lhasa and published admiring accounts of contemporary reforms that they witnessed. These include Alan Winnington, Tibet (New York: International Publishers, 1957); Anna Louise Strong,When Serfs Stood up in Tibet (Beijing: New World Press, 1960); and Stuart and Roma Gelder, Timely Rain Travels in New Tibet (London: Hutchinson, 1964). Toward the end of the Cultural Revolution, sympathetic visitors were again allowed to visit Tibet, such as Han Suyin, who wrote Lhasa, the Open City: A Journey to Tibet (New York: Putnam, 1977) and Felix Greene, who produced a documentary film of his visit, Tibet (1976). »
  9. (en) Warren Smith, Tibetan Nation, , 784 p. (ISBN 9781000612288, lire en ligne), p. 506.
  10. (en) Teresa Kowalska, « Han Suyin » (version du sur Internet Archive), sur le site Voices from the Gap de l'Université du Minnesota : « She reminds the historical, many centuries long and so to say natural vassalage (or gravitation) of Tibet toward China and then the nineteenth-century British machinations, aimed at a strategic conquer of all the immediate environments of Himalaya (Tibet included). She praises a perceptible, huge material progress of Tibet under the Communist Chinese rule, in fact transformation of Tibet from a backward, medieval theocracy into the capable, educated, and productive lay society. »
  11. Teresa Kowalska, op. cit. : « As a medical doctor, she recalls multiple abhorring prejudices from Tibet's not very distant religious past, like a compulsory auto da fa of these mothers (obviously, along with their new-born babies), who had just delivered twins, or any higher multiplets. Such deliveries in the traditional Tibetan culture had been recognized as a severe punishment for human sins and a particularly bad omen, which needed to be eradicated from the earth's surface immediately. Another prejudice of a similar sort consisted in forcing Tibetan women to delivering their babies in the yak-sheds and then to remaining in those filthy and repulsive hiding-places for the so-called purification period, the practise which often ended with the confined woman's infection and death. »
  12. (en) Robert Barnett, Lhasa: Street with memories, Columbia University Press, 2010, 219 p., p. 164.
  13. (en) Robert Barnett, op. cit. , p. 169 : « City toilets: Han Suyin discusses toilet practices and toilet paper in the mid-1970s in her book Lhasa, the Open City, where she claims that Tibetans still were defecating in the street as late as 1962, thirteen years before her visit. There was no domestic drainage system and no arrangemnt for the disposal of sewage... in 1975 this was changed, with the institution of inconspicuous public latrines and the system of removal" (38) (...). By 2005 the white and orange toilets had been replaced by more attractive buildings in Tibetan style. »
  14. (en) Peter Bishop, The Myth of Shangri-La: Tibet, Travel Writing, and the Western Creation of Sacred Landscape, University of California Press, 1989, (ISBN 0520066863 et 9780520066861), p. 287 : « H. Suyin's Lhasa: The Open City (New YorkPutnam, 1977) unfortunately has to be classed in the category of Chinese propaganda ».
  15. (en) Thierry Dodin et Heinz Rather, Imagining Tibet : Perceptions, Projections, and Fantasies, , 465 p. (ISBN 9780861711918, lire en ligne), p. 221.
  16. Claude Arpi L'essentiel pour connaitre le point de vue chinois, Tibet, le pays sacrifié, 2000.
  17. Patrick French, Tibet, Tibet, une histoire personnelle d'un pays perdu, 2003, p. 294 : « ...la publication d’ouvrages aussi honteux tant ils sont mensongers que Tibet Transformed de Israel Epstein, When Serfs Stood Up in Tibet de Anna Louise Strong ou au livre au titre carrément ridicule de Han Suyin, Lhassa, ville ouverte. Les « amis étrangers » se voyaient accablés de statistiques douteuses et escortés pour une brève excursion potemkinisée par des responsables du Parti qui les conduisaient dans une ferme modèle, un hopital modèle. D'anciens « serfs » étaient toujours là, disposés à raconter des histoires terribles sur les maux qu'ils avaient soufferts sous l'ancien régime » (Lhassa, ville ouverte, traduit en français sous le titre de Lhassa, étoile-fleur).
  18. (en) Warren W Smith Profile, Comment is free…, Guardian online.
  19. Warren W. Smith Jr, op. cit. : « The predominant tone of the book is one of Han Chinese chauvinism tempered by benevolent concern for the poor backward Tibetans. »
  20. Warren W. Smith Jr, op. cit. : « Shortly thereafter, in the early 1980s, Tibet opened to many who were much less sympathetic to Chinese claims to have liberated the Tibetans from themselves. The accounts of those such as Han Suyin, who wrote that everything was fine in Tibet and Tibetans were happy subjects of China, were exposed as being far from the truth. »
  21. Anne-Sophie Bentz (préf. Christophe Jaffrelot), Les réfugiés tibétains en Inde : nationalisme et exil, Paris, Presses universitaires de France, , 264 p. (ISBN 978-2-13-058580-0), p. 90.
  22. (en) Bertil Lintner, Great Game East: India, China, and the Struggle for Asia's Most Volatile, Yale University Press, 2015, (ISBN 0300195672 et 9780300195675), p. 18.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]