Colonialisme et Jeux olympiques modernes

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Pierre de Coubertin en 1921.

Les Jeux olympiques modernes sont souvent sujets à de nombreuses polémiques. Le fondateur des Jeux modernes, le baron Pierre de Coubertin était ouvertement pro-colonialisme. Depuis leur fondation, l'histoire des Jeux olympiques modernes est alors parsemée de nombreux problèmes liés au colonialisme.

Histoire du colonialisme dans les Jeux olympiques modernes[modifier | modifier le code]

Le baron Pierre de Coubertin, né le 1er janvier 1863 à Paris est issu de la famille Fredy, une riche famille originaire de Rome qui a vu sa branche française anoblie en 1629. Pierre de Coubertin quitte la France pour la Suisse, à Lausanne, après le début de la guerre, en 1915. Il s'éteindra le 2 septembre 1937 à Genève à l'âge de 74 ans.

Tout au long de sa vie, il a fait de la promotion du sport son cheval de bataille, promulguant des idées ambivalentes qui étaient parfois progressistes et humanistes, notamment avec la promotion du sport pour tous et parfois réactionnaires avec des avis tranchés soutenant le colonialisme, parfois la misogynie et soutenant implicitement le régime nazi.

Cas marquants liés au colonialisme dans les Jeux olympiques modernes[modifier | modifier le code]

Les premiers Jeux olympiques ont lieu symboliquement à Athènes en 1896. Les premiers scandales éclatent lors des Jeux Olympiques de Saint-Louis en 1904, alors seulement la troisième édition des Jeux modernes.

Cette édition a lieu en marge de l'exposition universelle qui avait lieu au même endroit et en même temps. Elle fut marquée par l'organisation des "Journées anthropologiques" qui étaient réservées exclusivement aux personnes issues de "tribus sauvages" considérées comme "moins civilisées". Ces journées, ressemblant beaucoup aux zoos humains. Les athlètes étaient logés dans des maisons représentant leur "habitat naturel", aux yeux de tous les visiteurs blancs, et devaient participer à des épreuves sportives essentiellement basées sur la démonstration de la force pure. Lors des différents jours, les blancs pouvaient observer également athlètes noirs participer à des épreuves crées essentiellement pour eux comme un concours d'escalade d'arbres, une compétition de lancer de boue ou des combats entre les tribus autochtones Mohawk et Sénécas, par exemple[1]. Bien que Pierre de Coubertin se soit opposé publiquement à la tenue de ces journées, d'après la théoricienne Susan Brownell l'inclusion des zoos humains dans les expositions universelles et les Jeux olympiques était inévitable, les deux événements partageant la même "logique sous-jacente de supériorité blanche"[2].

Durant les différentes éditions suivantes, il arrivait que les métropoles des pays colonisateurs envoient des athlètes issus de leurs colonies pour défendre leurs couleurs. Pierre de Coubertin, bien avant les premiers mouvements d'indépendance, lance un appel au développement du sport en Afrique avec, comme titre, "Le sport veut conquérir l'Afrique"[3]. Il émet alors l'idée de créer des jeux régionaux, les Jeux Africains, qui auraient lieu en 1927 à Alexandrie, en Egypte. Cette volonté de développer le sport n'a pas pour but d'émanciper les athlètes africains mais, au contraire, d'asseoir l'autorité occidentale sur les pays colonisés. Les Jeux furent toutefois reportés à 1929 à cause de retards dans les travaux du Stade d'Alexandrie. Ils furent finalement annulés car, d'après Pierre de Coubertin, les métropoles craignent qu'une "victoire de la race dominée sur la race dominatrice" soit exploitée par la population locale comme "un encouragement à la rébellion". Cependant, Pierre de Coubertin s'oppose à cet avis car il y voyait plutôt l'opportunité d'apporter la "civilisation sportive"[4]. Finalement, les Jeux Africains feront leur première apparition plus de 30 ans plus tard, en 1965, à Brazzaville, après les Jeux panarabes et les Jeux Méditerranéens.

Les Jeux olympiques de 1936, organisés à Berlin par le gouvernement nazi d'Adolf Hitler, sont utilisés comme un instrument politique afin de promouvoir le racisme et l'antisémitisme. En effet, Hitler était intimement convaincu de la domination de la race aryenne lors de ces Jeux. Cependant, Jesse Owens, un athlète noir américain, y gagna 4 médailles en sprint et saut en longueur, ce qui eut pour effet de vexer Hitler et qui s'inscrivit comme un symbole marquant de l'histoire des Jeux olympiques modernes. Pierre de Coubertin, bien que retiré du Comité International Olympique lors de ces Jeux, apporta son soutien implicite au gouvernement nazi, en effectuant sa promotion et un discours glorifiant les capacités organisationnelles et idéologiques du Troisième Reich[5].

Tommie Smith et John Carlos levant le poing lors de leur podium aux Jeux Olympiques de 1968.

À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’Afrique, meurtrie par la mobilisation des colonies par les métropoles et soutenue par la progression du communisme, peut voir les prémices de son indépendance. En effet, de nombreux pays colonisateurs déclarent leur intention d’offrir une compensation politique, économique ou sociale à leurs colonies[6]. Cela entraîna le premier mouvement recensé dans l’histoire et ayant déclenché la décolonisation de l’Afrique qui débute avec le Ghana en 1957. Cet élan déclenche un phénomène d’emballement pour les autres colonies africaines qui atteint son apogée en 1960[7]. Les années 1960 s’inscrivent comme un moment historique de l’histoire africaine aux Jeux Olympiques. En effet, grâce à la décolonisation, un athlète Ethiopien, Abebe Bikila, devient le premier médaillé d’or Africain noir lors du marathon de Rome[8].

En 1968, le CIO décide d’inviter l’Afrique du Sud, un pays pro-apartheid, aux Jeux suivants. Cependant, cette décision sera retirée face à une violente réaction populaire et l’Afrique du Sud fut bannie des Jeux jusqu'en 1990, après la libération de Nelson Mandela[8]. Lors de l'édition des Jeux de Mexico cette année-là, marquée par de nombreux épisodes de violence raciale, Tommie Smith et John Carlos, deux athlètes afro-américains terminant respectivement premier et troisième, lèvent le poing en signe de contestation politique face à la ségrégation raciale lors de la remise des médailles ce qui valut aux deux athlètes d'être exclus à vie des Jeux olympiques. Malgré ces conséquences à court terme, ce geste s'inscrivit comme un symbole de protestation dépassant largement le domaine du sport olympique et eut des répercussions sur le reste de l'histoire du sport.

Le colonialisme moderne[modifier | modifier le code]

De nos jours, il reste des bribes des conséquences du colonialisme dans les Jeux olympiques qui prennent une forme plus implicite, essentiellement à travers le racisme. Nous pouvons par exemple citer le cas de Surya Bonaly, patineuse artistique noire, qui déclare à Eurosport : « Si j'avais été blanche ou Américaine, j'aurais peut-être gagné une médaille d'or aux JO ou aux championnats du monde»[9], en 1994.

Le colonialisme dans la capitale olympique[modifier | modifier le code]

Le Stade Pierre-de-Coubertin à Vidy.

Lausanne, officiellement déclarée comme capitale olympique, compte de nombreux lieux liés au mouvement olympique à travers la ville.

Traces implicites[modifier | modifier le code]

Cependant, les traces physiques du colonialisme n'y sont que très peu présentes. En effet, les seuls témoins du colonialisme sont souvent implicites, en connaissant l'histoire de Pierre de Coubertin notamment, nom que nous retrouvons souvent dans Lausanne avec le Stade-Pierre-de-Coubertin, l'Avenue Pierre de Coubertin, le buste de Pierre de Coubertin à l'Esplanade de Montbenon ou la tombe de Pierre de Coubertin dans le cimetière du Bois-de-Vaux.

Traces explicites[modifier | modifier le code]

Au niveau des traces plus explicites, elles sont plus rares et difficiles à dénicher. Nous pouvons en trouver essentiellement au Musée olympique dans lequel les journées anthropologiques, la polémique des jeux nazis ou le poing levé de Mexico sont mentionnés. Il est également possible de trouver de nombreuses mentions liées au colonialisme dans les documents d'archives disponibles au Centre d'Etudes Olympiques.

De manière générale, il semble toutefois que le point du colonialisme est, soit grandement occulté dans ce qui est transmis au grand public par les instances olympiques (le pro-colonialisme de Pierre de Coubertin ou la polémique des Jeux Africains, par exemple), soit présenté de manière positive (les mouvements d'indépendance, le poing levé à Mexico, etc.).

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Nate Dimeo, « Olympic-Sized Racism », sur Slate,
  2. (en) Susan Brownell, The 1904 Anthropology Days and Olympic Games: Sport, Race, and American Imperialism (Critical Studies in the History of Anthropology), Lincoln, Nebraska, Hardcover, , 490 p., p. 29
  3. Pierre de Coubertin, « Appel de Pierre de Coubertin pour le développement du sport en Afrique » (Document d'archive), Centre d'Etudes Olympiques,‎
  4. Pierre de Coubertin, « Colonisation sportive », Bulletin du Bureau International de Pédagogie Sportive, no 5,‎ , p. 12-14
  5. Daniel Bermond, Pierre de Coubertin, Paris, Éditions Perrin, , 429 p.
  6. Catherine Coquerie-Vidrovitch, « De la décolonisation à l'indépendance », L'Afrique noire, de 1800 à nos jours,‎
  7. Pierre Brocheux, Samya El Mechat, Marc Frey, Karl Hack, Arnaud Nanta, Solofo Randrianja, Jean-Marc Regnault, « Les décolonisations au XXe siècle : La fin des empires européens et japonais », Armand Colin,‎
  8. a et b Mustapha Kessous, « Les 100 histoires des Jeux olympiques », Presses Universitaires de France,‎
  9. Eurosport, « Surya Bonaly : "Si j'avais été blanche ou Américaine, j'aurais peut-être gagné une médaille d'or aux JO ou aux championnats du monde" », sur Eurosport (consulté le )