Amphore

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Amphore
Amphores au château de Bodrum en Turquie.
Amphorisque en verre, Méditerranée orientale, IIe – Ier siècle av. J.-C..

L'amphore est, dans l'Antiquité, le récipient le plus utilisé pour le transport de produits de base : le vin, l'huile d'olive, la bière (zythum et zythogala) et les sauces de poissons (de type garum).

D'usage extrêmement courant dans le pourtour méditerranéen, on la trouve parfois réutilisée, soit broyée afin d'entrer dans la composition du mortier au tuileau romain, soit telle quelle comme canalisation ou pour ménager un vide sanitaire. Parfois, elle sert de cercueil pour une sépulture d'enfant. Enfin, on la jette souvent dès que son contenu est consommé : c'est ainsi que le mont Testaccio s'est formé de l'accumulation de débris d'amphores à Rome.

Dans le domaine de l'archéologie, l'amphorologie est une spécialité très développée. L'existence d'un grand nombre de types répertoriés d'amphores, leur évolution sur une longue durée et une vaste zone dans l'Antiquité constituent un élément important de datation établie par la chrono-typologie.

L'amphore quadrantal est une mesure de capacité pour des liquides. Elle est équivalente à un pied cube.

La jarre actuelle est une amphore de terre cuite, de forme ovoïde et de différentes dimensions, où l'on conserve l'eau, l'huile, les olives.

Le kvevri (en géorgien : ქვევრი) (également orthographié qvevri) est une grande jarre / amphore de terre cuite, d'une contenance de 800 à 3 500 litres, originaire de la Géorgie. Il ressemble à une amphore sans poignées ; l'intérieur est tapissé d'une couche de cire d'abeille assurant l'étanchéité. Souvent enfoui sous le niveau du sol, il est utilisé pour la fermentation et le stockage du vin. Les plus anciens datent d'environ 6 000 ans avant notre ère.

L'amphorisque est une amphore d'origine grecque de petite taille destinée à contenir principalement des onguents et parfums. Pourvue de deux anses (voir ci-dessous l'étymologie du mot amphore) latérales, reposant sur un petit pied ou dépourvue de pied, elle est proche du modèle panathénaïque avec un corps qui s'évase vers le haut tandis que le col est étroit.

Étymologie

Le mot français amphore est un emprunt du grec ancien ἀμφορεύς (amphoreús), tiré par aphérèse du mot ἀμφιφορεύς (amphiphoreús), composé de l'adverbe ἁμφί (amphí-), des deux côtés et du radical φορ- (phor-) dérivé du verbe φέρω (phérô), porter.

Histoire

L'amphore apparaît au IIIe-IVe millénaire av. J.-C. au Proche-Orient où l'insuffisance de forêts, source de bois, favorise la fabrication de récipients en terre cuite. Les Phéniciens découvrent et utilisent l'amphore vers 1500 av. J.-C.. La substitution progressive du tonneau aux amphores (dont les inconvénients — poids, fragilité, peu empilable — en font un récipient peu pratique) à partir du IIIe siècle de notre ère, a fait parfois disparaître une source précieuse pour l'écriture de l'histoire économique de l'Antiquité.

De nombreuses amphores de l'Antiquité romaine sont découvertes au sein du comblement de plusieurs « puits funéraires »[1]. La consommation de vin se démocratise lors de l'élévation du niveau de vie des classes moyenne romaines suite aux conquêtes. D'immenses domaines vinicoles sont créés (cf la ferme esclavagiste de Settefinestre (en) en Toscane) et l'enrichissement de la classe sénatoriale est telle qu'est votée la Lex Claudia qui interdit l'affrètement « de navires excédant une capacité de 300 amphores », afin que des familles aristocratiques ne deviennent trop dominantes[2]. Le vin était exporté en amphores dans de grands navires[3] ou de petits navires équipés de dolia[n 1], à poste fixe dans la cale[4].

L'usage des amphores est poursuivi à l'époque tardive, jusqu'aux premiers de l'empire byzantin, notamment dans le bassin oriental de la Méditerranée[5].

Interprétation archéologique

C'est le caractère jetable des amphores qui fait leur valeur archéologique pour l'amphorologie : sauf réemploi dans une maçonnerie ou exception, une amphore n'était pas réutilisée à une période différente de celle de sa fabrication et de sa consommation. Objets de céramique, les tessons d'amphores sont quasiment indestructibles. Par des analyses chimiques, il est possible de retrouver leur lieu de fabrication. La reconstitution de l'histoire de l'évolution des formes d'amphores a débouché sur des classements typologiques qui correspondent aussi à une chronologie. À la forme des amphores, il faut ajouter d'autres éléments de typologie : des sceaux, appelés timbres amphoriques, gravés dans l'argile ou des gravures ou encore des marques peintes. Ainsi les amphores portant la marque Sestius furent produites vers Cosa en Étrurie romaine et exportées vers la Gaule du Sud à l'époque de Cicéron.

Amphore du type Dressel 1B
Légende : 1 : lèvre - 2 : col - 3 : anse - 4 : épaule - 5 : panse - 6 : pilon ou pied.

À partir d'un tesson d'amphore un archéologue peut dater, à quelques décennies près souvent mais parfois bien plus précisément, la couche stratigraphique où le tesson a été retrouvé, ou encore l'épave du navire qui les contenait. Ainsi les amphores d'époque romaine portent des noms et une numérotation qui permettent aux archéologues de les retrouver dans la typologie et de les dater. Ces noms renvoient souvent aux savants qui ont établi la chronologie (Heinrich Dressel, Pascual) où à l'origine de l'amphore (Gauloise). Les amphores Dressel[6] 1a et 1b sont typiques des amphores vinaires de la fin de la république romaine. La Gauloise 4 est une amphore à fond plat qui correspond à l'essor du commerce du vin gaulois. Les amphores Dressel 20 correspondent à des amphores à huile. Reporter les trouvailles du même type d'amphore sur une carte peut alors permettre de retracer - si les trouvailles sont assez nombreuses - des flux commerciaux[7].

L'étude de ces amphores est relativement récente et s'est construite à partir des travaux de John Riley qui a défini, au début des années 1980, sept types d'amphores romaines tardives : Late Roman Amphoras (LRA1 à 7). Ces amphores tardives ont servi, dans leur grande majorité, à contenir du vin, leur étude attestant du dynamisme de ce commerce à cette époque et de son organisation autour de Constantinople et du commerce maritime. Si les zones de production sont de mieux en mieux identifiées et si la recherche a mis en évidence des phénomènes d'imitation, l'étude des amphores tardives en est encore largement à ses débuts[8].

Fabrication

Amphore
avec ses tituli picti.
Fichier:Sallèles-d'Aude Four de potier.jpg
Four de potier gallo-romain reconstitué, site de Sallèles-d'Aude
(musée « Amphoralis »)

L'amphore est fabriquée à partir d'argile épurée. Il faut de l'eau pour délayer l'argile, et du bois ou un autre combustible pour la cuisson. Le plus fréquemment, c'est le tournage qui est utilisé pour la façonner.

Afin de la fabriquer, le potier façonne d'abord un fût, puis y ajoute col, pointe, anses[9].

Une fois mise en forme, elle est mise à sécher au soleil, ou à défaut dans un lieu ventilé. Elle est ensuite mise à cuire pendant plusieurs heures.

Le poissage ou le cirage est parfois utilisé pour la rendre plus étanche : on verse à l'intérieur de la poix liquide ou de la cire, de manière à former un film imperméable. L'amphore conservant le vin est bouchée par une bourre de paille, recouverte d'une épaisse couche d'argile ou dès l'Antiquité par un bouchon de liège.

Sur la surface de certaines amphores sont peints des tituli picti (en), inscriptions qui donnent des informations sur leur origine, leur destination, le type de produit qu'elles transportent[10].

Une opinion répandue veut que le pied soit fabriqué en forme de cône pointu pour offrir à l'amphore une meilleure stabilité (on raconte ainsi à tort qu'elle est fichée dans le sable tapissant le fond des bateaux), en réalité ce pied est une poignée permettant une troisième prise au creux de la main pour verser son contenu[5].

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • [Laubenheimer 1990] Fanette Laubenheimer, Le temps des amphores en Gaule : Vins, huiles et sauces, Errance, coll. « des Hespérides », , 181 p. (ISBN 2877720292, résumé, présentation en ligne).
  • [Laubenheimer 1998] Fanette Laubenheimer, Les Amphores en Gaule, t. II : Production et Circulation, Presses universitaires de Franche-Comté, , 285 p..
  • [Laubenheimer 1991] Fanette Laubenheimer, « Des amphores et des hommes », Dialogues d'histoire ancienne, vol. 17, no 2,‎ , p. 257-271 (lire en ligne [sur academia.edu]).
  • [Laubenheimer 1993] Fanette Laubenheimer, « Des amphores et des hommes », Dialogues d'histoire ancienne, vol. 19, no 2,‎ , p. 365-383 (lire en ligne [sur academia.edu]).
  • [Laubenheimer 2002] Fanette Laubenheimer, « Des amphores et des hommes », Dialogues d'histoire ancienne, vol. 28, no 1,‎ , p. 155-173 (lire en ligne [sur persee], consulté le ), dont une bibliographie extensive sur le sujet.

Liens externes

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Notes et références

Notes

  1. Un chargement d'amphores venait compléter les espaces laissés libres à l'avant et à l'arrière.

Références

  1. Matthieu Poux, « Étude d’un « puits à amphores » d’époque gauloise à Paris (6e) », Bulletin - Association française pour l'étude de l'âge du Fer, no 16,‎ , p. 60.
  2. Antoine Pérez, La société romaine : des origines à la fin du Haut-Empire, Ellipses, , p. 68.
  3. Telles les deux épaves du Grand-Congloué. cf. Luc Long, « Les épaves du Grand Congloué. [Étude du journal de fouille de Fernand Benoit] », Archaeonautica, vol. 7, no 1,‎ , p. 9-36 (lire en ligne [sur persee]).
  4. Fanette Laubenheimer, Le Temps des amphores en Gaule : vins, huiles et sauces, Éditions Errance, , p. 118.
  5. a et b Fanette Laubenheimer, « Quand les amphores gallo-romaine circulaient aux quatre coins du monde », émission Le Salon noir sur France Culture, 6 février 2013
  6. « Amphora Types According to Dressel », sur abc.se (consulté le ).
  7. Françoise Mayet, « Quelques apports de l'archéologie sous-marine à l'étude du commerce romain », Nordic Underwater Archaeology,‎ (lire en ligne [sur abc.se], consulté le ).
  8. (en) Michel Bonifay et Jean-Christophe Tréglia, LRCW 2 : Late Roman Coarse Wares, Cooking Wares and Amphorae in the Mediterranean : Archaeology and Archaeometry, Archaeopress, (lire en ligne), p. 611-625.
  9. [Laubenheimer et Santonja 2001] Fanette Laubenheimer et Josep A. Gisbert Santonja, « La standardisation des amphores Gauloise 4, des ateliers de Narbonnaise à la production de Denia (Espagne) » (Colloque des 27-28 septembre 1996 (Sallèles d'Aude)), Collection de l'Institut des Sciences et Techniques de l'Antiquité, no 760 « 20 ans de recherches à Sallèles d'Aude »,‎ , p. 33-50 (lire en ligne [sur persee]), p. 37.
  10. (en) Marc Lodewijckx, Belgian archaeology in a European setting, Leuven University Press, (présentation en ligne), p. 179.