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Argumentum ad hominem

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La locution latine argumentum ad hominem sert à désigner un argument de rhétorique qui consiste à confondre un adversaire en lui opposant ses propres paroles ou ses propres actes[note 1]. Cette locution latine ne doit pas être confondue avec une attaque ad personam ou un argumentum ad personam qui est fréquemment considéré comme une manœuvre déloyale visant à décrédibiliser son adversaire sans lui répondre sur le fond. Une réplique ad personam s'oppose donc, en attaquant la personne, à un argumentaire ad rem qui s'attacherait aux faits.


Schopenhauer

L'argument ad hominem, ou ex concessis, est le 16e stratagème recensé par Arthur Schopenhauer dans son opuscule La Dialectique éristique[1] :

« Quand l’adversaire fait une affirmation, nous devons chercher à savoir si elle n’est pas d’une certaine façon, et ne serait-ce qu’en apparence, en contradiction avec quelque chose qu’il a dit ou admis auparavant, ou avec les principes d’une école ou d’une secte dont il a fait l’éloge, ou avec les actes des adeptes de cette secte, qu’ils soient sincères ou non, ou avec ses propres faits et gestes. Si par exemple il prend parti en faveur du suicide, il faut s’écrier aussitôt : « Pourquoi ne te pends-tu pas ? » Ou bien s’il affirme par exemple que Berlin est une ville désagréable, on s’écrie aussitôt : « Pourquoi ne prends-tu pas la première diligence ? » »

Robrieux, Dupriez

Selon Jean-Jacques Robrieux (Éléments de rhétorique et d'argumentation, Dunod, 1993, p. 143), l'argument ad hominem consiste au contraire « à raisonner avec un interlocuteur ou un auditoire sur la base de ses convictions propres, de ses préjugés, et non sur celle des jugements universels ». De même Bernard Dupriez dans son Gradus explique que l'argument ad hominem « ne vaut que contre l'adversaire que l'on combat, soit que cet argument se fonde sur une erreur, une inconséquence ou une concession de l’adversaire, soit qu’il vise tel ou tel détail particulier à l’individualité ou à la doctrine de celui-ci. » Dupriez cite en note la définition de Littré, qui revient à celle de Schopenhauer, en précisant: « C'est un sens très spécifique et qui rapproche le procédé de la rétorsion ».

Validité du procédé

Un argument ad hominem est a priori valable, mettant l'adversaire face à une contradiction entre ses actes et ses paroles d'une part et son argumentation d'autre part. Un exemple de preuve ad hominen est la réfutation du relativisme de Protagoras par Aristote dans la Métaphysique, IV, 4-5. Cette réfutation est au service de la démonstration indirecte du principe de contradiction. En effet, le relativiste n'accepte pas ce principe, c'est-à-dire qu'il admet la possibilité qu'une chose soit en même temps et sous le même rapport A et non-A. Par conséquent, pour Protagoras, tous les hommes sont également dans l'erreur et la vérité puisque rien ne peut être affirmé absolument de rien. En résumé, tout est relatif, à chacun ses opinions. On ne formulera pas de proposition universelle et nécessaire. On ne peut pas atteindre la vérité. Toute entreprise de connaissance est vaine. Or, répond Aristote, « Pourquoi si, au point du jour, il rencontre un puits ou un précipice, ne s'y dirige-t-il pas, mais pourquoi le voyons-nous au contraire, se tenir sur ses gardes [...] ». Pour résumer en une formule, le discours du relativiste est en contradiction avec l'attitude naturelle de tous les hommes. [réf. nécessaire]

Pour le distinguer de l'attaque personnelle illégitime, Schopenhauer appelle attaques ad personam celles qui portent directement sur l'adversaire en tant que personne, et non pas sur la cohérence de sa thèse ou sur la conformité de ses paroles avec ses actes[note 2].

Sous-catégories

Circumstantiæ

Les arguments ad hominem circumstantiæ sont ceux consistant à mettre en avant des faits relatifs au passé ou aux convictions d'une personne pour discréditer son point de vue. Il consiste souvent à affirmer que la personnalité du locuteur biaise l'argument :

« Fred a tort quand il prétend que Dieu n'existe pas car c'est un ancien prisonnier. »

Tout argument ad hominem n'est pas toujours une attaque personnelle comme le montrent les exemples suivants :

« Jean prétend que l'on peut tuer sous le coup de la colère, mais ce n'est pas possible : il ne perd jamais son sang-froid. »
« Le président a annoncé qu'il était important que le président de la République ne puisse être poursuivi dans l'exercice de ses fonctions, car il est lui-même potentiellement inculpable. Il faut donc modifier la loi pour pouvoir poursuivre le président. »

Qu'on soutienne ou non la proposition de ce dernier exemple, il faut bien voir qu'ici, elle part d'un argument ad hominem qui constitue un sophisme (voir aussi Post hoc, ergo propter hoc).

Tu quoque

Illustration satirique du tu quoque montrant un membre du 93e régiment d'infanterie portant une énorme toque de plumes et disant à la dame : « Sapristi ! vous les femmes avez d'extraordinaires coiffures ![trad 1]. »

Tu quoque signifie « toi aussi ». Il peut s'agir de jeter l'opprobre sur la personne en raison de choses qu'elle a faites ou dites par le passé, en révélant une incohérence de ses actes ou propositions antérieures avec les arguments qu'elle défend :

Exemples
« Comment Voltaire peut-il prétendre parler de l'égalité des Hommes alors qu'il avait investi dans le commerce des esclaves ? »[note 3]
« Comment peut-on lire ce que Jean-Jacques Rousseau peut écrire sur l'éducation des enfants alors qu'il a abandonné les siens ? »[note 4]
« Ce conférencier prône la mobilisation individuelle pour lutter contre le réchauffement climatique ; or il est venu à moto au centre de conférence, alors que celui-ci est desservi par les transports en commun. »

Notes et références

Traductions

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Tu quoque » (voir la liste des auteurs).
  1. (en) « By Jove, what extraordinary headgear you women do wear! »

Notes

  1. L'encyclopédie Larousse du XXe siècle, 1928, donne : « L'argument ad hominem consiste à opposer à l'adversaire sa propre conduite ou ses propres paroles. »
  2. L'argumentum ad hominem « s'écarte de l'objet purement objectif pour s'attacher à ce que l'adversaire en a dit ou concédé », alors que dans l'attaque ad personam « on délaisse complètement l'objet et on dirige ses attaques sur la personne de l'adversaire. »
  3. Voltaire n'était pas impliqué dans l'esclavage. Cependant, il défendit Jean Calas, qui négociait entre autres des esclaves.
  4. Cet argument a été énoncé par un pamphlet de Voltaire, auquel Rousseau répondit par son ouvrage les Confessions.

Références

  1. Schopenhauer, l'Art d'avoir toujours raison — La dialectique éristique, traduit de l'allemand par Dominique Miermont, éditions Mille et une nuit, février 1998, ISBN 2-84205-301-X

Annexes

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Articles connexes

Liens externes