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« Oxymore » : différence entre les versions

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=== Genres concernés ===
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C'est avec le théâtre antique et tragique que naît l'oxymore. [[Sophocle]] déjà dans sa pièce éponyme qualifie Antigone de {{Citation|saintement criminelle}}, matérialisant par une image un dilemme, clé et nœud du genre tragique, que relève également [[Aristote]].
C'est avec le théâtre antique et tragique que naît l'oxymore. [[Sophocle]] déjà dans sa pièce éponyme qualifie [[Antigone]] de {{Citation|saintement criminelle}}, matérialisant par une image un dilemme, clé et nœud du genre tragique, que relève également [[Aristote]].


Les auteurs [[baroque]]s affectionnaient l'oxymore car il pouvait répondre à leur recherche : la rencontre des contraires. [[Eugène Green]], dans ''La Parole baroque'' montre ainsi que la déclamation, la gestuelle, plus largement la théâtralité baroque, incluant aussi la peinture, l'architecture et la musique du courant esthétique du XVII <sup>ème</sup> siècle mettent en œuvre des apparitions paradoxales, ce qu'il nomme des {{Citation|oxymores tragiques}}, clé du baroque européen.
Les auteurs [[baroque]]s affectionnaient l'oxymore car il pouvait répondre à leur recherche : la rencontre des contraires. [[Eugène Green]], dans ''La Parole baroque'' montre ainsi que la déclamation, la gestuelle, plus largement la théâtralité baroque, incluant aussi la peinture, l'architecture et la musique du courant esthétique du XVII <sup>ème</sup> siècle mettent en œuvre des apparitions paradoxales, ce qu'il nomme des {{Citation|oxymores tragiques}}, clé du baroque européen.

Version du 22 avril 2009 à 09:33

En rhétorique, l’oxymore (substantif masculin), du grec ὀξύμωρος : oxumôros, de ὀξύς pris dans le sens de « fin, pénétrant » et de μωρός pris dans le sens de « sot, fou, insensé », qui se peut paraphraser comme « fin insensée » (complément inattendu), est une figure de style qui réunit dans un même syntagme deux mots sémantiquement opposés mais appartenant à des catégories grammaticales différentes[1].

Par extension on dit qu'une expression est un oxymore (ou dite « oxymorique ») lorsqu'elle met côte à côte deux mots ayant des sens opposés et aboutissant à une image contradictoire et frappante pour la représentation comme dans « un silence assourdissant ». En exprimant ce qui est inconcevable, l'écrivain crée ainsi une nouvelle réalité poétique qui suscite un effet de surprise, en ajoutant de la force à la vérité décrite.

Exemples

...dans la littérature

Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles ;
L'onde s'enfle dessous, et d'un commun effort
Les Maures et la mer montent jusques au port.

— Corneille, Le Cid, (1682), Acte IV, scène 3

... dans la chanson

« Et nous ferons de chaque jour
toute une éternité d'amour
Que nous vivrons à en mourir »

— Georges Moustaki, Le Métèque

...dans le cinéma

Faux oxymores

Bien que ces expressions ne soient pas directement des oxymores, elles peuvent parfois être présentées comme tels dans un but polémique :

[réf. souhaitée]

Définition

Définition linguistique

On emploie l'expression alliance de mots comme synonyme d'oxymore[2]. Étymologiquement, l'étymon oxumôron, également utilisé en français comme synonyme académique de l'oxymore, est un mot forgé à l'image de la figure qu'il désigne, de la même manière que la figure de la dorica castra.

Les formes oxymoriques sont diverses et variées ; elles peuvent s'appuyer sur :

  • un syntagme nominal (substantif et épithète combinés) comme dans « impitoyable tendresse »
  • un syntagme verbal (verbe et adverbe combinés) comme dans le célèbre vers de Boileau : « Hâtez-vous lentement »

Il existe également des constructions dites double-oxymore comme dans « Buveurs très illustres, et (...) Verolez très précieux » (Rabelais, Gargantua, prologue).

Dans tous les cas la figure aboutit à une relation dite asémantique proche de l'antithèse et surtout de la classe des antilogies ( ou paradoxisme chez Pierre Fontanier) à laquelle elle appartient. On emploie parfois, à tort, le mot d’antilogie comme synonyme d'oxymore, alors que l'antilogie est par définition illogique poussant l'antithèse jusqu'à l'absurde alors que l'oxymore est formellement deux termes opposés réunis grammaticalement, et sémantiquement il aboutit à une image certes antithétique mais sans outrage à la logique :

A travers la noirceur de l'ombre, qui cache la mer et les cieux,
Une clarté blafarde et sombre, fait voir l'une et l'autre à nos yeux

Madeleine de Scudéry commentant le tableau de Poussin
La lamentation sur le corps du Christ mort de Nicolas Poussin.

Fontanier cite comme antilogie le vers de Racine, dans Britannicus : « Ah! si dans l'ignorance il le fallait instruire... »

Allier dans un même phrase deux mots de sens et de logique opposés comme ignorance et instruire comporte une part de paradoxe, contrairement à un oxymore strict, qui acolle deux mots de sens opposés mais sans confiner au paradoxe insoluble comme dans « s’élancer en avant derrière la musique » (James Joyce)

Définition stylistique

Aubrey Beardsley, illustration de la nouvelle the black cat de Edgar Allan Poe

L'oxymore vise un effet de non sens, néanmoins son intérêt réside dans le spectre, large, de nuances sémantiques, que suggère les deux termes mis en contradiction. L'oxymore peut aussi renforcer des descriptions comme dans :

(...) de grandes vaches se déplaçaient avec lenteur dans un silencieux tintement de clochettes

— Alain Robbe-Grillet, Le miroir qui revient

La figure sert alors à suggérer des atmosphères oniriques ou hallucinatoires, où l'antithèse domine.

La figure peut aussi, en poésie comme dans le langage parlé, servir à saisir une contradiction interne ou une passion à la fois captivante et repoussante comme l'exprime ce passage de la correspondance de Gustave Flaubert :

Un sujet à traiter est pour moi comme une femme dont on n'est amoureux, quand elle va vous céder, on tremble et on a peur, c'est un effroi voluptueux

— Gustave Flaubert, lettre du 14 octobre 1846

Si certains oxymores ont été imaginés pour attirer l'attention du lecteur ou de l'auditeur, d'autres le sont pour créer une catégorie verbale décrivant une réalité qui ne possède pas de nom spécifique. Ce sont les oxymores discrets : étant entrés dans le langage courant, ils sont peu remarqués en tant que tels. Ainsi les noms composés tels que clair-obscur (de l'italien chiaro oscuro) ou aigre-doux, doux-amer, réalité virtuelle sont des oxymores.

Les termes comme « aigre-doux » sont malgré tout passés dans le vocabulaire. On ne ressent plus la figure de rhétorique lorsqu'on les utilise. Un véritable oxymore doit être relativement créatif, ou poétique, par exemple, on parlera de « flammes glacées », ou d'un « horrible plaisir », afin que puisse se réaliser une certaine réciprocité quasi spéculative des contraires.

Le troisième type d'oxymore a pour objectif de manipuler l'opinion. Il consiste à accoler un mot qui possède une connotation négative par exemple le mot « guerre » avec un mot qui possède une connotation positive par exemple « propre ». On obtient ainsi « guerre propre » qui laisse espérer qu'une guerre puisse être autre chose que sanglante. Dans le même type, on a « frappe chirurgicale » qui donne l'idée que seuls les éléments nocifs seraient frappés, ou « développement durable » qui peut laisser croire à un développement continuant à l'infini alors que la taille et les ressources de la planète sont limitées. Cela a été souligné en 1972 par le Club de Rome. Celui-ci a publié un rapport précisant que la poursuite de la croissance économique entraînera au cours du XXIe siècle une chute brutale des populations à cause de la pollution. Dans la même optique, on accole au mot « commerce » le mot « équitable » pour faire croire que le « commerce équitable » est autre chose que du commerce.

En somme, l'oxymore unit ce que la réalité oppose, en cela il est proche du clair-obscur des peintres, d'où son utilisation préférentielle par les auteurs baroques, et plus tard, par les romantiques, Victor Hugo en tête, qui en fait sa figure favorite, avec l'hyperbole. Elle est proche de la figure d'opposition de l'hypallage, réunion de termes n'appartenant pas au même champ sémantique, imposant une image peu commune.

Dérivées dans la langue quotidienne

L'humour ou une stratégie plus polémique peut amener à qualifier d'oxymore une expression qui ne l'est pas, par exemple : musique contemporaine, cuisine anglaise, intelligence économique, culture américaine, art moderne, génie militaire.

Jean-Pierre Chevènement par exemple accusait l'expression « Fédération d’États-nations » d'être un oxymore[3].

Genres concernés

C'est avec le théâtre antique et tragique que naît l'oxymore. Sophocle déjà dans sa pièce éponyme qualifie Antigone de « saintement criminelle », matérialisant par une image un dilemme, clé et nœud du genre tragique, que relève également Aristote.

Les auteurs baroques affectionnaient l'oxymore car il pouvait répondre à leur recherche : la rencontre des contraires. Eugène Green, dans La Parole baroque montre ainsi que la déclamation, la gestuelle, plus largement la théâtralité baroque, incluant aussi la peinture, l'architecture et la musique du courant esthétique du XVII ème siècle mettent en œuvre des apparitions paradoxales, ce qu'il nomme des « oxymores tragiques », clé du baroque européen.

Le Classicisme a également eu recours à l'oxymore, figure privilégié de la tragédie et de l'expression du dilemme des personnages pris dans une action sans rebours possible.Racine notamment dans son Andromaque parle d'« heureuse cruauté » Le modèle {{Guillemets}} ne doit pas être utilisé dans l'espace encyclopédique, dans Phèdre, de « parricide joie » Le modèle {{Guillemets}} ne doit pas être utilisé dans l'espace encyclopédique. Les rimes de ces tirades versifiées forment également de curieux oxymores: « joie/ proie », ou encore « joie/ noie ».

Les romantiques et préromantiques en font leur figure privilégié, signe d'une condition contradictoire de l'homme : Milton parle de « darkness vissible » qui évoque l’Enfer, dans son Paradise Lost mais surtout Charles Baudelaire qui en fait son principe esthétique, à l'origine de son œuvre des Fleurs du Mal, oxymore à elle seule. La figure apparaît comme approprié à sa vision de l’homme, pris entre deux postulats contradictoires, d'un côté Dieu, de l’autre Satan comme dans :

Je serai ton cercueil, aimable pestilence.

Arthur Rimbaud surtout consacre l'oxymore, dans ses Illuminations, figure qui lui permet de dévoiler son ambition poétique : réunir des inconciliables, comme dans « violent paradis », ou dans « tendresses bestiales ». L'oxymore lui permet de générer une harmonie poétique qui permet d'accéder à l'hermétisme du monde[4].

Gérard de Nerval consacre ainsi par son poème l'usage de la figure, rapproché souvent de l'éclipse solaire :

Fichier:Melencolia I.jpg
la melancolia de Dürer
  • En peinture, nombres d'artistes affectionnent les ressources de l'oxymore, à travers le clair-obscur comme chez Goya, mais surtout chez Albrecht Dürer, dans son œuvre Melancolia.

Historique de la notion

Utilisée dès l'Antiquité la figure oxymorique fut longtemps nommée opposition en France jusqu'au XVIIIe siècle, d’après De Jaucourt, dans l’ Encyclopédie où il est attesté pour la première fois en français (en 1765). Les orateurs et poètes antiques ont créent des oxymores célèbres, toujours utilisées, comme Horace surtout avec perjura fides (« une fidélité parjure »), insaniens sapientia (« folle sagesse ») ou dulce periculum (« suave péril »).

Au Moyen Âge, Nicolas de Cuse propose comme titre de son ouvrage celui de docte ignorance (De docta ignorantia, 1440).

Dupriez dans le Gradus range l’oxymore parmi l’alliance de mots contradictoires et en fait un synonyme de l'antonymie ; pour lui l'« alliance de mots est une ellipse de la définition alliance de mots contradictoires ». Pour Reboul, au contraire, revenant à la définition de Pierre Fontanier, l’oxymore s'assimile au paradoxisme ; il explique en effet que cette figure existe en raison de la contradiction entre la doxa (opinion courante) et l’énonciateur qui la contredit, par métaphore qu'elle permet[5].

Notes et références

Voir aussi

Liens externes

Bibliographie

  • (fr) Green Eugène, La parole baroque, Paris, Desclée de Brouwer, coll. « Texte et Voix », , 326 p (ISBN 222005022X)
  • (fr) Biet Christian, Vincent Jullien, Le siècle de la lumière 1600-1715. L'oxymore et le clair-obscur : peinture, rhétorique et poésie, Paris, Presses de l'ENS, coll. « Theoria », , 410 p (ISBN 2-902126-40-9)
Figure mère Figure fille
opposition aucune
Antonyme Paronyme Synonyme
aucun aucun antithèse, contradiction, hypallage