« Racine et radical (linguistique) » : différence entre les versions

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
Dawamne (discuter | contributions)
→‎Langues sémitiques : suppression majuscules pour les langues / remplacement de l'adv. "naturellement", peu clair pour le néophyte
Amator linguarum (discuter | contributions)
développement de l'article
Ligne 1 : Ligne 1 :
{{sources|date=décembre 2009}}

{{voir homonymes|Radical|Racine}}
{{voir homonymes|Radical|Racine}}


En [[linguistique]], un '''radical''' (ou ''racine'' ou encore ''[[morphème]] lexical'', ''[[lexème]]'', bien que ces notions ne soient pas, dans le détail, identiques) est la plus petite et ''plus ancienne'' unité [[lexique|lexicale]] qui permette de former des [[mots apparentés]]. Cette notion est principalement étudiée en [[Morphologie (linguistique)|morphologie]], [[étymologie]] et [[linguistique comparée]] mais aussi en [[lexicologie]] (bien que l'on se réfère de préférence plus facilement au [[lexème]] dans ce dernier cas). Si ''lexème'' connote une analyse [[synchronie|synchronique]], ''radical'' est plus souvent réservé à l'''analyse diachronique''.


En [[linguistique]], les termes '''« racine »''' et '''« radical »''' sont associés. Certains linguistes y voient même des [[Synonymie|synonymes]]<ref>Par exemple Constantinescu-Dobridor 1998 (article [https://dexonline.ro/definitie-dtl/radic%C3%A1l '''radical''']).</ref>, d’autant plus qu’en [[anglais]] on utilise le terme ''root'' comme équivalent des deux<ref>Eifring et Theil 2005, chap. 2, {{p.|30}}.</ref>, Crystal 2008 mentionnant que le terme {{en}} ''radical'' est parfois utilisé au lieu de ''root''<ref name="crystal_419">Crystal 2008, {{p.|419}}.</ref>. En effet, les deux termes ont en commun de se référer à un élément de base du [[mot]], dépourvu de tout [[affixe]], dans les [[Langue flexionnelle|langues flexionnelles]] et les [[Langue agglutinante|langues agglutinantes]]. Cependant, actuellement, les deux termes sont distingués dans la [[terminologie]] linguistique française<ref>Par exemple dans Grevisse et Goosse 2007 ({{p.|150}}).</ref> selon certaines caractéristiques de l’élément de mot en question. De plus, chacun des deux termes continue d’avoir plusieurs interprétations.
Le radical n'est pas forcément un [[lemme (linguistique)|lemme]], d'autant moins dans les [[langue flexionnelle|langues flexionnelles]], surtout anciennes. En [[latin]], par exemple, il n'existe que très peu de ''[[mot-racine|mots-racines]]'' (mots, ou [[lemme (linguistique)|lemmes]], ne comportant qu'un radical nu, sans [[affixe]]). Le radical [[dénotation|dénote]] une notion simple que la [[dérivation]] permettra de préciser, au moyen d'affixes, par exemple. Dans les [[langues indo-européennes]] anciennes, le radical est le plus souvent [[verbe|verbal]].


== Interprétation diachronique ==
C'est par dérivation d'un radical que l'on obtient des mots d'une autre [[classe lexicale]] restant [[mots apparentés|apparentés]]. Un radical augmenté de suffixes devient un [[thème morphologique]], lequel devient un [[lemme (linguistique)|lemme]] une fois qu'on y a adjoint des désinences voulues le cas échéant.


Pour certains linguistes<ref>Par exemple Grevisse et Goosse 2007 ({{p.|150}}) ou Bidu-Vrănceanu 1997 ({{p.|398}}).</ref>, le terme « racine » se réfère à l’histoire des mots, à leur [[étymologie]]. La notion de racine a une grande importance dans les études [[Synchronie et diachronie|diachroniques]] visant à reconstituer le [[proto-indo-européen]]. Dans ces études, la racine est l’élément de base, le plus ancien de l’histoire d’un mot, reconstitué par la comparaison de ses correspondants dans les [[langues indo-européennes]], en tenant compte de [[Loi phonétique|lois phonétiques]] spécifiques<ref name="bussmann_1013">Bussmann 1998, {{p.|1013}}.</ref>. On est arrivé, par exemple, à la conclusion que le mot [[sanscrit]] ''parayati'' « mener à travers », celui du [[grec ancien]] ''peirein'' « passer à travers », le mot [[latin]] ''portare'' « porter », l’[[arménien]] ''hordan'' « avancer », le [[Langues slaves|slave]] ancien ''pariti'' « voler », l’[[ancien anglais]] ''faran'' « aller, voyager » et beaucoup d’autres mots ont tous pour base la racine proto-indo-européenne ''*per-'', dont le sens est « mener quelque part, passer à travers »<ref>Etymonline, article [https://www.etymonline.com/word/*per- '''*per- (2)''']. Le signe * indique une forme non-attestée mais reconstituée.</ref>.
== Langues sémitiques ==
La notion de racine est aussi très importante dans les [[langues sémitiques]] car les procédés de dérivation y sont bien plus systématiques et cohérents que dans les langues indo-européennes naturelles. C'est le cas en particulier en [[arabe]], langue qui entretient de ce point de vue avec l'[[hébreu]] une gémellité remarquable, et qui fait que les deux langues s'expliquent, de ce point de vue, mutuellement l'une par l'autre.


La distinction entre racine et radical apparaît déjà dans l’étude des racines indo-europénnes. Une telle racine est un symbole hypothétique qui exprime une certaine notion, constitué de deux [[consonne]]s, par exemple. La racine est débarrassée de tous les éléments de [[Flexion (linguistique)|flexion]] ou de [[formation des mots]] (affixes, etc.), étant irréductible sous cette forme. Une racine de deux consonnes apparaît dans les mots complétée par une [[voyelle]] qui diffère dans des variantes de la racine appelées « radicaux ». Ceux-ci servent de base à la flexion. Par exemple, la racine ''g e/o n'' exprimant la notion d’engendrer et de naissance, se réalise par les radicaux ''gen, gon, gn'', etc., le premier apparaissant dans le verbe français ''en'''gen'''drer''<ref name="dubois">Dubois 2002, {{p.|395}}.</ref>. Bussmann 1998, en utilisant le terme {{en}} ''root'', mentionne que les mots cités dans le paragraphe précédent ont à la base les éléments *''per-'' ou *''par-''<ref>Bussmann 1998, {{p.|1013}}. À noter que les racines et les radicaux sont transcrits différemment par Etymonline et Bussmann 1998, d’un côté, et par Dubois 2002, de l’autre.</ref>, qui seraient donc des radicaux dans la terminologie française.
== Langues modernes ==
Dans l'analyse des langues modernes, on nomme parfois ''radicaux'' les éléments de [[mot composé|mots composés]]. C'est le cas pour les mots savants formés à partir de prétendus radicaux grecs ou [[latin]]s, comme ''télécommande'', formé à partir de l'[[adverbe]] [[grec ancien|grec]] ''tèle'', « au loin », et d'un [[déverbal]] du verbe ''commander'', c'est-à-dire ''commande''. Le verbe ''commander'' s'analyse quant à lui en deux pseudo-radicaux, ''com-'', du latin ''cum'', et ''mander'', du latin ''mandare''. Seul ''mandare'' est réellement un radical, et encore si on lui ôte le [[Affixe|suffixe]] de formation d'[[infinitif]] ''-are''. L'on obtient alors ''mand-'', radical irréductible et, d'ailleurs, verbal, du mot ''télécommande''.


== Interprétations synchroniques ==
== Conclusions ==
On le voit, le mot ''radical'' n'a pas le même sens selon qu'on analyse de manière [[diachronie|diachronique ou synchronique]]. Ce qui est un radical dans une langue moderne était peut-être un thème de dérivation dans sa langue-mère. Inversement, les radicaux de la langue-mère peuvent, dans la langue-fille, ne plus être identifiables comme tels. On pourra, pour différencier le radical historique en diachronie de celui permettant de construire des [[lemme (linguistique)|lemmes]] en synchronie, qualifier ce dernier de [[lexème]].


Le terme « racine » est aussi utilisé dans la linguistique concernant les [[langues sémitiques]] actuelles. C’est en général un ensemble de trois consonnes, et la flexion, appelée « interne » dans ce cas, ainsi que, en partie, la formation de mots, consiste en le changement des voyelles qui se trouvent entre ces consonnes. En [[arabe]], par exemple, la racine ''k-t-b'' représente la notion « écriture » et sert à former des mots tels ''kataba'' « a écrit », ''katib'' « scribe, écrivain », ''kitab'' « document écrit, livre », ''kutub'' « livres »<ref name="dubois_395"/>.
Par exemple, en dernière analyse, le radical historique du [[lemme (linguistique)|lemme]] français ''anticonstitutionnellement'' est [[latin]], il s'agit de ''sta-'' (''sti-'' étant un [[allomorphe]]) : il permet de relier des termes apparemment éloignés comme ''statue'', ''être'', ''désister'', ''stable'', ''étable'', ''prostitution'', ''rester'' ou ''station''. D'un point de vue synchronique, le lexème est ''stitu-'', qui permet de relier lexicalement ''dé-stitu-er'', ''con-stitu-er'', ''dé-stitu-tion'', ''con-stitu-tionnel'', etc. Toujours en synchronie, ''constitution'' et ''stable'' n'apparaissent pas formés sur un même lexème : celui de ''stable'' est ''stab(i)l-'', que l'on retrouve dans ''stab-ilité'' ou ''stabiliser''. Si, historiquement, ils proviennent d'un même ancêtre, actuellement seule l'étude étymologique permet de le savoir : un locuteur lambda ne s'en rendra pas forcément compte.


La distinction entre racine et radical existe dans une interprétation [[Synchronie et diachronie|synchronique]] également, le terme « radical » dénommant une des formes prises par une racine. Celle-ci serait l’élément irréductible, commun à tous les membres d’une même [[famille de mots]] appartenant à une [[langue]] ou à une [[famille de langues]]. Elle est obtenue après élimination de tous les affixes, et elle porte le sens essentiel, commun à tous les mots constitués avec elle, étant la forme abstraite servant de base de représentation à tous les radicaux qui en sont les manifestations. Il y aurait, par exemple, une racine /''ven''/ avec deux radicaux, ''ven-'' et ''vien-'', qui se réaliseraient à la suite de l’ajout de divers affixes, le premier dans '''''ven'''ir'', '''''ven'''ons'', etc., le second dans '''''vien'''ne'', '''''vien'''nent'', etc. Des mots de langues différentes pourraient aussi avoir une racine commune qui se réaliserait par des radicaux différents dans ces langues, comme la racine /''chant''/, avec le radical ''chant-'', dans le [[verbe]] ''chanter'' hérité du latin et ses formes, et le radical ''cant-'' dans '''''cant'''atrice'', par exemple, mot [[italien]] [[Emprunt (linguistique)|emprunté]] par le français. Une racine peut aussi avoir un seul radical, les deux se confondant alors<ref name="dubois_395">Dubois 2002, {{p.|395}}.</ref>.
Enfin, tous les mots ne sont pas construits à partir d'un radical identifiable, quel que soit l'angle d'approche que l'on adopte. On parle dans ce cas de mots ''[[Motivation (linguistique)|immotivés]]''. La plupart des [[mot-outil|mots-outils]] (les morphèmes grammaticaux libres comme ''hier'', ''le'' ou ''de'') sont immotivés.

Le terme « radical » a d’autres interprétations synchroniques encore, non rapportées à la notion de racine.

Dans l’une d’elles, le radical serait une base à laquelle on peut ajouter des affixes [[Grammaire|grammaticaux]]. Le radical serait donc un mot indépendant ou un segment de mot sans aucun affixe ou seulement avec un ou plusieurs affixes [[Lexique|lexicaux]]<ref>Bidu-Vrănceanu 1997, {{p.|398}}.</ref>{{,}}<ref>Constantinescu-Dobridor, article [https://dexonline.ro/definitie-dtl/radic%C3%A1l '''radical'''] 2.</ref>.

=== Le radical en tant que base élémentaire ===

Le plus souvent, dans les études synchroniques, le radical est la forme de base d’un mot, non-analysable sans la perte totale de son identité, autrement dit, ce qui reste d’un mot après que tous ses affixes, aussi bien grammaticaux que lexicaux, ont été enlevés<ref name="crystal_419"/>. Du point de vue [[Morphologie (linguistique)|morphologique]], c’est un [[morphème]] tout comme les autres éléments du mot, les affixes<ref>Laczkó 2000, {{p.|39}}.</ref>. Le radical est commun à toutes les formes grammaticales d’un mot et à tous les mots qui constituent une famille de mots<ref>Constantinescu-Dobridor 1998, article [https://dexonline.ro/definitie-dtl/radic%C3%A1l '''radical'''] 1.</ref>.

Ainsi, le radical est la base élémentaire de la flexion (dans les langues flexionnelles) et de l’ajout d’affixes (dans les langues agglutinantes), qu’il s’agisse de l’expression des rapports grammaticaux ou de la formation de mots.

En anglais, par exemple, langue flexionnelle, ''play-'' est un radical et en même temps le verbe ''play'' à l’[[infinitif]] (« jouer ») et à cinq formes [[Personne (grammaire)|personnelles]] du [[Conjugaison anglaise#Simple present|présent simple]], ainsi que le [[Nom (grammaire)|nom]] signifiant ''jeu''. On en forme, par ajout du morphème [[Affixe|suffixe]] [[Dérivation lexicale|dérivationnel]] ''-er'', le nom ''player'' « joueur », puis, par ajout du morphème [[désinence]] ''-s'', la forme de [[Nombre (grammaire)|pluriel]] ''players'' « joueurs ».

Toujours en partant de radicaux, on réalise la flexion interne et la formation de mots, qui joue un rôle très important dans les langues sémitiques, par exemple (voir plus haut), mais ces procédés existent dans d’autres langues aussi, dans une cetaine mesure en anglais (ex. ''man'' « homme » – ''men'' « hommes » ; ''write'' « écrire » et cinq formes personnelles au présent simple – ''wrote'' toutes les formes du [[Conjugaison anglaise#Simple past|passé simple]]<ref>Eifring et Theil 2005, {{p.|31}}.</ref>) et, dans une moindre mesure, en français : ''peut'' – ''put'', ''sait'' – ''sut'', ''prend'' – ''prit'' ''met'' – ''mit''<ref name="Fyodorov">Fyodorov 2008, {{p.|26}}.</ref>.

Dans une langue agglutinante, comme le [[hongrois]], au radical ''ház-'', morphème unique dans le mot ''ház'' « maison », par ajout des suffixes dérivationnels ''-as'', ''-ság'', et grammaticaux ''-a'', ''-i'', ''-m'' et ''-ról'', on obtient le mot ''házasságaimról'' « au sujet de mes mariages »<ref>A. Jászó 2007, {{p.|26}}.</ref>.

Par [[Mot composé|composition]] aussi, on peut obtenir des mots nouveaux à partir de deux radicaux, par exemple {{fr}} ''chou-fleur''<ref>Dubois 2002, {{p.|106}}.</ref>, {{en}} ''blackbird'' « merle » (littéralement « oiseau noir »)<ref name="crystal_419"/>.

==== Le sens du radical ====

Une partie des radicaux ont un sens notionnel, lexical. Ce sens est directement intelligible dans le cas du radical du nom, du verbe et de l’[[adjectif]], et indirectement intelligible dans celui du radical du [[pronom]]. N’ont pas de sens lexical, mais grammatical, les radicaux des [[Conjonction (grammaire)|conjonctions]], des [[préposition]]s, des [[postposition]]s, radicaux qui sont en même temps des mots invariables. D’autres radicaux, généralement des mots invariables aussi, ont un sens [[Pragmatique (linguistique)|pragmatique]] ou [[Modalité (linguistique)|modal]]. Tels sont les [[interjection]]s et les mots pris en compte en tant qu’[[adverbe]]s dans certaines grammaires, comme celles du français ou du [[roumain]], dont certains sont considérés comme des mots de [[Nature (grammaire)|natures]] à part, appelés [[modalisateur]]s et/ou [[Particule (grammaire)|particules]], dans d’autres grammaires, comme celles du hongrois<ref>Laczkó 2000, {{p.|40-41}}.</ref>.

==== La forme du radical ====

Dans certaines grammaires, on considère qu’il y a des radicaux à forme unique et d’autres à deux ou plusieurs variantes. Dans le cas des derniers, l’une des formes est typique, abstraite, appelée invariante. Celle-ci représente le morphème radical et on considère qu’il a autant de réalisations qu’il y a des formes, appelées variantes ou [[allomorphe]]s<ref>Bidu-Vrănceanu 1997, {{p.|39}}.</ref>{{,}}<ref name="laczko_42">Laczkó 2000, {{p.|42}}.</ref>. Cette distinction est analogue avec celle entre [[phonème]] et [[allophone]] en [[phonologie]], et correspond à celle entre racine et radical présente dans Dubois 2002 (voir plus haut).

Entre les variantes d’un radical il y a ce qu’on appelle des alternances phonétiques ([[Alternance vocalique|vocaliques]] et [[Alternance consonantique|consonantiques]]). Certaines variantes sont appelées combinatoires, c’est-à-dire causées par l’ajout d’affixes, étant de nature [[Morphophonologie|morphophonologique]]. Il y a plusieurs sortes de telles alternances, en fonction aussi de la langue donnée :

* entre variantes d’une voyelle (par exemple [[Quantité vocalique|brève ~ longue]]) : {{fr}} ''dites'' [dit] ~ ''disent'' [diːz]<ref name="Fyodorov"/>, {{hu}} ''v'''í'''z'' [vːz] « eaux » ~ ''v'''i'''zek'' ['vizɛk] « eaux »<ref name=''siptar_15">Siptár 2006, {{p.|15}}.</ref> ;
* entre voyelles différentes : {{fr}} ''rép'''é'''ter'' ~ ''il/elle rép'''è'''te''<ref name="Fyodorov"/>, {{ro}} ''f'''a'''tă'' « fille » ~ ''f'''e'''te'' « filles »<ref name="dobridor_28">Constantinescu-Dobridor 1980, {{p.|28–29}}.</ref> ;
* entre une voyelle et une [[diphtongue]] : {{ro}} ''n'''e'''gru'' « noir » ~ ''n'''ea'''gră'' « noire »<ref name="dobridor_28"/> ;
* entre une voyelle et une consonne : {{sr}} ''be'''o''''' « blanc » ~ ''be'''l'''a'' « blanche »<ref>Klajn 2005, {{p.|37}}.</ref> ;
* entre une voyelle et son absence : {{sr}} ''bor'''a'''c'' « combattant » ~ ''borcu'' « au combatant » ([[Cas grammatical|cas]] [[datif]])<ref>Klajn 2005, {{p.|38}}.</ref>, {{hu}} ''bok'''o'''r'' « buisson » ~ ''bokrok'' « buissons »<ref name="laczko_42"/> ;
* entre deux consonnes : {{fr}} ''neuf'' ~ ''neuve''<ref name="Fyodorov"/>, {{ro}} ''po'''t''''' « je peux » ~ ''po'''ț'''i'' « tu peux »<ref name="dobridor_28"/> {{sr}} ''Sr'''b'''ija'' « Serbie » ~ ''sr'''p'''ski'' « serbe » (adjectif)<ref>Klajn 2005, {{p.|29}}.</ref> ;
* entre deux groupes de consonnes : {{ro}} ''mu'''sc'''ă'' ['muskə] « mouche » ~ ''mu'''șt'''e'' ['muʃte] « mouches »<ref name="dobridor_28"/> ;
* entre une consonne et son absence : {{fr}} ''ils/elles ba'''tt'''ent'' ~ ''il/elle bat''<ref name="Fyodorov"/> ;
* alternance vocalique et consonantique concomitantes : {{ro}} ''c'''a'''r'''t'''e'' ['karte] « livre » ~ ''c'''ă'''r'''ț'''i'' ['kərt͡sʲ]<ref name="dobridor_28"/> ;

La flexion interne aussi peut être considérée comme un système d’alternances vocaliques.

==== Radical libre et radical lié ====

Certains radicaux sont des morphèmes libres, c’est-à-dire ils peuvent constituer des mots par eux-mêmes et remplir ainsi leur rôle dans la [[phrase]]<ref>Section d’après Laczkó 2000, {{p.|46-47}}, sauf les informations de sources indiquées à part.</ref>. D’autres radicaux, n’ayant pas cette caractéristique, sont des morphèmes liés, comme les affixes. Entre le caractère totalement libre et totalement lié des radicaux il y des nuances :
* Un radical nécessairement libre ne peut pas recevoir d’affixes. Tel est le radical des adverbes, des conjonctions et des prépositions en français, par exemple.
* Un radical potentiellement libre peut recevoir des affixes, mais peut aussi remplir une fonction [[Syntaxe|sintaxique]] sans en avoir aucun. Tels sont, en hongrois, par exemple, les adverbes qui peuvent avoir des [[Degré de comparaison|degrés de comparaison]], ex. ''fent'' « en haut » – ''fentebb'' « plus haut ».
* On considère comme relativement libre le radical de la plupart des verbes, des noms et des adjectifs. Un tel radical peut fonctionner seulement avec au moins un affixe, mais celui-ci peut être ∅ (zéro). Un tel affixe exprime un [[Trait (linguistique)#Trait grammatical|trait grammatical]] ou plusieurs par son absence justement. En hongrois, par exemple, la forme ''fut'' est en même temps un radical verbal et la forme de la troisième personne du [[Nombre (grammaire)|singulier]] de l’[[indicatif]] [[Temps (grammaire)|présent]] du verbe en question, signifiant « il/elle court », forme verbale marquée par la désinence ∅, ce qui est d’ordinaire le cas pour les radicaux verbaux en hongrois.
* Un radical lié ne peut pas constituer un mot à lui tout seul. C’est souvent une variante d’une série de variantes, dont l’une est la principale, relativement libre. Par exemple, le radical verbal {{hu}} ''tesz-'' est relativement libre, pouvant être la forme ''tesz'' « il/elle met » de la troisième personne du singulier de l’indicatif présent, mais il a des variantes liées dans des formes comme '''''te'''ttem'' « j’ai mis » et '''''té'''gy'' « tu mettes, mets ! ». Il y a aussi des radicaux à variantes qui sont toutes liées. En hongrois, c’est le cas des verbes qui ont une désinence effective à la troisième personne du singulier de l’indicatif présent, ex. ''eszik'' « il/elle mange ». Son radical, ''esz-'' ne peut être que lié, ainsi que ses variantes dans '''''e'''ttem'' « j’ai mangé » et '''''ev'''ett'' « il/elle a mangé ».

Il y a aussi des radicaux liés qui n’ont qu’une seule forme. Tel est le cas, en hongrois, des radicaux verbaux appelés « fictifs », auxquels on doit ajouter au moins un suffixe non désinentiel pour qu’ils soient des mots. Par exemple, le verbe ''forgat'' « il/elle fait tourner » est formé du radical fictif et lié ''for-'', avec le suffixe ''-gat'' et la désinence ∅.

Un exemple anglais de radical lié à forme unique est ''-ceive'', qui ne peut constituer des mots qu’avec des [[Affixe|préfixes]] : ''receive'' « recevoir », ''conceive'' « concevoir », ''deceive'' « décevoir »<ref name="crystal_419"/>.

== Références ==
{{références}}

== Sources bibliographiques ==

* {{hu}} A. Jászó, Anna, « Általános ismeretek a nyelvről és a nyelvtudományról » [« Connaissances générales sur la langue et la linguistique »], A. Jászó, Anna (dir.), [http://fr.scribd.com/doc/125463345/A-magyar-nyelv-konyve#scribd ''A magyar nyelv könyve''] [« Le livre de la langue hongroise »], {{8e}} édition, Budapest, Trezor, 2007 {{ISBN|978-963-8144-19-5}}, {{p.|11-72}} (consulté le 25 février 2019)

* {{ro}} Bidu-Vrănceanu, Angela ''et al.'', [https://www.academia.edu/10986209/87525919-DSL-Dictionar-de-Stiinte-Ale-Limbii ''Dicționar general de științe. Științe ale limbii''] [« Dictionnaire général des sciences. Sciences de la langue »], Bucarest, Editura științifică, 1997 {{ISBN|973-440229-3}} (consulté le 25 février 2019)

* {{en}} Bussmann, Hadumod (dir.), [http://www.e-reading.club/bookreader.php/142124/Routledge_Dictionary_of_Language_and_Linguistics.pdf ''Dictionary of Language and Linguistics''] [« Dictionnaire de la langue et de la linguistique »], Londres – New York, Routledge, 1998 {{ISBN|0-203-98005-0}} (consulté le 25 février 2019)

* {{ro}} Constantinescu-Dobridor, Gheorghe, ''Mic dicționar de terminologie lingvistică'' [« Petit dictionnaire de terminologie linguistique »], Bucarest, Albatros, 1980

* {{ro}} Constantinescu-Dobridor, Gheorghe, ''Dicționar de termeni lingvistici'' [« Dictionnaire de termes linguistiques »], Bucarest, Teora, 1998 ; en ligne : [https://dexonline.ro/ Dexonline] (DTL) (consulté le 25 février 2019)

* {{en}} Crystal, David, [https://anekawarnapendidikan.files.wordpress.com/2014/04/a-dictionary-of-linguistics-and-phonetics-by-david-christal.pdf ''A Dictionary of Linguistics and Phonetics''] [« Dictionnaire de linguistique et de phonétique »], {{4e}} édition, Blackwell Publishing, 2008 {{ISBN|978-1-4051-5296-9}} (consulté le 25 février 2019)

* Dubois, Jean ''et al.'', ''Dictionnaire de linguistique'', Paris, Larousse-Bordas/VUEF, 2002

* Fyodorov, V. A., [http://window.edu.ru/resource/537/65537/files/m08-171.pdf ''Теоретическая фонетика французского языка. Учебно-методическое пособие для вузов''] [« Phonétique théorique du français. Moyen d’enseignement pour les universités »], Centre d’édition et d’impression de l’Université d’État de Voronej, 2008 (cosulté le

* Grevisse, Maurice et Goosse, André, ''Le bon usage. Grammaire française'', {{14e}} édition, Bruxelles, De Boeck Université, 2007 {{ISBN|978-2-8011-1404-9}}

* {{en}} Harper, Douglas, [http://etymonline.com ''Online Etymology Dictionary''] [« Dictionnaire étymologique en ligne »] (Etymonline) (consulté le 25 février 2019)(consulté le 25 février 2019)

* {{sr}} Klajn, Ivan, [http://jelenagolubovic.weebly.com/uploads/2/5/3/7/25373008/ivan_klajn_-_gramatika_srpskog_jezika.pdf ''Gramatika srpskog jezika''] [« Grammaire de la langue serbe »], Belgrade, Zavod za udžbenike i nastavna sredstva, 2005 {{ISBN|86-17-13188-8}} (consulté le 25 février 2019)

* {{hu}} Laczkó, Krisztina, « Alaktan » [« Morphologie »], Keszler, Borbála (dir.), [https://fr.scribd.com/document/324627255/Magyar-Grammatika-TK-2 ''Magyar grammatika''] [« Grammaire hongroise »], Budapest, Nemzeti Tankönyvkiadó, 2000 {{ISBN|978-963-19-5880-5}}, {{p.|35-64}} (consulté le 25 février 2019)

* {{hu}} Siptár, Péter, « 2. fejezet – Hangtan » [« {{2e}} chapitre – Phonétique et phonologie »], Kiefer, Ferenc (dir.), ''Magyar nyelv'' [« Langue hongroise »], Budapest, Akadémiai Kiadó, 2006 {{ISBN|963-05-8324-0}} ; en ligne : [http://www.tankonyvtar.hu/hu/tartalom/tamop425/2011_0001_536_MagyarNyelv/adatok.html ''A magyar nyelv''], [http://www.tankonyvtar.hu/hu Digitális Tankönyvtár], PDF à décharger, {{p.|14-33}} (consulté le 25 février 2019)


== Voir aussi ==
== Voir aussi ==

* [[Lexème (linguistique)]]
* [[Morphème]]
* [[Mot]]
* [[Racinisation]]
* [[Racinisation]]

{{portail|linguistique}}
{{portail|linguistique}}



Version du 25 février 2019 à 13:25


En linguistique, les termes « racine » et « radical » sont associés. Certains linguistes y voient même des synonymes[1], d’autant plus qu’en anglais on utilise le terme root comme équivalent des deux[2], Crystal 2008 mentionnant que le terme (en) radical est parfois utilisé au lieu de root[3]. En effet, les deux termes ont en commun de se référer à un élément de base du mot, dépourvu de tout affixe, dans les langues flexionnelles et les langues agglutinantes. Cependant, actuellement, les deux termes sont distingués dans la terminologie linguistique française[4] selon certaines caractéristiques de l’élément de mot en question. De plus, chacun des deux termes continue d’avoir plusieurs interprétations.

Interprétation diachronique

Pour certains linguistes[5], le terme « racine » se réfère à l’histoire des mots, à leur étymologie. La notion de racine a une grande importance dans les études diachroniques visant à reconstituer le proto-indo-européen. Dans ces études, la racine est l’élément de base, le plus ancien de l’histoire d’un mot, reconstitué par la comparaison de ses correspondants dans les langues indo-européennes, en tenant compte de lois phonétiques spécifiques[6]. On est arrivé, par exemple, à la conclusion que le mot sanscrit parayati « mener à travers », celui du grec ancien peirein « passer à travers », le mot latin portare « porter », l’arménien hordan « avancer », le slave ancien pariti « voler », l’ancien anglais faran « aller, voyager » et beaucoup d’autres mots ont tous pour base la racine proto-indo-européenne *per-, dont le sens est « mener quelque part, passer à travers »[7].

La distinction entre racine et radical apparaît déjà dans l’étude des racines indo-europénnes. Une telle racine est un symbole hypothétique qui exprime une certaine notion, constitué de deux consonnes, par exemple. La racine est débarrassée de tous les éléments de flexion ou de formation des mots (affixes, etc.), étant irréductible sous cette forme. Une racine de deux consonnes apparaît dans les mots complétée par une voyelle qui diffère dans des variantes de la racine appelées « radicaux ». Ceux-ci servent de base à la flexion. Par exemple, la racine g e/o n exprimant la notion d’engendrer et de naissance, se réalise par les radicaux gen, gon, gn, etc., le premier apparaissant dans le verbe français engendrer[8]. Bussmann 1998, en utilisant le terme (en) root, mentionne que les mots cités dans le paragraphe précédent ont à la base les éléments *per- ou *par-[9], qui seraient donc des radicaux dans la terminologie française.

Interprétations synchroniques

Le terme « racine » est aussi utilisé dans la linguistique concernant les langues sémitiques actuelles. C’est en général un ensemble de trois consonnes, et la flexion, appelée « interne » dans ce cas, ainsi que, en partie, la formation de mots, consiste en le changement des voyelles qui se trouvent entre ces consonnes. En arabe, par exemple, la racine k-t-b représente la notion « écriture » et sert à former des mots tels kataba « a écrit », katib « scribe, écrivain », kitab « document écrit, livre », kutub « livres »[10].

La distinction entre racine et radical existe dans une interprétation synchronique également, le terme « radical » dénommant une des formes prises par une racine. Celle-ci serait l’élément irréductible, commun à tous les membres d’une même famille de mots appartenant à une langue ou à une famille de langues. Elle est obtenue après élimination de tous les affixes, et elle porte le sens essentiel, commun à tous les mots constitués avec elle, étant la forme abstraite servant de base de représentation à tous les radicaux qui en sont les manifestations. Il y aurait, par exemple, une racine /ven/ avec deux radicaux, ven- et vien-, qui se réaliseraient à la suite de l’ajout de divers affixes, le premier dans venir, venons, etc., le second dans vienne, viennent, etc. Des mots de langues différentes pourraient aussi avoir une racine commune qui se réaliserait par des radicaux différents dans ces langues, comme la racine /chant/, avec le radical chant-, dans le verbe chanter hérité du latin et ses formes, et le radical cant- dans cantatrice, par exemple, mot italien emprunté par le français. Une racine peut aussi avoir un seul radical, les deux se confondant alors[10].

Le terme « radical » a d’autres interprétations synchroniques encore, non rapportées à la notion de racine.

Dans l’une d’elles, le radical serait une base à laquelle on peut ajouter des affixes grammaticaux. Le radical serait donc un mot indépendant ou un segment de mot sans aucun affixe ou seulement avec un ou plusieurs affixes lexicaux[11],[12].

Le radical en tant que base élémentaire

Le plus souvent, dans les études synchroniques, le radical est la forme de base d’un mot, non-analysable sans la perte totale de son identité, autrement dit, ce qui reste d’un mot après que tous ses affixes, aussi bien grammaticaux que lexicaux, ont été enlevés[3]. Du point de vue morphologique, c’est un morphème tout comme les autres éléments du mot, les affixes[13]. Le radical est commun à toutes les formes grammaticales d’un mot et à tous les mots qui constituent une famille de mots[14].

Ainsi, le radical est la base élémentaire de la flexion (dans les langues flexionnelles) et de l’ajout d’affixes (dans les langues agglutinantes), qu’il s’agisse de l’expression des rapports grammaticaux ou de la formation de mots.

En anglais, par exemple, langue flexionnelle, play- est un radical et en même temps le verbe play à l’infinitif (« jouer ») et à cinq formes personnelles du présent simple, ainsi que le nom signifiant jeu. On en forme, par ajout du morphème suffixe dérivationnel -er, le nom player « joueur », puis, par ajout du morphème désinence -s, la forme de pluriel players « joueurs ».

Toujours en partant de radicaux, on réalise la flexion interne et la formation de mots, qui joue un rôle très important dans les langues sémitiques, par exemple (voir plus haut), mais ces procédés existent dans d’autres langues aussi, dans une cetaine mesure en anglais (ex. man « homme » – men « hommes » ; write « écrire » et cinq formes personnelles au présent simple – wrote toutes les formes du passé simple[15]) et, dans une moindre mesure, en français : peutput, saitsut, prendprit metmit[16].

Dans une langue agglutinante, comme le hongrois, au radical ház-, morphème unique dans le mot ház « maison », par ajout des suffixes dérivationnels -as, -ság, et grammaticaux -a, -i, -m et -ról, on obtient le mot házasságaimról « au sujet de mes mariages »[17].

Par composition aussi, on peut obtenir des mots nouveaux à partir de deux radicaux, par exemple (fr) chou-fleur[18], (en) blackbird « merle » (littéralement « oiseau noir »)[3].

Le sens du radical

Une partie des radicaux ont un sens notionnel, lexical. Ce sens est directement intelligible dans le cas du radical du nom, du verbe et de l’adjectif, et indirectement intelligible dans celui du radical du pronom. N’ont pas de sens lexical, mais grammatical, les radicaux des conjonctions, des prépositions, des postpositions, radicaux qui sont en même temps des mots invariables. D’autres radicaux, généralement des mots invariables aussi, ont un sens pragmatique ou modal. Tels sont les interjections et les mots pris en compte en tant qu’adverbes dans certaines grammaires, comme celles du français ou du roumain, dont certains sont considérés comme des mots de natures à part, appelés modalisateurs et/ou particules, dans d’autres grammaires, comme celles du hongrois[19].

La forme du radical

Dans certaines grammaires, on considère qu’il y a des radicaux à forme unique et d’autres à deux ou plusieurs variantes. Dans le cas des derniers, l’une des formes est typique, abstraite, appelée invariante. Celle-ci représente le morphème radical et on considère qu’il a autant de réalisations qu’il y a des formes, appelées variantes ou allomorphes[20],[21]. Cette distinction est analogue avec celle entre phonème et allophone en phonologie, et correspond à celle entre racine et radical présente dans Dubois 2002 (voir plus haut).

Entre les variantes d’un radical il y a ce qu’on appelle des alternances phonétiques (vocaliques et consonantiques). Certaines variantes sont appelées combinatoires, c’est-à-dire causées par l’ajout d’affixes, étant de nature morphophonologique. Il y a plusieurs sortes de telles alternances, en fonction aussi de la langue donnée :

  • entre variantes d’une voyelle (par exemple brève ~ longue) : (fr) dites [dit] ~ disent [diːz][16], (hu) víz [vːz] « eaux » ~ vizek ['vizɛk] « eaux »[22] ;
  • entre voyelles différentes : (fr) répéter ~ il/elle répète[16], (ro) fa « fille » ~ fete « filles »[23] ;
  • entre une voyelle et une diphtongue : (ro) negru « noir » ~ neagră « noire »[23] ;
  • entre une voyelle et une consonne : (sr) beo « blanc » ~ bela « blanche »[24] ;
  • entre une voyelle et son absence : (sr) borac « combattant » ~ borcu « au combatant » (cas datif)[25], (hu) bokor « buisson » ~ bokrok « buissons »[21] ;
  • entre deux consonnes : (fr) neuf ~ neuve[16], (ro) pot « je peux » ~ poți « tu peux »[23] (sr) Srbija « Serbie » ~ srpski « serbe » (adjectif)[26] ;
  • entre deux groupes de consonnes : (ro) muscă ['muskə] « mouche » ~ muște ['muʃte] « mouches »[23] ;
  • entre une consonne et son absence : (fr) ils/elles battent ~ il/elle bat[16] ;
  • alternance vocalique et consonantique concomitantes : (ro) carte ['karte] « livre » ~ cărți ['kərt͡sʲ][23] ;

La flexion interne aussi peut être considérée comme un système d’alternances vocaliques.

Radical libre et radical lié

Certains radicaux sont des morphèmes libres, c’est-à-dire ils peuvent constituer des mots par eux-mêmes et remplir ainsi leur rôle dans la phrase[27]. D’autres radicaux, n’ayant pas cette caractéristique, sont des morphèmes liés, comme les affixes. Entre le caractère totalement libre et totalement lié des radicaux il y des nuances :

  • Un radical nécessairement libre ne peut pas recevoir d’affixes. Tel est le radical des adverbes, des conjonctions et des prépositions en français, par exemple.
  • Un radical potentiellement libre peut recevoir des affixes, mais peut aussi remplir une fonction sintaxique sans en avoir aucun. Tels sont, en hongrois, par exemple, les adverbes qui peuvent avoir des degrés de comparaison, ex. fent « en haut » – fentebb « plus haut ».
  • On considère comme relativement libre le radical de la plupart des verbes, des noms et des adjectifs. Un tel radical peut fonctionner seulement avec au moins un affixe, mais celui-ci peut être ∅ (zéro). Un tel affixe exprime un trait grammatical ou plusieurs par son absence justement. En hongrois, par exemple, la forme fut est en même temps un radical verbal et la forme de la troisième personne du singulier de l’indicatif présent du verbe en question, signifiant « il/elle court », forme verbale marquée par la désinence ∅, ce qui est d’ordinaire le cas pour les radicaux verbaux en hongrois.
  • Un radical lié ne peut pas constituer un mot à lui tout seul. C’est souvent une variante d’une série de variantes, dont l’une est la principale, relativement libre. Par exemple, le radical verbal (hu) tesz- est relativement libre, pouvant être la forme tesz « il/elle met » de la troisième personne du singulier de l’indicatif présent, mais il a des variantes liées dans des formes comme tettem « j’ai mis » et gy « tu mettes, mets ! ». Il y a aussi des radicaux à variantes qui sont toutes liées. En hongrois, c’est le cas des verbes qui ont une désinence effective à la troisième personne du singulier de l’indicatif présent, ex. eszik « il/elle mange ». Son radical, esz- ne peut être que lié, ainsi que ses variantes dans ettem « j’ai mangé » et evett « il/elle a mangé ».

Il y a aussi des radicaux liés qui n’ont qu’une seule forme. Tel est le cas, en hongrois, des radicaux verbaux appelés « fictifs », auxquels on doit ajouter au moins un suffixe non désinentiel pour qu’ils soient des mots. Par exemple, le verbe forgat « il/elle fait tourner » est formé du radical fictif et lié for-, avec le suffixe -gat et la désinence ∅.

Un exemple anglais de radical lié à forme unique est -ceive, qui ne peut constituer des mots qu’avec des préfixes : receive « recevoir », conceive « concevoir », deceive « décevoir »[3].

Références

  1. Par exemple Constantinescu-Dobridor 1998 (article radical).
  2. Eifring et Theil 2005, chap. 2, p. 30.
  3. a b c et d Crystal 2008, p. 419.
  4. Par exemple dans Grevisse et Goosse 2007 (p. 150).
  5. Par exemple Grevisse et Goosse 2007 (p. 150) ou Bidu-Vrănceanu 1997 (p. 398).
  6. Bussmann 1998, p. 1013.
  7. Etymonline, article *per- (2). Le signe * indique une forme non-attestée mais reconstituée.
  8. Dubois 2002, p. 395.
  9. Bussmann 1998, p. 1013. À noter que les racines et les radicaux sont transcrits différemment par Etymonline et Bussmann 1998, d’un côté, et par Dubois 2002, de l’autre.
  10. a et b Dubois 2002, p. 395.
  11. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 398.
  12. Constantinescu-Dobridor, article radical 2.
  13. Laczkó 2000, p. 39.
  14. Constantinescu-Dobridor 1998, article radical 1.
  15. Eifring et Theil 2005, p. 31.
  16. a b c d et e Fyodorov 2008, p. 26.
  17. A. Jászó 2007, p. 26.
  18. Dubois 2002, p. 106.
  19. Laczkó 2000, p. 40-41.
  20. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 39.
  21. a et b Laczkó 2000, p. 42.
  22. Siptár 2006, p. 15.
  23. a b c d et e Constantinescu-Dobridor 1980, p. 28–29.
  24. Klajn 2005, p. 37.
  25. Klajn 2005, p. 38.
  26. Klajn 2005, p. 29.
  27. Section d’après Laczkó 2000, p. 46-47, sauf les informations de sources indiquées à part.

Sources bibliographiques

  • (hu) A. Jászó, Anna, « Általános ismeretek a nyelvről és a nyelvtudományról » [« Connaissances générales sur la langue et la linguistique »], A. Jászó, Anna (dir.), A magyar nyelv könyve [« Le livre de la langue hongroise »], 8e édition, Budapest, Trezor, 2007 (ISBN 978-963-8144-19-5), p. 11-72 (consulté le 25 février 2019)
  • (ro) Constantinescu-Dobridor, Gheorghe, Mic dicționar de terminologie lingvistică [« Petit dictionnaire de terminologie linguistique »], Bucarest, Albatros, 1980
  • (ro) Constantinescu-Dobridor, Gheorghe, Dicționar de termeni lingvistici [« Dictionnaire de termes linguistiques »], Bucarest, Teora, 1998 ; en ligne : Dexonline (DTL) (consulté le 25 février 2019)
  • Dubois, Jean et al., Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse-Bordas/VUEF, 2002
  • Grevisse, Maurice et Goosse, André, Le bon usage. Grammaire française, 14e édition, Bruxelles, De Boeck Université, 2007 (ISBN 978-2-8011-1404-9)
  • (en) Harper, Douglas, Online Etymology Dictionary [« Dictionnaire étymologique en ligne »] (Etymonline) (consulté le 25 février 2019)(consulté le 25 février 2019)
  • (hu) Laczkó, Krisztina, « Alaktan » [« Morphologie »], Keszler, Borbála (dir.), Magyar grammatika [« Grammaire hongroise »], Budapest, Nemzeti Tankönyvkiadó, 2000 (ISBN 978-963-19-5880-5), p. 35-64 (consulté le 25 février 2019)
  • (hu) Siptár, Péter, « 2. fejezet – Hangtan » [« 2e chapitre – Phonétique et phonologie »], Kiefer, Ferenc (dir.), Magyar nyelv [« Langue hongroise »], Budapest, Akadémiai Kiadó, 2006 (ISBN 963-05-8324-0) ; en ligne : A magyar nyelv, Digitális Tankönyvtár, PDF à décharger, p. 14-33 (consulté le 25 février 2019)

Voir aussi