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La '''haine''' est un [[sentiment]] personnel de détestation, d'[[hostilité]] ou d'[[exécration]] très forte à l'égard de quelque chose ou de quelqu'un<ref>Dictionnaire de la langue française ''Le Littré'', 2010.</ref>. Elle peut conduire à des comportements ou des actes malveillants, voire à commettre des assassinats.


La '''haine''' est un [[sentiment]] personnel de détestation, d'[[hostilité]] ou d'[[exécration]] très forte à l'égard de quelque chose ou de quelqu'un<ref>Dictionnaire de la langue française ''Le Littré'', 2010.</ref>.
== Définitions ==


== Philosophie ==
=== En philosophie ===
Dans la philosophie [[Aristote|aristotélicienne]] puis [[Christianisme|chrétienne]], la haine est vue comme un [[vice]]{{sfn|Kurt|2023}}. Dans sa ''[[Rhétorique (Aristote)|Rhétorique]]'', Aristote définit la haine comme une forme d'[[hostilité]] dont l'objet est un groupe de gens, au contraire de la [[colère]] qui concerne des individus : il donne l'exemple de la haine envers les [[voleur]]s que selon lui tout le monde ressent sans avoir besoin d'être concerné personnellement{{sfn|Kurt|2023}}. Par la suite, dans l'[[épître aux Romains]], [[Paul de Tarse]] enjoint aux [[judéo-chrétien]]s de ne pas haïr leurs oppresseurs, car cela serait [[mal]]{{sfn|Kurt|2023}}.
Le philosophe espagnol [[José Ortega y Gasset]] définit la nature de la haine : {{citation bloc|Haïr, c'est tuer virtuellement, détruire en intention, supprimer le droit de vivre. Haïr quelqu'un, c'est ressentir de l'irritation du seul fait de son existence, c'est vouloir sa disparition radicale. »
Il précise ses modalités : « La haine sécrète un suc virulent et corrosif. […] La haine est annulation et assassinat virtuel - non pas un assassinat qui se fait d'un coup ; haïr, c'est assassiner sans relâche, effacer l'être haï de l'existence<ref>J. Ortega y Gasset, ''Études sur l'amour'' (1926), Payot, 2004, pp. 38-41.</ref>.}}


En 1826, [[William Hazlitt]] publie sa collection d'essais ''Du plaisir de haïr'', dans lesquels il fait valoir entre autres que les enfants, les femmes, les idiots et les moralistes seraient plus haineux que lui et ses pairs{{sfn|Kurt|2023}}.

== Littérature ==
Selon [[William Marx]], on peut repérer quatre formes de haine de la littérature dans l'histoire: la religieuse, manifestée notamment dans le [[bûcher des Vanités]], la burlesque, exemplifiée par l'auto-dérision de [[Francesco Berni]], la familiale, exprimée par l'[[homophobie]] de [[Tanneguy Le Fèvre]], et la fantasmée, que [[Gustave Flaubert]] et [[Émile Zola]] placent dans la bouche des [[Bourgeoisie|bourgeois]]<ref>{{article| doi = 10.4000/rief.1549| issn = 2240-7456| numéro = 7| nom = Marx| prénom = William| titre = Les quatre haines de la littérature| journal = Revue italienne d’études françaises. Littérature, langue, culture| consulté le = 2024-01-15| date = 2017-11-15| url = https://journals.openedition.org/rief/1549}}</ref>.

== Psychologie et psychanalyse ==
=== En psychologie ===
=== En psychologie ===
{{...}}


=== En psychanalyse ===
=== En psychanalyse ===

La psychanalyste [[Marie-Claude Defores]] considère la haine comme une force délibérément déstructurante et déshumanisante, arme principale de la [[perversion]] : {{citation|Il est important de distinguer l'agressivité, qui est une pulsion de vie, de la haine, qui est une force de dépersonnalisation… La haine peut prendre les formes les plus socialisées ; elle refuse le nouveau, tourne vers le passé, produit la répétition et dépersonnalise<ref>M.-C. Defores, ''Le Chemin de connaissance'', CVR, Gretz, 2005, {{p.|39}}.</ref>.}}
La psychanalyste [[Marie-Claude Defores]] considère la haine comme une force délibérément déstructurante et déshumanisante, arme principale de la [[perversion]] : {{citation|Il est important de distinguer l'agressivité, qui est une pulsion de vie, de la haine, qui est une force de dépersonnalisation… La haine peut prendre les formes les plus socialisées ; elle refuse le nouveau, tourne vers le passé, produit la répétition et dépersonnalise<ref>M.-C. Defores, ''Le Chemin de connaissance'', CVR, Gretz, 2005, {{p.|39}}.</ref>.}}


Allant dans le même sens, Heitor de Macedo affirme : {{citation bloc|La haine n'attrape pas la vérité, elle l'enserre à l'intérieur d'une pensée immobile où plus rien n'est transformable, où tout est pour toujours immuable : le haineux navigue dans un univers de certitudes<ref>H. O'Dwyer de Macedo, ''Lettres à une jeune psychanalyste'', Stock, 2008, p. 340.</ref>.}}
Allant dans le même sens, Heitor de Macedo affirme :
{{citation bloc|La haine n'attrape pas la vérité, elle l'enserre à l'intérieur d'une pensée immobile où plus rien n'est transformable, où tout est pour toujours immuable : le haineux navigue dans un univers de certitudes<ref>H. O'Dwyer de Macedo, ''Lettres à une jeune psychanalyste'', Stock, 2008, {{p.|340}}.</ref>.}}


Pour le psychanalyste Pierre Delaunay, {{citation|celui qui hait dénie toute existence à l'objet de sa haine ; au point de la supprimer si elle se manifeste moindrement. […] Il pétrifie l'autre en sorte qu'il n'existe que très peu et, si ce n'est pas suffisant, il le tue. L'existence de l'autre, il n'en veut rien savoir<ref>P. Delaunay, ''Les Quatre Transferts'', [[Fédération des ateliers de psychanalyse]], 2011, p. 318.</ref>.}}
Pour le psychanalyste Pierre Delaunay, {{citation|celui qui hait dénie toute existence à l'objet de sa haine ; au point de la supprimer si elle se manifeste moindrement. […] Il pétrifie l'autre en sorte qu'il n'existe que très peu et, si ce n'est pas suffisant, il le tue. L'existence de l'autre, il n'en veut rien savoir}}<ref>P. Delaunay, ''Les Quatre Transferts'', [[Fédération des ateliers de psychanalyse]], 2011, {{p.|318}}.</ref>.


[[Saverio Tomasella]] confirme l'ensemble de ces constats cliniques. Il relie la haine au fantasme, notamment aux fantasmes sociaux de « normalité ». La haine est un puissant moteur de « réussite sociale » et de prise de pouvoir, à l'œuvre autant dans les entreprises, que dans les institutions religieuses et les partis politiques. {{citation|L'un des principaux leviers de la haine concerne la condamnation sans appel, comme une assignation d’identité. L'accusation qui annule l’autre sous-entend : je sais qui tu es ; je dis que tu ne vaux rien, tu ne vaux rien.}} Le discours haineux tue ; il n’est pas une parole mais un acte destructeur<ref>S. Tomasella, ''Le Sentiment d'abandon'', [[Eyrolles]], 2010, p. 92.</ref>.
Saverio Tomasella confirme l'ensemble de ces constats cliniques. Il relie la haine au fantasme, notamment aux fantasmes sociaux de « normalité ». La haine est un puissant moteur de « réussite sociale » et de prise de pouvoir, à l'œuvre autant dans les entreprises, que dans les institutions religieuses et les partis politiques. {{citation|L'un des principaux leviers de la haine concerne la condamnation sans appel, comme une assignation d’identité. L'accusation qui annule l’autre sous-entend : je sais qui tu es ; je dis que tu ne vaux rien, tu ne vaux rien.}} Le discours haineux tue ; il n’est pas une parole mais un acte destructeur<ref>S. Tomasella, ''Le Sentiment d'abandon'', [[Eyrolles]], 2010, {{p.|92}}.</ref>.


Pour les psychanalystes [[Marie-Claude Defores]] et Yvan Piedimonte, la haine s'impose de façon déguisée : {{citation bloc|Elle ne peut être perçue qu’à partir de l’impact de son intention sur l’âme résonnant dans l’intériorité sous forme de sensations et d’images comme le froid, le figé, l’immobilisation, la pétrification, ce qu’illustre le rêve. La haine, monde de la négation de l’âme, exclut ce qui en est son expression, le sentiment, et empêche la manifestation de ses qualités : mobilité, chaleur et liberté<ref>M-C Defores, Y. Piedimonte, ''La Constitution de l'être'', Bréal, 2009, p. 150.</ref>.}}
Pour les psychanalystes [[Marie-Claude Defores]] et Yvan Piedimonte, la haine s'impose de façon déguisée :
{{citation bloc|Elle ne peut être perçue qu’à partir de l’impact de son intention sur l’âme résonnant dans l’intériorité sous forme de sensations et d’images comme le froid, le figé, l’immobilisation, la pétrification, ce qu’illustre le rêve. La haine, monde de la négation de l’âme, exclut ce qui en est son expression, le sentiment, et empêche la manifestation de ses qualités : mobilité, chaleur et liberté<ref>M-C Defores, Y. Piedimonte, ''La Constitution de l'être'', Bréal, 2009, {{p.|150}}.</ref>.}}


À ce titre, il est possible de définir la haine comme la négation radicale d'une personne. Elle correspond à l'''intention'' de détruire l'autre, en l'attaquant dans son être et son humanité.
À ce titre, il est possible de définir la haine comme la négation radicale d'une personne. Elle correspond à l'''intention'' de détruire l'autre, en l'attaquant dans son être et son humanité.
En littérature, chez Balzac, [[La Cousine Bette|la cousine Bette]] passe sa vie à chercher à détruire une famille. Bette meurt en gardant "le secret de sa haine".


En littérature, chez Balzac, la [[La Cousine Bette|cousine Bette]] passe sa vie à chercher à détruire une famille. Bette meurt en gardant « le secret de sa haine ».
Un prétexte fréquent donné à la haine est d'accuser la partie adverse d'en être elle-même animée. En tant qu'accusation, elle est en ce sens un outil de manipulation des masses. [[George Orwell|Orwell]] en donne un exemple avec le personnage de Goldstein dans ''[[1984 (roman)|1984]]'', que le régime utilise pour dériver vers un autre objet que lui le mécontentement de sa population.


Un prétexte fréquent donné à la haine est d'accuser la partie adverse d'en être elle-même animée. En tant qu'accusation, elle est en ce sens un outil de manipulation des masses. [[George Orwell]] en donne un exemple avec le personnage de Goldstein dans ''[[1984 (roman)|1984]]'', que le régime utilise pour dériver vers un autre objet que lui le mécontentement de sa population.
== Précisions ==
L'[[amour]] est fréquemment proposé, comme l'antagoniste de la haine, mais peuvent être apparentés : {{citation bloc|La littérature psychologique a souvent conduit à la création de dualités qui ferment la pensée et bloquent les potentialités de transformation. Ainsi, l'ambivalence très courante entre les mouvements tendres et les mouvements hostiles envers une personne a été réduite à l'opposition factice entre amour et haine. Pourtant, la force créatrice et lumineuse de l'amour humain, au-delà des pulsions sexuelles, est une réalité d'un tout autre registre que les attaques destructrices et sournoises de la haine. L'amour et la haine ne peuvent pas être opposées : elles n'appartiennent pas au même domaine existentiel<ref>C. Hardy, S. Tomasella, ''Habiter son corps'', [[Eyrolles]], 2006, p. 141.</ref>.}}


== Haine de soi ==
Plus précisément, la [[compassion]] serait l'antagoniste de la haine, par l'universalité intrinsèque de sa nature : la compassion, en s'adressant à tout humain, serait l'opposé de la haine, négation de l'humain. Quant au contraire de l'amour, [[Carl Gustav Jung|C.G. Jung]] postule qu'il s'agit de la soif de pouvoir, donc plus largement de la [[perversion]]. Selon [[Stendhal]], comme [[Jean Calvin|Calvin]], le contraire de l'amour n'est ni la haine ni la soif de pouvoir mais l'[[indifférence]].
La haine de soi est un état psychologique et une expression désignant un sentiment souvent éprouvé par les minorités souffrantes<ref>{{Ouvrage |prénom1=Joëlle |nom1=Allouche-Benayoun |titre=Esther Benbassa, Jean-Christophe Attias (éds.), La haine de soi. Difficiles identités |passage=53–158 |date=2004-10-01 |issn=0335-5985 |doi=10.4000/assr.2512 |lire en ligne=http://dx.doi.org/10.4000/assr.2512 |consulté le=2022-10-16}}.</ref> et stigmatisées (physiquement, socialement, psychiquement…) par une maladie héréditaire ou contagieuse, par une couleur de la peau, les suites d'un accident, une situation de stress post-traumatique…)<ref name=Eiguer2013/>: l'{{lien|trad=Internalized oppression|fr=Internalisation de l'oppression|texte=internalisation de l'oppression}} conduit par exemple à l'[[homophobie intériorisée]], le {{lien|trad=Internalized racism|fr=Racisme intériorisé|texte=racisme intériorisé}}, le {{lien|trad=Internalized sexism|fr=Sexisme intériorisé|texte=sexisme intériorisé}}, l'[[Haine de soi juive|antisémitisme intériorisé]]{{etc}} Ce type de [[marginalisation]]s subies peut déclencher une souffrance, une [[culpabilité]] ou de la [[honte]], et chez l'autre, de la [[pitié]] ou du [[mépris]] alimentant une haine de soi (qui, selon Alberto Eiguer ([[2013]]), est à la fois une conséquence et un facteur aggravant<ref>{{Ouvrage |prénom1=Lionel |nom1=Lacaze |titre=Le stigmate : une « seconde maladie » ? |numéro=87 |passage=121–131 |date=2012-10-01 |issn=1152-3336 |doi=10.3917/empa.087.0121 |lire en ligne=http://dx.doi.org/10.3917/empa.087.0121 |consulté le=2022-10-16}}.</ref> qui peut conduire à étendre la haine de soi à la haine de son héritage familial, historique, culturel…)<ref name=Eiguer2013>{{Article |prénom1=Alberto |nom1=Eiguer |titre=Le stigmate et la haine de soi|périodique=Le Divan familial |volume=31 |numéro=2 |date=2013-10-01 |issn=1292-668X |doi=10.3917/difa.031.0071 |lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-le-divan-familial-2013-2-page-71.htm?ref=doi |consulté le=2022-10-16 |pages=71–84}}.</ref>.


La haine de soi (pour une personne ou un groupe) peut être résolue par une [[Résolution de conflit|réconciliation]] avec soi-même et les siens (pouvant conduire à une [[estime de soi]]<ref>{{Ouvrage |prénom1=Enguerran |nom1=Macia |prénom2=Gilles |nom2=Boëtsch |prénom3=Nicole |nom3=Chapuis-Lucciani |titre=Relations entre l’estime de soi et l’état de santé « objectif » des aînés |volume=20 |date=2008-12-31 |issn=0037-8984 |doi=10.4000/bmsap.6154 |lire en ligne=http://dx.doi.org/10.4000/bmsap.6154 |consulté le=2022-10-16}}.</ref> retrouvée) ou sinon, la personne peut tenter de gommer ce qui est ressenti comme stigmage, pour diminuer la différence ressentie, avec par exemple :
{{citation|L’arme de la perversion est le mensonge.}} Le [[mensonge]] est {{citation|cet acte qui prend la forme de la négation : il est dénié, c’est le déni du déni ; il est le bras armé de la haine. […] Ce déni est un acte abstrait, efficace, né de la fiction. Il oppose à la réalité vivante et pleine d’énergie une non-réalité sans énergie comme de l’antimatière, qui agissant par obstacle, empêche le déploiement de la vie<ref>M-C Defores, Y. Piedimonte, ''La Constitution de l'être'', p. 157.</ref>.}}
* faire appel à la [[chirurgie esthétique]] et/ou réparatrice<ref name=Eiguer2013/> ;
* blanchir sa peau chez une personne d’origine asiatique, afro-antillaise, africaine ou arabe, et/ou lisser des cheveux naturellement crépus, et/ou autres modifications de l’apparence<ref name=Eiguer2013/> ;
* abandonner des pratiques culturelles, une religion (ou se convertir à une autre religion, non stigmatisante dans le contexte)<ref name=Eiguer2013/> ;
* s'approprier des arguments racistes à l’encontre de sa singularité<ref name=Eiguer2013/> ;
* réduire sa différence à un seul trait, au détriment des autre<ref name=Eiguer2013/> ;
* adoption d’une position en [[faux-self]]<ref name=Eiguer2013/>.


L'expression a été utilisé par [[Théodore Lessing]] (1930) dans l'entre-deux-guerres à propos d'une catégorie de personnes juives exprimant un rejet ou un aversion, voire simplement une position critique, à l'égard du judaïsme, de la culture juive, ou des aspirations politiques juives de l'époque<ref>[[Théodore Lessing]], ''La Haine de soi, ou le refus d'être Juif'', 1930.</ref>. C'est ainsi que [[Paul Giniewski]] a sous titré sa biographie critique de la philosophe [[Simone Weil]] « ou la haine de soi »<ref>[[Paul Giniewski]], ''Simone Weil, ou la Haine de soi'', Paris, Berg international.</ref>.
La haine est souvent confondue avec la rage, qui est une réaction vitale à une situation éprouvante, découlant des injonctions de l'entourage ou des obligations dictées par l'environnement.


== Expressions ==
== Discours de haine ==
{{Extrait|Discours de haine|fichiers=1}}
=== Avoir la haine ===
* {{pas clair|« Avoir la haine » est une expression [[argot]]ique récente, un [[idiomatisme]]<ref>{{Article |langue=en |titre=Saillance scalaire et métalangue sémantique naturelle: le sentiment haine en contexte linguistique et cognitif | Digital Library of the Faculty of Arts Masaryk University |lire en ligne=https://digilib.phil.muni.cz/handle/11222.digilib/125849 |consulté le=2022-10-16}}</ref> calquée sur « Avoir la rage »|C’est comme la déception|date=juin 2022}}, qui remplace « Avoir de la haine pour », et qui fait de la haine un état de conscience sans objet. <br>L'expression désigne un sentiment, un état de fureur (froide ou incontrôlable), généralement apparue chez une personne ou un groupe qui s'est senti(e) fortement blessée par un acte ou une situation dont il/elle attribue la cause à la personne (la société, un groupe, une catégorie de la population, le clan adverse...) cible de cette "haine".


=== Haine de soi ===
== Notes et références ==
La « haine de soi » est une expression utilisée par certains juifs, à défaut de pouvoir utiliser celui d'[[antisémite]], pour désigner d'autres Juifs qui expriment un rejet ou un aversion, voire simplement une position critique, à l'égard du judaïsme, de la culture juive, ou des aspirations politiques juives<ref>''La Haine de soi, ou le refus d'être Juif'', [[Théodore Lessing]] (1930)</ref>. C'est ainsi que [[Paul Giniewski]] a sous titré sa biographie critique de la philosophe [[Simone Weil]] « ''ou la haine de soi'' »<ref>[[Paul Giniewski]], ''Simone Weil, ou la Haine de soi'', Paris, Berg international.</ref>.

== Bibliographie ==
* [[Donald W. Winnicott]], ''La Haine dans le contre-transfert'', Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2014 {{ISBN|9782228910552}}
* [[José Ortega y Gasset]], ''Études sur l'amour'', Payot, 1992 (2004), pages 36 à 41
* Heitor O'Dwyer de Macedo, ''Lettres à une jeune psychanalyste'', Stock, 2008, pages 335 à 349
* [[Marie-Claude Defores]], Yvan Piedimonte, ''La Constitution de l'être'', Bréal, 2009 {{ISBN|978-2-7495-0923-5}}
* [[Saverio Tomasella]]
** ''La Perversion'', Eyrolles, 2010 {{ISBN|978-2-212-54693-4}}
** ''L'Inconscient'', Eyrolles, 2011 {{ISBN|978-2-212-55157-0}}
* Beck, T. Aaron, ''Prisonniers de la haine : Les racines de la violence'', Paris, Masson, 2002
* [[Olivier Le Cour Grandmaison]], ''Haine(s) : Philosophie et politique'', avant-propos d’[[Étienne Balibar]], Paris, PUF, 2002
* Yann Rodier, ''Les Raisons de la haine. Histoire d'une passion dans la France du premier {{s-|XVII}}'', Ceyzérieu, Champ Vallon, 2020.

== Références ==
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== Voir aussi ==
== Voir aussi ==
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=== Bibliographie ===
==== Psychanalyse ====
* {{Ouvrage |auteur=[[Donald W. Winnicott]] |titre=La Haine dans le contre-transfert |éditeur=Payot |collection=Petite Bibliothèque Payot |date=2014 |isbn=9782228910552}}.
* {{Ouvrage |auteur=Beck, T. Aaron |titre=Prisonniers de la haine : Les racines de la violence |lieu=Paris|éditeur=Masson |date=2002}}.

==== Histoire et sciences politiques ====
*{{ouvrage| éditeur = Presses Universitaires de France| isbn = 978-2-13-052608-7| nom = Le Cour Grandmaison| prénom = Olivier| titre = Haine(s)| consulté le = 2024-01-15| date = 2002| url = http://www.cairn.info/haine-s--9782130526087.htm}}
* {{Ouvrage |auteur=Yann Rodier |titre=Les Raisons de la haine. Histoire d'une passion dans la France du premier {{s-|XVII}} |lieu=Ceyzérieu |éditeur=Champ Vallon |date=2020}}.
*{{ouvrage| éditeur=[[Presses universitaires de Rennes]]|isbn=978-2-7535-5953-0|prénom=Frédéric|nom=Chauvaud|lien auteur1=Frédéric Chauvaud| titre=Histoire de la haine|sous-titre=une passion funeste 1830-1930| lieu=Rennes| collection=Histoire|année=2014|lire en ligne=https://books.openedition.org/pur/49548}}.
*{{ouvrage|langue=de| isbn = 978-3-365-00158-5| nom = Kurt| prénom = Şeyda|éditeur=Harpercollins| titre = HASS. Von der Macht eines widerständigen Gefühls| consulté le = 2024-01-15| date = 2023-03-21}}.
*{{chapitre| éditeur = Presses Universitaires de France| isbn = 978-2-13-079881-1| pages = 277–282| nom = Holmes| prénom = Stephen| champ libre = Anne-Marie Varigault (trans.)| titre ouvrage = Passions sociales| titre chapitre = Haine| lieu = Paris cedex 14| collection = Hors collection| consulté le = 2024-01-15| date = 2019| url = https://www.cairn.info/passions-sociales--9782130798811-p-277.htm}}.

=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
* [[Discrimination]]
* [[Discrimination]]
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* [[Terrorisme]]
* [[Terrorisme]]


=== Lien externe ===
=== Liens externes ===
* [https://sites.google.com/site/ethiquedusujet/haine Haine, envie et jalousie : psychanalyse du désastre ?]
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Dernière version du 7 mai 2024 à 20:35

La haine est un sentiment personnel de détestation, d'hostilité ou d'exécration très forte à l'égard de quelque chose ou de quelqu'un[1].

Philosophie[modifier | modifier le code]

Dans la philosophie aristotélicienne puis chrétienne, la haine est vue comme un vice[2]. Dans sa Rhétorique, Aristote définit la haine comme une forme d'hostilité dont l'objet est un groupe de gens, au contraire de la colère qui concerne des individus : il donne l'exemple de la haine envers les voleurs que selon lui tout le monde ressent sans avoir besoin d'être concerné personnellement[2]. Par la suite, dans l'épître aux Romains, Paul de Tarse enjoint aux judéo-chrétiens de ne pas haïr leurs oppresseurs, car cela serait mal[2].

En 1826, William Hazlitt publie sa collection d'essais Du plaisir de haïr, dans lesquels il fait valoir entre autres que les enfants, les femmes, les idiots et les moralistes seraient plus haineux que lui et ses pairs[2].

Littérature[modifier | modifier le code]

Selon William Marx, on peut repérer quatre formes de haine de la littérature dans l'histoire: la religieuse, manifestée notamment dans le bûcher des Vanités, la burlesque, exemplifiée par l'auto-dérision de Francesco Berni, la familiale, exprimée par l'homophobie de Tanneguy Le Fèvre, et la fantasmée, que Gustave Flaubert et Émile Zola placent dans la bouche des bourgeois[3].

Psychologie et psychanalyse[modifier | modifier le code]

En psychologie[modifier | modifier le code]

En psychanalyse[modifier | modifier le code]

La psychanalyste Marie-Claude Defores considère la haine comme une force délibérément déstructurante et déshumanisante, arme principale de la perversion : « Il est important de distinguer l'agressivité, qui est une pulsion de vie, de la haine, qui est une force de dépersonnalisation… La haine peut prendre les formes les plus socialisées ; elle refuse le nouveau, tourne vers le passé, produit la répétition et dépersonnalise[4]. »

Allant dans le même sens, Heitor de Macedo affirme :

« La haine n'attrape pas la vérité, elle l'enserre à l'intérieur d'une pensée immobile où plus rien n'est transformable, où tout est pour toujours immuable : le haineux navigue dans un univers de certitudes[5]. »

Pour le psychanalyste Pierre Delaunay, « celui qui hait dénie toute existence à l'objet de sa haine ; au point de la supprimer si elle se manifeste moindrement. […] Il pétrifie l'autre en sorte qu'il n'existe que très peu et, si ce n'est pas suffisant, il le tue. L'existence de l'autre, il n'en veut rien savoir »[6].

Saverio Tomasella confirme l'ensemble de ces constats cliniques. Il relie la haine au fantasme, notamment aux fantasmes sociaux de « normalité ». La haine est un puissant moteur de « réussite sociale » et de prise de pouvoir, à l'œuvre autant dans les entreprises, que dans les institutions religieuses et les partis politiques. « L'un des principaux leviers de la haine concerne la condamnation sans appel, comme une assignation d’identité. L'accusation qui annule l’autre sous-entend : je sais qui tu es ; je dis que tu ne vaux rien, tu ne vaux rien. » Le discours haineux tue ; il n’est pas une parole mais un acte destructeur[7].

Pour les psychanalystes Marie-Claude Defores et Yvan Piedimonte, la haine s'impose de façon déguisée :

« Elle ne peut être perçue qu’à partir de l’impact de son intention sur l’âme résonnant dans l’intériorité sous forme de sensations et d’images comme le froid, le figé, l’immobilisation, la pétrification, ce qu’illustre le rêve. La haine, monde de la négation de l’âme, exclut ce qui en est son expression, le sentiment, et empêche la manifestation de ses qualités : mobilité, chaleur et liberté[8]. »

À ce titre, il est possible de définir la haine comme la négation radicale d'une personne. Elle correspond à l'intention de détruire l'autre, en l'attaquant dans son être et son humanité.

En littérature, chez Balzac, la cousine Bette passe sa vie à chercher à détruire une famille. Bette meurt en gardant « le secret de sa haine ».

Un prétexte fréquent donné à la haine est d'accuser la partie adverse d'en être elle-même animée. En tant qu'accusation, elle est en ce sens un outil de manipulation des masses. George Orwell en donne un exemple avec le personnage de Goldstein dans 1984, que le régime utilise pour dériver vers un autre objet que lui le mécontentement de sa population.

Haine de soi[modifier | modifier le code]

La haine de soi est un état psychologique et une expression désignant un sentiment souvent éprouvé par les minorités souffrantes[9] et stigmatisées (physiquement, socialement, psychiquement…) par une maladie héréditaire ou contagieuse, par une couleur de la peau, les suites d'un accident, une situation de stress post-traumatique…)[10]: l'internalisation de l'oppression (en) conduit par exemple à l'homophobie intériorisée, le racisme intériorisé (en), le sexisme intériorisé (en), l'antisémitisme intérioriséetc. Ce type de marginalisations subies peut déclencher une souffrance, une culpabilité ou de la honte, et chez l'autre, de la pitié ou du mépris alimentant une haine de soi (qui, selon Alberto Eiguer (2013), est à la fois une conséquence et un facteur aggravant[11] qui peut conduire à étendre la haine de soi à la haine de son héritage familial, historique, culturel…)[10].

La haine de soi (pour une personne ou un groupe) peut être résolue par une réconciliation avec soi-même et les siens (pouvant conduire à une estime de soi[12] retrouvée) ou sinon, la personne peut tenter de gommer ce qui est ressenti comme stigmage, pour diminuer la différence ressentie, avec par exemple :

  • faire appel à la chirurgie esthétique et/ou réparatrice[10] ;
  • blanchir sa peau chez une personne d’origine asiatique, afro-antillaise, africaine ou arabe, et/ou lisser des cheveux naturellement crépus, et/ou autres modifications de l’apparence[10] ;
  • abandonner des pratiques culturelles, une religion (ou se convertir à une autre religion, non stigmatisante dans le contexte)[10] ;
  • s'approprier des arguments racistes à l’encontre de sa singularité[10] ;
  • réduire sa différence à un seul trait, au détriment des autre[10] ;
  • adoption d’une position en faux-self[10].

L'expression a été utilisé par Théodore Lessing (1930) dans l'entre-deux-guerres à propos d'une catégorie de personnes juives exprimant un rejet ou un aversion, voire simplement une position critique, à l'égard du judaïsme, de la culture juive, ou des aspirations politiques juives de l'époque[13]. C'est ainsi que Paul Giniewski a sous titré sa biographie critique de la philosophe Simone Weil « ou la haine de soi »[14].

Discours de haine[modifier | modifier le code]

Carte SIM en Pologne affichant le slogan de la campagne contre le discours de haine "« Les mots ont du pouvoir, utilisez-les avec sagesse ».

Un discours de haine (ou « discours haineux », « discours de la haine ») désigne un type de discours ou de système qui (au-delà de la violence ou de l'injure ponctuelle en termes de force et de nature[15]) attaque une personne ou un groupe de personnes sur la base de caractéristiques diverses (couleur de peau, ethnie, âge, sexe, orientation sexuelle, religion, etc.). L'Histoire a montré que le discours haineux peut conduire à des suicides[16], lynchages, fusillades de masse[17],[18],[19], attaques par explosifs[20], guerres, crimes de masses et processus génocidaires comme en ex-Yougoslavie et au Rwanda (voir : incitation au génocide)[21].

Ce genre de discours est également appelé « antilocution » sur l'échelle d'Allport (qui mesure le degré de manifestation du préjugé dans une société).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Dictionnaire de la langue française Le Littré, 2010.
  2. a b c et d Kurt 2023.
  3. William Marx, « Les quatre haines de la littérature », Revue italienne d’études françaises. Littérature, langue, culture, no 7,‎ (ISSN 2240-7456, DOI 10.4000/rief.1549, lire en ligne, consulté le )
  4. M.-C. Defores, Le Chemin de connaissance, CVR, Gretz, 2005, p. 39.
  5. H. O'Dwyer de Macedo, Lettres à une jeune psychanalyste, Stock, 2008, p. 340.
  6. P. Delaunay, Les Quatre Transferts, Fédération des ateliers de psychanalyse, 2011, p. 318.
  7. S. Tomasella, Le Sentiment d'abandon, Eyrolles, 2010, p. 92.
  8. M-C Defores, Y. Piedimonte, La Constitution de l'être, Bréal, 2009, p. 150.
  9. Joëlle Allouche-Benayoun, Esther Benbassa, Jean-Christophe Attias (éds.), La haine de soi. Difficiles identités, (ISSN 0335-5985, DOI 10.4000/assr.2512, lire en ligne), p. 53–158.
  10. a b c d e f g et h Alberto Eiguer, « Le stigmate et la haine de soi », Le Divan familial, vol. 31, no 2,‎ , p. 71–84 (ISSN 1292-668X, DOI 10.3917/difa.031.0071, lire en ligne, consulté le ).
  11. Lionel Lacaze, Le stigmate : une « seconde maladie » ?, (ISSN 1152-3336, DOI 10.3917/empa.087.0121, lire en ligne), chap. 87, p. 121–131.
  12. Enguerran Macia, Gilles Boëtsch et Nicole Chapuis-Lucciani, Relations entre l’estime de soi et l’état de santé « objectif » des aînés, vol. 20, (ISSN 0037-8984, DOI 10.4000/bmsap.6154, lire en ligne).
  13. Théodore Lessing, La Haine de soi, ou le refus d'être Juif, 1930.
  14. Paul Giniewski, Simone Weil, ou la Haine de soi, Paris, Berg international.
  15. Deleplace M (Ed.) (2009). Les discours de la haine: récits et figures de la passion dans la cité (Vol. 1135). Presses Univ. Septentrion. voir notamment p 12-14.
  16. John, A. et al. Self-harm, suicidal behaviours, and cyberbullying in children and younG people: systematic review. J. Med. Internet Res. 20, e129 (2018).
  17. Berman, M. Prosecutors Say Accused Charleston Church Gunman Self-Radicalized Online https://www.washingtonpost.com/news/post-nation/wp/2016/08/22/prosecutors-say-accused-charleston-church-gunman-self-radicalized-online/ (2016).
  18. Pagliery, J. The Suspect in Congressional Shooting Was Bernie Sanders Supporter, Strongly Anti-Trump http://www.cnn.com/2017/06/14/homepage2/james-hodgkinson-profile/index.html (2017).
  19. Yan, H., Simon, D. & Graef, A. Campus Killing: Suspect is a Member of ‘Alt-Reich’ Facebook Group http://www.cnn.com/2017/05/22/us/university-of-maryland-stabbing/index.html (2017).
  20. Amend, A. Analyzing a Terrorist’s Social Media Manifesto: the Pittsburgh Synagogue Shooter’s Posts on Gab https://www.splcenter.org/hatewatch/2018/10/28/analyzing-terrorists-social-media-manifesto-pittsburgh-synagogue-shooters-posts-gab (2018).
  21. GAYER L & JAUNAIT A (2000) Discours de guerre contre dialogues de paix Les cas de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda Cultures et conflits, (40), 97-128 (extrait/page 1)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Psychanalyse[modifier | modifier le code]

  • Donald W. Winnicott, La Haine dans le contre-transfert, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », (ISBN 9782228910552).
  • Beck, T. Aaron, Prisonniers de la haine : Les racines de la violence, Paris, Masson, .

Histoire et sciences politiques[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]