« Nationalisme sportif » : différence entre les versions

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Le '''nationalisme sportif''' désigne l'expression du [[nationalisme]] par le sport, ou la récupération de résultats sportifs pour promouvoir une politique nationale, d'une part ; la pratique d'un sport et sa promotion à visées nationalistes d'autre part.
Le '''nationalisme sportif''' désigne l'expression du [[nationalisme]] par le sport, ou la récupération de résultats sportifs pour promouvoir une politique nationale, d'une part ; la pratique d'un sport et sa promotion à visées nationalistes d'autre part.


== La question nationale et le sport ==
== Historique et caractéristiques ==
Le [[nationalisme]] sportif est l'expression d'une identité et d'une fierté nationales par le sport<ref>{{Lien web |titre=Quel nationalisme sportif ? |url=https://www.republicoftogo.com/toutes-les-rubriques/idees/quel-nationalisme-sportif |site=République Togolaise |consulté le=2023-12-05}}</ref>.
{{...}}

Comme le propose Miroslav Hroc, il convient de traiter cette question en scindant l'espace géographique en trois. Les nations où le sport est implanté de longue date (France, Angleterre, etc), les anciennes colonies de ces métropoles sportives, et les nations issues de la chute de l'URSS, de l'ex-Yougoslavie à la Russie<ref>Miroslav Hroc, ''Social Preconditions of National Revival in Europe'', Cambridge, 1985, cité par [http://www.revue-quasimodo.org/PDFs/3-4%20-%20Liotard%20Sport%20ImaginairesNationalisme.pdf « Le sport au secours des imaginaires nationaux », p.12], ''in'' « Quasimodo », N°3/4 Nationalismes sportifs, ''revue-quasimodo.org''</ref>. En effet, les problématiques sont différentes dans ces trois ensembles.
Dans la deuxième moitié du {{s-|XX}}, plusieurs pays perdant leurs colonies essaient d'y recruter des sportifs et de les naturaliser pour conserver leur niveau sportif<ref name=":7">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Thierry|nom1=Terret|titre=Histoire du sport|lieu=Paris/58-Clamecy|éditeur=Que sais-je ?|collection=Que sais-je ?|année=2023|pages totales=126|passage=67-83|isbn=978-2-7154-1727-4|consulté le=2023-10-27}}</ref>{{,}}<ref>{{Article|prénom1=Raffaele|nom1=Poli|titre=Conflit de couleurs. Enjeux géopolitiques autour de la naturalisation de sportifs africains:|périodique=Autrepart|volume={{n°|37}}|numéro=1|pages=149–161|date=2006-03-01|issn=1278-3986|doi=10.3917/autr.037.0149|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-autrepart-2006-1-page-149.htm?ref=doi|consulté le=2023-12-05|accès url=libre}}</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre|langue=fr|prénom1=Stanislas|nom1=Frenkiel|titre chapitre=La fabrique coloniale d’une élite olympique : les Européens d’Algérie|titre ouvrage=Les Défis de l'Olympisme, entre héritage et innovation : Approches historique, sociale et managériale du mouvement olympique|éditeur=INSEP-Éditions|collection=Savoirs Sciences|date=2023-10-13|passage=65–79|isbn=978-2-86580-263-0|accès doi=libre|lire en ligne=http://books.openedition.org/insep/3653|consulté le=2023-12-05}}</ref>, voire comme politique d'assimilation<ref>{{Article|prénom1=Jacques|nom1=Dumont|titre=Sport, culture et assimilation dans les Antilles françaises, des colonies aux départements d'outre-mer|périodique=Caribbean Studies|volume=35|numéro=1|pages=87–106|date=2007|issn=0008-6533|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/25613092|consulté le=2023-12-05|accès url=payant}}</ref>. Ces États, face à la décolonisation, doivent souvent limiter leur rôle à celui d'organisateurs, comme la France qui crée la [[Commission d'aide internationale olympique]], antenne du {{abréviation discrète|CIO|Comité international olympique}} destinée à aider les pays nouvellement indépendants à intégrer le mouvement olympique<ref name=":7" />. Le nationalisme sportif, à son faîte lors de la [[guerre froide]], continue après celle-ci<ref name=":27">{{Article|langue=en|prénom1=Jonathan|nom1=Grix|prénom2=Fiona|nom2=Carmichael|titre=Why do governments invest in elite sport? A polemic|périodique=International Journal of Sport Policy and Politics|volume=4|numéro=1|pages=73–90|date=2012-03|issn=1940-6940|issn2=1940-6959|doi=10.1080/19406940.2011.627358|lire en ligne=https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/19406940.2011.627358|consulté le=2023-12-01|accès url=payant}}</ref>. La montée en puissance des pays périphériques, qui incluent le [[monde arabe]], l'essentiel de l'[[Afrique]] et l'[[Asie du Sud]]<ref name=":26">{{Article|langue=en|prénom1=Mick|nom1=Green|prénom2=Ben|nom2=Oakley|titre=Elite sport development systems and playing to win: uniformity and diversity in international approaches|périodique=Leisure Studies|volume=20|numéro=4|pages=247–267|date=2001-01|issn=0261-4367|issn2=1466-4496|doi=10.1080/02614360110103598|lire en ligne=http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/02614360110103598|consulté le=2023-12-01|accès url=payant}}</ref>, met en cause des vieilles dominations sportives. C'est notamment le cas avec les athlètes africains et leurs performances en course à pied de demi-fond et de fond, qui n'exigent pas d'infrastructures importantes et s'enracinent dans des traditions locales anciennes<ref name=":17">{{Ouvrage|auteur1=Christian Pociello|titre=Les cultures sportives|sous-titre=pratiques, représentations et mythes sportifs|éditeur=[[Presses universitaires de France]]|année=2001|pages totales=292|passage=199-217|isbn=9782130503545|lire en ligne=https://www-cairn.info/les-cultures-sportives--9782130503545-page-199.htm|accès url=payant|consulté le=2023-11-20}}</ref>. Dans les pays indépendants depuis peu, les résultats sportifs deviennent un enjeu pour se positionner sur la scène internationale<ref>{{Article|prénom1=Jean-Pierre|nom1=Augustin|titre=Éléments géopolitiques du sport africain|périodique=Les Cahiers d’Outre-Mer. Revue de géographie de Bordeaux|volume=63|numéro=250|pages=175–190|date=2010-04-01|issn=0373-5834|doi=10.4000/com.5922|lire en ligne=https://journals.openedition.org/com/5922?lang=en|consulté le=2023-12-05|accès url=libre}}.</ref>.

Aux [[Jeux olympiques d'été de 2004|Jeux olympiques de 2004]], {{nombre|16|pays}} participants (sur 200) remportent {{nombre|54|%}} des médailles, notamment en raison d'une histoire sportive plus marquée et de meilleurs moyens financiers et infrastructures<ref name=":0">{{Bibliographie|Q123296026|plume=oui}}</ref>. Plusieurs nations se fixent des objectifs de médailles olympiques, que ces objectifs soient absolus ou se traduisent comme but de classement du pays par rapport à son continent ou au monde entier<ref name=":24">{{Article|langue=en|prénom1=Mick|nom1=Green|titre=Olympic glory or grassroots development?: Sport policy priorities in Australia, Canada and the United Kingdom, 1960 – 2006|périodique=The International Journal of the History of Sport|volume=24|numéro=7|pages=921–953|date=2007-07|issn=0952-3367|issn2=1743-9035|doi=10.1080/09523360701311810|lire en ligne=http://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09523360701311810|consulté le=2023-12-01|accès url=payant}}</ref>{{,}}<ref name=":25">{{article|langue=en|prénom1=Dag Vidar|nom1=Hanstad|prénom2=Eivind Å.|nom2=Skille|titre=Does elite sport develop mass sport? : a Norwegian case study|périodique=Malmö University|journal=Scandinavian Sport Studies Forum|numéro=1|pages=51–68|date=2010-03-31|hdl=11250/170845|url=http://www.sportstudies.org/content/vol_1_2010/051-068_vol_1_2010_hanstad-skille.pdf|archive-url=https://web.archive.org/web/20131208113201/http://sportstudies.org/content/vol_1_2010/051-068_vol_1_2010_hanstad-skille.pdf|archive-date=2013-12-08|consulté le=2021-02-10|accès url=libre}}</ref>. Les moyens mis en œuvre par un pays pour son sport ne dépendent pas tant de son économie que de l'importance des enjeux mis dans les succès de son élite<ref name=":17" />.

Les États-Unis sont considérés soit comme faisant partie du groupe des créateurs des sports organisés<ref name=":8">Miroslav Hroc, ''Social Preconditions of National Revival in Europe'', Cambridge, 1985, cité par [http://www.revue-quasimodo.org/PDFs/3-4%20-%20Liotard%20Sport%20ImaginairesNationalisme.pdf « Le sport au secours des imaginaires nationaux », {{p.|12}}], ''in'' « Quasimodo », {{Numéro avec majuscule|3}}/4 Nationalismes sportifs, ''revue-quasimodo.org''</ref>, soit comme le pendant occidental de l'approche soviétique pendant la guerre froide. Ils sont accusés dès les années 1930 d'envoyer des professionnels aux Jeux olympiques, mettant les résultats au-dessus de l'importance symbolique du sport amateur{{Sfn|Beamish|Ritchie|5=2006|p=18}}. Dans les années 2000, ils se démarquent du reste du monde occidental par la faible implication des pouvoirs publics dans le sport de haut niveau, tandis que la plupart des autres anciens pays du sport organisé investissent largement au niveau gouvernemental<ref name=":26" />.

Le spectacle organisant systématiquement l'identification entre un pays et ses champions, il est parfois considéré comme une source d'embrigadement [[Nationalisme|nationaliste]]<ref name=":0" />. Les sportifs de haut niveau n'expriment pas forcément par les paroles leur nationalisme. Celui-ci est cependant mis en avant par la couverture médiatique, notamment par des gros plans télévisés lors des hymnes et des remises de médaille ; intégrer une équipe nationale est une reconnaissance<ref>{{Bibliographie|Q123200736|plume=oui}}</ref>. La construction d'une [[identité nationale]] canadienne se traduit dès 1961 par un travail des autorités du pays visant à encourager une politique sportive unie, pourtant contredite par le pouvoir croissant de chaque province sur le sujet<ref name=":24" />. [[Hassan II]] fait remarquer après la réussite de [[Saïd Aouita]] et de [[Nawal El Moutawakel]] aux Jeux olympiques d'été de 1984 que {{Citation|le drapeau a été hissé […] et beaucoup de spectateurs se sont demandé qui est ce Morocco parce qu'ils le ne le connaissent pas. Ces gens-là ont connu plus ce Morocco par Aouita et Nawal que par son roi}}<ref name=":50">{{Ouvrage|prénom1=Nabil|nom1=Takhalouicht|titre=Aperçu historique sur le sport au Maroc|lieu=Strasbourg|éditeur=|année=2020|date=2020-04|pages totales=10|isbn=|lire en ligne=https://hal.science/hal-03769892|accès url=libre|format électronique=pdf|consulté le=2023-12-08}}</ref>. La culture des pays fait émerger des sports nationaux constitués en patrimoine, comme le ski de fond dans les pays nordiques, le hockey sur glace au Canada<ref name=":17" /> ou le [[patinage de vitesse sur piste courte en Corée du Sud]]<ref name=":02">{{Article|titre=Le short-track, une passion coréenne|périodique=Le Temps|date=2018-02-20|issn=1423-3967|lire en ligne=https://www.letemps.ch/sport/shorttrack-une-passion-coreenne|consulté le=2023-11-05}}</ref>{{,}}<ref name=":72">{{Article|langue=en-US|prénom1=Jay Caspian|nom1=Kang|titre=Why Koreans Are So Good at Speedskating|périodique=[[The New York Times]]|date=2018-01-31|issn=0362-4331|lire en ligne=https://www.nytimes.com/interactive/2018/01/31/magazine/winter-olympics-short-track-speed-skating-koreans.html,%20https://www.nytimes.com/interactive/2018/01/31/magazine/winter-olympics-short-track-speed-skating-koreans.html|consulté le=2023-11-05}}</ref>.

Le {{abréviation discrète|CIO|Comité international olympique}} gère l'introduction de nouveaux sports en fonction de la division internationale établie, par exemple en proposant des sports autochtones locaux en démonstration aux Jeux olympiques ou en ajoutant des sports populaires dans des régions moins riches mais plus peuplées du globe<ref name=":17" />.
[[Fichier:Tribune_présidentielle_finale_France_Brésil_football_12_juillet_1998.jpg|alt=Photo de Jacques Chirac et Michel Platini levant les bras dans une tribune de stade de football.|vignette|[[Jacques Chirac]] et [[Lionel Jospin]] voient leur popularité monter en flèche après la victoire de la [[Équipe de France de football à la Coupe du monde 1998|France à la Coupe du monde de football 1998]].]]
Un bon résultat sportif national peut être instrumentalisé par les personnalités politiques, parfois pour cacher des réformes généralistes impopulaires et parfois pour gagner en popularité à titre personnel<ref>{{Article|prénom1=William|nom1=Gasparini|prénom2=Michel|nom2=Koebel|titre=La double réalité du monde sportif|périodique=Savoir/Agir|volume=15|numéro=1|pages=9|date=2011|issn=1958-7856|issn2=1958-5535|doi=10.3917/sava.015.0009|lire en ligne=http://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2011-1-page-9.htm|consulté le=2023-11-21|accès url=libre}}</ref>. Un cas classique est [[Jacques Chirac]], qui semble bien peu intéressé par le football jusqu'à la Coupe du monde de 1998 mais est omniprésent pendant et gagne {{nombre|14|points}} de popularité dans les {{nombre|2|mois}} qui suivent la victoire de l'équipe de France<ref>{{Lien web |titre=Politique |sous-titre=y a-t-il un effet Coupe du monde ? |url=https://www.francetvinfo.fr/sports/foot/coupe-du-monde/finale-france-croatie/politique-y-a-t-il-un-effet-coupe-du-monde_2850637.html |éditeur=France 3 |date=2018-07-14 |consulté le=2023-12-05}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |titre=L'effet Coupe du monde sur l'appréciation de la classe politique |url=https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/3100924001010/l-effet-coupe-du-monde-sur-l-appreciation-de-la-classe-politique |format=vidéo |accès url=libre |site=INA |date=31 mai 2006 |consulté le=2023-12-05}}</ref>, ou la mise en scène d'[[Emmanuel Macron]] pendant la [[Coupe du monde de football 2022]]<ref>{{Article|prénom1=Claire|nom1=Gatinois|titre=Comment Macron tente de profiter de l’effet Coupe du monde|périodique=Le Monde|date=2022-12-19|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/12/19/comment-macron-tente-de-profiter-de-l-effet-coupe-du-monde_6155050_823448.html|consulté le=2023-12-05}}</ref>.


La « Question nationale » devient importante dans les [[années 1880]] en Occident, et vers 1886-87 en France.
==Bibliographie==
==Bibliographie==
* ''Nationalismes et nation'', Complexe, [[Raoul Girardet]] et coll. « Questions au {{s-|XX|e}} », Bruxelles, 1995 {{ISBN|2-87027-560-9}}
* ''Nationalismes et nation'', Complexe, [[Raoul Girardet]] et coll. « Questions au {{s-|XX|e}} », Bruxelles, 1995 {{ISBN|2-87027-560-9}}
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* ''L’Idéologie du sport en France''. Michel Caillat, Paris, Les Éditions de la Passion, 1989.
* ''L’Idéologie du sport en France''. Michel Caillat, Paris, Les Éditions de la Passion, 1989.
* Étienne Balibar, « Racisme et nationalisme : une logique de l’excès », in ''Racisme et modernité'', sous la direction de [[Michel Wieviorka]], Paris, [[Éditions La Découverte]], 1993 {{ISBN|2-7071-2190-8}}
* Étienne Balibar, « Racisme et nationalisme : une logique de l’excès », in ''Racisme et modernité'', sous la direction de [[Michel Wieviorka]], Paris, [[Éditions La Découverte]], 1993 {{ISBN|2-7071-2190-8}}
* ''Amères victoires. Les sportifs noirs et le rêve américain de mobilité sociale'', Terrain. Carnets du Patrimoine Ethnologique, n° 25 (« Des sports »), septembre 1995.
* ''Amères victoires. Les sportifs noirs et le rêve américain de mobilité sociale'', Terrain. Carnets du Patrimoine Ethnologique, n° 25 (« Des sports »), {{date-|septembre 1995}}.


==Sources==
==Sources==
*[http://www.revue-quasimodo.org/Quasimodo%20-%203-4_National.htm Nationalismes sportifs], Revue Quasimodo, n° 3/4, 1997.
*[http://www.revue-quasimodo.org/Quasimodo%20-%203-4_National.htm Nationalismes sportifs], Revue Quasimodo, n° 3/4, 1997.
*[http://www.revue-quasimodo.org/PDFs/1%20-%20Gebauer%20Sport%20NationalismeTelevision.pdf Le nouveau nationalisme sportif], Slavko Mihaljcek, Revue Quasimodo, n° 1, 1996.
*[http://www.revue-quasimodo.org/PDFs/1%20-%20Gebauer%20Sport%20NationalismeTelevision.pdf Le nouveau nationalisme sportif], Slavko Mihaljcek, Revue Quasimodo, n° 1, 1996.
* [http://terrain.revues.org/index2851.html ''Nationalisme, football et polo : tradition et créolisation dans la construction de l'Argentine moderne''] , Eduardo P. Archetti, Revue ''Terrain'', n° 25, « Des sports », septembre 1995.
* [http://terrain.revues.org/index2851.html ''Nationalisme, football et polo : tradition et créolisation dans la construction de l'Argentine moderne''] , Eduardo P. Archetti, Revue ''Terrain'', n° 25, « Des sports », {{date-|septembre 1995}}.


==Références==
==Références==
{{Crédit d'auteurs|type=interne|titre=Sport de haut niveau}}{{references}}
{{references}}


{{Portail|sport|sociologie|anthropologie}}
{{Portail|sport|sociologie|anthropologie|nationalisme}}


[[Catégorie:Histoire du sport]]
[[Catégorie:Histoire du sport]]

Dernière version du 30 janvier 2024 à 17:22

Le nationalisme sportif désigne l'expression du nationalisme par le sport, ou la récupération de résultats sportifs pour promouvoir une politique nationale, d'une part ; la pratique d'un sport et sa promotion à visées nationalistes d'autre part.

Historique et caractéristiques[modifier | modifier le code]

Le nationalisme sportif est l'expression d'une identité et d'une fierté nationales par le sport[1].

Dans la deuxième moitié du XXe siècle, plusieurs pays perdant leurs colonies essaient d'y recruter des sportifs et de les naturaliser pour conserver leur niveau sportif[2],[3],[4], voire comme politique d'assimilation[5]. Ces États, face à la décolonisation, doivent souvent limiter leur rôle à celui d'organisateurs, comme la France qui crée la Commission d'aide internationale olympique, antenne du CIO destinée à aider les pays nouvellement indépendants à intégrer le mouvement olympique[2]. Le nationalisme sportif, à son faîte lors de la guerre froide, continue après celle-ci[6]. La montée en puissance des pays périphériques, qui incluent le monde arabe, l'essentiel de l'Afrique et l'Asie du Sud[7], met en cause des vieilles dominations sportives. C'est notamment le cas avec les athlètes africains et leurs performances en course à pied de demi-fond et de fond, qui n'exigent pas d'infrastructures importantes et s'enracinent dans des traditions locales anciennes[8]. Dans les pays indépendants depuis peu, les résultats sportifs deviennent un enjeu pour se positionner sur la scène internationale[9].

Aux Jeux olympiques de 2004, 16 pays participants (sur 200) remportent 54 % des médailles, notamment en raison d'une histoire sportive plus marquée et de meilleurs moyens financiers et infrastructures[10]. Plusieurs nations se fixent des objectifs de médailles olympiques, que ces objectifs soient absolus ou se traduisent comme but de classement du pays par rapport à son continent ou au monde entier[11],[12]. Les moyens mis en œuvre par un pays pour son sport ne dépendent pas tant de son économie que de l'importance des enjeux mis dans les succès de son élite[8].

Les États-Unis sont considérés soit comme faisant partie du groupe des créateurs des sports organisés[13], soit comme le pendant occidental de l'approche soviétique pendant la guerre froide. Ils sont accusés dès les années 1930 d'envoyer des professionnels aux Jeux olympiques, mettant les résultats au-dessus de l'importance symbolique du sport amateur[14]. Dans les années 2000, ils se démarquent du reste du monde occidental par la faible implication des pouvoirs publics dans le sport de haut niveau, tandis que la plupart des autres anciens pays du sport organisé investissent largement au niveau gouvernemental[7].

Le spectacle organisant systématiquement l'identification entre un pays et ses champions, il est parfois considéré comme une source d'embrigadement nationaliste[10]. Les sportifs de haut niveau n'expriment pas forcément par les paroles leur nationalisme. Celui-ci est cependant mis en avant par la couverture médiatique, notamment par des gros plans télévisés lors des hymnes et des remises de médaille ; intégrer une équipe nationale est une reconnaissance[15]. La construction d'une identité nationale canadienne se traduit dès 1961 par un travail des autorités du pays visant à encourager une politique sportive unie, pourtant contredite par le pouvoir croissant de chaque province sur le sujet[11]. Hassan II fait remarquer après la réussite de Saïd Aouita et de Nawal El Moutawakel aux Jeux olympiques d'été de 1984 que « le drapeau a été hissé […] et beaucoup de spectateurs se sont demandé qui est ce Morocco parce qu'ils le ne le connaissent pas. Ces gens-là ont connu plus ce Morocco par Aouita et Nawal que par son roi »[16]. La culture des pays fait émerger des sports nationaux constitués en patrimoine, comme le ski de fond dans les pays nordiques, le hockey sur glace au Canada[8] ou le patinage de vitesse sur piste courte en Corée du Sud[17],[18].

Le CIO gère l'introduction de nouveaux sports en fonction de la division internationale établie, par exemple en proposant des sports autochtones locaux en démonstration aux Jeux olympiques ou en ajoutant des sports populaires dans des régions moins riches mais plus peuplées du globe[8].

Photo de Jacques Chirac et Michel Platini levant les bras dans une tribune de stade de football.
Jacques Chirac et Lionel Jospin voient leur popularité monter en flèche après la victoire de la France à la Coupe du monde de football 1998.

Un bon résultat sportif national peut être instrumentalisé par les personnalités politiques, parfois pour cacher des réformes généralistes impopulaires et parfois pour gagner en popularité à titre personnel[19]. Un cas classique est Jacques Chirac, qui semble bien peu intéressé par le football jusqu'à la Coupe du monde de 1998 mais est omniprésent pendant et gagne 14 points de popularité dans les 2 mois qui suivent la victoire de l'équipe de France[20],[21], ou la mise en scène d'Emmanuel Macron pendant la Coupe du monde de football 2022[22].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Nationalismes et nation, Complexe, Raoul Girardet et coll. « Questions au XXe siècle », Bruxelles, 1995 (ISBN 2-87027-560-9)
  • L’Amour foot. Une passion planétaire, Sous la direction de Jérôme Bureau et Jules Chancel,Éditions Autrement, Mutations, Poche n° 17, 1993. (ISSN 0751-0144)
  • L’Idéologie du sport en France. Michel Caillat, Paris, Les Éditions de la Passion, 1989.
  • Étienne Balibar, « Racisme et nationalisme : une logique de l’excès », in Racisme et modernité, sous la direction de Michel Wieviorka, Paris, Éditions La Découverte, 1993 (ISBN 2-7071-2190-8)
  • Amères victoires. Les sportifs noirs et le rêve américain de mobilité sociale, Terrain. Carnets du Patrimoine Ethnologique, n° 25 (« Des sports »), .

Sources[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  • ↑ « Quel nationalisme sportif ? », sur République Togolaise (consulté le )
  • ↑ a et b Thierry Terret, Histoire du sport, Paris/58-Clamecy, Que sais-je ?, coll. « Que sais-je ? », , 126 p. (ISBN 978-2-7154-1727-4), p. 67-83
  • ↑ Raffaele Poli, « Conflit de couleurs. Enjeux géopolitiques autour de la naturalisation de sportifs africains: », Autrepart, vol. no 37, no 1,‎ , p. 149–161 (ISSN 1278-3986, DOI 10.3917/autr.037.0149, lire en ligne Accès libre, consulté le )
  • ↑ Stanislas Frenkiel, « La fabrique coloniale d’une élite olympique : les Européens d’Algérie », dans Les Défis de l'Olympisme, entre héritage et innovation : Approches historique, sociale et managériale du mouvement olympique, INSEP-Éditions, coll. « Savoirs Sciences », (ISBN 978-2-86580-263-0, lire en ligne), p. 65–79
  • ↑ Jacques Dumont, « Sport, culture et assimilation dans les Antilles françaises, des colonies aux départements d'outre-mer », Caribbean Studies, vol. 35, no 1,‎ , p. 87–106 (ISSN 0008-6533, lire en ligne Accès payant, consulté le )
  • ↑ (en) Jonathan Grix et Fiona Carmichael, « Why do governments invest in elite sport? A polemic », International Journal of Sport Policy and Politics, vol. 4, no 1,‎ , p. 73–90 (ISSN 1940-6940 et 1940-6959, DOI 10.1080/19406940.2011.627358, lire en ligne Accès payant, consulté le )
  • ↑ a et b (en) Mick Green et Ben Oakley, « Elite sport development systems and playing to win: uniformity and diversity in international approaches », Leisure Studies, vol. 20, no 4,‎ , p. 247–267 (ISSN 0261-4367 et 1466-4496, DOI 10.1080/02614360110103598, lire en ligne Accès payant, consulté le )
  • ↑ a b c et d Christian Pociello, Les cultures sportives : pratiques, représentations et mythes sportifs, Presses universitaires de France, , 292 p. (ISBN 9782130503545, lire en ligne Accès payant), p. 199-217
  • ↑ Jean-Pierre Augustin, « Éléments géopolitiques du sport africain », Les Cahiers d’Outre-Mer. Revue de géographie de Bordeaux, vol. 63, no 250,‎ , p. 175–190 (ISSN 0373-5834, DOI 10.4000/com.5922, lire en ligne Accès libre, consulté le ).
  • ↑ a et b Pascal Duret, Sociologie du sport, Presses universitaires de France, , 125 p. (ISBN 978-2-13-063254-2). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'articleVoir et modifier les données sur Wikidata
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