Valère de Besveconny

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
(Redirigé depuis M. Valère)

Valère de Besveconny
Image illustrative de l’article Valère de Besveconny
Biographie
Nom Valerian Bezveconnîi
Nationalité Russe, roumaine, française puis argentine ?
Naissance
Kichinev (Russie)
(auj. Chișinău en Moldavie)
Décès c. 1964
Argentine
Parcours entraîneur
AnnéesÉquipe Stats
1924-1926 Al Sekka
1927-1928 ? Viktoria Žižkov
1928 Égypte
1928-1929 Drapeau de la Grèce Olympiakós ?
1930-1932 Drapeau de la Grèce Aris Salonique
1932-1933 Olympique d'Antibes
1933 FC Lyon
c. 1933 Drapeau de l'Allemagne nazie Nuremberg ?
1934 Young Boys Berne
c. 1935 Lausanne-Sport ?
1937-1938 Stade de Reims
1939 CA Boca Juniors
Dernière mise à jour : 2 mai 2024

Valère de Besveconny, né Valerian Bezveconnîi (en russe : Валериан Безвиконный) le à Kichinev en Russie[1] (aujourd'hui Chișinău en Moldavie[2],[note 1]) et mort vers 1964 en Argentine, est un entraîneur de football, ayant exercé dans de nombreux pays du monde.

Francophone avant son arrivée en France, il est plus connu dans la presse sportive nationale comme « M. Valère »[note 2]. En 1933, alors qu'il est l'entraîneur d'Antibes en France, il est au cœur de la première affaire de tentative de corruption du football professionnel français, dont il est le seul acteur à être sanctionné.

En 1946, il publie en Argentine deux livres de danse, sans rapport avec le football, titrés Guía del Ballet (aux Éditions Emecé) et Silfides (aux Éd. Peuser)[7].

Origine et citoyenneté[modifier | modifier le code]

Natif de Chișinău[2], Besveconny porte pourtant un nom originaire d'Ukraine[note 3]. Il est au moment de l'affaire d'Antibes qualifié péjorativement de « Russe blanc »[8],[9], à savoir un aristocrate russe[3] ayant fui la révolution bolchevique de 1917, ce qui parait vraisemblable[note 4]. La Moldavie devient brièvement indépendante en 1917 avant d'être absorbée par la Roumanie l'année suivante.

Intellectuel, polyglotte[note 5], il n'est pourtant pas présenté comme un entraîneur russe, ukrainien ou roumain dans la plupart des sources de l'époque. Besveconny est souvent dit d'origine hongroise, un pays qui fournit alors de nombreux footballeurs et d’entraîneurs de talent aux pays occidentaux, et dont il connaît la langue[11],[12], mais aussi « transylvaine »[13], tchèque, voire belge (lors de son passage en Grèce). Il n'est dit roumain, que lorsqu'il est nommé sélectionneur de la Roumanie en 1934[14]. Son nom public diffère aussi souvent d'une source et d'un pays à l'autre, ce qui peut s'expliquer par la nécessaire et incertaine translittération de ses papiers d'identité.

Vivant régulièrement en France entre 1932 et 1938, et y ayant possiblement fondé une famille, il se présente comme Français lors de son immigration en Argentine en 1939. Le fait qu'il soit finalement prénommé « Valério » par l'administration argentine lors de ses dernières années dans son pays d'accueil laisse à penser qu'il a pu opter pour la nationalité argentine et officiellement changer de prénom à cette occasion[15].

En 1933, au moment où il travaille à Antibes, il est marié à Anastasia Kosicoff, née à Bakou (Russie) en 1906[1].

Carrière[modifier | modifier le code]

Besveconny dit avoir découvert et s'être passionné pour le football pendant ses études de droit[16]. Il y joue, en devient arbitre, et tente finalement d'en faire son métier comme entraîneur en voyageant hors de Roumanie pour pouvoir approfondir ses connaissances[2],[17]. Il dit notamment avoir fait partie du Bolton Wanderers FC en Angleterre, puis d'une école d'entraîneurs à Vienne[10], un pays très en avance sur les autres dans la professionalisation du football[18].

Au milieu des années 1920, Besveconny s'établit au Caire. Surnommé « Valer-Bei », il est « instructeur de gymnastique »[2]. L'intéressé assure avoir remporté le championnat du Caire (en) en 1925 et 1926[10], ce qui signifie qu'il est ces saisons-là l’entraîneur d'Al Sekka[19]. En 1927-1928, il dit aussi avoir entraîné le Viktoria Žižkov[10], qui remporte cette saison-là son premier et seul titre de champion de Tchécoslovaquie. Cela parait incertain, d'autant que le club tchèque a apparemment pour entraîneur le tchèque Antonín Breburda (cs) à cette époque[note 6].

Besveconny entraîne, ou a minima accompagne, la sélection nationale égyptienne à l'occasion des Jeux olympiques de 1928[2],[note 7]. Les Égyptiens brillent à Amsterdam en battant la Turquie et le Portugal et finissent à la quatrième place du tournoi olympique. Besveconny organise la tournée de l'équipe égyptienne à travers l'Europe : elle dispute avant et après le tournoi de nombreux matchs d'exhibition, parfois sous un nom d'emprunt (« Cairo XI », « Alexandria XI », ...) quand elle rencontre une équipe locale et non une sélection nationale[20][note 8].

Besveconny affirme avoir entraîné l'Olympiakós en Grèce en 1928-1929[10], qui remporte le championnat du Pirée (en). Le club est cependant censé avoir alors un autre entraîneur, le Tchèque Jan Kopřiva. Puis il dirige pendant l'Aris Salonique à partir d'avril 1930[22]. Il y est appelé « dé Valère » (« Ντε Βαλέρ »). Il y remporte le championnat de Macédoine en 1931 puis le « championnat panhellénique », ancêtre du championnat de Grèce, en 1932 (en)[23],[10]. Il y lance notamment la carrière du fameux attaquant grec Kleánthis Vikelídis. Malgré le titre, son contrat n'est pas reconduit pour des raisons financières.

En 1932, la Fédération française de football organise la première édition de son championnat professionnel. Premier inscrit des vingt clubs fondateurs, soutenu par plusieurs personnalités, l'Olympique d'Antibes se veut ambitieux[24]. Louis Cazal et Alexandre Villaplane, ancien capitaine de l'équipe de France, ont ainsi été recrutés dès l'été précédent. Fin mai, le club annonce le recrutement de « Valérian de Bezweconny » au poste d'entraîneur pour la saison à venir[25]. Il se fait rapidement connaître des observateurs comme « M. Valère »[26],[16]. Il renforce efficacement son effectif, avec l'apport de plusieurs joueurs étrangers, à l'image des Autrichiens Karl Klima, premier buteur de l'histoire du championnat, et Adolf Pohan, ou du Hongrois Árpád Belko, et organise pendant l'été de nombreux matchs d'exhibition en France et en Europe. La saison arrivant, son équipe s'installe vite parmi les équipes de tête du championnat. Ses bons résultats, ainsi que son affabilité, se traduisent par sa bonne réputation dans la presse sportive[27]. Son équipe termine en tête de son groupe, devant l'AS Cannes, le rival voisin, dernier vainqueur de la Coupe de France, et le FC Sochaux, le riche club de Peugeot, et se qualifie pour la finale du championnat où elle doit affronter l'Olympique lillois[28].

Juste avant de partir à Paris pour la finale, le club antibois apprend pourtant son déclassement, alors qu'éclate un scandale de tentative de corruption impliquant l’entraîneur : il se serait déplacé à Lille plusieurs jours avant la dernière journée pour arranger avec les dirigeants du SC Fives la victoire de son équipe, en échange de 35 000 francs[3]. Plusieurs joueurs antibois, dont le capitaine Villaplane, auraient tenté la même démarche auprès des joueurs nordistes juste avant le match[29]. Le club antibois charge son entraîneur qui aurait agi de sa propre initiative. La commission de discipline de la Fédération suit et l'interdit, à vie, de toute fonction dans le football en France[30],[31],[32], laissant aux joueurs le bénéfice du doute[29]. Deux ans plus tard, dans une autre affaire de paris hippiques truqués, Villaplane est cette fois jugé coupable et condamné à six mois de prison ferme[33],[34].

Malgré sa suspension, « M. Valère » refait parler de lui en France dès l'automne 1933 en apparaissant comme le manager du Football Club de Lyon, qui se lance à son tour dans le professionnalisme. La polémique naissante et l'intervention de la fédération l'obligent à quitter rapidement le club et la ville[35],[36].

Besveconny indique avoir ensuite travaillé pour un club de Nuremberg en Allemagne (vraisemblablement le 1. FC Nuremberg), puis en Suisse aux Young Boys de Berne (son recrutement, sous le nom « Balerian de Besweconny », est confirmé par une brève publiée en mars 1934[37] mais il semble avoir pris son poste un plus tôt[6] et diriger un minimum de 14 matchs de championnat[38]). En septembre 1934, sa nomination comme nouveau sélectionneur de la Roumanie est annoncée[14], mais il ne semble finalement pas avoir dirigé de match[39]. Besveconny indique lui avoir entraîné à cette époque Lausanne-Sport[10]. Le club lausannois, malgré le départ de l'Anglais Jimmy Hogan, remporte le doublé coupe-championnat de Suisse en 1934-1935, mais les sources indiquent généralement que c'est le jeune gardien de but allemand Alwin Riemke (de) qui faisait cette saison-là office d'entraineur-joueur[40].

En 1937-1938, sa suspension en France semble avoir été levée car il est officiellement nommé entraîneur du Stade de Reims[4], en deuxième division du championnat de France, à la surprise de certains observateurs[41]. L'équipe rémoise termine en milieu de tableau. Le club se trouvant dans une délicate situation financière, son contrat d’entraîneur n'est pas reconduit en fin de saison, malgré l'appréciation des dirigeants pour le travail effectué[42].

Il quitte la France en 1938 pour s'installer en Argentine, dont il fait à distance les louanges du football dans la presse française[43]. Il se présente dans son nouveau pays comme Français avec son nom francisé, « Valère de Besveconny ». Il est embauché en 1939 par le CA Boca Juniors, club populaire de Buenos Aires dont il est le premier entraîneur étranger[44]. Il ne reste cependant que quelques mois en poste[45]. En 1940, il présente au journal La Nación son parcours et donne son avis sur le football argentin[10].

En 1952, il est indiqué dans la presse française que depuis son départ en Amérique du Sud, on n'a « plus jamais entendu parler de lui »[46]. Il meurt vraisemblablement en 1964 dans la région de Buenos Aires en Argentine[note 9].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes

  1. La Moldavie prend son indépendance au moment de la Révolution russe de 1917 puis est intégrée à la Roumanie en 1918. Sa décennie de naissance est déduite des photos d'époque, où il parait avoir environ 35 ans lorsqu'il entraîne Antibes[3].
  2. Quand il n'est pas appelé « M. Valère », la presse française le nomme Valery Besvecony[3], Valère de Besvekony[4] ou de Bezweconny[5]. En Suisse, il est nommé Bezveconny[6].
  3. Son homonyme notoire et contemporain Gheorghe G. Bezviconi (ro) natif de Jytomyr, aujourd'hui en Ukraine, émigre également à Chișinău et sera connu en tant que citoyen roumain.
  4. Son origine aristocratique expliquerait l'utilisation fréquente dans la presse de la particule « de » dans son nom, alors qu'elle n'avait a priori pas lieu d’être.
  5. Il affirme en 1940 parler douze langues[10].
  6. Les sources grecques semblent indiquer que Besveconny a été en fait l’entraîneur du Viktoria Žižkov vers 1929, juste avant son arrivée à l'Aris Salonique, ce pourquoi qu'il y est considéré de nationalité tchèque.
  7. L’Égypte n'a pas de sélectionneur officiellement attitré lors des Jeux olympiques d'été de 1928.
  8. Le rôle exact de Besveconny dans l'expédition égyptienne est mis en question dans un article à charge publié quelques années plus tard, lors de l'affaire d'Antibes, qui avance notamment que l'équipe n'était pas la véritable sélection nationale d’Égypte, et qu'il n'a voyagé que comme journaliste[21]. La sélection a cependant bien disputé six matchs contre des sélections officielles, dont quatre aux Jeux olympiques[20].
  9. Sa succession est citée dans le Bulletin officiel de la République argentine en octobre 1964[15].

Références

  1. a et b AvenioWeb Di'X, « Archives municipales d'Antibes Juan-les-Pins - Visualiseur », sur archives.ville-antibes.fr (consulté le )
  2. a b c d et e (ro-MD) « Istoria fotbalului moldovenesc. UN ANTRENOR BASARABEAN ȘI-A DUS ECHIPA ÎN SEMIFINALELE JOCURILOR OLIMPICE! », sur FMF (consulté le )
  3. a b c et d Roberto Notarianni, « Propositions indécentes », L'Équipe,‎ , p. 16 (lire en ligne)
  4. a et b « DE BESVEKONY Valère (Entraîneur) », sur Archives Reims Football (consulté le )
  5. « Football : le seul hebdomadaire français exclusivement consacré au football / directeur Marcel Rossini », sur Gallica, (consulté le )
  6. a et b (de) « dbFCZ | Spiel – 18.02.1934 », sur dbFCZ – Die Spiele des FC Zürich (consulté le )
  7. (en) « Subject Heading | Research Catalog | NYPL », sur Subject Heading | Research Catalog | NYPL (consulté le )
  8. « L'Écho de Bougie : journal politique, littéraire, commercial & agricole », sur Gallica, (consulté le )
  9. Fédération sportive et gymnique du travail (France), « Sport : Fédération sportive du travail », sur Gallica, (consulté le )
  10. a b c d e f g et h (es) « Conceptos de un entrenador francés de football radicado en Buenos Aires », La Nación,‎ , p. 13 (lire en ligne)
  11. « Le Sud : journal républicain du matin », sur Gallica, (consulté le )
  12. « L'Intransigeant », sur Gallica, (consulté le )
  13. « Le Journal », sur Gallica, (consulté le )
  14. a et b « L'Intransigeant », sur Gallica, (consulté le )
  15. a et b Estado Argentino, Boletín Oficial de la República Argentina. 1964 2da sección, (lire en ligne)
  16. a et b « Paris-midi : seul journal quotidien paraissant à midi / dir. Maurice de Waleffe », sur Gallica, (consulté le )
  17. « Le Sud : journal républicain du matin », sur Gallica, (consulté le )
  18. Foot Universal, « Le football à travers les siècles : Les années Wunderteam (20/X) », sur Foot Universal, (consulté le )
  19. « Egypt - List of Champions », sur www.rsssf.org (consulté le )
  20. a et b « Football Tournament 1928 Olympiad », sur www.rsssf.org (consulté le )
  21. Le Populaire, (lire en ligne)
  22. (el) « Macedonia, 26/4/1930, page 3 », sur efimeris.nlg.gr (consulté le )
  23. (en-GB) « HISTORY », sur ARIS FC | Official Website (consulté le )
  24. « L'Intransigeant », sur Gallica, (consulté le )
  25. « Le Forez sportif : org. hebdo. de tous les sports de la rég. forézienne », sur Gallica, (consulté le )
  26. « Le Sud : journal républicain du matin », sur Gallica, (consulté le )
  27. Match, (lire en ligne)
  28. Stéphane Mourlane, Université d'Aix-Marseille, « Du canon au ballon, le stade du Fort Carré d’Antibes », sur museedusport.fr (archivé sur Internet Archive)
  29. a et b (en-GB) Paul Doyle, « The forgotten story of ... the France football captain who murdered for Hitler », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
  30. « Football : le seul hebdomadaire français exclusivement consacré au football / directeur Marcel Rossini », sur Gallica, (consulté le )
  31. Foot Universal, « Rétro Saison 1932 - 1933 : Antibes - SC Fives, un "VA - OM" avant l'heure ! », sur Foot Universal, (consulté le )
  32. « La Gazette 1932 - Les Cahiers du football, magazine de foot et d'eau fraîche », sur www.cahiersdufootball.net (consulté le )
  33. Quentin Mallet, « Alexandre Villaplane, capitaine de l'équipe de France et traître à la nation », sur La Revue d'Histoire Militaire, (consulté le )
  34. « Foot Nostalgie - Le cas Villaplane », sur footnostalgie.free.fr (consulté le )
  35. « Le Sud : journal républicain du matin », sur Gallica, (consulté le )
  36. « Le Sud : journal républicain du matin », sur Gallica, (consulté le )
  37. (de) « Der Bund 5 mars 1934 », sur www.e-newspaperarchives.ch (consulté le )
  38. « Recherche », sur SFL Glory (consulté le )
  39. « Romania National Team 1930-1939 - Details », sur www.rsssf.org (consulté le )
  40. « Switzerland - Trainers of First and Second Division Clubs », sur www.rsssf.org (consulté le )
  41. « Figaro : journal non politique », sur Gallica, (consulté le )
  42. « L'Auto-vélo : automobilisme, cyclisme, athlétisme, yachting, aérostation, escrime, hippisme / directeur Henri Desgrange », sur Gallica, (consulté le )
  43. « Le Miroir des sports : publication hebdomadaire illustrée », sur Gallica, (consulté le )
  44. « Revista CECAD Número 2 - Un Xeneize con calle propia - Superclásico Selección Nacional », sur calameo.com (consulté le )
  45. (es) « Valeré De Bevesconny - Trayectoria y Biografía de Entrenadores - Historia de Boca Juniors », sur historiadeboca.com.ar (consulté le )
  46. « But-Club et le Miroir des sports / dir. Félix Lévitan », sur Gallica, (consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]