« Tournage (audiovisuel) » : différence entre les versions

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{{Style non encyclopédique|date=avril 2021}}
Le '''tournage''' est l'étape de réalisation, au cours de laquelle sont enregistrées les différentes [[Prise de vues cinématographique|prises de vues]] et prises de sons destinées, après les finitions, [[montage]]s image et son et [[mixage films|mixage]], à constituer l'ouvrage désigné par le mot [[Film (cinéma)|film]]. Le tournage est {{Citation|le passage à l'acte cinématographique<ref>{{ouvrage |langue=fr |prénom1=Vincent |nom1=Pinel |titre= Dictionnaire technique du cinéma |lieu=Paris |éditeur=Armand Colin |lien éditeur=Armand Colin |année=2012 |pages totales=369 |isbn=978-2-200-35130-4 |passage=301. }}</ref>}}, le moment où sont tournés les [[Plan (cinéma)|plans]] ({{Citation|pour simplifier, le plan est le jeu de scène filmé entre les deux mots magiques du tournage, Action ! et Coupez !<ref>{{ouvrage |langue=fr |prénom1=Marie-France |nom1=Briselance |lien auteur1=Marie-France Briselance |prénom2=Jean-Claude |nom2=Morin |titre=Grammaire du cinéma |lieu=Paris |éditeur=Nouveau Monde |lien éditeur=Nouveau Monde (éditions) |année=2010 |pages totales=588 |isbn=978-2-84736-458-3 |passage=344. }}</ref>}}
Le '''tournage''' est l'étape de réalisation au cours de laquelle sont enregistrées les différentes [[Prise de vues cinématographique|prises de vues]] et prises de sons destinées, après les finitions, aux [[montage]]s d'image, son et [[mixage films|mixage]], à constituer l'ouvrage désigné par le mot [[Film (cinéma)|film]]. Le tournage est {{Citation|le passage à l'acte cinématographique<ref>{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Vincent |nom1=Pinel |titre=Dictionnaire technique du cinéma |lieu=Paris |éditeur=[[Armand Colin]] |année=2012 |pages totales=369 |passage=301. |isbn=978-2-200-35130-4}}</ref>}}, le moment où sont tournés les [[Plan (cinéma)|plans]] ({{Citation|pour simplifier, le plan est le jeu de scène filmé entre les deux mots magiques du tournage, Action ! et Coupez !<ref>{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Marie-France |nom1=Briselance |lien auteur1=Marie-France Briselance |prénom2=Jean-Claude |nom2=Morin |titre=Grammaire du cinéma |lieu=Paris |éditeur=[[Nouveau Monde (éditions)|Nouveau Monde]] |année=2010 |pages totales=588 |passage=344. |isbn=978-2-84736-458-3}}</ref>}}).


== Description ==
== Origine du mot ==
[[File:James.williamson.1900.jpg|200px|vignette|Le réalisateur anglais [[James Williamson (réalisateur)|James Williamson]] tournant la manivelle de sa [[caméra Williamson]] (1900).]]
''Tournage'', ''tourner un film''… En 1913, Guillaume Vase, ingénieur électricien, auteur de nombreux textes de vulgarisation sur les techniques nouvelles, écrit un ''Traité pratique de cinématographie'', dans lequel il explique le fonctionnement des appareils de prise de vues. Il y décrit les pellicules et leur mode de traitement chimique, le [[pied de caméra]], les éclairages de « l’atelier-théâtre », ainsi qu’il nomme le [[studio de cinéma]], pour enfin, au chapitre V, évoquer la « Prise des vues »<ref>Ce ''Traité pratique de cinématographie'' a été réédité en 2018 en fac-similé (voir ci-dessous).</ref>.


Plusieurs paragraphes informent le lecteur sur « La préparation de l’appareil », « L’installation de l’appareil », « Le réglage de l’obturateur », « Le diaphragme ». Enfin, il explique précisément sur « La manière de tourner la manivelle », {{Citation|à première vue, une opération très simple et qui ne demande aucun apprentissage<ref>{{Ouvrage |langue=fr |auteur=Ernest Coustet |prénom=Ernest |nom=Coustet |titre=Traité pratique de cinématographie <!--|Tome 1 Production des images cinématographiques--> |lieu=Paris |éditeur=éditions [[Charles Mendel]]|collection=Bibliothèque générale de cinématographie |année=1913 |pages totales=202 |ISBN=9782019987251|passage=59. }}</ref>.}} [[Louis Lumière]], lorsqu'il formait ses opérateurs, envoyés à travers le monde pour ramener des [[Vue photographique animée|vues photographiques animées]], ainsi qu’il appelait les films de la société Lumière, leur donnait le conseil de tourner la manivelle au rythme de la marche militaire « Le Régiment de Sambre et Meuse »<ref>{{harvsp|Briselance|Morin|2010|p=33. }}</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Pinel|1994|p=62. }}</ref>. Tourner la manivelle réclamait donc une méthode et une certaine habileté. Sur ce point, Ernest Coustet est formel : {{Citation|l’exactitude des mouvements reproduits par une vue cinématographique dépend de la façon dont elle a été ''tournée''. Et le choix même de cette expression : ''tourner une vue'', expression aujourd’hui consacrée par l’usage, atteste l’importance attribuée, en cinématographie, à l’opération initiale<ref>{{harvsp|Ernest Coustet|1913|p=59.}}</ref>.}}

On comprend facilement comment cette importance a fini par marquer le jargon professionnel des cinéastes. « Tourner un film », c’est tourner la manivelle (présente sur les caméras jusqu’à l’avènement du [[cinéma sonore]] à la fin des années 1920), dans la phase de fabrication du film, appelée le « tournage ». Ce terme va s’imposer aussi bien en français qu’en anglais : ''{{lang|en|to shoot}}'' (tourner), ''{{lang|en|shooting}}'' (tournage).

== Description du déroulement d'un tournage ==
=== La veille ===
=== La veille ===
[[File:Movie set of Jason Bourne 5.jpg|300px|gauche|vignette|Véhicules d'un tournage.]]
[[File:Movie set of Jason Bourne 5.jpg|300px|gauche|vignette|Véhicules d'un tournage.]]
[[File:Sollers Point Movie Set DSCN5953 (29071520585).jpg|150px|droite|vignette|À chacun sa tâche !]]
[[File:Sollers Point Movie Set DSCN5953 (29071520585).jpg|150px|droite|vignette|Technicien du son en préparation]]
Un jour de tournage commence généralement la veille quand chaque membre de l'équipe reçoit la [[feuille de service]] rédigée par le [[Assistant réalisateur|premier assistant réalisateur]] et acceptée par les postes clés ([[réalisateur]], [[directeur de production]], [[régisseur général]] et chefs d'équipes)<ref>{{harvsp|Pinel|2012|p=119. }}</ref>. Ces feuilles de service quotidiennes sont issues du [[plan de travail]] que le premier assistant réalisateur a dressé avec l'aide de différents intervenants (réalisateur, deuxième assistant réalisateur, scripte...), pendant la [[Préproduction (films)|préproduction]] et qui dresse en un tableau synoptique le calendrier de l'intégralité du tournage, précédé des préparations et rendus à court terme. Ce plan de travail est un pivot essentiel de la production car il permet, en prévoyant les durées de contrat de chaque comédien, de chaque technicien, les durées de locations des lieux (studio ou intérieurs et extérieurs naturels), d'établir le devis prévisionnel du film.
Un jour de tournage commence généralement la veille quand chaque membre de l'équipe reçoit la [[feuille de service]] rédigée par le [[Assistant réalisateur|premier assistant réalisateur]] et acceptée par les postes clés ([[réalisateur]], [[directeur de production]], [[régisseur général]] et chefs d'équipes)<ref>{{harvsp|Pinel|2012|p=119. }}</ref>. Ces feuilles de service quotidiennes sont issues du [[plan de travail]] que le premier assistant réalisateur a dressé avec l'aide de différents intervenants (réalisateur, deuxième assistant réalisateur, scripte...), pendant la [[Préproduction (films)|préproduction]] et qui dresse en un tableau synoptique le calendrier de l'intégralité du tournage, précédé des préparations et rendus à court terme. Ce plan de travail est un pivot essentiel de la production car il permet, en prévoyant les durées de contrat de chaque comédien, de chaque technicien, les durées de locations des lieux (studio ou intérieurs et extérieurs naturels), d'établir le devis prévisionnel du film.
Plus modestement mais tout aussi nécessairement, les feuilles de service énumèrent dans l'ordre où ils seront tournés, les plans qu'a indiqués le réalisateur dans son [[Script (cinéma)|découpage technique]], compte tenu de la durée prévue de la journée de travail et des conditions d'éclairage demandées (tournage de jour ou de nuit). Elles précisent les présences des comédiens, silhouettes et figurants, concernés par le jeu dans ces plans, et leurs horaires de préparation (habillage, maquillage, coiffure). Des précisions sont apportées également, concernant les exigences techniques (nombre ou type de caméras, travelling à préparer, éclairages à disposer, [[effets spéciaux]] éventuels, [[Accessoiriste|accessoires]], renforts de personnel, etc). Si le plateau se situe dans une ville, plusieurs jours auparavant une équipe de "ventouseurs" a réservé les places de stationnement pour les véhicules techniques (caméra, machinerie, éclairage, groupe électrogène, loges, cantine).
Plus modestement mais tout aussi nécessairement, les feuilles de service énumèrent dans l'ordre où ils seront tournés, les plans qu'a indiqués le réalisateur dans son [[Script (cinéma)|découpage technique]], compte tenu de la durée prévue de la journée de travail et des conditions d'éclairage demandées (tournage de jour ou de nuit). Elles précisent les présences des comédiens, silhouettes et figurants, concernés par le jeu dans ces plans, et leurs horaires de préparation (habillage, maquillage, coiffure). Des précisions sont apportées également, concernant les exigences techniques (nombre ou type de caméras, travelling à préparer, éclairages à disposer, [[effets spéciaux]] éventuels, [[Accessoiriste|accessoires]], renforts de personnel, etc). Si le plateau se situe dans une ville, plusieurs jours auparavant une équipe de "ventouseurs" a réservé les places de stationnement pour les véhicules techniques (caméra, machinerie, éclairage, groupe électrogène, loges, cantine).


=== La préparation du plan ===
=== La préparation du plan ===
[[File:Rebecca of Sunnybrook Farm (1917) still 3.jpg|250px|gauche|vignette|Pour donner une ambiance favorable au jeu de [[Mary Pickford]], dans ''[[Petit Démon]]'', le réalisateur [[Marshall Neilan]] et le dir'phot [[Walter Stradling]] ont mobilisé un orchestre à cordes (1917).]]
[[File:Rebecca of Sunnybrook Farm (1917) still 3.jpg|250px|gauche|vignette|Pour donner une ambiance favorable au jeu de [[Mary Pickford]], dans ''[[Petit Démon]]'', le réalisateur [[Marshall Neilan]] et le directeur photo [[Walter Stradling]] ont mobilisé un orchestre à cordes (1917).]]
[[File:Las Meninas. Movie Set 2.jpg|250px|droite|vignette|Tournage du film ukrainien ''Las Meninas'' (2008). Nouvelle façon de viser : le réalisateur Ihor Podolchak (à gauche) n’est pas à la caméra mais devant un moniteur vidéo, avec son dir'phot [[Sergey Mikhalchuk]].]]
[[File:Las Meninas. Movie Set 2.jpg|250px|droite|vignette|Tournage du film ukrainien ''Las Meninas'' (2008). Nouvelle façon de viser : le réalisateur Ihor Podolchak (à gauche) n’est pas à la caméra mais devant un moniteur vidéo, avec son directeur photo [[Sergey Mikhalchuk]].]]
L'équipe technique met en place son matériel, parfois plusieurs heures avant le tournage proprement dit, quand il s'agit d'éclairer un large plateau ou de mettre en mouvement une [[Grue (cinéma)|grue]], une [[dolly]] ou une [[Louma]], ou tout autre dispositif qui devra être prêt au moment où les [[acteur]]s et le réalisateur entreprendront leur travail. Le [[directeur de la photographie]], familièrement nommé « dir'phot » (en anglais : ''{{lang|en|DoP}}'') ou « chef'op » (chef opérateur), est le maître incontesté de cette mise en lumière par les [[Électricien (cinéma)|électriciens]] (dits « électros ») et des installations techniques par les [[Machiniste (spectacle)|machinistes]] (dits « machinos »). Ce sont les seconds assistants réalisateurs, ou des stagiaires, qui sont chargés d'amener sur le plateau les comédiens concernés, et de veiller pendant la journée à leur confort. Un maquilleur, un coiffeur, sont présents aussi sur le plateau pour rectifier éventuellement leur maquillage (« raccord maquillage ») ou leur coiffure. Le poste maquillage est aussi responsable des larmes artificielles, lorsque le comédien n'a pas la larme facile. Les acteurs doivent répéter leur texte sous la direction plus ou moins collégiale du réalisateur et faire, selon un terme jargonnant, une « mécanique »<ref>{{harvsp|Pinel|1994|p=255. }}</ref>, c'est-à-dire une répétition au cours de laquelle ils se prêtent aux réglages de la technique, en mémorisant et éventuellement en modifiant leurs déplacements et leurs haltes. Certains comédiens (les [[vedette]]s du film) sont remplacés durant cette période exigeante et peu créative, par des « doublures lumière », des figurants attitrés, des mêmes taille et couleur de peau et de cheveux, qui supportent ces réglages et en indiquent le résultat à ceux ou celles qu'ils remplacent. Cette préparation du plan vise à coordonner le travail du [[cadreur]] et de son [[premier assistant opérateur]] qui assure la mise au point de l'objectif de la caméra en fonction de la distance à laquelle se situent les comédiens visés au cours du plan, c'est pour cela qu'on l'appelle le « pointeur » (en anglais : ''{{lang|en|focus puller}}'')<ref>{{harvsp|Briselance|Morin|2010|p=95. }}</ref>. Le cadreur répète les mouvements de la caméra qui dépendent de son habileté ([[Panoramique (cinéma)|panoramiques]]) et ceux qu'il exécute en collaboration étroite avec le [[chef machiniste]] ([[travelling]] ou tout autre déplacement de l'appareil de prise de vues). Le [[chef-opérateur du son]] fait de même, en osmose avec le [[perchman]], ou son assistant lorsque les comédiens sont équipés de micros portatifs. La [[scripte]] prend des notes et des photos, destinées à mémoriser la configuration du plan. Le [[photographe de plateau]] enregistre des photos de tournage destinées à la promotion future du film.
L'équipe technique met en place son matériel, parfois plusieurs heures avant le tournage, quand il s'agit d'éclairer un large plateau ou de mettre en mouvement une [[Grue (cinéma)|grue]], une [[Dolly (cinéma)|dolly]] ou une [[louma]], ou tout autre dispositif qui devra être prêt au moment où les [[acteur]]s et le réalisateur entreprendront leur travail. Le [[directeur de la photographie]] décide du placements des lumières (par les [[Électricien (cinéma)|électriciens]]) et des installations techniques par les [[Machiniste (spectacle)|machinistes]]. Ce sont les seconds assistants réalisateurs, ou des stagiaires, qui sont chargés d'amener sur le plateau les comédiens concernés, et de veiller pendant la journée à leur confort. Un maquilleur, un coiffeur, sont présents aussi sur le plateau pour rectifier éventuellement leur maquillage (« raccord maquillage ») ou leur coiffure. Le poste maquillage est aussi responsable des larmes artificielles, lorsque le comédien n'a pas la larme facile. Les acteurs doivent répéter leur texte sous la direction du réalisateur et faire une répétition au cours de laquelle ils se prêtent aux réglages de la technique, en mémorisant et éventuellement en modifiant leurs déplacements. Certains comédiens sont remplacés durant cette période par des « doublures lumière », des figurants attitrés, des mêmes taille et couleur de peau et de cheveux, qui supportent ces réglages et en indiquent le résultat à ceux ou celles qu'ils remplacent. Cette préparation du plan vise à coordonner le travail du [[cadreur]] et de son [[premier assistant opérateur]] qui assure la mise au point de l'objectif de la caméra en fonction de la distance à laquelle se situent les comédiens dans le plan. Le cadreur répète les mouvements de la caméra qui dépendent de son habileté ([[Panoramique (cinéma)|panoramiques]]) et ceux qu'il exécute en collaboration avec le [[chef machiniste]] ([[travelling]] ou tout autre déplacement de l'appareil de prise de vues). Le [[chef-opérateur du son]] fait de même avec le [[perchman]], ou son assistant lorsque les comédiens sont équipés de micros portatifs. La [[scripte]] prend des notes et des photos, destinées à mémoriser la configuration du plan pour faciliter le tri des plans lors du montage. Le [[photographe de plateau]] enregistre des photos de tournage destinées à la promotion future du film.


=== On tourne ! ===
=== Le tournage ===
Lorsque ces préparatifs ont abouti, le premier assistant réalisateur (ou le chef de plateau pour les téléfilms), exige le silence.
Lorsque ces préparatifs ont abouti, le premier assistant réalisateur (ou le chef de plateau pour les téléfilms), exige le silence.
En studio, systématiquement une lampe rouge est allumée à l’entrée, interdisant toute intrusion durant la prise de vues (« le rouge est mis »). Un même dispositif est très souvent installé sur les plateaux en intérieurs ou extérieurs naturels, pour les mêmes raisons, et notamment pour imposer le silence sur le lieu même et dans l’entourage.
En studio, systématiquement une lampe rouge est allumée à l’entrée, interdisant toute intrusion durant la prise de vues. Un même dispositif est très souvent installé sur les plateaux en intérieurs ou extérieurs naturels, pour les mêmes raisons, et notamment pour imposer le silence sur le lieu même et dans l’entourage.
Le réalisateur demande le démarrage de la caméra : « Moteur ! » (''{{lang|en|Roll !''}}), repris éventuellement par le premier assistant si l’équipe image résout un problème de dernière minute : « Moteur demandé ! » Dans certaines conditions où ce type d’ordre est incongru, un geste circulaire du « réal » suffit. Si la prise est muette, le cadreur répond : « Tourne ! » (''{{lang|en|Rolling !}}''). S’il y a prise de son, c’est l’ingénieur du son (chef opérateur du son) qui répond car il est important que son enregistreur soit en fonctionnement : « Ça tourne ! ». Un problème de dernière seconde ? « Faux départ ! », prévient l’un ou l’autre des techniciens.
Le réalisateur demandera ensuite le démarrage de la caméra, repris éventuellement par le premier assistant si l’équipe image résout un problème de dernière minute. S’il y a prise de son, c’est l’ingénieur du son (chef opérateur du son) qui répond car il est important que son enregistreur soit en fonctionnement.
[[File:Love and the Woman (1919) - 1.jpg|150px|gauche|vignette|Déjà à l’époque du [[cinéma muet]] (ici, 1919), une ardoise d'identification était présentée à la caméra qui en prenait quelques images fixes. Bien entendu, il n’y avait pas de [[clap]] sonore !]]
[[File:Love and the Woman (1919) - 1.jpg|150px|gauche|vignette|Déjà à l’époque du [[cinéma muet]] (ici, 1919), une ardoise d'identification était présentée à la caméra qui en prenait quelques images fixes.]]
[[File:Filmmaking of &#039;Black Thursday&#039; on crossway of ulica 10 Lutego and ulica Świętojańska in Gdynia - 15.jpg|150px|droite|vignette|Une machiniste polonaise (ou assistante réalisateur) tient le clap avant le tournage d’un plan du film ''Black Thursday'' d’Antoni Krauze (2011).]]
[[File:Filmmaking of &#039;Black Thursday&#039; on crossway of ulica 10 Lutego and ulica Świętojańska in Gdynia - 15.jpg|150px|droite|vignette|Une machiniste polonaise (ou assistante réalisateur) tient le clap avant le tournage d’un plan du film ''Black Thursday'' d’Antoni Krauze (2011).]]

Les appareils étant en fonctionnement, le [[clap]] est présenté devant la caméra. en général par un machiniste, sur l’invitation du cadreur : « Annonce ! ». Ce tableau indique, soit à la craie, soit par affichage digital, le titre du film, le nom du « réal », celui du « dir’phot », la date et d’autres renseignements utiles, tels que « Int » ou « Ext », « Jour » ou « Nuit ». Et le numéro du plan, voire en plus de la séquence, et le numéro de la prise. Le machiniste lit à voix haute les trois indications qui correspondent au travail en cours : titre abrégé du film et numéros du plan et de la prise. Car chaque [[plan (cinéma)|plan]] est tourné plusieurs fois afin d'obtenir les meilleurs résultats, techniques et d'interprétation, et offrir une « sécurité » au cas où la meilleure prise subirait un désagrément ultérieur. Le clap sert aussi de marqueur pour la synchronisation du son, celui-ci étant enregistré séparément et intégré au film lors du montage. Le déplacement rapide de la claquette est flou sur le film. Son arrêt brutal lorsqu’elle heurte le clap la rend nette, d’autant qu’elle est ornée d’une alternance de plages noires et blanches, ou colorées. Cette première image nette correspond exactement au claquement sonore et elle est donc un repère parfait de synchronisation. Certains claps n’ont pas de claquette mais un signal lumineux couplé à l’émission d’un son électronique envoyé à l’enregistreur son. Et le défilement digital qu’il affiche a son équivalent sur la bande son.

Parfois, le clap est présenté à la fin du plan, pour différentes raisons, notamment lorsque les comédiens (et le réalisateur) préfèrent éviter le bruit du claquement avant un jeu intime et feutré, ou quand il y a présence d’un jeune enfant ou d’un animal, qui peuvent avoir une réaction apeurée au moment du claquement. Dans ce cas, le clap est présenté la tête en bas et l’annonce vocale est précédée ou suivie de « Clap de fin ! ».
Les appareils étant en fonctionnement, le [[clap]] est présenté devant la caméra. en général par un machiniste, sur l’invitation du cadreur. Ce tableau indique, soit à la craie, soit par affichage digital, le titre du film, le nom du réalisateur, celui du directeur de la photographie, la date, des renseignements utiles pour l'étalonnage et le numéro du plan, voire en plus de la séquence, et le numéro de la prise. Le machiniste lit à voix haute les trois indications qui correspondent au travail en cours : titre abrégé du film et numéros du plan et de la prise. Car chaque [[plan (cinéma)|plan]] est tourné plusieurs fois afin d'obtenir les meilleurs résultats, techniques et d'interprétation, et offrir une « sécurité » au cas où la meilleure prise subirait un désagrément ultérieur. Le clap sert aussi de marqueur pour la synchronisation du son, celui-ci étant parfois enregistré séparément et intégré au film lors du montage.
Lorsque le tournage s’effectue avec deux ou trois caméras, le clap est fait autant de fois ou parfois avec un clap multi-faces bricolé par les machinistes. Lorsque le cadreur doit aller "chercher" le clap, donc quitter le cadre qu'il a peaufiné, après l'annonce, il recadre soigneusement et annonce : « Cadré ! »<ref>{{harvsp|Pinel|1994|p=202-203. }}</ref>.

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<gallery heights="170" caption="Photos de tournage">
File:Valentin vaala anja rasanen rauha rentola huhtikuu tulee 1953.jpg|vignette|Tournage d'une comédie finlandaise de Valentin Vaala, ''Huhtikuu tulee'' (1953). Une équipe heureuse autour d'un [[Gros plan (cinéma)|gros plan]].
Fichier:Valentin vaala anja rasanen rauha rentola huhtikuu tulee 1953.jpg|Tournage d'un [[Gros plan (cinéma)|gros plan]] dans une comédie finlandaise de Valentin Vaala, ''Huhtikuu tulee'' (1953).
File:Sylvie Testud, Eléonore Faucher.jpg|vignette|[[Sylvie Testud]], autrice du roman adapté, dirigée dans la rue par [[Eléonore Faucher]] pour le film ''[[Gamines]]'' (2008).
Fichier:Sylvie Testud, Eléonore Faucher.jpg|[[Sylvie Testud]], autrice du roman adapté, dirigée dans la rue par [[Eléonore Faucher]] pour le film ''[[Gamines (film)|Gamines]]'' (2008).
Image:Delirium. Movie Set 3.jpg|vignette|''Delirium'' (film) : façon délirante de cadrer en [[contre-plongée]] du "DoP" ukrainien Mykola Yefymenko juché sur une [[dolly]] (2013).
Fichier:Delirium. Movie Set 3.jpg|''Delirium'' (film) : façon délirante de cadrer en [[contre-plongée]] de l'ukrainien Mykola Yefymenko juché sur une [[Dolly (cinéma)|dolly]] (2013).
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Le réalisateur invite alors les comédiens à jouer ce qui a été répété. « Action ! » Lorsque c’est fait, ou avant la fin s’il se présente un problème : bruit inattendu, ou entrée dans le champ d’un objet non désiré provenant du [[hors-champ]] (perche du son, technicien, badaud non filtré), le mot « Coupez ! » (''{{lang|en|Cut !}}'') est lancé soit par le réalisateur, soit par l’opérateur du son ou le cadreur, mot parfois remplacé par la cause exacte de l’interruption : « Perche ! », « Avion ! »<ref>« Le hors-champ, c’est pendant le tournage d’un plan la partie de l’espace que la caméra ne voit pas et ne verra à aucun moment. Le hors-champ d’un plan est éphémère, il n’existe qu’au moment du tournage. La caméra, qu’elle soit immobile ou qu’elle exécute un panoramique ou un travelling, ne développe qu’un seul champ et un seul hors-champ, qui sont tous les deux déterminés par sa position et l’objectif dont elle est munie. Le hors-champ disparaît dès que le plan est "dans la boîte", tourné et réussi. Il permet à l’équipe technique de faire son travail sans entrée incongrue dans le cadrage. Les projecteurs, les réflecteurs, les rails du chariot de travelling, le réalisateur, le directeur de la photographie, tous les techniciens, tous les assistants sont installés dans le hors-champ, là où la caméra ne risque pas de les montrer même par l’intermédiaire d’un miroir qui serait situé, lui, dans le champ. Le perchiste, avec son micro placé à l’extrémité d’une perche télescopique, s’approche au plus près du champ pour mieux saisir les dialogues. Il lui est interdit de sortir du hors-champ et si par hasard il franchit la limite du cadre, l’opérateur caméra qui voit entrer le micro dans son viseur interrompt la prise de vue en criant "Perche !". » {{harvsp|Briselance|Morin|2010|p=449. }}</ref> Ce pouvait être aussi après une prise sur support argentique ([[35 mm]] ou [[film 16 mm]]), quand le deuxième assistant opérateur, après vérification systématique du [[couloir du film]] (« faire le poil »), s’apercevait qu’un débris de pellicule ou de gélatine s’était déposé sur un bord de la [[Fenêtre de cadrage du film|fenêtre de prise de vues]], et qu’il prévenait : « Poil ! ». La prise devait être refaite car, en effet, ce débris aurait été visible sur chaque photogramme du plan.
Le réalisateur invite alors les comédiens à jouer ce qui a été répété. Lorsque c’est fait, ou avant la fin s’il se présente un problème : bruit inattendu, ou entrée dans le champ d’un objet non désiré provenant du [[hors-champ]] (perche du son, technicien...), le mot « Coupez ! » (''{{lang|en|Cut !}}'') est lancé soit par le réalisateur, soit par l’opérateur du son ou le cadreur, mot parfois remplacé par la cause exacte de l’interruption : « Perche ! », « Avion ! »{{note|groupe=alpha|{{Citation|Le hors-champ, c’est pendant le tournage d’un plan la partie de l’espace que la caméra ne voit pas et ne verra à aucun moment. Le hors-champ d’un plan est éphémère, il n’existe qu’au moment du tournage. La caméra, qu’elle soit immobile ou qu’elle exécute un panoramique ou un travelling, ne développe qu’un seul champ et un seul hors-champ, qui sont tous les deux déterminés par sa position et l’objectif dont elle est munie. Le hors-champ disparaît dès que le plan est "dans la boîte", tourné et réussi. Il permet à l’équipe technique de faire son travail sans entrée incongrue dans le cadrage. Les projecteurs, les réflecteurs, les rails du chariot de travelling, le réalisateur, le directeur de la photographie, tous les techniciens, tous les assistants sont installés dans le hors-champ, là où la caméra ne risque pas de les montrer même par l’intermédiaire d’un miroir qui serait situé, lui, dans le champ. Le perchiste, avec son micro placé à l’extrémité d’une perche télescopique, s’approche au plus près du champ pour mieux saisir les dialogues. Il lui est interdit de sortir du hors-champ et si par hasard il franchit la limite du cadre, l’opérateur caméra qui voit entrer le micro dans son viseur interrompt la prise de vue en criant "Perche !"}}<ref> {{harvsp|Briselance|Morin|2010|p=449. }}</ref>.}}.
Autant d’incidents que la scripte note systématiquement, en plus des métrages repères (dans un tournage avec une [[caméra argentique]]) et des codes repères.
« On la refait ! »
Quand enfin chaque poste clé considère que l’une des prises est réussie (et assurée par une autre), il est admis que « c’est dans la boîte », et l’équipe passe à la préparation du plan suivant. Et ainsi de suite jusqu’à l'épuisement du travail prévu pour la journée. Les plans éventuellement en retard sont reportés au lendemain, et consignés sur la feuille de service adéquate.


=== Fin de journée ===
=== Fin de journée (dans le cadre d'un tournage à la pellicule) ===
Au cours ou en fin de cette journée, les boîtes de pellicule argentique négative étaient envoyées au laboratoire pour un développement du tout. Les divers plans que le réalisateur avait retenus comme étant les meilleurs, susceptibles d’être utilisés au montage, en totalité ou en partie, étaient désignés comme « à tirer » et en conséquence ils étaient chargés dans une [[tireuse cinématographique]] pour donner des positifs destinés à la future « copie de travail » du montage, les « rushes » ([ʁœʃ ]). Dans les tournages actuels en numérique, les plans peuvent être visionnées immédiatement après la prise et sont stockés dans des [[Mémoire de masse|mémoires de masse]]. Comme les montages sont virtuels, il n'est pas utile de dédoubler les plans qui restent tous disponibles au montage, ce qui peut parfois permettre de résoudre des problèmes, notamment de son (bouchage d'un trou d'ambiance).
Au cours ou en fin de journée, les boîtes de pellicule argentique négative étaient envoyées au laboratoire pour un développement du tout. Les divers plans que le réalisateur avait retenus comme étant les meilleurs, susceptibles d’être utilisés au montage, en totalité ou en partie, étaient désignés comme « à tirer » et en conséquence ils étaient chargés dans une [[tireuse cinématographique]] pour donner des positifs destinés à la future « copie de travail » du montage, les « rushes » ([ʁœʃ]). Dans les tournages actuels en numérique, les plans peuvent être visionnées immédiatement après la prise et sont stockés dans des [[Mémoire de masse|mémoires de masse]]. Comme les montages sont virtuels, il n'est pas utile de dédoubler les plans qui restent tous disponibles au montage, ce qui peut parfois permettre de résoudre des problèmes, notamment de son (bouchage d'un trou d'ambiance).


== Archéologie lors d'un tournage ==
=== Article connexe ===
[[Fichier:FouillePeaud'ane OWeller2013.jpg|vignette|gauche|alt=Dans une petite clairière, des gens retournent à la main la terre d'un secteur délimité par des rubans tandis que d'autres font des mesures à l'aide d'instruments.|Fouille archéologique sur les lieux de la cabane, dans le parc du [[château de Neuville (Gambais)|château de Neuville]], à [[Gambais]], en 2013.]]
* [[Glossaire du cinéma]]
En 2012, une équipe de fouille menée par Olivier Weller, chargé de recherches au [[Centre national de la recherche scientifique|CNRS]], investit le bois du [[château de Neuville (Gambais)|château de Neuville]], à [[Gambais]], afin de tenter de retrouver les lieux et les traces du tournage du film ''[[Peau d'âne (film, 1970)|Peau d'âne]]''. Leurs recherches se concentrent sur la centaine de mètres carrés où ont été tournées les scènes de la cabane de Peau d'âne et de la clairière de la fée des Lilas. Seul un indice concret permettait de retrouver les lieux : un clou planté dans un arbre par un accessoiriste pour aider [[Jacques Perrin]] à l'escalader<ref name="Libération fouilles">{{Lien web|url= www.liberation.fr/sciences/2016/08/03/peau-d-ane-les-archeologues-refont-le-film_1470138|titre= ''Peau d'âne'', les archéologues refont le film|site= Libération|date= 3 août 2016}}</ref>. Un relevé [[topographie|microtopographique]], une recherche des anomalies métalliques et une prospection géophysique de résistivité électrique du sous-sol ont permis de préciser le plan de la cabane et la densité des vestiges enfouis. Les objets exhumés sont autant des fragments de décors ou de costumes (polystyrène, planches, fragments de miroir, perle bleue, strass) que des éléments techniques du tournage (tessons d'ampoules bleues utilisées par la scripte). En comptant les restes des techniciens du tournage (cigarettes, Vérigoud), on arrive à 4 000 objets trouvés autour de la cabane<ref name="Libération fouilles"/>. Des restes du coquillage géant et des piliers monumentaux de la clairière de la fée doivent encore être fouillés, alors que le cadre du fameux miroir bleu de la fée a été retrouvé près de la cabane<ref>Olivier Weller, « [http://nda.revues.org/2618 L'archéologie peut-elle raconter des contes de fée ? ''Peau d'âne'' sous la truelle] », ''Les Nouvelles de l'archéologie'' {{n°|137}}, 2014, {{p.|40-44}}.</ref>. De nombreux tessons de céramique, qui pourraient reconstituer la vaisselle utilisée lors de la scène du « {{lang|en|''cake''}} d'amour », ont également été retrouvés dans la cabane. Celle-ci a été laissée en place après le tournage, mais a finalement été détruite et brûlée par les propriétaires du domaine quelques années plus tard <ref>« [http://archeologie.yvelines.fr/spip.php?article206 L'archéologie, comme complément de mémoire...] » et « [http://archeologie.yvelines.fr/spip.php?article227 À la recherche des décors de ''Peau d’âne''... la suite] » sur le site du Service archéologique départemental des [[Yvelines]].</ref>{{,}}<ref>{{vid}} {{Article|auteur1=Vincent Charpentier|titre=Archéologie du merveilleux : on a retrouvé la cabane de Peau d'âne !|périodique=[[France Culture]]<!--|collection=Le Salon noir-->|jour=19|mois=décembre|année=2015|lire en ligne=http://www.franceculture.fr/emission-le-salon-noir-archeologie-du-merveilleux-on-a-retrouve-la-cabane-de-peau-d-ane-2015-12-19}}.</ref>. Ces recherches ont donné lieu à un film documentaire de [[Pierre-Oscar Lévy]] et [[Olivier Weller]]<ref name="Fouilles">{{lien web|url=http://www.sofilm.fr/deterrer-peau-dane|date=12 novembre 2015|consulté le=24 décembre 2015|auteur=Judith Chétrit|éditeur=[[So Film]]|titre=Déterrer Peau d'âne}}.</ref>, ''Peau d'âme'', dont la sortie est prévue en 2017<ref>« [http://site.lookatsciences.com/peau-d-ame/ ''Peau d’âme'', une comédie (musicale) documentaire] »,''Look at Sciences'', 17 décembre 2015.</ref>{{,}}<ref name="Libération fouilles"/>, mais qui sortira finalement le 20 avril 2018<ref>{{Lien web |langue=fr-FR |titre=Peau d’Âme, sur les traces du film de Jacques Demy – Look at sciences |url=http://site.lookatsciences.com/peau-dame/ |consulté le=2022-09-07}}</ref>.
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[[Catégorie:Technique de prise de vues cinématographique]]
[[Catégorie:Technique de prise de vues cinématographique]]

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Le tournage est l'étape de réalisation au cours de laquelle sont enregistrées les différentes prises de vues et prises de sons destinées, après les finitions, aux montages d'image, son et mixage, à constituer l'ouvrage désigné par le mot film. Le tournage est « le passage à l'acte cinématographique[1] », le moment où sont tournés les plans (« pour simplifier, le plan est le jeu de scène filmé entre les deux mots magiques du tournage, Action ! et Coupez ![2] »).

Origine du mot[modifier | modifier le code]

Le réalisateur anglais James Williamson tournant la manivelle de sa caméra Williamson (1900).

Tournage, tourner un film… En 1913, Guillaume Vase, ingénieur électricien, auteur de nombreux textes de vulgarisation sur les techniques nouvelles, écrit un Traité pratique de cinématographie, dans lequel il explique le fonctionnement des appareils de prise de vues. Il y décrit les pellicules et leur mode de traitement chimique, le pied de caméra, les éclairages de « l’atelier-théâtre », ainsi qu’il nomme le studio de cinéma, pour enfin, au chapitre V, évoquer la « Prise des vues »[3].

Plusieurs paragraphes informent le lecteur sur « La préparation de l’appareil », « L’installation de l’appareil », « Le réglage de l’obturateur », « Le diaphragme ». Enfin, il explique précisément sur « La manière de tourner la manivelle », « à première vue, une opération très simple et qui ne demande aucun apprentissage[4]. » Louis Lumière, lorsqu'il formait ses opérateurs, envoyés à travers le monde pour ramener des vues photographiques animées, ainsi qu’il appelait les films de la société Lumière, leur donnait le conseil de tourner la manivelle au rythme de la marche militaire « Le Régiment de Sambre et Meuse »[5],[6]. Tourner la manivelle réclamait donc une méthode et une certaine habileté. Sur ce point, Ernest Coustet est formel : « l’exactitude des mouvements reproduits par une vue cinématographique dépend de la façon dont elle a été tournée. Et le choix même de cette expression : tourner une vue, expression aujourd’hui consacrée par l’usage, atteste l’importance attribuée, en cinématographie, à l’opération initiale[7]. »

On comprend facilement comment cette importance a fini par marquer le jargon professionnel des cinéastes. « Tourner un film », c’est tourner la manivelle (présente sur les caméras jusqu’à l’avènement du cinéma sonore à la fin des années 1920), dans la phase de fabrication du film, appelée le « tournage ». Ce terme va s’imposer aussi bien en français qu’en anglais : to shoot (tourner), shooting (tournage).

Description du déroulement d'un tournage[modifier | modifier le code]

La veille[modifier | modifier le code]

Véhicules d'un tournage.
Technicien du son en préparation

Un jour de tournage commence généralement la veille quand chaque membre de l'équipe reçoit la feuille de service rédigée par le premier assistant réalisateur et acceptée par les postes clés (réalisateur, directeur de production, régisseur général et chefs d'équipes)[8]. Ces feuilles de service quotidiennes sont issues du plan de travail que le premier assistant réalisateur a dressé avec l'aide de différents intervenants (réalisateur, deuxième assistant réalisateur, scripte...), pendant la préproduction et qui dresse en un tableau synoptique le calendrier de l'intégralité du tournage, précédé des préparations et rendus à court terme. Ce plan de travail est un pivot essentiel de la production car il permet, en prévoyant les durées de contrat de chaque comédien, de chaque technicien, les durées de locations des lieux (studio ou intérieurs et extérieurs naturels), d'établir le devis prévisionnel du film. Plus modestement mais tout aussi nécessairement, les feuilles de service énumèrent dans l'ordre où ils seront tournés, les plans qu'a indiqués le réalisateur dans son découpage technique, compte tenu de la durée prévue de la journée de travail et des conditions d'éclairage demandées (tournage de jour ou de nuit). Elles précisent les présences des comédiens, silhouettes et figurants, concernés par le jeu dans ces plans, et leurs horaires de préparation (habillage, maquillage, coiffure). Des précisions sont apportées également, concernant les exigences techniques (nombre ou type de caméras, travelling à préparer, éclairages à disposer, effets spéciaux éventuels, accessoires, renforts de personnel, etc). Si le plateau se situe dans une ville, plusieurs jours auparavant une équipe de "ventouseurs" a réservé les places de stationnement pour les véhicules techniques (caméra, machinerie, éclairage, groupe électrogène, loges, cantine).

La préparation du plan[modifier | modifier le code]

Pour donner une ambiance favorable au jeu de Mary Pickford, dans Petit Démon, le réalisateur Marshall Neilan et le directeur photo Walter Stradling ont mobilisé un orchestre à cordes (1917).
Tournage du film ukrainien Las Meninas (2008). Nouvelle façon de viser : le réalisateur Ihor Podolchak (à gauche) n’est pas à la caméra mais devant un moniteur vidéo, avec son directeur photo Sergey Mikhalchuk.

L'équipe technique met en place son matériel, parfois plusieurs heures avant le tournage, quand il s'agit d'éclairer un large plateau ou de mettre en mouvement une grue, une dolly ou une louma, ou tout autre dispositif qui devra être prêt au moment où les acteurs et le réalisateur entreprendront leur travail. Le directeur de la photographie décide du placements des lumières (par les électriciens) et des installations techniques par les machinistes. Ce sont les seconds assistants réalisateurs, ou des stagiaires, qui sont chargés d'amener sur le plateau les comédiens concernés, et de veiller pendant la journée à leur confort. Un maquilleur, un coiffeur, sont présents aussi sur le plateau pour rectifier éventuellement leur maquillage (« raccord maquillage ») ou leur coiffure. Le poste maquillage est aussi responsable des larmes artificielles, lorsque le comédien n'a pas la larme facile. Les acteurs doivent répéter leur texte sous la direction du réalisateur et faire une répétition au cours de laquelle ils se prêtent aux réglages de la technique, en mémorisant et éventuellement en modifiant leurs déplacements. Certains comédiens sont remplacés durant cette période par des « doublures lumière », des figurants attitrés, des mêmes taille et couleur de peau et de cheveux, qui supportent ces réglages et en indiquent le résultat à ceux ou celles qu'ils remplacent. Cette préparation du plan vise à coordonner le travail du cadreur et de son premier assistant opérateur qui assure la mise au point de l'objectif de la caméra en fonction de la distance à laquelle se situent les comédiens dans le plan. Le cadreur répète les mouvements de la caméra qui dépendent de son habileté (panoramiques) et ceux qu'il exécute en collaboration avec le chef machiniste (travelling ou tout autre déplacement de l'appareil de prise de vues). Le chef-opérateur du son fait de même avec le perchman, ou son assistant lorsque les comédiens sont équipés de micros portatifs. La scripte prend des notes et des photos, destinées à mémoriser la configuration du plan pour faciliter le tri des plans lors du montage. Le photographe de plateau enregistre des photos de tournage destinées à la promotion future du film.

Le tournage[modifier | modifier le code]

Lorsque ces préparatifs ont abouti, le premier assistant réalisateur (ou le chef de plateau pour les téléfilms), exige le silence. En studio, systématiquement une lampe rouge est allumée à l’entrée, interdisant toute intrusion durant la prise de vues. Un même dispositif est très souvent installé sur les plateaux en intérieurs ou extérieurs naturels, pour les mêmes raisons, et notamment pour imposer le silence sur le lieu même et dans l’entourage. Le réalisateur demandera ensuite le démarrage de la caméra, repris éventuellement par le premier assistant si l’équipe image résout un problème de dernière minute. S’il y a prise de son, c’est l’ingénieur du son (chef opérateur du son) qui répond car il est important que son enregistreur soit en fonctionnement.

Déjà à l’époque du cinéma muet (ici, 1919), une ardoise d'identification était présentée à la caméra qui en prenait quelques images fixes.
Une machiniste polonaise (ou assistante réalisateur) tient le clap avant le tournage d’un plan du film Black Thursday d’Antoni Krauze (2011).


Les appareils étant en fonctionnement, le clap est présenté devant la caméra. en général par un machiniste, sur l’invitation du cadreur. Ce tableau indique, soit à la craie, soit par affichage digital, le titre du film, le nom du réalisateur, celui du directeur de la photographie, la date, des renseignements utiles pour l'étalonnage et le numéro du plan, voire en plus de la séquence, et le numéro de la prise. Le machiniste lit à voix haute les trois indications qui correspondent au travail en cours : titre abrégé du film et numéros du plan et de la prise. Car chaque plan est tourné plusieurs fois afin d'obtenir les meilleurs résultats, techniques et d'interprétation, et offrir une « sécurité » au cas où la meilleure prise subirait un désagrément ultérieur. Le clap sert aussi de marqueur pour la synchronisation du son, celui-ci étant parfois enregistré séparément et intégré au film lors du montage.

Le réalisateur invite alors les comédiens à jouer ce qui a été répété. Lorsque c’est fait, ou avant la fin s’il se présente un problème : bruit inattendu, ou entrée dans le champ d’un objet non désiré provenant du hors-champ (perche du son, technicien...), le mot « Coupez ! » (Cut !) est lancé soit par le réalisateur, soit par l’opérateur du son ou le cadreur, mot parfois remplacé par la cause exacte de l’interruption : « Perche ! », « Avion ! »[a].

Fin de journée (dans le cadre d'un tournage à la pellicule)[modifier | modifier le code]

Au cours ou en fin de journée, les boîtes de pellicule argentique négative étaient envoyées au laboratoire pour un développement du tout. Les divers plans que le réalisateur avait retenus comme étant les meilleurs, susceptibles d’être utilisés au montage, en totalité ou en partie, étaient désignés comme « à tirer » et en conséquence ils étaient chargés dans une tireuse cinématographique pour donner des positifs destinés à la future « copie de travail » du montage, les « rushes » ([ʁœʃ]). Dans les tournages actuels en numérique, les plans peuvent être visionnées immédiatement après la prise et sont stockés dans des mémoires de masse. Comme les montages sont virtuels, il n'est pas utile de dédoubler les plans qui restent tous disponibles au montage, ce qui peut parfois permettre de résoudre des problèmes, notamment de son (bouchage d'un trou d'ambiance).

Archéologie lors d'un tournage[modifier | modifier le code]

Dans une petite clairière, des gens retournent à la main la terre d'un secteur délimité par des rubans tandis que d'autres font des mesures à l'aide d'instruments.
Fouille archéologique sur les lieux de la cabane, dans le parc du château de Neuville, à Gambais, en 2013.

En 2012, une équipe de fouille menée par Olivier Weller, chargé de recherches au CNRS, investit le bois du château de Neuville, à Gambais, afin de tenter de retrouver les lieux et les traces du tournage du film Peau d'âne. Leurs recherches se concentrent sur la centaine de mètres carrés où ont été tournées les scènes de la cabane de Peau d'âne et de la clairière de la fée des Lilas. Seul un indice concret permettait de retrouver les lieux : un clou planté dans un arbre par un accessoiriste pour aider Jacques Perrin à l'escalader[10]. Un relevé microtopographique, une recherche des anomalies métalliques et une prospection géophysique de résistivité électrique du sous-sol ont permis de préciser le plan de la cabane et la densité des vestiges enfouis. Les objets exhumés sont autant des fragments de décors ou de costumes (polystyrène, planches, fragments de miroir, perle bleue, strass) que des éléments techniques du tournage (tessons d'ampoules bleues utilisées par la scripte). En comptant les restes des techniciens du tournage (cigarettes, Vérigoud), on arrive à 4 000 objets trouvés autour de la cabane[10]. Des restes du coquillage géant et des piliers monumentaux de la clairière de la fée doivent encore être fouillés, alors que le cadre du fameux miroir bleu de la fée a été retrouvé près de la cabane[11]. De nombreux tessons de céramique, qui pourraient reconstituer la vaisselle utilisée lors de la scène du « cake d'amour », ont également été retrouvés dans la cabane. Celle-ci a été laissée en place après le tournage, mais a finalement été détruite et brûlée par les propriétaires du domaine quelques années plus tard [12],[13]. Ces recherches ont donné lieu à un film documentaire de Pierre-Oscar Lévy et Olivier Weller[14], Peau d'âme, dont la sortie est prévue en 2017[15],[10], mais qui sortira finalement le 20 avril 2018[16].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. « Le hors-champ, c’est pendant le tournage d’un plan la partie de l’espace que la caméra ne voit pas et ne verra à aucun moment. Le hors-champ d’un plan est éphémère, il n’existe qu’au moment du tournage. La caméra, qu’elle soit immobile ou qu’elle exécute un panoramique ou un travelling, ne développe qu’un seul champ et un seul hors-champ, qui sont tous les deux déterminés par sa position et l’objectif dont elle est munie. Le hors-champ disparaît dès que le plan est "dans la boîte", tourné et réussi. Il permet à l’équipe technique de faire son travail sans entrée incongrue dans le cadrage. Les projecteurs, les réflecteurs, les rails du chariot de travelling, le réalisateur, le directeur de la photographie, tous les techniciens, tous les assistants sont installés dans le hors-champ, là où la caméra ne risque pas de les montrer même par l’intermédiaire d’un miroir qui serait situé, lui, dans le champ. Le perchiste, avec son micro placé à l’extrémité d’une perche télescopique, s’approche au plus près du champ pour mieux saisir les dialogues. Il lui est interdit de sortir du hors-champ et si par hasard il franchit la limite du cadre, l’opérateur caméra qui voit entrer le micro dans son viseur interrompt la prise de vue en criant "Perche !" »[9].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Vincent Pinel, Dictionnaire technique du cinéma, Paris, Armand Colin, , 369 p. (ISBN 978-2-200-35130-4), p. 301.
  2. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 344.
  3. Ce Traité pratique de cinématographie a été réédité en 2018 en fac-similé (voir ci-dessous).
  4. Ernest Coustet, Traité pratique de cinématographie, Paris, éditions Charles Mendel, coll. « Bibliothèque générale de cinématographie », , 202 p. (ISBN 9782019987251), p. 59.
  5. Briselance et Morin 2010, p. 33.
  6. Pinel 1994, p. 62.
  7. Ernest Coustet 1913, p. 59.
  8. Pinel 2012, p. 119.
  9. Briselance et Morin 2010, p. 449.
  10. a b et c « Peau d'âne, les archéologues refont le film », sur Libération,
  11. Olivier Weller, « L'archéologie peut-elle raconter des contes de fée ? Peau d'âne sous la truelle », Les Nouvelles de l'archéologie no 137, 2014, p. 40-44.
  12. « L'archéologie, comme complément de mémoire... » et « À la recherche des décors de Peau d’âne... la suite » sur le site du Service archéologique départemental des Yvelines.
  13. [vidéo] Vincent Charpentier, « Archéologie du merveilleux : on a retrouvé la cabane de Peau d'âne ! », France Culture,‎ (lire en ligne).
  14. Judith Chétrit, « Déterrer Peau d'âne », So Film, (consulté le ).
  15. « Peau d’âme, une comédie (musicale) documentaire »,Look at Sciences, 17 décembre 2015.
  16. « Peau d’Âme, sur les traces du film de Jacques Demy – Look at sciences » (consulté le )

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]