« Alliance pour le progrès » : différence entre les versions

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L''''Alliance pour le Progrès''' a été créée en [[1961]] par le [[président des États-Unis]] [[John F. Kennedy]] pour renforcer la coopération entre l'[[Amérique du Nord]] et l'[[Amérique du Sud]]. Ce mécanisme d'aide économique, adopté dans le cadre de l'[[Organisation des États américains]] avait pour objectif de dynamiser le développement économique et social de l'Amérique latine, mais il était en arrière-plan une pièce importante dans la stratégie de protection contre la menace [[communiste]] croissante que les États-Unis ressentaient depuis la prise de pouvoir de [[Fidel Castro]] à [[Cuba]], en 1959.
L''''Alliance pour le progrès''' est créée en [[1961 aux États-Unis|1961]] par le [[président des États-Unis]] [[John Fitzgerald Kennedy]] pour renforcer la coopération entre l'[[Amérique du Nord]] et l'[[Amérique du Sud]]. Ce mécanisme [[Aide au développement|d'aide économique]], adopté dans le cadre de l'[[Organisation des États américains]] a alors pour objectif de dynamiser le développement économique et social de l'[[Amérique latine]], mais il est en arrière-plan une pièce importante dans la stratégie d'[[endiguement]] de la montée des mouvements sociaux décrite comme une menace [[communiste]] croissante et que les [[États-Unis]] ressentent depuis la [[Fidel Castro#Prise du pouvoir|prise de pouvoir de Fidel Castro]] à [[Cuba]], en [[1959]].


Elle vient se placer dans une série de tentatives à l'échelle du continent américain visant une plus grande proximité de destin entre États du Nord et du Sud, telle que reflétée dans la doctrine dite du [[panaméricanisme]].
Elle vient se placer dans une série de tentatives à l'échelle du [[Amérique|continent américain]] visant une plus grande proximité de destin entre [[pays du Nord]] du [[Pays du Sud|Sud]], telle que reflétée dans la doctrine dite du [[panaméricanisme]]. L'organisation permet aux industries et aux capitaux en provenance des [[États-Unis|Etats-Unis]] de trouver des débouchés sur les marchés [[Amérique latine|latino-américains]] et de promouvoir les intérêts économiques des États-Unis sur le continent dans une perspective de développement conjoint<ref>{{Ouvrage|langue=anglais|auteur1=Ronald W Cox|titre=Power and Profits US Policy in Central America|éditeur=University Press of Kentucky|date=1994}}</ref>.


Les objectifs de l'Alliance furent formulés dans le cadre de la [[doctrine Kennedy]] qui précisait la politique des États-Unis à l'égard du continent pendant les années 1960. Elle n'eut pas les résultats escomptés de développement économique et de progrès démocratique et, progressivement réduite, elle fut définitivement abandonnée par le président [[Richard Nixon|Nixon]], en 1973.
Les objectifs de l'Alliance sont formulés dans le cadre de la [[doctrine Kennedy]] qui précisent la politique des États-Unis à l'égard du continent pendant les [[années 1960]]. Si les transferts de flux financiers sont au départ conditionnés à la démocratisation des régimes bénéficiaires, le soutien économique apporté à des régimes dictatoriaux tels qu'ils se mettent en place au [[Brésil]], au [[Honduras]] ou encore en [[République dominicaine]] conduit à une invalidation de facto des objectifs idéologiques fondateurs de l'Alliance. Elles n'ont pas les résultats escomptés de développement économique et de progrès démocratique et, progressivement réduite, elles sont définitivement abandonnées par le président [[Richard Nixon|Nixon]], en [[1973 aux États-Unis|1973]].
[[Fichier:N&SAmerica-pol.jpg|thumb|220px|Carte politique du continent américain - Source CIA.]]
[[Fichier:N&SAmerica-pol.jpg|thumb|220px|Carte politique du continent américain - Source [[Central Intelligence Agency|CIA]].]]


==Origine et objectifs==
== Origine et objectifs ==
===Le contexte===
=== Contexte ===
Depuis la décolonisation du continent latino-américain et la tentative unificatrice de [[Simón Bolívar]], suivie de la formulation de la [[doctrine de Monroe]] dans les [[années 1820]]-[[années 1830|1830]], le continent a peu à peu recherché les moyens d'œuvrer à un développement commun. Mais ce n'est qu'avec la création de l'[[Organisation des États américains]] en avril 1948, que les États-Unis ont réellement systématisé leur politique vis-à-vis des États du Sud.
Depuis la [[Décolonisation des Amériques|décolonisation]] du [[Sous-continent|subcontinent]] latino-américain et la tentative unificatrice de [[Simón Bolívar]], suivie de la formulation de la [[doctrine de Monroe]] dans les [[années 1820]]-[[années 1830|1830]], le continent peu à peu recherche les moyens d'œuvrer à un développement commun. Mais ce n'est qu'avec la création de l'[[Organisation des États américains]] en avril [[1948]], que les États-Unis réellement systématisent leur politique vis-à-vis des États du Sud.
La politique menée ensuite par les administrations successives républicaines ne permit aucun progrès en matière de développement économique concerté. Ainsi à la Conférence inter-américaine de [[Caracas]] en 1954, [[John Foster Dulles]], alors [[Secrétaire d'État]] du président [[Dwight David Eisenhower|Eisenhower]], répondait « Trade, no aid ! »<ref>Du commerce, pas des aides! citation dans Encyclopédie Universalis, article Alliance pour le progrès, consulté le 10 février 2008</ref>, aux demandes d'intervention publique. C'est la démarche du président brésilien [[Kubitschek]] qui lança l'idée d'une collaboration économique inter-américaine, ''Operación Panamericana'' et l'exposa dans un mémoire transmis le {{nobr|9 août 1958}} à vingt et un gouvernements, provoquant la réunion du « comité des 21 » à [[Washington (district de Columbia)|Washington]] en novembre 1958.
La politique menée ensuite par les administrations successives républicaines ne permettent aucun progrès en matière de développement économique concerté. Ainsi à la Conférence inter-américaine de [[Caracas]] en [[1954]], [[John Foster Dulles]], alors [[Secrétaire d'État des États-Unis|Secrétaire d'État]] du président [[Dwight David Eisenhower|Eisenhower]], répond « ''Trade, no aid!'' »<ref>Du commerce, pas des aides! citation dans l'''[[Encyclopædia Universalis]]'', article Alliance pour le progrès, consulté le 10 février 2008</ref>, aux demandes d'intervention publique. C'est la démarche du président [[Brésil|brésilien]] [[Juscelino Kubitschek]] qui lance l'idée d'une collaboration économique inter-américaine, ''Operación Panamericana'' et l'expose dans un mémoire transmis le {{nobr|9 août 1958}} à vingt-et-un gouvernements, provoquant la réunion du « comité des 21 » à [[Washington (district de Columbia)|Washington]] en {{date-|novembre 1958}}.


[[Image:Eisenhower and Kennedy.jpg|180px|thumb|right|Kennedy serre la main de Dwight Eisenhower après sa nomination le 20 janvier 1961]]
[[Fichier:Eisenhower and Kennedy.jpg|180px|thumb|right|Kennedy serre la main de Dwight Eisenhower après sa nomination le 20 janvier 1961.]]
Tout d'abord réticent, mais prenant en considération la menace que représentait la révolution réussie de Cuba en 1959, Washington prit à son tour l'initiative. Ainsi, en 1959, est créée la [[Banque inter-américaine de développement]] (B.I.D.) au capital d'un milliard de dollars dont 450 millions souscrits par les États-Unis - puis négocié l'acte de Bogotá, programme d'amélioration sociale, plus que de développement économique, en [[1960]]. Le [[Marché commun centraméricain]] fut aussi créé la même année.
Tout d'abord réticent, mais prenant en considération la menace que représentent la révolution réussie de Cuba en 1959, Washington prend à son tour l'initiative. Ainsi, en 1959, est créée la [[Banque inter-américaine de développement]] (B.I.D.) au capital d'un milliard de dollars dont 450 millions souscrits par les États-Unis - puis négocié l'acte de Bogotá, programme d'amélioration sociale, plus que de développement économique, en [[1960]]. Le [[Marché commun centraméricain]] est aussi créé la même année.


Mais, c'est avec le président [[John F. Kennedy]] nouvellement élu, que la politique des États-Unis allait profondément évoluer en mettant l'accent sur le développement économique, comme le « Foreign Assistance Act » de septembre [[1961]] qui réorganisait les programmes d'assistance, nés avec le [[Plan Marshall]], en les distinguant totalement de l'aide militaire. En novembre 1961, le Président Kennedy créa l'agence des États-Unis pour le développement international ([[USAID]]).
Mais, c'est avec le président [[John F. Kennedy]] nouvellement élu, que la politique des États-Unis évolue profondément en mettant l'accent sur le développement économique, comme le ''Foreign Assistance Act'' de septembre [[1961]] qui réorganise les programmes d'assistance, nés avec le [[Plan Marshall]], en les distinguant totalement de l'aide militaire. En {{date-|novembre 1961}}, le Président Kennedy crée l'agence des États-Unis pour le développement international ([[USAID]]).


===Le but de l'alliance===
=== But de l'alliance ===
[[Fichier:RómuloBetancourt JFK1961.jpg|250px|thumb|left|Kennedy reçu par le président du [[Venezuela]] [[Betancourt]] le {{nobr|16 décembre 1961}}, dans le cadre de sa tournée en Amérique latine et du lancement de l'Alliance pour le progrès]]
[[Fichier:RómuloBetancourt JFK1961.jpg|250px|thumb|left|Kennedy reçu par le président du [[Venezuela]] [[Betancourt]] le {{nobr|16 décembre 1961}}, dans le cadre de sa tournée en Amérique latine et du lancement de l'Alliance pour le progrès.]]
Le {{nobr|13 mars 1961}}, s'adressant aux diplomates d'Amérique du Sud et à des membres du [[Congrès des États-Unis|Congrès]], le président Kennedy, dans le droit fil de sa rhétorique, proposa un plan à dix ans pour l'[[Amérique latine]] :
Le {{nobr|13 mars 1961}}, s'adressant aux diplomates d'Amérique du Sud et à des membres du [[Congrès des États-Unis|Congrès]], le président Kennedy, dans le droit fil de sa rhétorique, propose un plan à dix ans pour l'[[Amérique latine]] :
{{Citation bloc|…nous proposons de mener à terme la révolution des Amériques, afin de construire un hémisphère où tous les hommes peuvent espérer un niveau de vie décent dans la dignité et la liberté. Pour atteindre cet objectif, la liberté politique doit accompagner le progrès matériel… Transformons une fois encore le continent américain en un vaste creuset d'efforts et d'idées révolutionnaires, un hommage au pouvoir des énergies créatrices des hommes et des femmes libres, un exemple donné au monde que liberté et progrès marchent de conserve. Réveillons une fois encore notre révolution américaine pour qu'elle guide partout la lutte des peuples - non par la force de l'impérialisme ou la crainte mais par la voie du courage, de la liberté et de l'espoir en l'avenir de l'humanité<ref name = "modern">{{Lien web|titre =President John F. Kennedy: On the Alliance for Progress, 1961|série =Modern History Sourcebook|url =http://www.fordham.edu/halsall/mod/1961kennedy-afp1.html|consulté le=30 octobre 2007}}</ref>.}}
{{Citation bloc|…nous proposons de mener à terme la révolution des Amériques, afin de construire un [[Hémisphère occidental|hémisphère]] où tous les hommes peuvent espérer un niveau de vie décent dans la dignité et la liberté. Pour atteindre cet objectif, la liberté politique doit accompagner le progrès matériel… Transformons une fois encore le continent américain en un vaste creuset d'efforts et d'idées révolutionnaires, un hommage au pouvoir des énergies créatrices des hommes et des femmes libres, un exemple donné au monde que liberté et progrès marchent de conserve. Réveillons une fois encore notre révolution américaine pour qu'elle guide partout la lutte des peuples - non par la force de l'impérialisme ou la crainte mais par la voie du courage, de la liberté et de l'espoir en l'avenir de l'humanité<ref name = "modern">{{Lien web|titre =President John F. Kennedy: On the Alliance for Progress, 1961|série =Modern History Sourcebook|url =http://www.fordham.edu/halsall/mod/1961kennedy-afp1.html|consulté le=30 octobre 2007}}</ref>.}}


L'outil de cette vision politique sera l'Alliance pour le progrès dont il avait dessiné les contours dans son discours d'[[assermentation|investiture]], le {{nobr|20 janvier 1961}} :
L'outil de cette vision politique va être l'Alliance pour le progrès dont il a dessiné les contours dans son discours d'[[assermentation|investiture]], le {{nobr|20 janvier 1961}} :
{{citation bloc|J'appelle donc tous les peuples de cette hémisphère à rejoindre une nouvelle Alliance pour le Progrès – Alianza para Progresso –, un vaste effort coopératif, sans pareil quant à son ambition et à la noblesse de son propos, afin de satisfaire les besoins élémentaires de tous les peuples d'Amérique, en matière de logement, de travail et de terre, de santé et d'éducation – techo, trabajo y tierra, salud y escuela<ref name = "modern"/>.}}
{{citation bloc|J'appelle donc tous les peuples de cet hémisphère à rejoindre une nouvelle Alliance pour le Progrès – Alianza para Progresso –, un vaste effort coopératif, sans pareil quant à son ambition et à la noblesse de son propos, afin de satisfaire les besoins élémentaires de tous les peuples d'Amérique, en matière de logement, de travail et de terre, de santé et d'éducation – ''techo, trabajo y tierra, salud y escuela''<ref name = "modern"/>.}}


Dans ce discours, Kennedy réaffirme par ailleurs l'engagement des États-Unis à participer à la défense de toute Nation dont l'indépendance serait menacée [ce qui vise le danger d'insurrection ou d'intervention communiste extérieure] et promet d'augmenter les programmes d'aide alimentaire et de soutien économique pour les pays.
Dans ce discours, Kennedy réaffirme par ailleurs l'engagement des États-Unis à participer à la défense de toute Nation dont l'indépendance serait menacée [ce qui vise le danger d'insurrection ou d'intervention communiste extérieure] et promet d'augmenter les programmes d'aide alimentaire et de soutien économique pour les pays.


La montée en puissance des mouvements sociaux en Amérique latine, telle qu'elle peut s'exprimer à [[Révolution cubaine|Cuba en 1959]], en [[Bolivie]] en 1952 ou encore en Amérique centrale, fait craindre aux États-Unis un ébranlement de l'équilibre économique continental dans une direction contraire aux intérêts économiques du pays. Face à la création de l'Alliance perçue comme une offensive institutionnelle des intérêts financiers des États-Unis, Ernesto Che Guevara, ministre de l'Economie de Cuba, préconise ainsi dans son discours au [[Conseil interaméricain économique et social]] « la [[nationalisation]] de toutes les entreprises étrangères s'occupant d'agriculture et de commercialisation de produits agricoles en Amérique latine »<ref name=":1">{{Lien web |langue=fr-FR |prénom=Encyclopædia |nom=Universalis |titre=ALLIANCE POUR LE PROGRÈS |url=https://www.universalis.fr/encyclopedie/alliance-pour-le-progres/ |site=Encyclopædia Universalis |consulté le=2021-05-29}}</ref>.
=== Les objectifs détaillés ===
Le programme fut paraphé le 17 août 1961 à la conférence inter-américaine de l'[[Organisation des États américains]] (l'OEA) réunie à [[Punta del Este]] en [[Uruguay]] par tous les États membres, à l'exception de Cuba<ref> [http://www.yale.edu/lawweb/avalon/intdip/interam/intam16.htm Charte de Punta del Este, établissant une Alliance pour le Progrès, signée le 17 août 1961 - Document diplomatique disponible sur le site de l'Université Yale -] consulté en février 2008</ref>.


=== Objectifs détaillés ===
Les principaux objectifs en étaient :
Le programme est paraphé le {{date-|17 août 1961}} à la conférence inter-américaine de l'[[Organisation des États américains]] (l'OEA) réunie à [[Punta del Este]] en [[Uruguay]] par tous les États membres, à l'exception de Cuba<ref> [http://www.yale.edu/lawweb/avalon/intdip/interam/intam16.htm Charte de Punta del Este, établissant une Alliance pour le Progrès, signée le 17 août 1961 - Document diplomatique disponible sur le site de l'Université Yale -] consulté en février 2008</ref>.
* une croissance annuelle de 2,5 % du revenu par tête<ref>[[Cuba]] était représenté par le [[Che Guevara|Che]] ; il n'a pas signé le programme car il trouvait ce taux trop modeste comparé au 10 % du bloc communiste. Tiers-Monde,1962, vol. 3, {{n°|11}}, {{p.|497-498}}, {{lire en ligne|lien=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1962_num_3_11_5799}}</ref>,

Les principaux objectifs en sont :
* une croissance annuelle de 2,5 % du revenu par tête<ref>[[Cuba]] est représenté par le [[Che Guevara|Che]] ; il ne signe pas le programme car il trouve ce taux trop modeste comparé au 10 % revendiqués par le bloc communiste. Tiers-Monde,1962, vol. 3, {{n°|11}}, {{p.|497-498}}, {{lire en ligne|lien=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1962_num_3_11_5799}}</ref>,
* l'établissement de gouvernements démocratiques,
* l'établissement de gouvernements démocratiques,
* l'élimination de l'[[illettrisme]] des adultes en 1970,
* l'élimination de l'[[illettrisme]] des adultes en [[1970]],
* la stabilité des prix, évitant [[inflation]] comme [[déflation]],
* la stabilité des prix, évitant [[inflation]] comme [[déflation]],
* une distribution plus équitable des revenus, une [[réforme agraire]] et la planification économique et sociale<ref name="talon">Peter H Smith, Talons of the Eagle: Dynamics of U.S.-Latin American Relations, 1999 {{p.|150-152}}</ref>.
* une distribution plus équitable des revenus, une [[réforme agraire]] et la [[planification économique]] et sociale<ref name="talon">Peter H Smith, Talons of the Eagle: Dynamics of U.S.-Latin American Relations, 1999 {{p.|150-152}}</ref>.

Le plan repose sur trois éléments factuels :

Premièrement, les pays doivent s'engager sur des investissements de quatre-vingts milliards de dollars sur dix ans. Les États-Unis promettent de fournir ou garantir vingt milliards de dollars<ref name="columbia">The Columbia Encyclopedia, {{6e|édition}}, 2001, article cité [http://www.bartleby.com/65/al/AlliancPro.html Alliance for Progress]</ref>.


Deuxièmement, les délégués latino-américains sont requis de fournir un plan complet de développement par pays. Ces plans doivent être soumis pour approbation à un comité d'experts inter-Américains.
Le plan reposait sur trois éléments factuels :


Troisièmement, la fiscalité doit être modifiée afin d'exiger « plus de ceux qui ont le plus » et une réforme agraire doit être lancée<ref name="talon"/>.
Premièrement, les pays devaient s'engager sur des investissements de 80 milliards de $ sur dix ans. Les États-Unis promirent de fournir ou garantir 20 milliards de $<ref name="columbia">The Columbia Encyclopedia, {{6e}} édition, 2001, article cité [http://www.bartleby.com/65/al/AlliancPro.html Alliance for Progress]</ref>.


== Évolution de l’aide des États-Unis à l’Amérique latine pendant les années 1960 ==
Deuxièmement, les délégués latino-américains furent requis de fournir un plan complet de développement par pays. Ces plans devaient être soumis pour approbation à un comité d'experts inter-Américains.
=== Circuit financier ===
Du fait de ce programme, l'assistance économique à l'Amérique latine triple pratiquement entre 1960 et 1961. Toutefois, entre août 1961 et 1962,l 'Alliance ne reçoit que 225 millions de dollars, en plus d'une conjoncture commerciale internationale défavorable (baisse des prix des matières premières ; [[fuite des capitaux]] étrangers ; utilisation des crédits de l'Alliance pour rembourser des prêts plutôt que pour réaliser des investissements). En octobre 1962, lors de la réunion du conseil de l'OEA à [[Mexico]], il est mis en évidence que le revenu per capita des pays bénéficiaires de l'aide n'a crû que de 1 p. 100 par an<ref name=":1" />. Entre 1962 et 1967, les États-Unis fournissent 1,4 milliard de dollars par an au continent sud-américain. En comptant les investissements nouveaux, l'aide atteignit 3,3 milliards de dollars par an.


Puis à la fin des années 1960, l'aide économique à l'Amérique latine se réduit considérablement, en particulier après l'élection de [[Richard Nixon]]<ref name="talon" />.
Troisièmement, la fiscalité devait être modifiée afin d'exiger « plus de ceux qui ont le plus » et une réforme agraire devait être lancée<ref name="talon"/>.


Les chercheurs L. Ronald Scheman<ref name="retrospective">{{en}} L. Ronald Scheman (s.d.), ''The Alliance for Progress : A Retrospective'', {{p.|10-11}}</ref> et Tony Smith<ref>{{en}} Tony Smith, "The Alliance for Progress: The 1960s," in Exporting Democracy: The United States and Latin America, Abraham F. Lowenthal, éd. Johns Hopkins University Press, 1991, {{p.|72}}</ref> ont ultérieurement calculé que le montant total de l'aide atteignit 22,3 milliards de $. Mais, ce total n'est pas net des transferts de ressources et de développement : les pays devant toujours assurer le service de leur dette vis-à-vis des États-Unis et des autres pays développés. Enfin, les profits réalisés sont retournés aux États-Unis, pour un montant fréquemment plus élevé que les nouveaux investissements.
==Évolution de l’aide des États-Unis à l’Amérique latine pendant les années 1960==
===Le circuit financier===
Du fait de ce programme, l'assistance économique à l'Amérique latine tripla pratiquement entre 1960 et 1961. Entre 1962 et 1967, les États-Unis fournirent 1,4 milliard de $ par an au continent sud-américain. En comptant les investissements nouveaux, l'aide atteignit 3,3 milliards de $ par an.


En {{date-|mars 1969}}, l'ambassadeur des États-Unis à l'[[Organisation des États américains|OEA]], William T. Denzer, explique devant la commission des affaires étrangères de la chambre des représentants :
Puis à la fin des [[années 1960]], l'aide économique à l'Amérique latine se réduisit considérablement, en particulier après l'élection de [[Richard Nixon]]<ref name="talon" />.
{{citation bloc|Quand vous observez les flux nets de capitaux et leurs effets économiques, et après avoir rendu hommage aux Américains pour avoir augmenté leur soutien aux pays d'Amérique du Sud, on peut se rendre compte qu'en fait, peu d'argent a été injecté en Amérique latine."<ref name="talon" />}}


=== Action commerciale offensive ===
Les chercheurs L. Ronald Scheman<ref name="retrospective">{{en}} L. Ronald Scheman (s.d.), ''The Alliance for Progress : A Retrospective'', {{p.|10-11}}</ref> et Tony Smith<ref>{{en}} Tony Smith, "The Alliance for Progress: The 1960s," in Exporting Democracy: The United States and Latin America, Abraham F. Lowenthal, éd. Johns Hopkins University Press, 1991, {{p.|72}}</ref> ont calculé que le montant total de l'aide atteignit 22,3 milliards de $. Mais, ce total n'est pas net des transferts de ressources et de développement : les pays devant toujours assurer le service de leur dette vis-à-vis des États-Unis et des autres pays développés. Enfin, les profits réalisés retournèrent aux États-Unis, pour un montant fréquemment plus élevé que les nouveaux investissements.
La charte de l'Alliance comprend une clause recommandée par les hommes politiques américains qui engagent les États latino-américains à promouvoir « des conditions qui encourageraient le flux de capitaux étrangers » dans la région.


Les industriels américains conduisent un intense ''[[Lobby|lobbying]]'' au Congrès afin d'amender le [[Foreign Assistance Act]] de 1961 pour s'assurer que l'aide américaine ne profitent à aucun fournisseur étranger, potentiellement concurrent, « à moins que les pays intéressés acceptent de limiter leurs exportations vers les États-Unis à moins de 20 % de leur production ».
En mars 1969, l'ambassadeur des États-Unis à l'[[Organisation des États américains|OEA]], William T. Denzer, expliqua devant la commission des affaires étrangères de la chambre des représentants :
{{citation bloc|Quand vous observez les flux nets de capitaux et leurs effets économiques, et après avoir rendu hommage aux américains pour avoir augmenté leur support aux pays d'Amérique du Sud, on peut se rendre compte qu'en fait, peu d'argent a été injecté en Amérique latine."<ref name="talon" />}}


De plus, ils obtiennent que tous les achats, d'équipements industriels et de véhicules, réalisés grâce à cette aide, reviennent aux États-Unis. Une étude de [[1967]] de l'AID montre que 90 pour cent de tous les achats courants vont à des compagnies américaines<ref>{{en}} in Power and Profits US Policy in Central America, Ronald W Cox, 1994, University Press of Kentucky, {{p.|83-85}}</ref>.
===Une action commerciale offensive===
La charte de l'Alliance comprenait une clause recommandée par les hommes politiques américains qui engageaient les États latino-américains à promouvoir « des conditions qui encourageraient le flux de capitaux étrangers » dans la région.


=== Versant militaire ===
Les industriels américains conduisirent un intense lobbying au Congrès afin d'amender le [[Foreign Assistance Act]] de 1961 pour s'assurer que l'aide américaine ne bénéficierait à aucun fournisseur étranger, potentiellement concurrent, « à moins que les pays intéressés acceptent de limiter leurs exportations vers les États-Unis à moins de 20 % de leur production ».
[[Fichier:Dean Rusk, Lyndon B. Johnson and Robert McNamara in Cabinet Room meeting February 1968.jpg|thumb|left|250px|Dean Rusk, Lyndon B. Johnson et Robert McNamara, février 1968.]]
Durant la présidence de Kennedy, entre 1961 et 1963, les États-Unis suspendent l'aide économique et/ou rompent leur relations diplomatiques avec plusieurs pays qui connaissent un régime [[dictature|dictatorial]], comme l'[[Argentine]], la [[République dominicaine]], l'[[Équateur (pays)|Équateur]], le [[Guatemala]], le [[Honduras]], et le [[Pérou]]. Mais, ces suspensions ne sont appliquées que temporairement, pour des périodes allant de trois à six mois<ref name="since">The World Since 1945, P M H Bell, 2001, Oxford University Press</ref>.


Dès 1964, pendant le mandat de [[Lyndon Johnson]], le programme de discrimination contre les régimes dictatoriaux est interrompu. En {{date-|mars 1964}}, les États-Unis approuvent un [[coup d'État]] militaire au [[Brésil]] pour renverser le président élu, [[Joao Goulart]], et se tiennent prêt à intervenir en cas de besoin dans le cadre de l'opération ''Brother Sam''<ref name="since" />.
De plus, ils obtinrent que tous les achats, d'équipements industriels et de véhicules, réalisés grâce à cette aide, reviennent aux États-Unis. Une étude de 1967 de l'AID montra que 90 pour cents de tous les achats courants allèrent à des compagnies américaines<ref>{{en}} in Power and Profits US Policy in Central America, Ronald W Cox, 1994, University Press of Kentucky, {{p.|83-85}}</ref>.


En 1965, les États-Unis déploient {{unité|24000|soldats}} en République dominicaine pour interrompre un potentiel virage à gauche du pays avec l'opération ''Power Pack''.
===Le versant militaire===
[[Fichier:Dean Rusk, Lyndon B. Johnson and Robert McNamara in Cabinet Room meeting February 1968.jpg|thumb|left|250px|Dean Rusk, Lyndon B. Johnson et Robert McNamara, février 1968]]
Durant la présidence de Kennedy, entre 1961 et 1963, les États-Unis suspendirent l'aide économique et/ou rompirent leur relations diplomatiques avec plusieurs pays qui connaissaient un régime [[dictature|dictatorial]], comme l'[[Argentine]], la [[République dominicaine]], l'[[Équateur (pays)|Équateur]], le [[Guatemala]], le [[Honduras]], et le [[Pérou]]. Mais, ces suspensions ne furent appliquées que temporairement, pour des périodes allant de trois à six mois<ref name="since">The World Since 1945, P M H Bell, 2001, Oxford University Press</ref>.


Ainsi, l'Alliance pour le Progrès inclut de nombreux programmes d'assistance militaire et policière afin de contrer toute prétendue [[subversion]] communiste, comme le plan LAZO en [[Colombie]]<ref>[http://www.icdc.com/~paulwolf/colombia/planlazo.htm Plan Lazo and the Alliance for Progress - Paul Wolf ] consulté le 12 février 2008</ref>.
Dès 1964, pendant le mandat de [[Lyndon Johnson]], le programme de discrimination contre les régimes dictatoriaux fut interrompu. En mars 1964, les États-Unis approuvèrent un [[coup d'État]] militaire au [[Brésil]] pour renverser le président élu, [[Joao Goulart]], et se tenaient prêt à intervenir en cas de besoin dans le cadre de l'opération Brother Sam<ref name="since" />.


== Succès et échecs de l’Alliance ==
En 1965, les États-Unis déployèrent {{unité|24000|soldats}} en République dominicaine pour interrompre un potentiel virage à gauche du pays avec l'opération Power Pack.
=== Résultats économiques limités ===
La [[croissance économique]] régionale dans les années 1960 est de 2,4 %, pratiquement au niveau de l'objectif de 2,5 % que s'est assigné l'Alliance.


Contrastant avec les 2,1 % des [[années 1950]], le taux de croissance du [[Produit national brut|PNB]] en Amérique latine atteint 2,7 % à la fin des années 1960 et grimpe à 3,8 % entre 1970 et 1974. Au total, sept pays réalisent ces 2,5 %, douze nations n'y parviennent pas, et [[Haïti]] et [[Uruguay]] connaissent une réduction de leur PNB.
Ainsi, l'Alliance pour le Progrès inclut de nombreux programmes d'assistance militaire et policière afin de contrer la subversion communiste, comme le plan LAZO en [[Colombie]]<ref>[http://www.icdc.com/~paulwolf/colombia/planlazo.htm Plan Lazo and the Alliance for Progress - Paul Wolf ] consulté le 12 février 2008</ref>.


{{Référence nécessaire|L'[[analphabétisme]] n'est pas éliminé, mais cependant considérablement réduit. Dans quelques pays, le nombre de personnes inscrites à l'[[université]] double et même triple. L'accès à l'[[enseignement secondaire]] montre aussi une réelle augmentation.}}
==Succès et échecs de l’Alliance==
=== Des résultats économiques limités ===
La [[croissance économique]] régionale dans les années 1960 fut de 2,4 %, pratiquement au niveau de l'objectif de 2,5 % que c'était assigné l'Alliance.


Hôpitaux et cliniques se multiplient, mais l'amélioration de la situation sanitaire générale est freinée par la [[croissance démographique]].
Contrastant avec les 2,1 % des [[années 1950]], le taux de croissance du [[Produit national brut|PNB]] en Amérique latine atteignit 2,7 % à la fin des années 1960 et grimpa à 3,8 % entre 1970 et 1974. Au total, sept pays réalisèrent ces 2,5 %, douze nations n'y parvinrent pas, et [[Haïti]] et [[Uruguay]] connurent une réduction de leur PNB.


Sur les quinze millions de familles de paysans, seul un million d'entre elles tirent parti de la réforme agraire, du fait de la résistance des élites traditionnelles<ref name="talon" />.
{{Référence nécessaire|L'[[analphabétisme]] ne fut pas éliminé mais considérablement réduit. Dans quelques pays, le nombre de personnes inscrites à l'[[université]] doubla et même tripla. L'accès à l'[[enseignement secondaire]] montra aussi une réelle augmentation.}}


Des lois sur le [[salaire minimum]] sont introduites mais le minimum fixé, comme, au [[Nicaragua]], est si bas que cela n'a que peu d'effet sur la condition des travailleurs<ref name = "Cambridge">{{en}} The Cambridge History of Latin America, Leslie Bethell, 1990, Cambridge University Press, {{p.|342}}.</ref>. Dans d'autres pays, comme au [[Salvador]], cela encourage au contraire la substitution capital-travail.
Hôpitaux et cliniques se multiplièrent, mais l'amélioration de la situation sanitaire générale fut freinée par la [[croissance démographique]].


Le chercheur [[David Horowitz]] relève que « des 1 500 millions de dollars déboursés au cours des deux premières années de l'alliance, 600 millions avaient été alloués sous la forme de prêts émanant de la Banque Export-Import, c'est-à-dire de prêts permettant d'acheter de produits américains. Le président [[Lyndon B. Johnson]] se monta rassurant envers des représentants du grand patronat américains quant aux intentions de son gouvernement : « Nous devons (...) tout faire pour que le climat en Amérique latine soit favorable aux investissements. » En 1965, les États-Unis envahissent la [[République dominicaine]], dont le gouvernement envisageait une réforme agraire<ref name=":0">{{Lien web|langue=fr|nom1=Lambert|prénom1=Renaud|titre=Alliés contre la révolution cubaine|url=https://www.monde-diplomatique.fr/mav/155/LAMBERT/57911|site=Le Monde diplomatique|date=2017-10-01}}</ref>.
Sur les 15 millions de familles de paysans, seul un million d'entre elles tirèrent partie de la réforme agraire, du fait de la résistance des élites traditionnelles<ref name="talon" />.


=== Échec politique ===
Des lois sur le [[salaire minimum]] furent introduites mais le minimum fixé, comme, au [[Nicaragua]], était si bas que cela n'eût que peu d'effet sur la condition des travailleurs<ref name = "Cambridge">{{en}} The Cambridge History of Latin America, Leslie Bethell, 1990, Cambridge University Press, {{p.|342}}.</ref>. Dans d'autres pays, comme au [[Salvador]], cela encouragea au contraire la substitution capital-travail.
En Amérique latine durant les années 1960, treize gouvernements constitutionnels sont remplacés par des dictatures militaires. D'après certains auteurs, comme Peter Smith, c'est le principal échec de l'Alliance : {{Citation|L'échec le plus flagrant de l'Alliance fut dans le domaine politique. Au lieu de promouvoir la démocratie, et de consolider les lois civiles réformistes, les années 1960 furent le témoin d'une rafale de coups d'État dans toute la région.}}<ref name="talon" /> L'Alliance est lancée en 1961 ; une douzaine d'années plus tard, la région est dominée par des hommes en uniforme comme ce n'a pas été le cas depuis la [[Grande Dépression]] qui avait généré de nombreux [[coup d'État|coups d'État]] dans tout le continent.


D'après [[Philip Agee]], ancien agent de la [[CIA]] devenu très critique de la politique américaine en Amérique latine, l'Alliance pour le progrès représente un exemple « de valve de sécurité pour l'injustice et l'exploitation capitaliste (...), ce que la classe dominante accepte de céder en termes de redistribution quand un danger menace le système dans son ensemble. (...) Quand l'urgence et le danger diminuent, alors la pression sur la valve de sécurité décline et les forces naturelles de l'accumulation reprennent le dessus, effaçant bientôt les gains relatifs que les exploités avaient pu obtenir à travers la réforme<ref name=":0" />. »
===Un échec politique===
En Amérique latine durant les années 1960, treize gouvernements constitutionnels furent remplacés par des dictatures militaires. D'après certains auteurs, comme Peter Smith, ce fut le principal échec de l'Alliance : {{Citation|L'échec le plus flagrant de l'Alliance fut dans le domaine politique. Au lieu de promouvoir la démocratie, et de consolider les lois civiles réformistes, les années 1960 furent le témoin d'une rafale de coups d'État dans toute la région.}}<ref name="talon" /> L'Alliance fut lancée en 1961 ; une douzaine d'années plus tard, la région était dominée par des hommes en uniforme comme ce n'avait pas été le cas depuis la [[Grande Dépression]] qui avait généré de nombreux coups d'États dans toute le continent.


===Le rapport Rockefeller===
=== Rapport Rockefeller ===
[[Fichier:NIXONinaugurationday.gif|thumb|200px|Richard Nixon prête serment le 20 janvier 1969]]
[[Fichier:NIXONinaugurationday.gif|thumb|200px|Richard Nixon prête serment le 20 janvier 1969.]]
En raison d'un sentiment général d'échec de l'Alliance, peu après avoir été élu, le président [[Richard Nixon]] ordonna le {{nobr|17 février 1969}} une enquête officielle afin de cerner la situation réelle du continent sud-américain. Nixon désigna son rival politique le plus puissant, le [[gouverneur]] [[Parti républicain (États-Unis)|républicain]] de l'[[New York (État)|État de New York]], [[Nelson Rockefeller]] pour diriger l'étude.
En raison d'un sentiment général d'échec de l'Alliance, peu après avoir été élu, le président [[Richard Nixon]] ordonne le {{nobr|17 février 1969}} une enquête officielle afin de cerner la situation réelle du continent sud-américain. Nixon désigne son rival politique le plus puissant, le [[gouverneur]] [[Parti républicain (États-Unis)|républicain]] de l'[[État de New York]], [[Nelson Rockefeller]] pour diriger l'étude.


Les relations exécrables entre les deux politiciens suggéraient que Nixon n'était pas très intéressé par cette enquête. Cela correspondait à une chute globale de l'intérêt manifesté aux États-Unis pour cette région au début des années 1970<ref name="foreign aid">{{en}} Foreign Aid as Foreign Policy: The Alliance for Progress in Latin America, Jeffrey Taffet, 2007, {{p.|185-188}}</ref>.
Les relations exécrables entre les deux politiciens suggérent que Nixon n'est pas très intéressé par cette enquête. Cela correspond à une chute globale de l'intérêt manifesté aux États-Unis pour cette région au début des [[années 1970]]<ref name="foreign aid">{{en}} Foreign Aid as Foreign Policy: The Alliance for Progress in Latin America, Jeffrey Taffet, 2007, {{p.|185-188}}</ref>.


Début 1969, Rockefeller et ses conseillers se rendirent à quatre reprises en Amérique latine. la plupart de ces visites créèrent un réel embarras. Rockefeller écrivit dans la préface à son rapport que :
Début 1969, Rockefeller et ses conseillers se rendent à quatre reprises en Amérique latine. la plupart de ces visites créent un réel embarras. Rockefeller écrit dans la préface à son rapport que :


{{citation bloc|Il y a une frustration générale devant l'incapacité à élever plus rapidement le niveau de vie. Les États-Unis, parce qu'ils sont identifiés à l'échec de l'Alliance dans ce domaine, sont blâmés. Les populations des pays concernés utilisèrent nos visites pour manifester leur frustrations devant les échecs de leurs propres gouvernements à satisfaire leurs besoins… des manifestations, qui débutèrent par l'expression de leur déception, furent récupérées et exacerbées par des éléments subversifs anti-US qui cherchaient ainsi à affaiblir les États-Unis, et leurs propres gouvernements<ref name="foreign aid" />.}}
{{citation bloc|Il y a une frustration générale devant l'incapacité à élever plus rapidement le niveau de vie. Les États-Unis, parce qu'ils sont identifiés à l'échec de l'Alliance dans ce domaine, sont blâmés. Les populations des pays concernés utilisèrent nos visites pour manifester leur frustrations devant les échecs de leurs propres gouvernements à satisfaire leurs besoins… des manifestations, qui débutèrent par l'expression de leur déception, furent récupérées et exacerbées par des éléments subversifs anti-US qui cherchaient ainsi à affaiblir les États-Unis, et leurs propres gouvernements<ref name="foreign aid" />.}}
[[Fichier:Rockefeller and Johnson.jpg|thumb|200px|left|Nelson Rockefeller et le président [[Lyndon Johnson]], le {{nobr|6 octobre 1968}}.]]
[[Fichier:Rockefeller and Johnson.jpg|thumb|200px|left|Nelson Rockefeller et le président [[Lyndon Johnson]], le {{nobr|6 octobre 1968}}.]]
Dans sa partie principale, le rapport Rockefeller préconisa une réduction de l'engagement des États-Unis, « nous, aux États-Unis, ne pouvons déterminer les structures politiques internes d'aucune autre nation ».
Dans sa partie principale, le rapport Rockefeller préconise une réduction de l'engagement des États-Unis, « nous, aux États-Unis, ne pouvons déterminer les structures politiques internes d'aucune autre nation ».


Parce que les États-Unis ne pouvaient, ou ne voulaient, faire beaucoup pour changer l'atmosphère politique dans les autres pays, il n'y avait pas de raison de tenter d'utiliser l'aide économique à des fins politiques. Ce fut la justification de la réduction de l'aide économique à l'Amérique latine. Le rapport Rockefeller proposait de maintenir une part de l'aide mais d'en sérieusement réorienter la plus grande partie<ref name="foreign aid" />.
Parce que les États-Unis ne peuvent, ou ne veulent, faire beaucoup pour changer l'atmosphère politique dans les autres pays, il n'y a pas de raison de tenter d'utiliser l'aide économique à des fins politiques. C'est la justification de la réduction de l'aide économique à l'Amérique latine. Le rapport Rockefeller propose de maintenir une part de l'aide mais d'en sérieusement réorienter la plus grande partie<ref name="foreign aid" />.


===La fin de l’Alliance===
=== Fin de l’Alliance ===
L'Alliance pour le Progrès rencontra un succès public de courte durée et eut un impact économique réel mais limité<ref name="since" />. Mais au début des années 1970, le programme fut largement ressenti comme un échec<ref name = "encyclo">Encyclopædia Britannica, Alliance for Progress, consulté le 5 septembre 2006</ref>.
L'Alliance pour le Progrès rencontre un succès public de courte durée et a un impact économique réel mais limité<ref name="since" />. Mais au début des années 1970, le programme est largement ressenti comme un échec<ref name = "encyclo">''[[Encyclopædia Britannica]]'', Alliance for Progress, consulté le 5 septembre 2006</ref>.


Les trois principales raisons mises en avant furent que :
Les trois principales raisons mises en avant sont que :
* les pays d'Amérique latine n'étaient pas désireux de lancer les réformes nécessaires, particulièrement les réformes agraires ;
* les pays d'Amérique latine à l'époque ne sont pas désireux de lancer les réformes nécessaires, particulièrement les réformes agraires ;
* les Présidents américains succédant à Kennedy supportèrent le programme de manière moins forte ;
* les Présidents américains succédant à Kennedy soutiennent le programme de manière moins forte ;
* le montant des capitaux investis était insuffisant pour un hémisphère entier, 20 milliards de dollars ne représentaient que {{unité|10|dollars}} par habitants<ref name="talon" />.
* le montant des capitaux investis sont insuffisant pour un hémisphère entier, vingt milliards de dollars ne représentent que dix dollars par habitant<ref name="talon" />.


En 1973, l'[[Organisation des États américains]] prononça la dissolution du comité permanent créé pour mettre en œuvre le programme<ref name="columbia" />.
En 1973, l'[[Organisation des États américains]] prononce la dissolution du comité permanent créé pour mettre en œuvre le programme<ref name="columbia" />.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
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=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
* [[Doctrine Kennedy]]
* [[Doctrine Kennedy]]
* [[panaméricanisme]]
* [[Panaméricanisme]]


===Bibliographie===
=== Bibliographie ===
* {{fr}} Les États-Unis et l’Amérique latine, Marcienne Rocard et Isabelle Vagnoux, Presses Universitaires de Nancy, 1994, 156 p. {{ISBN|2864806908}}
* {{fr}} Les États-Unis et l’Amérique latine, Marcienne Rocard et Isabelle Vagnoux, Presses Universitaires de Nancy, 1994, 156 p. {{ISBN|2864806908}}.
* {{fr}} Le retour du panaméricanisme: La stratégie des États-Unis en Amérique latine après la guerre froide, Alfredo G. A Valladão, 149 p., éd. CREST École Polytechnique, Coll. Analyses stratégiques et technologiques, 1995, {{ISBN|2909188132}}
* {{fr}} Le retour du panaméricanisme: La stratégie des États-Unis en Amérique latine après la [[guerre froide]], Alfredo G. A Valladão, 149 p., éd. CREST École Polytechnique, Coll. Analyses stratégiques et technologiques, 1995, {{ISBN|2909188132}}.
* {{en}} Foreign Aid as Foreign Policy: The Alliance for Progress in Latin America, Jeffrey Taffet, Routledge, 2007
* {{en}} Foreign Aid as Foreign Policy: The Alliance for Progress in Latin America, Jeffrey Taffet, Routledge, 2007.
* {{en}} The Alliance for Progress. A Retrospective, s.d. Scheman L. Ronald, New York, Praeger, 1988, 272 p.
* {{en}} The Alliance for Progress. A Retrospective, s.d. Scheman L. Ronald, New York, Praeger, 1988, 272 p.
* {{en}} The United States and Latin America. A History of American Diplomacy, 1776-2000, Smith Joseph, Londres, Routledge, 2005, 208 p.
* {{en}} The United States and Latin America. A History of American Diplomacy, 1776-2000, Smith Joseph, Londres, Routledge, 2005, 208 p.
* {{en}} Talons of the Eagle: Dynamics of U.S.-Latin American Relations. Smith, Peter H, Oxford University Press, 1999 {{ISBN|0-19-512998-9}}
* {{en}} Talons of the Eagle: Dynamics of U.S.-Latin American Relations. Smith, Peter H, [[Oxford University Press]], 1999 {{ISBN|0-19-512998-9}}.


=== Liens externes ===
=== Liens externes ===
{{Autres projets|commons=Category:Alliance for Progress}}
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* {{en}} [http://www.crisisstates.com/Research/projects/latinam03.htm From the Alliance for Progress to the Plan Colombia : A retrospective look at USAID and the Colombian conflict - Article de Luis Eduardo Fajardo publié en 2003 dans le cadre du Crisis states research centre de la London School of Economics] consulté le 12 février 2008
* {{en}} [http://www.crisisstates.com/Research/projects/latinam03.htm From the Alliance for Progress to the Plan Colombia : A retrospective look at USAID and the Colombian conflict - Article de Luis Eduardo Fajardo publié en 2003 dans le cadre du Crisis states research centre de la London School of Economics] consulté le {{date-|12 février 2008}}
* {{en}} [http://www.icdc.com/~paulwolf/colombia/planlazo.htm Plan Lazo and the Alliance for Progress - Paul Wolf ] consulté le 12 février 2008
* {{en}} [http://www.icdc.com/~paulwolf/colombia/planlazo.htm Plan Lazo and the Alliance for Progress - Paul Wolf ] consulté le {{date-|12 février 2008}}
* {{en}} [http://www.fordham.edu/halsall/mod/1961kennedy-afp1.html Discours du President John F. Kennedy on the Alliance for Progress, documents officiels du gouvernement fédéral américain consultable en ligne sur le site de l'Université Fordham]
* {{en}} [http://www.fordham.edu/halsall/mod/1961kennedy-afp1.html Discours du President John F. Kennedy on the Alliance for Progress, documents officiels du gouvernement fédéral américain consultable en ligne sur le site de l'Université Fordham]
* {{en}} [http://www.yale.edu/lawweb/avalon/intdip/interam/intam16.htm Charte de Punta del Este, établissant une Alliance pour le Progrès, signée le 17 août 1961 - Document diplomatique disponible sur le site de l'Université Yale, ''The [[Avalon Project]]''] consulté en février 2008
* {{en}} [http://www.yale.edu/lawweb/avalon/intdip/interam/intam16.htm Charte de Punta del Este, établissant une Alliance pour le Progrès, signée le 17 août 1961 - Document diplomatique disponible sur le site de l'Université Yale], ''The [[Avalon Project]]'' consulté en {{date-|février 2008}}


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Version du 21 juillet 2023 à 10:35

L'Alliance pour le progrès est créée en 1961 par le président des États-Unis John Fitzgerald Kennedy pour renforcer la coopération entre l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud. Ce mécanisme d'aide économique, adopté dans le cadre de l'Organisation des États américains a alors pour objectif de dynamiser le développement économique et social de l'Amérique latine, mais il est en arrière-plan une pièce importante dans la stratégie d'endiguement de la montée des mouvements sociaux décrite comme une menace communiste croissante et que les États-Unis ressentent depuis la prise de pouvoir de Fidel Castro à Cuba, en 1959.

Elle vient se placer dans une série de tentatives à l'échelle du continent américain visant une plus grande proximité de destin entre pays du Nord du Sud, telle que reflétée dans la doctrine dite du panaméricanisme. L'organisation permet aux industries et aux capitaux en provenance des Etats-Unis de trouver des débouchés sur les marchés latino-américains et de promouvoir les intérêts économiques des États-Unis sur le continent dans une perspective de développement conjoint[1].

Les objectifs de l'Alliance sont formulés dans le cadre de la doctrine Kennedy qui précisent la politique des États-Unis à l'égard du continent pendant les années 1960. Si les transferts de flux financiers sont au départ conditionnés à la démocratisation des régimes bénéficiaires, le soutien économique apporté à des régimes dictatoriaux tels qu'ils se mettent en place au Brésil, au Honduras ou encore en République dominicaine conduit à une invalidation de facto des objectifs idéologiques fondateurs de l'Alliance. Elles n'ont pas les résultats escomptés de développement économique et de progrès démocratique et, progressivement réduite, elles sont définitivement abandonnées par le président Nixon, en 1973.

Carte politique du continent américain - Source CIA.

Origine et objectifs

Contexte

Depuis la décolonisation du subcontinent latino-américain et la tentative unificatrice de Simón Bolívar, suivie de la formulation de la doctrine de Monroe dans les années 1820-1830, le continent peu à peu recherche les moyens d'œuvrer à un développement commun. Mais ce n'est qu'avec la création de l'Organisation des États américains en avril 1948, que les États-Unis réellement systématisent leur politique vis-à-vis des États du Sud. La politique menée ensuite par les administrations successives républicaines ne permettent aucun progrès en matière de développement économique concerté. Ainsi à la Conférence inter-américaine de Caracas en 1954, John Foster Dulles, alors Secrétaire d'État du président Eisenhower, répond « Trade, no aid! »[2], aux demandes d'intervention publique. C'est la démarche du président brésilien Juscelino Kubitschek qui lance l'idée d'une collaboration économique inter-américaine, Operación Panamericana et l'expose dans un mémoire transmis le 9 août 1958 à vingt-et-un gouvernements, provoquant la réunion du « comité des 21 » à Washington en .

Kennedy serre la main de Dwight Eisenhower après sa nomination le 20 janvier 1961.

Tout d'abord réticent, mais prenant en considération la menace que représentent la révolution réussie de Cuba en 1959, Washington prend à son tour l'initiative. Ainsi, en 1959, est créée la Banque inter-américaine de développement (B.I.D.) au capital d'un milliard de dollars dont 450 millions souscrits par les États-Unis - puis négocié l'acte de Bogotá, programme d'amélioration sociale, plus que de développement économique, en 1960. Le Marché commun centraméricain est aussi créé la même année.

Mais, c'est avec le président John F. Kennedy nouvellement élu, que la politique des États-Unis évolue profondément en mettant l'accent sur le développement économique, comme le Foreign Assistance Act de septembre 1961 qui réorganise les programmes d'assistance, nés avec le Plan Marshall, en les distinguant totalement de l'aide militaire. En , le Président Kennedy crée l'agence des États-Unis pour le développement international (USAID).

But de l'alliance

Kennedy reçu par le président du Venezuela Betancourt le 16 décembre 1961, dans le cadre de sa tournée en Amérique latine et du lancement de l'Alliance pour le progrès.

Le 13 mars 1961, s'adressant aux diplomates d'Amérique du Sud et à des membres du Congrès, le président Kennedy, dans le droit fil de sa rhétorique, propose un plan à dix ans pour l'Amérique latine :

« …nous proposons de mener à terme la révolution des Amériques, afin de construire un hémisphère où tous les hommes peuvent espérer un niveau de vie décent dans la dignité et la liberté. Pour atteindre cet objectif, la liberté politique doit accompagner le progrès matériel… Transformons une fois encore le continent américain en un vaste creuset d'efforts et d'idées révolutionnaires, un hommage au pouvoir des énergies créatrices des hommes et des femmes libres, un exemple donné au monde que liberté et progrès marchent de conserve. Réveillons une fois encore notre révolution américaine pour qu'elle guide partout la lutte des peuples - non par la force de l'impérialisme ou la crainte mais par la voie du courage, de la liberté et de l'espoir en l'avenir de l'humanité[3]. »

L'outil de cette vision politique va être l'Alliance pour le progrès dont il a dessiné les contours dans son discours d'investiture, le 20 janvier 1961 :

« J'appelle donc tous les peuples de cet hémisphère à rejoindre une nouvelle Alliance pour le Progrès – Alianza para Progresso –, un vaste effort coopératif, sans pareil quant à son ambition et à la noblesse de son propos, afin de satisfaire les besoins élémentaires de tous les peuples d'Amérique, en matière de logement, de travail et de terre, de santé et d'éducation – techo, trabajo y tierra, salud y escuela[3]. »

Dans ce discours, Kennedy réaffirme par ailleurs l'engagement des États-Unis à participer à la défense de toute Nation dont l'indépendance serait menacée [ce qui vise le danger d'insurrection ou d'intervention communiste extérieure] et promet d'augmenter les programmes d'aide alimentaire et de soutien économique pour les pays.

La montée en puissance des mouvements sociaux en Amérique latine, telle qu'elle peut s'exprimer à Cuba en 1959, en Bolivie en 1952 ou encore en Amérique centrale, fait craindre aux États-Unis un ébranlement de l'équilibre économique continental dans une direction contraire aux intérêts économiques du pays. Face à la création de l'Alliance perçue comme une offensive institutionnelle des intérêts financiers des États-Unis, Ernesto Che Guevara, ministre de l'Economie de Cuba, préconise ainsi dans son discours au Conseil interaméricain économique et social « la nationalisation de toutes les entreprises étrangères s'occupant d'agriculture et de commercialisation de produits agricoles en Amérique latine »[4].

Objectifs détaillés

Le programme est paraphé le à la conférence inter-américaine de l'Organisation des États américains (l'OEA) réunie à Punta del Este en Uruguay par tous les États membres, à l'exception de Cuba[5].

Les principaux objectifs en sont :

Le plan repose sur trois éléments factuels :

Premièrement, les pays doivent s'engager sur des investissements de quatre-vingts milliards de dollars sur dix ans. Les États-Unis promettent de fournir ou garantir vingt milliards de dollars[8].

Deuxièmement, les délégués latino-américains sont requis de fournir un plan complet de développement par pays. Ces plans doivent être soumis pour approbation à un comité d'experts inter-Américains.

Troisièmement, la fiscalité doit être modifiée afin d'exiger « plus de ceux qui ont le plus » et une réforme agraire doit être lancée[7].

Évolution de l’aide des États-Unis à l’Amérique latine pendant les années 1960

Circuit financier

Du fait de ce programme, l'assistance économique à l'Amérique latine triple pratiquement entre 1960 et 1961. Toutefois, entre août 1961 et 1962,l 'Alliance ne reçoit que 225 millions de dollars, en plus d'une conjoncture commerciale internationale défavorable (baisse des prix des matières premières ; fuite des capitaux étrangers ; utilisation des crédits de l'Alliance pour rembourser des prêts plutôt que pour réaliser des investissements). En octobre 1962, lors de la réunion du conseil de l'OEA à Mexico, il est mis en évidence que le revenu per capita des pays bénéficiaires de l'aide n'a crû que de 1 p. 100 par an[4]. Entre 1962 et 1967, les États-Unis fournissent 1,4 milliard de dollars par an au continent sud-américain. En comptant les investissements nouveaux, l'aide atteignit 3,3 milliards de dollars par an.

Puis à la fin des années 1960, l'aide économique à l'Amérique latine se réduit considérablement, en particulier après l'élection de Richard Nixon[7].

Les chercheurs L. Ronald Scheman[9] et Tony Smith[10] ont ultérieurement calculé que le montant total de l'aide atteignit 22,3 milliards de $. Mais, ce total n'est pas net des transferts de ressources et de développement : les pays devant toujours assurer le service de leur dette vis-à-vis des États-Unis et des autres pays développés. Enfin, les profits réalisés sont retournés aux États-Unis, pour un montant fréquemment plus élevé que les nouveaux investissements.

En , l'ambassadeur des États-Unis à l'OEA, William T. Denzer, explique devant la commission des affaires étrangères de la chambre des représentants :

« Quand vous observez les flux nets de capitaux et leurs effets économiques, et après avoir rendu hommage aux Américains pour avoir augmenté leur soutien aux pays d'Amérique du Sud, on peut se rendre compte qu'en fait, peu d'argent a été injecté en Amérique latine."[7] »

Action commerciale offensive

La charte de l'Alliance comprend une clause recommandée par les hommes politiques américains qui engagent les États latino-américains à promouvoir « des conditions qui encourageraient le flux de capitaux étrangers » dans la région.

Les industriels américains conduisent un intense lobbying au Congrès afin d'amender le Foreign Assistance Act de 1961 pour s'assurer que l'aide américaine ne profitent à aucun fournisseur étranger, potentiellement concurrent, « à moins que les pays intéressés acceptent de limiter leurs exportations vers les États-Unis à moins de 20 % de leur production ».

De plus, ils obtiennent que tous les achats, d'équipements industriels et de véhicules, réalisés grâce à cette aide, reviennent aux États-Unis. Une étude de 1967 de l'AID montre que 90 pour cent de tous les achats courants vont à des compagnies américaines[11].

Versant militaire

Dean Rusk, Lyndon B. Johnson et Robert McNamara, février 1968.

Durant la présidence de Kennedy, entre 1961 et 1963, les États-Unis suspendent l'aide économique et/ou rompent leur relations diplomatiques avec plusieurs pays qui connaissent un régime dictatorial, comme l'Argentine, la République dominicaine, l'Équateur, le Guatemala, le Honduras, et le Pérou. Mais, ces suspensions ne sont appliquées que temporairement, pour des périodes allant de trois à six mois[12].

Dès 1964, pendant le mandat de Lyndon Johnson, le programme de discrimination contre les régimes dictatoriaux est interrompu. En , les États-Unis approuvent un coup d'État militaire au Brésil pour renverser le président élu, Joao Goulart, et se tiennent prêt à intervenir en cas de besoin dans le cadre de l'opération Brother Sam[12].

En 1965, les États-Unis déploient 24 000 soldats en République dominicaine pour interrompre un potentiel virage à gauche du pays avec l'opération Power Pack.

Ainsi, l'Alliance pour le Progrès inclut de nombreux programmes d'assistance militaire et policière afin de contrer toute prétendue subversion communiste, comme le plan LAZO en Colombie[13].

Succès et échecs de l’Alliance

Résultats économiques limités

La croissance économique régionale dans les années 1960 est de 2,4 %, pratiquement au niveau de l'objectif de 2,5 % que s'est assigné l'Alliance.

Contrastant avec les 2,1 % des années 1950, le taux de croissance du PNB en Amérique latine atteint 2,7 % à la fin des années 1960 et grimpe à 3,8 % entre 1970 et 1974. Au total, sept pays réalisent ces 2,5 %, douze nations n'y parviennent pas, et Haïti et Uruguay connaissent une réduction de leur PNB.

L'analphabétisme n'est pas éliminé, mais cependant considérablement réduit. Dans quelques pays, le nombre de personnes inscrites à l'université double et même triple. L'accès à l'enseignement secondaire montre aussi une réelle augmentation.[réf. nécessaire]

Hôpitaux et cliniques se multiplient, mais l'amélioration de la situation sanitaire générale est freinée par la croissance démographique.

Sur les quinze millions de familles de paysans, seul un million d'entre elles tirent parti de la réforme agraire, du fait de la résistance des élites traditionnelles[7].

Des lois sur le salaire minimum sont introduites mais le minimum fixé, comme, au Nicaragua, est si bas que cela n'a que peu d'effet sur la condition des travailleurs[14]. Dans d'autres pays, comme au Salvador, cela encourage au contraire la substitution capital-travail.

Le chercheur David Horowitz relève que « des 1 500 millions de dollars déboursés au cours des deux premières années de l'alliance, 600 millions avaient été alloués sous la forme de prêts émanant de la Banque Export-Import, c'est-à-dire de prêts permettant d'acheter de produits américains. Le président Lyndon B. Johnson se monta rassurant envers des représentants du grand patronat américains quant aux intentions de son gouvernement : « Nous devons (...) tout faire pour que le climat en Amérique latine soit favorable aux investissements. » En 1965, les États-Unis envahissent la République dominicaine, dont le gouvernement envisageait une réforme agraire[15].

Échec politique

En Amérique latine durant les années 1960, treize gouvernements constitutionnels sont remplacés par des dictatures militaires. D'après certains auteurs, comme Peter Smith, c'est le principal échec de l'Alliance : « L'échec le plus flagrant de l'Alliance fut dans le domaine politique. Au lieu de promouvoir la démocratie, et de consolider les lois civiles réformistes, les années 1960 furent le témoin d'une rafale de coups d'État dans toute la région. »[7] L'Alliance est lancée en 1961 ; une douzaine d'années plus tard, la région est dominée par des hommes en uniforme comme ce n'a pas été le cas depuis la Grande Dépression qui avait généré de nombreux coups d'État dans tout le continent.

D'après Philip Agee, ancien agent de la CIA devenu très critique de la politique américaine en Amérique latine, l'Alliance pour le progrès représente un exemple « de valve de sécurité pour l'injustice et l'exploitation capitaliste (...), ce que la classe dominante accepte de céder en termes de redistribution quand un danger menace le système dans son ensemble. (...) Quand l'urgence et le danger diminuent, alors la pression sur la valve de sécurité décline et les forces naturelles de l'accumulation reprennent le dessus, effaçant bientôt les gains relatifs que les exploités avaient pu obtenir à travers la réforme[15]. »

Rapport Rockefeller

Richard Nixon prête serment le 20 janvier 1969.

En raison d'un sentiment général d'échec de l'Alliance, peu après avoir été élu, le président Richard Nixon ordonne le 17 février 1969 une enquête officielle afin de cerner la situation réelle du continent sud-américain. Nixon désigne son rival politique le plus puissant, le gouverneur républicain de l'État de New York, Nelson Rockefeller pour diriger l'étude.

Les relations exécrables entre les deux politiciens suggérent que Nixon n'est pas très intéressé par cette enquête. Cela correspond à une chute globale de l'intérêt manifesté aux États-Unis pour cette région au début des années 1970[16].

Début 1969, Rockefeller et ses conseillers se rendent à quatre reprises en Amérique latine. la plupart de ces visites créent un réel embarras. Rockefeller écrit dans la préface à son rapport que :

« Il y a une frustration générale devant l'incapacité à élever plus rapidement le niveau de vie. Les États-Unis, parce qu'ils sont identifiés à l'échec de l'Alliance dans ce domaine, sont blâmés. Les populations des pays concernés utilisèrent nos visites pour manifester leur frustrations devant les échecs de leurs propres gouvernements à satisfaire leurs besoins… des manifestations, qui débutèrent par l'expression de leur déception, furent récupérées et exacerbées par des éléments subversifs anti-US qui cherchaient ainsi à affaiblir les États-Unis, et leurs propres gouvernements[16]. »

Nelson Rockefeller et le président Lyndon Johnson, le 6 octobre 1968.

Dans sa partie principale, le rapport Rockefeller préconise une réduction de l'engagement des États-Unis, « nous, aux États-Unis, ne pouvons déterminer les structures politiques internes d'aucune autre nation ».

Parce que les États-Unis ne peuvent, ou ne veulent, faire beaucoup pour changer l'atmosphère politique dans les autres pays, il n'y a pas de raison de tenter d'utiliser l'aide économique à des fins politiques. C'est la justification de la réduction de l'aide économique à l'Amérique latine. Le rapport Rockefeller propose de maintenir une part de l'aide mais d'en sérieusement réorienter la plus grande partie[16].

Fin de l’Alliance

L'Alliance pour le Progrès rencontre un succès public de courte durée et a un impact économique réel mais limité[12]. Mais au début des années 1970, le programme est largement ressenti comme un échec[17].

Les trois principales raisons mises en avant sont que :

  • les pays d'Amérique latine à l'époque ne sont pas désireux de lancer les réformes nécessaires, particulièrement les réformes agraires ;
  • les Présidents américains succédant à Kennedy soutiennent le programme de manière moins forte ;
  • le montant des capitaux investis sont insuffisant pour un hémisphère entier, vingt milliards de dollars ne représentent que dix dollars par habitant[7].

En 1973, l'Organisation des États américains prononce la dissolution du comité permanent créé pour mettre en œuvre le programme[8].

Notes et références

  1. (en) Ronald W Cox, Power and Profits US Policy in Central America, University Press of Kentucky,
  2. Du commerce, pas des aides! citation dans l'Encyclopædia Universalis, article Alliance pour le progrès, consulté le 10 février 2008
  3. a et b « President John F. Kennedy: On the Alliance for Progress, 1961 », Modern History Sourcebook (consulté le )
  4. a et b Encyclopædia Universalis, « ALLIANCE POUR LE PROGRÈS », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
  5. Charte de Punta del Este, établissant une Alliance pour le Progrès, signée le 17 août 1961 - Document diplomatique disponible sur le site de l'Université Yale - consulté en février 2008
  6. Cuba est représenté par le Che ; il ne signe pas le programme car il trouve ce taux trop modeste comparé au 10 % revendiqués par le bloc communiste. Tiers-Monde,1962, vol. 3, no 11, p. 497-498, [lire en ligne]
  7. a b c d e f et g Peter H Smith, Talons of the Eagle: Dynamics of U.S.-Latin American Relations, 1999 p. 150-152
  8. a et b The Columbia Encyclopedia, 6e édition, 2001, article cité Alliance for Progress
  9. (en) L. Ronald Scheman (s.d.), The Alliance for Progress : A Retrospective, p. 10-11
  10. (en) Tony Smith, "The Alliance for Progress: The 1960s," in Exporting Democracy: The United States and Latin America, Abraham F. Lowenthal, éd. Johns Hopkins University Press, 1991, p. 72
  11. (en) in Power and Profits US Policy in Central America, Ronald W Cox, 1994, University Press of Kentucky, p. 83-85
  12. a b et c The World Since 1945, P M H Bell, 2001, Oxford University Press
  13. Plan Lazo and the Alliance for Progress - Paul Wolf consulté le 12 février 2008
  14. (en) The Cambridge History of Latin America, Leslie Bethell, 1990, Cambridge University Press, p. 342.
  15. a et b Renaud Lambert, « Alliés contre la révolution cubaine », sur Le Monde diplomatique,
  16. a b et c (en) Foreign Aid as Foreign Policy: The Alliance for Progress in Latin America, Jeffrey Taffet, 2007, p. 185-188
  17. Encyclopædia Britannica, Alliance for Progress, consulté le 5 septembre 2006

Voir aussi

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Articles connexes

Bibliographie

  • (fr) Les États-Unis et l’Amérique latine, Marcienne Rocard et Isabelle Vagnoux, Presses Universitaires de Nancy, 1994, 156 p. (ISBN 2864806908).
  • (fr) Le retour du panaméricanisme: La stratégie des États-Unis en Amérique latine après la guerre froide, Alfredo G. A Valladão, 149 p., éd. CREST École Polytechnique, Coll. Analyses stratégiques et technologiques, 1995, (ISBN 2909188132).
  • (en) Foreign Aid as Foreign Policy: The Alliance for Progress in Latin America, Jeffrey Taffet, Routledge, 2007.
  • (en) The Alliance for Progress. A Retrospective, s.d. Scheman L. Ronald, New York, Praeger, 1988, 272 p.
  • (en) The United States and Latin America. A History of American Diplomacy, 1776-2000, Smith Joseph, Londres, Routledge, 2005, 208 p.
  • (en) Talons of the Eagle: Dynamics of U.S.-Latin American Relations. Smith, Peter H, Oxford University Press, 1999 (ISBN 0-19-512998-9).

Liens externes

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