Aller au contenu

Richard von Kühlmann

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 31 octobre 2012 à 16:41 et modifiée en dernier par Trassiorf (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
Richard von Kühlmann.

Richard Kühlmann, à partir de 1892 von Kühlmann (né le 3 mai 1873 à Constantinople (aujourd'hui İstanbul, Turquie) - mort le 6 ou le 16 février 1948 à Ohlstadt, landkreis (arrondissement) de Garmisch-Partenkirchen, Haute-Bavière), était un diplomate allemand, surtout connu par le fait d'avoir été le secrétaire d'État (auj. Ministre) des Affaires étrangères de l'Empire allemand[1], pendant la première Guerre mondiale (d'août 1917 à juillet 1918), ainsi que le chef négociateur de la délégation allemande pour le traité de Brest-Litovsk, qui acheva la guerre entre l'Allemagne et la jeune république russe soviétique en mars 1918. Ensuite, il devient industriel.

Biographie

Richard von Kühlmann naît dans une famille d'industriels westphaliens. Son père, Otto von Kühlmann (1834–1915), était avocat, premier directeur général de la Société du Chemin de fer Ottoman d’Anatolie, et politicien. Sa mère était la baronne Anna von Redwitz-Schmölz (1852–1924), fille du poète Oskar von Redwitz. C'est le père qui a établi le statut nobiliaire de la famille, en étant anobli héréditairement le 15 juin 1892[2]. Richard von Kühlmann étudia le droit aux universités de Leipzig, de Berlin, et de Munich.

Carrière diplomatique (1899-1914)

Après avoir obtenu son grade de docteur en droit (Dr. jur.) en 1986, Kühlmann entre en 1899 au service diplomatique. Il est tout d'abord affecté comme secrétaire de légation à l'ambassade de Saint-Pétersbourg, puis va à la légation allemande à Téhéran, où il constate déjà précocément le rapprochement progressif entre le Royaume-Uni et l'Empire russe.

Au moment de la crise de Tanger de 1905, Kühlmann est à la légation de Tanger. Il provoque l'attention publique comme accompagateur de l'Empereur Guillaume II pendant sa tournée à Tanger, considérée comme une provocation par la France, qui envisageait le Maroc comme partie de sa zone d'influence. C'est pourquoi l'acte de l'empereur devint un sujet de querelle internationale.

Kühlmann se marie en premières noces le 25 janvier 1906 avec Margarete von Stumm (1884–1917). De ce mariage naitra entre autres le futur politicien Knut von Kühlmann, baron de Stumm-Ramholz (1916–1977)[2].

En 1908, Kühlmann est nommé conseiller d'ambassade à Londres, où il reste en fonctions jusqu'à l'éclatement de la première Guerre mondiale en 1914. Comme les ambassadeurs von Metternich et von Lichnowsky, il plaide en ce temps pour une conciliation germano-britannique. Selon ses vues, elle devrait survenir sans le moyen de pression de l'armement maritime[3]. Fin 1913, Kühlmann négocie au nom du gouvernement impérial avec des représentants du ministère britannique des Affaires étrangères et des colonies au sujet d'un partage futur des colonies portugaises et belges d'Afrique. L'accord conclu par lui est accepté par le gouvernement de Berlin et signé par le secrétaire d'État aux colonies impériales Wilhelm Solf. Les deux parties du contrat se mettaient en gros d'accord pour que l’Allemagne reçoive l'Angola, sauf la Rhodésie du Nord, ainsi que Sao Tomé-et-Principe, tandis que le Royaume-Uni recevrait le sud de la Mozambique[4].

Activités pendant la première Guerre mondiale

Richard von Kühlmann avec le général allemand Max Hoffmann, le ministre des Affaires étrangères austro-hongrois Ottokar Czernin et le ministre de l'Intérieur de l'empire ottoman Talaat Pacha, à Brest-Litovsk.

Après de brèves affectations en Suède et aux Pays-Bas, Kühlmann est envoyé comme ambassadeur à Constantinople. Du 5 août 1917 au 9 juillet 1918, il reçoit les fonctions de Secrétaire d'État aux Affaires étrangères (l'équivalent du ministre actuel des Affaires étrangères), et négocie pour le gouvernement civil du Reich la paix séparée avec l’Ukraine contre des approvisionnements, en marge du traité de paix avec la Russie bolchevique, à Brest-Litovsk. Il se montra alors mesuré par rapport au Troisième commandement suprême de l’armée (OHL), sans pour autant obtenir le succès escompté.

Kühlmann refusa les exigences de Ludendorff demandant la reconnaissance officielle de la Livonie, de l'Estonie et de la Géorgie, ainsi que le déplacement de la frontière est : ces exigences allaient à l'encontre du traité de paix avec la Russie soviétique. Mais il n'a pu convaincre avec son argumentation que la grande puissance russe développerait toujours un besoin d'expansion vers les provinces baltes[5],[6]. C'est dans ce sens qu'il s'exprima le 9 mars 1918 face au chancelier Georg von Hertling : « Une séparation complète entre la Russie et la mer Baltique, avec la menace permanente de la proximité immédiate de sa capitale à la mer forment une situation qui ne peut que créer une opposition permanente entre Allemagne et Russie, et conduire à une future guerre[7]. » Kühlmann voyait avec scepticisme les plans ambitieux d'expansion des généraux allemands vers l'est : « Plus cela va mal pour eux à l'ouest, plus ils deviennent fous à l’est[8]. »

L'exécution du traité de Brest-Litovsk a été marquée par des querelles sévères entre Kühlmann d'une part et le commandement militaire (OHL), et particulièrement Ludendorff, d'autre part. Le concept pour l'est de Kühlmann était : Pas d'engagement militaire à l'est, mais plutôt concentration de toutes les forces à l'ouest, en tenant compte de l'Autriche-Hongrie, de l'opinion publique en Allemagne, et de l'offensive déterminante à l'ouest. Dans ce cadre, il se défend contre une reprise prônée par Ludendorff des hostilités avec la Russie. Comme la Russie, aux yeux de Kühlmann, ne représente pas une menace militaire, il combat l'idée de l'état-major (OHL) et de l'empereur Guillaume, d'éliminer le bolchevisme par une marche sur Saint-Pétersbourg. Son argument principal est que c'est précisément grâce au bolchevisme que la Russie se trouve dans un état de faiblesse et de paralysie militaire, favorables à l’Allemagne. En outre, d'après lui, la domination des bolcheviks, à côté de leurs dissensions internes, garantit le prolongement de l'incapacité de la Russie à se réunifier. Cette évaluation conduit Kühlmann au jugement que les puissances occidentales ne pourront jamais prendre une Allemagne renforcée par le potentiel de la Russie, mais au contraire qu'une politique allemande d'expansion et d'annexion vers l'est les inciterait à poursuivre la guerre à outrance[9]. Le fait que la Wilhelmstrasse (Ministère des Affaires étrangères) finisse par s'imposer contre l'OHL dans son refus d'une intervention en Russie révolutionnaire repose moins sur l'argumentation de Kühlmann que sur le fait que les combats sur le front de l'ouest ne laissaient plus assez de troupes pour une telle intervention[10].

En été 1918, Kühlmann, partisan d'une paix de compromis, essaya de provoquer des négociations secrètes avec Sir William Tyrrell aux Pays-Bas, pour préparer une fin supportable à une guerre qu'il n'estimait plus victorieuse. L'empereur Guillaume II, qui avait d'abord accueilli l'idée avec bienveillance, la rejeta sous la pression du haut état-major. Après un discours au Reichstag en juin 1918, où Kühlmann exprima prudemment ses doutes sur une victoire purement militaire et fit allusion à un compromis avec le Royaume-Uni par voie de négociation, le haut état-major exigea sa démission.

Retraite après la Guerre mondiale

Après la première Guerre mondiale, Kühlmann se retira du service diplomatique, écrivit des livres et administra ses biens à Ohlstadt. En outre, comme chargé de pouvoirs par la famille Stumm, il participa à de nombreux conseils d'administration dans l'industrie sidérurgique.

Après la mort de sa première femme en juin 1917, Kühlmann épousa le 4 mars 1920 Marie-Anne von Friedlaender-Fuld (1892−1973), la fille de l’industriel Fritz von Friedlaender-Fuld (1858–1917) et de Milly Fuld (1875–1926), la correspondante du poète Rainer Maria Rilke. Il divorça le 13 avril 1923 à Munich[2].

En 1928, Kühlmann prend la présidence du Deutsches Kulturbund (ligue culturelle allemande)[11].

Dès 1932, Kühlmann rassembla des matériaux pour ses « souvenirs », mais ce n'est qu'au plus tôt en 1939/1940 qu'il commence à travailler dessus de manière intensive. Ses archives privées brûlèrent pendant un bombardement à Berlin en novembre 1943. Il avait pu emporter une partie de sa collection d'œuvres d'art en sécurité hors de Berlin. Kühlmann termina son manuscrit en septembre 1944. Comme de nombreux responsables de l’empire et de la république de Weimar, il est emprisonné en octobre 1944 en relation avec le complot du 20 juillet 1944 contre Hitler. La Gestapo confisqua les documents qui lui étaient restés. Ce n'est qu'en été 1947 qu'il put donner le manuscrit à l'éditeur. Il ne vit pas la parution, étant mort avant la présentation des premières corrections.

Wolfgang Schadewaldt en fait le portrait suivant :

« Richard von Kühlmann a toujours été une tête spirituellement ouverte, aux intérêts multiples, excellent connaisseur de la littérature et habile amateur d'art […] Son aisance en société, son don de la conversation, paraissaient au premier plan non seulement dans les cercles de la cour ou en diplomatie, mais ils ont toujours suscité la sympathie et l’amitié. La conduite des discussions politiques était le côté le plus fort de son être : il recherchait l'expression ouverte […] Il lui manquait la grande passion politique, qui cherche à s'imposer à tout prix, et parvient ainsi à son but. Il voit ce qui est nécessaire, essaie de le réaliser au-delà et malgré la résistance de facteurs importants, mais il sait se mettre de côté en cas d'échec. Il ne se ressent pas comme un combattant […][12] »

Œuvres choisies

  • Anonyme (en collaboration avec le journaliste Hans Plehn) : Deutsche Weltpolitik und kein Krieg! Puttkammer & Mühlbrecht, Berlin 1913.
  • Gedanken über Deutschland. Paul List, Leipzig 1931
  • Die Diplomaten. Reimar Hobbing, Berlin 1939.
  • Erinnerungen. Lambert Schneider, Heidelberg 1948.

Bibliographie

  • (de) Winfried Baumgart, Deutsche Ostpolitik 1918. Von Brest-Litowsk bis zum Ende des Ersten Weltkrieges., Vienne, Munich,
  • (de) Gothaisches Genealogisches Taschenbuch der Adeligen Häuser., vol. B, Gotha, Verlag Justus Perthes,
  • Maria Keipert (Red.): Biographisches Handbuch des deutschen Auswärtigen Dienstes 1871–1945. Herausgegeben vom Auswärtigen Amt, Historischer Dienst. Band 2: Gerhard Keiper, Martin Kröger: G–K. Schöningh, Paderborn u. a. 2005, ISBN 3-506-71841-X.
  • (de) Hans-Erich Volkmann, Die deutsche Baltikumpolitik zwischen Brest-Litovsk und Compiègne. Ein Beitrag zur „Kriegszieldiskussion“., Cologne, Vienne, Verlag Böhlau,

Références

  1. Roger Chickering: Das Deutsche Reich und der Erste Weltkrieg. 2002, p. 208.
  2. a b et c Gotha 1933
  3. Gregor Schöllgen: Imperialismus und Gleichgewicht. Deutschland, England und die orientalische Frage 1871–1914. Verlag Oldenbourg, München 2000, ISBN 3-486-52003-2, pp. 181sq. et 333.
  4. Fritz Fischer: Krieg der Illusionen. Die deutsche Politik von 1911 bis 1914. Düsseldorf 1969, p. 448sqq.
  5. Baumgart 1966, p. 279
  6. Volkmann 1970, p. 17
  7. Baumgart 1966, p. 64
  8. Volkmann 1970, p. 297
  9. Baumgart 1966, p. 370-375
  10. Fritz Klein, Willibald Gutsche, Joachim Petzold (dir.): Deutschland im ersten Weltkrieg. Band 3: November 1917 bis November 1918. Berlin-est 1970, p. 383sq
  11. Guido Müller : Europäische Gesellschaftsbeziehungen nach dem Ersten Weltkrieg. Das Deutsch-Französische Studienkomitee und der Europäische Kulturbund. Verlag Oldenbourg, Munich 2005, ISBN 978-3-486-57736-5, p.451.
  12. Cité dans Stefan Meineke : Friedrich Meinecke. Persönlichkeit und politisches Denken bis zum Ende des Ersten Weltkrieges. Verlag de Gruyter, Berlin 1995, ISBN 3-11-013979-0, p.212.

Liens externes

(de) Die Friedensverhandlungen in Brest-Litowsk, dans le musée virtuel LeMO du musée historique allemand (DHM)