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Dette du tiers monde

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La dette du Tiers Monde est une dette extérieure contractée par les Pays du Tiers Monde (le terme Tiers Monde est toujours d’actualité, bien que beaucoup préfèrent des expressions moins péjoratives tels que Pays en Voie de Développement). La dette insolvable est un terme utilisé pour décrire la dette extérieure dont les intérêts sont supérieurs à ce que le pays est capable de produire, ce qui fait que cette dette ne peut pas être remboursée. Certains considèrent qu’il s’agit d’une méthode d’oppression de la part des pays développés, une forme d’esclavage de la dette à l’échelle nationale.

La dette odieuse est la dette contractée par un pays non démocratique, non pas pour développer le pays, mais pour renforcer le régime en place (par exemple, armement de milices ou répression du peuple). L’ONG Jubilee USA affirme que « la dette odieuse est un principe défini par la loi. Du point de vue légal, la dette odieuse résulte de prêts accordés à des gouvernements dictatoriaux ou illégitimes qui utilisent l’argent pour oppresser le peuple ou pour des besoins personnels. Par ailleurs, dans le cas où les prêteurs savent que l’argent est employé d’une manière contraire aux intérêts du peuple, on peut dire d’eux qu’ils commettent un acte hostile contre le peuple. Ils ne peuvent pas légitimement exiger le remboursement d’une telle dette. »

Des dettes ont également été contractées pendant le choc pétrolier de 1973 lorsque les membres occidentaux de l’OPEP poussèrent les prix à la hausse, ce qui enrichit considérablement les nations arabes. Ils décidèrent de déposer l’argent dans de grandes banques occidentales. Or, celles-ci ne voulaient pas laisser dormir ces sommes colossales, elles furent donc prêtées aux pays du Tiers Monde.

Il existe un mouvement qui réclame que la dette odieuse soit annulée au dépens des créanciers, étant donné que le peuple n’a jamais bénéficié de cet argent, mais a plutôt souffert par sa faute. D’autres ajoutent que ces fonds ont été prêtés de manière irresponsable. Néanmoins, de récents exemples de poids, comme l’Apartheid en Afrique du Sud et la dictature de Mobutu au Zaire (désormais République Démocratique du Congo), n’ont pas été reconnus par les créanciers comme de la dette odieuse.

Contexte historique

Actuellement, une large majorité des pays d’Afrique et d’Asie n’ont pas connu l’indépendance financière depuis la Seconde Guerre Mondiale. Néanmoins, toutes les dettes extérieures n’ont pas été acquises après l’indépendance. L’Indonésie fut forcée d’assumer la dette du gouvernement colonial hollandais (dont la majeure partie avait été contractée pour combattre les rebelles indépendantistes pendant les quatre années précédentes) pour obtenir son indépendance en 1949. Cette tendance fut reproduite ailleurs.

L’Egypte, qui n’a pas formellement été colonisée, mais qui fut un protectorat anglo-français puis britannique, n’eut pas le contrôle du lucratif Canal de Suez, qui relie la mer Méditerranée à la Mer Rouge (qui communique avec l’Océan Indien). Lorsque l’Egypte vit sa demande de crédit pour construire le barrage d’Assouan, le gouvernement décida de nationaliser le Canal de Suez, appartenant à une entreprise européenne mais construit par des égyptiens. C’est ainsi qu’éclata la crise de Suez en 1956.

Dans les premières décennies de la décolonisation, les créanciers occidentaux tels que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International prêtèrent massivement aux gouvernements des pays du Sud. L’argent était souvent destiné à de grands projets d’infrastructure, tels que des barrages et des autoroutes. D’autres investissement visaient à développer un modèle de développement par substitution aux importations, c’est-à-dire à se donner les moyens de remplacer les importations provenant des pays industrialisés par une production nationale. De telles politiques apparurent en convergence avec le concept de développement industriel tel que le partageaient les idéologies capitalistes, communistes et nationalistes du Tiers-Monde.

Parallèlement, un certain nombre de gouvernements dictatoriaux, voire néocoloniaux, imposées et/ou soutenues par des puissances étrangères se financèrent massivement par la dette afin de conduire des guerres civiles ou d’exercer la répression à l’encontre de leur peuple. En Amérique Centrale et en Amérique du Sud, ces politiques furent classées dans le domaine de la Sécurité Nationale, dans lequel des forces armées, appuyées par les Etats-Unis, étaient dédiées au maintien de la sécurité intérieure. Les guerres civiles accumulèrent des dettes substantielles au Guatemala, au Salvador et en Colombie. En Haïti, la dictature de Duvalier eut recours massivement à la dette, dette dont la reconnaissance fut en 1995, sous la pression des Etats-Unis, la condition sine qua non du retour du président Jean Bertrand Aristide alors en exil. Les campagnes militaires à l’étranger, comme les invasions du Timor oriental par l’Indonésie, de l’Angola, de la Namibie et de l’Ouganda par l’Afrique du Sud et de l’Iran par l’Iraq, conduisirent également à un endettement massif.

L’octroi massif de prêts entraîna des risques de défaut majeur, comme au Mexique au début des années 80, précipitant ce que nous appelons aujourd’hui la crise de la dette. Devant l’éventualité de perdre les fonds investis, les créanciers proposèrent de nombreux programmes d’ajustement structurel pour réorienter fondamentalement les économies des pays en difficulté. La plupart de ces programmes préconisaient de réduire fortement les dépenses publiques à caractère social, d’orienter l’économie vers l’exportation directe et l’extraction des ressources, d’augmenter la liquidité des flux d’investissement (en remplaçant l’investissement direct par l’ouverture de marchés boursiers) et en général de mettre en avant les droits des investisseurs étrangers vis-à-vis des lois nationales.

Etant donné que ces programmes devinrent une obligation pour l’accès au crédit et à des aides au développement en provenance des grands créanciers multilatéraux, et que l’aide économique soviétique disparut à la fin des années 80, les PAS devinrent le modèle économique prépondérant sur une grande partie de la surface du globe. Accablés par la dette, et incapables de modifier les conditions défavorables d’échange, de nombreux gouvernements des PVD furent contraints de négocier leur politique économique plutôt que de la définir eux-mêmes. Beaucoup d’hommes politiques du Tiers Monde, comme Michael Manley (Jamaïque), affirment qu’ils ont même été contraints de conduire une transition économique contre la volonté de leur peuple.

Débats sur l’équité de la Dette du Tiers Monde

Les premiers détracteurs de ce point de vue démontrent que beaucoup de ces dettes furent librement endossées par les gouvernements de ces pays ; il a cependant été avancé que beaucoup des gouvernements concernés étaient des dictatures ou des kleptocraties, et que les peuples du pays du Tiers Monde ne pouvaient pas être tenus pour responsables de l’action de ces gouvernements. Les critiques se sont également penchés sur la notion de « dette insolvable » : existe-t-elle vraiment alors qu’il est toujours possible de refinancer la dette via le FMI ou la Banque Mondiale, ou de négocier un accord avec les créanciers ? Les défenseurs de l’annulation de la dette affirment que l’endettement des pays pauvres pourrait aisément être effacée par les pays développés. Certains économistes s’opposent à cette théorie en expliquant que cela pousserait les pays à faillir à leurs dettes, ou à s’endetter plus qu’ils ne peuvent supporter, et que cela n’empêcherait pas le phénomène de se reproduire.

L’annulation de la dette dans les situations d’urgence

En 2004, la Grande-Bretagne effaça une partie des créances des pays les plus pauvres. En réponse à la catastrophe humanitaire du Tsunami de l’Océan Indien, les nations du G7 ratifièrent un accord international de suspension du remboursement de la dette extérieure des pays les plus touchés.

Le sommet du G8 en 2005 : de l’aide pour l’Afrique et l’annulation de la dette

La traditionnelle rencontre entre les ministres des Finances du G8 avant le sommet eu lieu à Londres les 10 et 11 juin 2005. Le 11 juin, ils trouvèrent un accord pour l’annulation des 40 milliards de dollars de dettes dus par les Pays Pauvres Hautement Endettés envers la Banque Mondiale, le FMI et le Fonds de Développement Africain. L’économie dans le paiement annuel de la dette est d’un peu plus d’un milliard de dollars. L’ONG Britannique War on Want estime qu’un montant global de 45,7 milliards de dollars seront nécessaires à 62 pays pour atteindre les Objectifs de Développement du Millénaire. Les Ministres des Finances ont également établis que vingt autres pays représentant une dette globale de 15 milliards de dollars seraient éligibles à la suppression de leurs dettes à condition qu’ils atteignent leurs objectifs en terme de lutte contre la corruption et qu’ils remplissent les conditions de l’ajustement structurel, qui interdisent l’usage d’investissements privés. Cet accord, qui avait nécessité de longues semaines d’intenses négociations, doit être approuvé par les institutions créancières pour entrer en vigueur.

Alors que les négociations se sont déroulées entre les états membres du G8, dont certains étaient peu désireux d’autoriser l’annulation de la dette et l’augmentation des aides, les gouvernements africains, les ONG sympathisantes et leurs alliés ont qualifié le plan Blair-Brown d’inapproprié et ont allégué que la poursuite des politiques d’ajustement structurel neutralisaient les bénéfices de la suppression de la dette, alors que seulement une faible part de la dette du Tiers Monde était concernée par la proposition. Depuis des années, les ajustements structurels sont taxés d’effets dévastateurs sur les pays pauvres.

Crises entraînées par l’endettement

Un exemple récent et révélateur des problèmes posés par la dette extérieure a été la crise économique en Argentine. La dette de l’Argentine a augmenté régulièrement pendant les années 90, atteignant plus de 120 milliards de dollars. Les créanciers ont continué à lui prêter de l’argent alors que le FMI recommandait une réduction des dépenses publiques au fur et à mesure que le pays s’enfonçait dans la récession. La crise éclata en décembre 2001. En 2002, le pays déclara son incapacité de payer les 93 milliards de dette. Les investisseurs se détournèrent du pays, et les flux financiers en direction de l’Argentine devinrent quasi-nuls.

Le gouvernement argentin fit face à des défis difficiles lorsqu’il voulut refinancer la dette. Le FMI devint très peu coopératif. D’autres créanciers dénoncèrent la faillite comme un vol. Les vautours qui s’étaient emparés des obligations pendant la crise à très bas prix exigèrent un remboursement immédiat. Le pays se retrouva sur la paille et les réserves de monnaies étrangères furent presque vidées. Pendant 4 ans, l’Argentine fut exclue des marchés financiers internationaux.

L’Argentine obtint finalement un accord décidant que 76% des obligations impayées soient échangées contre d’autres de plus faible valeur nominal et avec une échéance plus éloignée. L’échange n’a pas été accepté par le reste des créanciers privés, et ils continueront à représenter un défi pour le pays dans les années à venir. Cependant, en janvier 2006, le président Kirchner a annoncé le remboursement de la totalité de la dette envers le FMI (soit 9810 millions de dollars), décision similaire à celle du président brésilien Lula. Ce mouvement est perçu comme un moyen de mettre fin au contrôle du FMI sur les économies brézilienne et argentine.

Emprunter sur le marché des obligations

Historiquement, les pays en développement ont cherché à emprunter à d’autres états souverains, ou à des institutions comme le FMI et les banques. Depuis la création du plan Brady, l’émission d’obligations par les pays en voie de développement, connus sous le nom de Dette des Pays Emergents a fortement augmenté, conduisant à son développement en tant que marché de titres.