Emir Kusturica

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Emir Kusturica
Description de l'image Emir Kusturica Bruxelles05.jpg.
Naissance (69 ans)
Sarajevo, Yougoslavie
Nationalité Drapeau de la Serbie Serbie
Profession Réalisateur, Musicien
Films notables Papa est en voyage d'affaires,
Le Temps des Gitans,
Arizona Dream,
Underground

Emir Kusturica (API : [ˈku.stu.ri.tsa], Емир Кустурица en serbe) est un cinéaste serbe lauréat de deux Palmes d'Or au Festival de Cannes, et un musicien.

Biographie

Emir Kusturica est né le à Sarajevo, en République fédérale socialiste de Yougoslavie (actuelle Bosnie-Herzégovine).

Prague

Le jeune Emir se passionnait déjà pour le cinéma : pour gagner son argent de poche, il faisait des petits boulots pour le cinéma de quartier de Sarajevo et pouvait ainsi assister aux projections. Un ami de son père l'invitait également sur le plateau des films officiels qu'il faisait. Mais dans la banlieue de Sarajevo, Emir joue au football, sort, et fréquente d'autres enfants que les parents Kusturica ne voient pas d'un bon œil. Inquiets, ses parents, d'une famille respectable, décident de l'envoyer faire ses études à l'étranger pour le couper de ses fréquentations jugées trop néfastes. Comme sa tante habitait alors à Prague, Emir y fut envoyé et put ainsi rentrer à l'académie du cinéma de la capitale tchécoslovaque: la FAMU. Il s'y montre un brillant élève et y réalise deux courts-métrages : Une Partie de la Vérité et Automne. Ses professeurs voient en lui un talent très prometteur, et plus tard, dans ses interviews, il rendra hommage de nombreuses fois à son professeur de mise en scène: le tchèque Otakar Vavra. Pendant ses années praguoises, Emir Kusturica va absorber tous les grands classiques du cinéma, qu'ils soient russes, tchèques, français, italiens, ou américains. Ces films marqueront profondément son style tout au long de sa carrière.

En 1978, Emir Kusturica réalise son court-métrage de fin d'études Guernica, un film douloureux et faussement naïf sur l'antisémitisme vu par un petit garçon. Ce film obtient le Premier Prix du cinéma étudiant du Festival international du film de Karlovy Vary.

Sarajevo

Avec ce premier trophée, il rentre alors à Sarajevo et y obtient un contrat à la télévision. Artiste anticonformiste, il réalise en 1979 le moyen-métrage Les jeunes mariées arrivent tiré d'un scénario de Ivica Matić au sujet de l'inceste. Fortement influencé par le style d'Andreï Tarkovski, le film dérange par la forme et le fond, tous deux trop audacieux. Le film est interdit de diffusion. Il conserve néanmoins son poste à la télévision et tourne l'année suivante son second film : Café Titanic, tiré d'une nouvelle du prix Nobel de littérature yougoslave Ivo Andrić. Avec ce film, il remporte le premier prix du Festival de la télévision yougoslave.

Il réalise alors son premier long métrage Te souviens-tu de Dolly Bell ? la même année, sur la base d'un scénario coécrit par lui-même et le grand poète bosniaque Abdulah Sidran. Le film est semi-autobiographique, et raconte la difficulté pour un groupe d'enfants dans le Sarajevo des années 1960 de se confronter au rêve occidental sous la dictature communiste de Tito. Le cinéaste y révèle déjà son talent de portraitiste et de satiriste dans la peinture des mœurs yougoslaves traditionnelles. Le monde découvre ainsi le cinéma du jeune yougoslave grâce à l'obtention du Lion d'Or de la Première Œuvre à la Mostra de Venise et du prix de la critique du Festival du film international de São Paulo.

Emir Kusturica travaille alors sur son second film Papa est en voyage d'affaires, avec le même scénariste Abdulah Sidran dans l'optique de réaliser une trilogie sur sa ville natale. Le troisième volet ne verra pas le jour, mais ce deuxième film, qui témoigne de la douleur des familles séparées par l'arbitrage politique du régime de Tito, remporte à la surprise générale la Palme d'Or au Festival de Cannes 1985. La récompense propulse au niveau des plus grands ce jeune réalisateur de 31 ans. Pour se vider la tête, et évacuer la pression, Emir Kusturica va alors intégrer pendant un an le groupe de musique de ses amis de Zabranjeno Pušenje en tant que bassiste. Il fréquente en conséquence la scène musicale yougoslave et se lie d'amitié avec le plus grand auteur/compositeur et guitariste de rock national : Goran Bregović devenu une star nationale dans toute l'ex-Yougoslavie avec le groupe Bijelo Dugme (Bouton blanc).

Les États-Unis

La Palme d'Or lui ouvre toutes les portes, et notamment celles des producteurs internationaux. La Columbia s'intéresse à lui et lui propose un contrat mirobolant. Il hésite entre plusieurs scénarios, dont un traitant des Boukhodors. Ce sera finalement un fait divers sur les gitans qui va retenir toute son attention, et le faire travailler avec le journaliste Gordan Mihic pour élaborer l'histoire douloureuse (et en partie authentique) de Perhan dans Le Temps des Gitans. Mais l'œuvre, qui se veut plus une fable ou un rêve éveillé qu'un portrait objectif, trahit des accointances avec le réalisme magique, juxtaposant une description presque documentaire du mode de vie bohémien: sa culture, son folklore, à des éléments mythologiques, irrationnels et surnaturels: dons de voyance, de télékinésie, accouchement en lévitation... Ceux-ci surgissent, de manière inopinée dans le récit, pour exprimer la pensée superstitieuse et mystique qui régit les rituels et les coutumes tsiganes. Mais cette pensée alimente par ailleurs fortement l'imaginaire du cinéaste, pour ce film-là comme pour ceux à venir. Une fois monté, Le Temps des Gitans sera présenté à Cannes où il obtiendra prix de la mise en scène en 1989. À l'issue du tournage, Emir Kusturica avait été appelé à New York par le réalisateur américano-tchèque Miloš Forman (ancien collègue de la FAMU et président du jury cannois qui lui attribua la Palme en 1985), pour le remplacer à la Columbia University. Aux États-Unis, un des élèves de Kusturica, David Atkins lui propose alors un scénario qui deviendra Arizona Dream. Il arrête l'enseignement et se consacre alors entièrement à la fabrication de ce film, sur le rêve américain. La conception douloureuse du film fut rendue encore plus difficile par le début du conflit en Yougoslavie, auquel il assiste impuissant à des milliers de kilomètres de distance. Le tournage est arrêté à de nombreuses reprises pour laisser Emir Kusturica faire des aller et retour et aider ses parents qui essuient des exactions des forces bosniaques. Après le pillage de la maison familiale de Sarajevo (et le vol de ses premiers trophées), il fait déménager ses parents au Monténégro[1]. Le film Arizona Dream, interprété entre autres par Johnny Depp, Jerry Lewis et Faye Dunaway, sera tout de même achevé, et obtiendra l'Ours d'Argent au Festival de Berlin en 1993.

Belgrade

Extrêmement choqué par les événements en Bosnie et par la manière dont ils sont présentés par les médias, Kusturica constate son impuissance à agir depuis les États-Unis mais décide de revenir avec sa femme sur sa terre natale et de montrer au reste du monde sa propre vision du conflit qui déchire son pays. Le film, Underground, aborde le difficile thème de la guerre en ex-Yougoslavie. Cette vaste fresque au souffle épique mêle la farce bouffonne, rabelaisienne et l'esthétique carnavalesque à une conception purement tragique et désespérée de l'histoire. Il s'agit sans doute du film le plus douloureux mais aussi le plus visionnaire et le plus inventif de la carrière du metteur en scène, nourri par une force poétique d'une rare intensité et animé d'une puissance visuelle inégalée dans toute son œuvre jusqu'à ce jour. Il sera réalisé en partie dans les studios de Prague pour les séquences se déroulant dans les intérieurs et en partie à Belgrade, en pleine guerre, pour les scènes en extérieur. Le film vaudra à son réalisateur une seconde Palme d'Or cannoise en 1995, malgré la forte controverse qu'il essuie en France. Alain Finkielkraut écrira le lendemain de l'annonce du palmarès un violent article dans Le Monde, intitulé l'imposture Kusturica[2], alors qu'il n'avait même pas vu le film. Emir Kusturica répond, le par un article intitulé Mon imposture[3].

Cette polémique pousse Kusturica à déclarer vouloir arrêter le cinéma, mais il se ravisera et tournera Chat noir, chat blanc en 1998, un film aux antipodes du précédent, plus calme mais non moins pittoresque, plein de couleurs, de musique et d'humour. Il permet au cinéaste d'être gratifié d'un Lion d'Argent à la Mostra de Venise en 1998 pour sa mise en scène. Comme toujours, pour décompresser, il reviendra à la musique et enchaînera une tournée mondiale avec son groupe de musique, rebaptisé le No Smoking Orchestra. De cette tournée, il réalisera le documentaire Super 8 Stories en 2001.

Küstendorf

L'ethno-village de Küstendorf

Après de nombreux projets avortés, Emir Kusturica décide de revenir une nouvelle fois sur la guerre et l'aborde au travers d'une histoire dont il avait connaissance depuis longtemps : une transposition de Roméo et Juliette dans les Balkans. Ce film donnera La vie est un miracle (2004). Pour le tournage, c'est dans les montagnes de la Mokra Gora que son équipe s'arrêtera, et il y construira pour l'occasion une voie ferrée et un village traditionnel en bois. Ce village, baptisé Küstendorf et dont il s'est auto-proclamé maire, est érigé en place forte de l'altermondialisme, du tourisme écologique, et de l'enseignement du cinéma comme il l'explique alors dans de nombreuses interviews. Le village est ouvert au public depuis septembre 2004. Un séminaire de cinéma pour jeunes étudiants y a eu lieu au cours de l'été 2005. Le village a gagné en octobre 2005 le Prix d'architecture européen Philippe Rotthier pour la reconstruction d'une ville.

C'est toujours dans les environs de Küstendorf que, après avoir passé une année à travailler sur un documentaire sur le joueur de football Diego Maradona, Emir Kusturica a entamé en 2006 le tournage de son nouveau film Promets-moi. Le premier qui a mis plus de temps à se faire que prévu, est sorti sur les écrans français à la fin du mois de mai 2008, alors que le second, réalisé après et sélectionné au festival de Cannes 2007, est sorti en salles en France en janvier 2008.

Emir Kusturica a mis en scène un opéra punk Le temps des Gitans, dont la première représentation a été donnée le 26 juin 2007 à l'opéra Bastille à Paris. L'opéra est basé sur son film de 1989 Le Temps des Gitans, le livret a été écrit par Nenad Jankovic et la musique a été composée par le No Smoking Orchestra. L'œuvre, très différente de la programmation habituelle de l'opéra Bastille (chants amplifiés au micro, oies sur scène, décors rocambolesques, etc.) a remporté un vif succès de la part des critiques autant que du public, qui a longuement applaudi la représentation.

Identité et religion

Le New York Times a interrogé Emir au début de la guerre de Bosnie sur son identité, Emir avait répondu: "Je suis un exemple vivant de Bosnie, de mélange et de la conversion des serbes», «Mes grands-parents vivaient dans l'est de l'Herzégovine. Ils étaient très pauvres. Les Turcs sont venus et avec eux l'Islam. Il y avait trois frères au sein de la famille. L'un était chrétien orthodoxe. Les deux autres ont été convertis à l'islam pour survivre.[4] "

Le jour de Đurđevdan (la Saint-George) en 2005, Emir a été baptisé dans l'Église orthodoxe serbe sous le nom de Nemanja Kusturica (Немања Кустурица) dans le monastère de Savina, près de Herceg Novi, au Monténégro[5][6]. Pour ses détracteurs, qui on analysé cette action comme une trahison de son passé musulman, il a répondu : "Mon père était athée et il s'est toujours lui-même décrit comme un Serbe. Ok, nous étions peut-être musulmans pendant 250 ans, mais nous étions orthodoxes avant cela, nous avons toujours été des Serbes. On ne devient pas musulman par intérêt, mais pour survivre aux Turcs[7].

Quelques touches caractéristiques

La musique

La musique est omniprésente dans les films de Kusturica. Après une collaboration avec Zoran Simjanović pour ses premiers films, ce sont surtout les trois films qu'il fait avec Goran Bregović qui marqueront les esprits : Le Temps des Gitans (1990), Arizona Dream (1993) et Underground (1995). Il travaille également avec le trompettiste serbe Boban Marković et sa fanfare de 11 musiciens, de nos jours considérée comme l'une des meilleures fanfares d'Europe centrale. Depuis 1998, c'est son propre groupe le No Smoking Orchestra qui assure la musique de ses films. Il y joue de la guitare et compose une partie des morceaux.

Les gitans

Les gitans sont le thème central de deux des films de Kusturica : Le Temps des Gitans et Chat noir, chat blanc, même si des joueurs de musique tziganes apparaissent dans quasiment tous ses autres films. Emir Kusturica n'a pas de racines familiales gitanes, mais il les a fréquentés depuis sa plus tendre enfance, et pour lui ce peuple symbolise la notion même de liberté.

Références

Son impressionnante connaissance des classiques du cinéma, Emir Kusturica la distille par petites touches dans ses films sous forme de plans hommages directs ou indirects, aux plus grands films. Ainsi :

La politique

Emir Kusturica est souvent très engagé dans les propos qu'il tient lors d'interviews (même si, selon le pays ou la date où est effectuée l'interview, les propos peuvent varier énormément). Cet engagement politique se reflète dans ses films, qui présentent souvent les différents côtés d'un conflit sous un éclairage original. Ainsi, dans Papa est en voyage d'affaires, le personnage principal, bien que puni trop sévèrement pour un crime politique imaginaire, est en fait un père de famille plutôt négligent. Ainsi, Chat noir, chat blanc, film apparemment apolitique, a été tourné sur les rives du Danube quelques mois avant qu'elles ne soient pilonnées par l'OTAN en 1999. Ainsi, dans La vie est un miracle, le conflit bosno-serbe est montré depuis le point de vue d'un Serbe de Bosnie, chassé de ses terres par les bosniaques.

En 2008, il participe à une manifestation serbe contre l'indépendance du Kosovo, au cours de laquelle plusieurs personnalités affirment que la Serbie n’acceptera jamais l’indépendance du Kosovo.[8]

Symboles

Un certain nombre de thèmes et symboles reviennent dans ses films comme des leitmotiv : la vision du monde par les enfants, le rêve américain, le réalisme magique, les animaux, les mariages, le suicide, l'envol, l'imaginaire, le kitsch, etc.

La famille

L'importance de la famille est souvent au cœur de l'intrigue des films de Kusturica (au travers d'histoires de passage à l'âge adulte, de séparations, de trahisons ou de mariages). Dans sa vie personnelle également, la famille joue un grand rôle puisque sa femme Maja Kusturica l'assiste dans la production de ses films, et son fils Stribor Kusturica joue de la batterie dans son groupe le No Smoking Orchestra, et fait occasionnellement l'acteur dans ses films.

Kusturica participe en tant qu'acteur à un court-métrage qui démocratise la production cinématographique

Emir Kusturica va participer en tant qu'acteur à un court-métrage produit grâce aux souscriptions des internautes. Le court-métrage sera réalisé Marie-Eve Signeyrole[9].

Filmographie

Courts et moyens-métrages

Téléfilms

Longs-métrages

Publicités

Emir Kusturica a tourné de nombreuses publicités pour la télévision française dans les années 90 (Le Sucre, Banque Populaire, parfum XS de Paco Rabanne, Renault Occasion), mais aussi pour d'autres pays (Suisse : cigarettes Parisienne People, Allemagne : campagne pour la lutte contre le SIDA, Italie : IOL, Serbie : jus de fruit Next, Russie : Baltimor Ketchup, etc.)

Acteur

Récompenses

Au festival de Cannes en 2006

Divers

Bibliographie

  • Matthieu Dhennin, Le lexique subjectif d'Emir Kusturica, Éditions L'Âge d'homme, 2006 ISBN 2-8251-3658-1
  • Serge Grünberg et Emir Kusturica, Il était une fois... Underground, Éditions Cahiers du cinéma, 1995 ISBN 2-86642-164-7
  • Jean-Marc Bouineau, Le petit livre d'Emir Kusturica, Éditions Spartorange, 1993 ISBN 2-9506112-2-2

Voir aussi

Lien interne

Liens externes

Références