Émeutes de 2024 en Nouvelle-Calédonie

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Émeutes de 2024 en Nouvelle-Calédonie
Type Violences urbaines, émeutes, révoltes
Pays Drapeau de la France France
Localisation Drapeaux de la Nouvelle-Calédonie Nouvelle-Calédonie, Drapeau de la France France
Cause Loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral spécifique aux élections provinciales de Nouvelle-Calédonie (LCP)
Date Depuis le
(20 jours)
Participant(s) Front de libération nationale kanak et socialiste
Bilan
Blessés 300
Morts 3
Répression
Arrestations 130

Les émeutes de 2024 en Nouvelle-Calédonie sont des émeutes en cours depuis le en Nouvelle-Calédonie, à la suite d'une réforme constitutionnelle, qui vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales.

Contexte

Corps électoral "gelé"

Les élections provinciales néo-calédoniennes ont lieu dans le cadre d'un « gel » du corps électoral autorisé à participer à ces scrutins. Contrairement aux élections présidentielles et législatives auxquelles peuvent participer tout les citoyens français majeurs, seule peut participer aux élections provinciales une partie de la population. En vertu de l'accord de Nouméa de 1998 et de l'article 188 de la loi organique de 1999, sont ainsi électeurs les individus disposant de la citoyenneté néo-calédonienne, résidant en Nouvelle-Calédonie avant 1998, ainsi qu'à leur descendants, à la condition de résider préalablement pendant dix années consécutives sur le territoire[1],[2].

Considérant que ces dispositions portent atteinte à l'exercice du droit de vote, le Conseil constitutionnel annule en 1999 le gel du corps électoral en limitant ces conditions à la présence continue pendant dix ans. Cette décision, qui remplace le corps électoral « figé » ou « gelé » par un corps électoral « glissant », provoque une vive opposition de la part des indépendantistes. En visite dans l'archipel en 2003, le président Jacques Chirac s'engage à revenir sur cette décision, ce qui est fait par le vote de la Loi constitutionnelle n° 2007-237 du 23 février 2007[1],[3]. Cette dernière réintroduit le gel du corps électoral en l'inscrivant directement dans la constitution[2].

Depuis la réinstauration du gel, la part de la population néo-calédonienne exclue du vote aux élections provinciales n'a cessé de croitre, passant d'environ 8 000 en 1999, à 18 000 en 2009, puis 42 000 en 2023. À cette date, environ 178 000 constituaient le corps électoral gelé, sur les 220 000 constituant celui général pouvant voter aux élections nationales, soit une exclusion d'environ 15 % de la population en âge de voter[2].

Par la suite, cette situation a été validée, à titre uniquement temporaire, par le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel ainsi que la Cour européenne des droits de l'Homme, dans la mesure où celle-ci s'inscrivait dans un « processus de décolonisation » et « sous réserve qu’il soit bien transitoire »[2].

Situation en 2024

Or, à la suite de la majorité de suffrages exprimés en faveurs du « Non » lors des trois référendums d'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 2018, 2020 et 2021, cette spécificité de l'Accord de Nouméa atteint son terme. Il s'ensuit une période de « flottement » quant à l'avenir institutionnel de l'archipel, au cours de laquelle les indépendantistes appellent à la tenue d'un nouveau référendum en lieu et place du troisième, dont ils refusent de reconnaître le résultat en raison de leur boycott du scrutin. Quand aux loyalistes, ils réclament au contraire le « dégel » du corps électoral: en effet, ils considérent que les dispositions de l'Accord de Nouméa sont désormais caduques, la population ayant par trois fois choisie de demeurer au sein de la république française. Cette situation de blocage se poursuit jusqu'en 2024, empêchant la conclusion d'un accord local, tandis que s'approchent les élections provinciales. Censées être organisées cette même année, les élections font l'objet d'un report au 15 décembre 2024 afin de laisser davantage de temps aux parties en présence pour négocier[2].

Donnant son avis sur la situation le 26 décembre 2023, le Conseil d’État conclut que « Les règles en vigueur concernant le régime électoral des assemblées de province et du Congrès dérogent de manière particulièrement significative aux principes d’universalité et d’égalité du suffrage, notamment en excluant du droit de vote des personnes nées en Nouvelle-Calédonie ou qui y résident depuis plusieurs décennies. »[2].

Le gouvernement du président Emmanuel Macron entame finalement en janvier 2024 un processus de révision constitutionnel visant à dégeler le corps électoral. Le projet prévoit un retour à un corps électoral « glissant » en accordant le droit de vote aux électeurs déjà inscrits sur la liste générale qui justifient d'une domiciliation d'au moins dix ans en Nouvelle-Calédonie, ou qui y sont nés. Une telle modification conduirait à l'incorporation d'environ 25 000 nouveaux électeurs[2],[4].

Le projet est examiné en mai 2024[5]. Le Front de libération nationale kanak et socialiste critique une « énième tentative de passage en force » du gouvernement, affirmant que la France cherche à « constitutionnaliser la colonisation en Kanaky »[6]. La Cellule de coordination des actions de terrain, proche du parti indépendantiste Union calédonienne, organise des marches[7]. Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie demande le retrait de la réforme tandis que Sonia Backès, représentant la droite loyaliste, accuse le Congrès et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie d'être illégitimes[6].

Déroulement

Le 13 mai 2024, des violences éclatent à Nouméa tandis que les députés débattent de l'adoption de la loi. Les affrontements opposent les forces de maintien de l'ordre à des manifestants indépendantistes, causant des incendies, des pillages et des blessés parmi les gendarmes. Trois employés pénitentiaires sont brièvement pris en otage lors d'une tentative de mutinerie dans le centre pénitentiaire de Nouméa. Les écoles et les services publics des zones concernés sont fermés. Le haut-commissaire français demande des renforts de Paris pour maintenir l'ordre et annonce une interdiction de port et de transport d'armes ainsi qu'une interdiction de vente d'alcool pendant 48 heures[8],[7]. Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, rapporte « des tirs tendus avec des armes de gros calibre, des carabines de grande chasse, sur les gendarmes » dans la nuit du 13 au , dans la commune du Mont-Dore, au sud-est de Nouméa[9].

Un couvre-feu est instauré de la nuit du mardi au mercredi[10] dans l'optique de réduire les violences urbaines, ce couvre feu n'est pas respecté. Au matin du mercredi 15 mai, le bilan s'est gravement alourdi avec la mort de deux personnes dans la nuit, la première aurait été tuée par un tir de "de quelqu’un qui a certainement voulu se défendre", les circonstances du second décès restent floues[11]. Les émeutes violentes se poursuivent le 14 mai et amènent à des affrontements armés. Trois personnes personnes meurent et 300 personnes sont blessées, dont certaines par balles. 130 personnes sont arrêtées. Certains habitants érigent des barricades afin de protéger leurs biens et les émeutes entrainent des pénuries alimentaires. Le haut-commissaire décrit une situation « insurrectionnelle » et prévient un risque de « guerre civile ». Emmanuel Macron appelle au calme et prévoit une réunion du Congrès pour entériner la réforme, sauf si un accord plus large est trouvé entre indépendantistes et non-indépendantistes d'ici juin[12],[13],[14].

Un gendarme mobile âgé de 22 ans, déployé lors des émeutes, est grièvement blessé par balle mardi 14 mai 2024. Il succombe à ses blessures dans la nuit du mardi au mercredi 15 mai 2024[15].

Le mercredi 15 mai 2024, suite à un conseil de défense tenu par Emmanuel Macron, le décret visant à déclarer l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie est demandé par le président de la République, il sera à l'ordre du jour lors du Conseil des ministres se tenant à 16h30[16].

Voir aussi

Notes et références

  1. a et b « Nouvelle-Calédonie  : la controverse sur le gel du corps électoral continue », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  2. a b c d e f et g « Dégel du corps électoral calédonien : 12 clés pour comprendre le projet de loi constitutionnelle », sur Nouvelle-Calédonie la 1ère (consulté le ).
  3. « Révisions constitutionnelles de février 2007 », sur Conseil constitutionnel (consulté le ).
  4. Rose Amélie Becel, « Nouvelle-Calédonie : un projet de loi constitutionnelle pour élargir le corps électoral prévu au Sénat en mars », sur Public Sénat, (consulté le )
  5. Victor Boiteau, « L’Assemblée s’empare du dossier de la Nouvelle-Calédonie : «On marche sur des œufs et ces œufs sont fêlés» » Accès payant, sur Libération, (consulté le )
  6. a et b Benjamin König, « Kanaky-Nouvelle-Calédonie : pourquoi le dégel du corps électoral pourrait mettre le feu aux poudres » Accès payant, sur L'Humanité, (consulté le )
  7. a et b (en) Patrick Decloitre, « Attempted prison mutiny, demonstrations ahead of New Caledonia constitution vote » Accès libre, sur Radio New Zealand, (consulté le )
  8. « Nouvelle-Calédonie : émeutes et tensions en marge du vote sur la réforme constitutionnelle à l’Assemblée » Accès libre, sur Le Monde, (consulté le )
  9. « Violences, interpellations… Le point sur la situation en Nouvelle-Calédonie », (consulté le )
  10. TEMOIGNAGES. Émeutes en Nouvelle-Calédonie : "Je n’ai pas envie de me faire tirer dessus ou tabasser…" Des habitants racontent leur crainte
  11. « Nouvelle-Calédonie : deux morts au cours des émeutes », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. Charlotte Mannevy, Mathurin Derel et Nathalie Guibert, « Nouvelle-Calédonie : « On s’engage tout droit dans une guerre civile », pour le haut-commissaire de la République » Accès payant, sur Le Monde, (consulté le )
  13. « Emeutes en Nouvelle-Calédonie : la réforme gouvernementale adoptée, deux morts dans une nouvelle nuit de violences » Accès libre, sur Libération, (consulté le )
  14. (en) Angelique Chrisafis, « New Caledonia: three dead in French territory in unrest over voting change » Accès libre, sur The Guardian, (consulté le )
  15. « Émeutes en Nouvelle-Calédonie : le gendarme blessé par balle est décédé », (consulté le )
  16. « DIRECT. Émeutes en Nouvelle-Calédonie: l'Élysée annonce un bilan de trois morts et un gendarme "très grièvement blessé" » (consulté le )