François Duvalier

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François Duvalier
Illustration.
François Duvalier, président à vie d'Haïti.
Fonctions
Président à vie d'Haïti

(6 ans, 10 mois et 7 jours)
Prédécesseur Lui-même (président de la République)
Jean Vilbrun Guillaume Sam (président à vie, indirect)
Successeur Jean-Claude Duvalier
Président de la République d'Haïti

(6 ans, 8 mois et 23 jours)
Élection 22 septembre 1957
Réélection 30 avril 1961
Prédécesseur Antonio Kébreau (intérim)
Successeur Lui-même (président à vie)
Membre du Conseil militaire de gouvernement

(1 mois et 21 jours)
Président Antonio Kébreau (président du Conseil militaire de gouvernement)
Secrétaire d'État haïtien à la Santé publique et au Travail

(6 mois et 26 jours)
Président Dumarsais Estimé
Prédécesseur Antonio Vieux (Santé publique)
Louis Bazin (Travail)
Successeur Joseph Loubeau (Santé publique)
Emile Saint-Lot (Travail)
Sous-secrétaire d'État haïtien du Travail

(10 mois et 18 jours)
Président Dumarsais Estimé
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Port-au-Prince (Haïti)
Date de décès (à 64 ans)
Lieu de décès Port-au-Prince (Haïti)
Nationalité Drapeau d'Haïti Haïtien
Parti politique Parti de l'Unité nationale (PUN)
Conjoint Simone Ovide (décédée en 1997)
Enfants Marie-Denise Duvalier
Nicole Duvalier
Simone Duvalier
Jean-Claude Duvalier
Héritier Jean-Claude Duvalier
Profession Médecin

François Duvalier
Présidents d'Haïti

François Duvalier, surnommé « Papa Doc », né à Port-au-Prince le et mort dans la même ville le , est un médecin, un écrivain et un homme d'État haïtien qui fut élu 41e président de la République d'Haïti[1] en 1957, avant d’occuper le titre président à vie de 1964 à sa mort en 1971[2]. Son règne fut marqué par la corruption et l'utilisation de milices privées, les tontons macoutes. Autoritaire, il multiplie les actes d'arrestation et de condamnation à mort. Allié par intérêt aux États-Unis, il utilise le culte de la personnalité afin de se maintenir durablement au pouvoir.

Ancien ministre de la Santé, il est élu président en 1957 avec un programme populiste et nationaliste noiriste sous les couleurs du Parti de l'unité nationale (PUN). Profitant de la guerre froide et de la tension avec Cuba, Duvalier obtient que les États-Unis le soutiennent par intérêt économique. En 1958, en réaction à une tentative de coup d’État, il crée une milice de quelques milliers de fidèles, les « volontaires de la sécurité nationale », mieux connus sous leur sobriquet de tontons macoutes. L'état de siège est décrété en Haïti, puis périodiquement reconduit. Réélu en 1961, il voit son mandat prolongé de cinq ans. Revisitant la constitution, il instaure l’élection présidentielle à candidat unique avant d’accéder à la présidence à vie en 1964, avec un droit de succession. À partir de cette date, il réforme en profondeur le pays en modifiant le drapeau (le noir remplaçant le bleu), afin de renouer avec l’ancien régime de Jean-Jacques Dessalines, père fondateur de la Nation haïtienne.

Critiqué par l’Église catholique, très puissante en Haïti, Duvalier expulse l’archevêque, les prêtres et les jésuites, ce qui lui vaut d’être excommunié. À la fin des années 1960, il se réconcilie avec Rome et obtient en contrepartie le droit de nommer les prêtres[3]. Son gouvernement confisque les propriétés foncières des paysans et les attribues à des membres de sa milice[4]qui n'ont pas de salaire officiel et vivent des confiscations. Les dépossédés fuient vers les bidonvilles de la capitale où ils ne trouvent que de maigres revenus pour se nourrir. La malnutrition et la famine sont devenues endémiques dans certains villages. Néanmoins, Duvalier bénéficie d'un soutien significatif de la population rurale qui voit en lui un porte-parole de leurs revendications contre l'élite politique traditionnelle. Au cours de ses 14 années au pouvoir, il a créé une classe moyenne noire substantielle, principalement grâce au patronage gouvernemental et aide les jeunes entreprises. Duvalier a également initié le développement de l'aéroport de Port-au-Prince, qui porte son nom, maintenant connu sous le nom d'aéroport international Toussaint Louverture. Pendant son règne, il mène également une politique anticommuniste et fait exiler les dirigeants politiques de gauche. Lorsque des bombes explosent près du palais présidentiel en 1967, Duvalier fait arrêter puis exécuter dix-neuf officiers de la garde présidentielle à Fort Dimanche. Quelques jours plus tard, il prononce un discours public au cours duquel il donne les noms des 19 officiers tués. Cette politique répressive a néanmoins permis la stabilisation du pays tant au niveau politique qu'économique.

Avant ses débuts en politique, Duvalier était médecin de profession. En raison de sa profession et de son expertise dans le domaine médical, il a acquis le surnom de « Papa Doc » d'abord auprès de ses partisans puis par la population en générale[5]. Après sa réélection de 1961, il a consolidé son pouvoir pas à pas, culminant en 1964 lorsqu'il accède au pouvoir à vie. Après cette période, la vie politique haïtienne est un peu plus stable que par le passé. Après avoir pris le contrôle du pays et tenu à l'écart les États-Unis, Duvalier transforme Haïti selon son idéologie en appliquant une politique répressive, nationaliste, anticommuniste et antiaméricaine. Au cours des années 1960, le pays surmonte plusieurs ouragans dévastateurs auxquels le gouvernement répond avec d'importants travaux[6]. Frappé par la maladie, il désigne son fils, Jean-Claude Duvalier, comme son successeur en 1970 et l’officialise le 31 janvier 1971. François Duvalier meurt quelques mois plus-tard le 21 avril, d'un essoufflement cardiaque. Il reçoit des obsèques nationales et est inhumé à Port-au-Prince.

Premières années et accession au pouvoir

Fils du Pr Duval Duvalier, juge de paix, professeur et journaliste[7], d'une famille originaire de Martinique[8], et de Uritia (ou Ulyssia) Abraham, il suit sa scolarité au lycée Pétion où il obtient son diplôme de fin d'études secondaires en 1928. Il s'inscrit ensuite à l'École de médecine de Port-au-Prince, puis commence à pratiquer dans les régions rurales. Il s'attire alors la faveur des populations pour son aide à la lutte contre le typhus, le pian et d'autres maladies de l'extrême pauvreté. Il y gagnera aussi son surnom de « Papa Doc ». En 1939, il épouse à Pétion-Ville Simone Ovide, une infirmière que l'on appellera plus tard Maman Simone, avec laquelle il aura trois filles, Marie-Denise, Nicole et Simone, ainsi qu'un fils, Jean-Claude.

Duvalier fréquente à cette époque l'ethnologue Lorimer Denis, spécialiste du culte vaudou et militant de la cause noire. Il partage ses idées, qu'il développe dans les articles qu'il écrit pour des revues nationalistes comme Les Griots. Il y défend notamment l'idée que la lutte des classes, en Haïti, s'illustre par l'opposition entre les Noirs et les Mulâtres, et que les premiers sont appelés à diriger le pays au détriment des seconds.

Duvalier s'appuie sur les relations de Lorimer Denis pour rencontrer Daniel Fignolé avec lequel il participe à la fondation du Mouvement des Ouvriers Paysans en 1946 dont il devient secrétaire général. Sa popularité dans les campagnes et son introduction dans les milieux politiques incitent le président Dumarsais Estimé à le nommer en 1946 directeur de la Santé Publique. En 1949, il devient ministre de la Santé Publique et du Travail. Après s'être opposé au coup d'État de Paul Magloire, qui renverse Estimé en 1950, il est poussé à l'exil et s'engage dans l'opposition.

Profitant de la chute de Magloire et de l'amnistie décrétée en 1956, il se porte candidat à la présidence de la République dans un climat d'agitation sociale et d'instabilité politique : entre décembre 1956 et juin 1957, cinq gouvernements provisoires se sont succédé, le parlement a été dissous et des factions de l'armée continuent à s'affronter[9].

Duvalier fait campagne avec un programme populiste qui vise à flatter la majorité afro-haïtienne en s'appuyant sur un discours noiriste prétendant favoriser les masses populaires « noires » au détriment de l'élite « mulâtre »[10],[11]. Les élections sont organisées le par le général Antonio Kébreau, président du Conseil Militaire du Gouvernement. Duvalier est élu avec 69,1 % des voix, son principal adversaire Louis Déjoie ne recueillant que 28,3 %.

Consolidation du pouvoir

Duvalier (assis, à droite) et ses généraux (debout) en 1963.

Dix mois après son accession au pouvoir, en , François Duvalier doit affronter une tentative de coup d'État. Il réagit en instaurant l’état de siège et en exigeant du Parlement l’autorisation de gouverner par décrets (). Il écarte de l'armée les officiers qui ne lui sont pas fidèles, interdit les partis d’opposition et mène une politique de répression. Avec l'aide du chef de la police Clément Barbot et de la CIA[12], il organise la milice des Volontaires de la Sécurité Nationale, plus connue sous le nom de ses membres, les Tontons macoutes. Ce groupe paramilitaire de 5 000 à 10 000 membres, inspiré des chemises noires de l'Italie fasciste, ne touche aucun salaire[13].

En 1959, alors qu'il est soigné à l'hôpital pour une crise cardiaque, un commando tente de débarquer sur l'île. Le chef de la police secrète, Barbot, fait alors appel à la marine américaine pour empêcher l'opération. Sitôt rétabli, Duvalier fait emprisonner Barbot, qu'il soupçonne de vouloir prendre le pouvoir, et l'accuse de complot contre l'État. Barbot sera finalement assassiné par les Tontons macoutes en 1963 avec ses deux frères et d’autres compagnons.

En quelques années, Duvalier devra faire face à une dizaine d'attentats, de tentatives de renversement et d'invasions. Il en tire parti à chaque fois pour renforcer son image de défenseur de la patrie, éliminer ses adversaires et durcir son pouvoir personnel. Il asservit l'armée, entretient la corruption, supprime les libertés civiles et institutionnalise la terreur : massacres, exécutions sommaires, pillages et viols deviennent le quotidien du pays[14].

S'appuyant sur le climat de guerre froide et sur le cas de la révolution cubaine, il exploite la peur du communisme pour justifier la répression et obtenir le soutien des États-Unis. Le , il prononce à Jacmel un discours qui met en relation l'orientation politique de son régime et l'aide américaine[15].

En , deux ans avant la fin de son mandat, il réécrit la Constitution et organise une élection présidentielle à candidat unique. Il obtient 1,32 million de voix, et aucun vote contre. Réélu pour un autre mandat de six ans, il prononce la dissolution du Parlement. En réaction à l'opposition de l'église catholique romaine, il expulse plusieurs prêtres, l'archevêque de Port-au-Prince, Mgr Poirier, et deux évêques, ce qui lui vaut son excommunication en 1961. Trois ans plus tard, il expulse les jésuites[16].

Le président à vie, Papa-Doc.

À la suite de ce qui s'apparente à une tentative d'enlèvement de ses deux enfants, il commandite le massacre du où plusieurs maisons ont été incendiées avec leurs occupants et des dizaines de personnes assassinées par balles ou encore enlevées pour ne plus jamais être revues[17]. Lors de ce massacre, de nombreux haut-gradés des forces armées d'Haïti, soupçonnés d'être opposés à son pouvoir, sont entre autres ciblés.

Culte de la personnalité

En 1968, Duvalier rencontre l'ambassadeur du Guatemala David Tercero Castro, dernier ambassadeur du Guatemala à Haïti.

Pour échapper à toute incertitude électorale, Duvalier se proclame président à vie en , après un nouveau référendum qui l'approuve à 99,99 %. Libre de toute opposition, ses adversaires ayant été éliminés ou exilés à l'étranger, il modifie les couleurs du drapeau haïtien, qui devient noir et rouge au lieu de bleu et rouge, impose l'affichage de son portrait dans les rues, les bâtiments publics et les établissements scolaires[18]. L'exil des cadres politiques, administratifs et techniques, le détournement des ressources de l'économie haïtienne mènent le pays à la faillite, le PIB chutant de 40 % entre 1960 et 1970[19].

En 1966, Duvalier reprend contact avec le Vatican et obtient le pouvoir de nommer la hiérarchie catholique haïtienne. Perpétuant un nationalisme noir, il réussit ainsi à renforcer son emprise sur l'île par le contrôle des institutions religieuses.

Drapeau d'Haïti, sous le régime de Duvalier.

Parallèlement, il ranime les traditions du vaudou, les utilisant pour consolider son pouvoir : il prétendait être lui-même un hougan et a délibérément modelé son image sur celle du Baron Samedi pour se rendre encore plus imposant. Il portait souvent des lunettes de soleil et parlait avec un fort ton nasal associé au Lwa. À la mort de John Fitzgerald Kennedy, il déclara que l'assassinat était la conséquence d'un sort qu'il lui avait jeté.

En 1970, atteint par la maladie, il désigne son fils de 19 ans, Jean-Claude Duvalier comme héritier de sa dictature. Cette modification constitutionnelle est validée par le référendum de 1971.

Il meurt quelques mois plus tard, le , après 13 ans et demi de pouvoir absolu. Son fils, qui sera surnommé « Baby doc », lui succède dès le lendemain.

Profanation du tombeau

Le , quand tombe le régime des Duvalier, la foule s'en prend au mausolée de « Papa Doc », qui sera détruit à coups de pierres et à mains nues ; le cercueil est sorti, la foule danse dessus puis le met en morceaux ; elle s'empare du corps du dictateur pour le battre rituellement, joue avec ses lunettes, et chante « les tontons macoutes, ils mangent du caca ! ». Pendant cette journée, on dénombre une centaine de victimes, essentiellement des tontons macoutes[20],[21].

Œuvres

  • Evolution stadiale du Vodou, avec Denis Lorimer, 1944.
  • Problème des classes à travers l'histoire d'Haïti : sociologie politique (avec Lorimer Denis), Service de la Jeunesse de Port-au-Prince, 1948.
  • Face au peuple et à l'histoire, Service d'Information et de Documentation de Port-au-Prince, 1961.
  • Histoire diplomatique, politique étrangère : géographie politique, politique frontérale, Presses nationales d'Haïti, 1968.
  • Œuvres essentielles, Presses nationales d'Haïti, 1968.
  • Hommage au martyr de la non-violence, le révérend Martin Luther King, Jr., Presses nationales d'Haïti, 1968.
  • Hommage au Marron inconnu, Presses nationales d'Haïti, 1969.
  • Mémoires d'un leader du Tiers Monde : mes négociations avec le Saint-Siège ou Une tranche d'histoire, Hachette, 1969
  • Élément d'une doctrine : Œuvres essentielles, 1967

Notes et références

  1. Encyclopædia Universalis‎, « FRANÇOIS DUVALIER », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
  2. « Décès du président haïtien François Duvalier | Perspective monde », sur perspective.usherbrooke.ca (consulté le )
  3. « François Duvalier », sur Une autre histoire, (consulté le )
  4. « {{{1}}} »
  5. « {{{1}}} »
  6. « François Duvalier Biography - life, family, name, death, history, school, son, information, born, house, time », sur www.notablebiographies.com (consulté le )
  7. [1] (en) Richard M. Juang et Noelle Morrissette, « Africa and the Americas: Culture, Politics, and History, Vol. 1 », Abc-Clio Inc, 2008, p. 391.
  8. Sophie Chautard, Les dictateurs du XXe siècle, Studyrama, 2006, p. 203.
  9. Sauveur Pierre Étienne, Haïti, misère de la démocratie, L'Harmattan, 1999, p. 70
  10. Belleau Jean-Philippe, « Liste chronologique des massacres commis en Haïti au XXe siècle », sur https://www.sciencespo.fr,
  11. Evans Sanon et Trenton Daniel, « L'ancien dictateur haïtien Jean Claude Duvalier succombe à une crise cardiaque », sur leau-vive.ca,
  12. Olivier Acuña, « 10 of the Most Lethal CIA Interventions in Latin America », Telesur,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. André-Marcel d'Ans, Haitï : Paysage et société, Karthala, 1987
  14. Kern Delince, Les forces politiques en Haïti, Karthala, 1993, p. 282
  15. François Duvalier, Œuvres essentielles, Presses nationales d'Haïti, 1968, p. 413
  16. Micial M. Nérestant, L'Église d'Haïti à l'aube du troisième millénaire. Essai de théologie pratique, Karthala, 1999, p. 121 et 144
  17. (en) James Ferguson, « Papa Doc, Baby Doc: Haiti and the Duvaliers », Blackwell Pub, 1988, p. 45.
  18. Etzer Charles (préf. Jean Ziegler), Le pouvoir politique en Haïti de 1957 à nos jours, Karthala, , pp.265
  19. Rapport de la Banque interaméricaine de développement, 1989
  20. Evénements Haïti, Archives INA
  21. Profanation du tombeau de François Duvalier, Archives INA

Bibliographie

  • Jean Florival, Duvalier. La face cachée de Papa Doc, Mémoire d'encrier, (ISBN 2923153820)
  • Bernard Diederich et Al Burt, Papa Doc et les tontons macoutes, Albin Michel,
  • Etzer Charles (préf. Jean Ziegler), Le pouvoir politique en Haïti de 1957 à nos jours, Karthala,
  • Le romancier Graham Greene a décrit le régime des tontons macoutes dans son roman Les comédiens (The comedians) 1965 (ISBN 978-2221107089).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes