Élection présidentielle libanaise de 2022-2024

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Élection présidentielle libanaise de 2022
(1re session)
Corps électoral et résultats
Inscrits 128
Président de la République libanaise
Sortant
Michel Aoun
CPL

L'élection présidentielle libanaise de 2022 a lieu à partir du afin d'élire le président de la République. Le président sortant, Michel Aoun, dont le mandat de six ans prend fin le , n'est pas éligible à sa réélection immédiate.

Comme lors de la précédente élection, les différentes formations politiques ne parviennent pas à s'entendre sur la désignation d'un successeur avant la fin du mandat présidentiel en cours, provoquant une vacance du pouvoir à la tête de l'État, la troisième consécutive depuis 2007.

Contexte

Michel Aoun

La précédente élection présidentielle fait l'objet d'une crise politique sans précédent, qui conduit le scrutin a s'étaler sur deux ans du au . Le quorum de participation des deux tiers des parlementaires n'est pas atteint, en raison du boycott des 20 députés du groupe parlementaire mené par Michel Aoun, des 13 députés du Hezbollah et de leur alliés respectifs, empêchant la bonne tenue du scrutin. Cette situation se répète sur un total de 45 sessions parlementaires tandis que l'intérim présidentiel est exercée collectivement par le conseil des ministres, contribuant à la paralysie institutionnelle du pays[1],[2],[3].

Saad Hariri

Après 45 sessions parlementaires, un accord est finalement trouvé fin 2016 sur la candidature de Michel Aoun. L'accord est rendu possible par le rapprochement de ce dernier, chrétien maronite à la tête du Courant patriotique libre (CPL), avec Saad Hariri, musulman sunnite fils de l’ancien Premier ministre Rafiq al-Hariri assassiné en 2005. Jusqu'alors irréconciliable, les deux hommes s'accordent sur l'élection d'Aoun à la présidence de la république en échange de la nomination d'Hariri à la Présidence du Conseil des ministres[4].

La Chambre est à nouveau convoquée le pour une 46e session, et la majorité élit Michel Aoun au second tour par 83 voix sur 84, avec 36 votes blancs et 7 votes nuls[5],[6]. Son élection est accueillie avec un grand soulagement par la population, de nombreux coups de klaxons de voitures marquant la nouvelle tandis que des feux d'artifices sont même lancés au soir du scrutin dans plusieurs régions du pays[2].

Saad Hariri devient président du Conseil en [7]. Il est reconduit après les élections législatives de 2018 à l'issue de huit mois de négociations, mais doit démissionner en octobre 2019 face à des manifestations de grande ampleur contre la stagnation de l'économie, le chômage, le système politique confessionnaliste, la corruption et l'incapacité du gouvernement à fournir les services essentiels tels que l'eau, l'électricité et l'assainissement[8],[9].

Cratère de l'explosion au port de Beyrouth.

Le gouvernement suivant formé par Hassan Diab ne parvient cependant pas à rétablir la situation économique et finit par chuter en dans le contexte des explosions dans le port de Beyrouth, qui relancent le mouvement de protestation[10]. Najib Mikati le remplace le après une tentative infructueuse de Moustapha Adib puis de Saad Hariri à former un gouvernement[11],[12].

La crise socio-économique s'accentue en 2021, la Banque mondiale (BM) allant jusqu'à la qualifier de « l’une des trois pires crises [économique et financière] que le monde ait connu depuis le milieu du XIXe siècle ». Le Produit intérieur brut (PIB) est ainsi passé de près de 55 milliard de dollar en 2018 à seulement 20 milliards deux ans plus tard[13]. C'est dans ce contexte que sont organisées les élections législatives le , à l'issue desquels la nouvelle Chambre des députés doit procéder à l'élection du président de la République. Le mandat de Michel Aoun s'achevant le , la Chambre doit théoriquement élire son successeur avant cette date. En raison des difficultés politiques du pays, le non respect de cette date limite est cependant jugé probable[14].

Système électoral

Le président de la République libanaise est élu pour un mandat de six ans — non renouvelable de manière consécutive — au suffrage indirect et secret par un collège électoral composé des 128 membres de la Chambre des députés[15],[16].

Le système électoral utilisé est un scrutin uninominal majoritaire à plusieurs tours. Pour l'emporter, un candidat doit réunir au premier tour la majorité qualifiée des deux tiers de l'ensemble des membres du collèges, soit 86 voix. À défaut, un second tour est organisé. Est alors élu le candidat qui remporte les voix de la majorité absolue des membres, soit 65 voix. Si besoin, des sessions supplémentaires sont réitérées jusqu'à ce qu'un candidat atteigne cette majorité[15],[17].

La majorité des deux tiers exigée au premier tour fait également de facto office de quorum de participation, le scrutin ne pouvant se tenir si moins des deux tiers des membres de la chambre sont présents[15].

En accord avec la constitution de 1926, un candidat à la présidence doit répondre aux mêmes qualifications d'un membre du parlement : posséder la citoyenneté libanaise et être âgé d'au moins vingt et un ans. Le président ne peut se porter candidat à sa réélection que passée une période de six ans suivant la fin de son mandat. Il n'y a pas de limite du nombre total de mandats[18].

L'élection est organisée entre soixante et trente jours avant la fin du mandat du président sortant sur convocation du président de la Chambre des députés, ou dix jours avant si ce dernier ne procède pas à cette convocation. La Chambre est, par ailleurs, immédiatement convoquée en cas de vacance de la présidence en cours de mandat[15].

Pacte national

L'accès à la présidence de la République est soumise à une entente officieuse connue sous le nom de Pacte national, qui la limite aux seuls membres de la foi chrétienne maronite.

Absent de la constitution, le Pacte national est basé sur un accord officieux conclu en 1943 entre le président de la République chrétien maronite Béchara el-Khoury et son président du Conseil sunnite, Riad El Solh, lors de l'accession du Liban à l'indépendance vis à vis de la France. Le pacte stipule que le président de la République doit être un chrétien maronite, le président du Conseil des ministre un musulman sunnite et le président de la Chambre des députés un musulman chiite[19].

Déroulement

La première session électorale est organisée le . Fils de l'ancien président assassiné René Moawad, Michel Moawad arrive en tête avec 36 voix contre 11 à Salim Eddé, mais aucun candidat ne recueille la majorité requise de 86 voix au premier tour. Si 122 députés sont présents sur 128, le nombre de votes blancs (63) est en effet très élevé. Douze autres votes sont invalidés, dont dix voix attribuées « au Liban », une à l'iranienne Mahsa Amini dont la mort deux semaines plus tôt provoque des manifestations de grande ampleur, en cours au moment du vote. Enfin, une dernière voix est attribuée à « la ligne politique de Rachid Karamé », ancien président du Conseil assassiné en 1987 au cours de la guerre civile[20]. Un grand nombre de députés — issu du Hezbollah et de ses alliés dont le Courant patriotique libre — quittent la salle avant la tenue du second tour, faisant chuter le nombre de députés présents à 64, soit en deçà du quorum exigé de 65 députés au second tour, ce qui provoque son annulation et le report du vote à une session ultérieure[21],[22].

Une seconde session convoquée pour le échoue d'emblée faute de quorum, seuls 71 députés étant présent sur 128, bien en deçà du quorum de 86 députés[23],[24]. Une troisième est convoquée pour le suivant. Elle échoue sensiblement comme la première, Michel Moawad arrivant en tête avec 42 voix contre une seule à Milad Abou Malhab. Le nombre de votes blancs et nuls empêche à nouveau une élection au premier tour, 55 députés votants blancs et 17 autres votants pour « Le nouveau Liban », et un chacun pour « Souverain, sauveur et réformateur », « Pour le Liban », « Dictateur juste » et « Personne ». Le boycott au second tour des alliés du Hezbollah, dont le Courant patriotique libre, empêche sa tenue faute de quorum[25],[26],[27].

Une quatrième session organisée le donne lieu au même blocage, Michel Moawad n'obtenant plus que 39 voix conte dix au professeur Issam Khalifé. Avec 50 votes blancs, ces derniers connaissent une nouvelle baisse, tandis que treize députés votent pour « Le nouveau Liban », un « Pour le Liban » et un député votant « Condoléances ». La séance est encore une fois levée après un seul tour de scrutin faute de quorum pour un second[28].

Le , à l'issue de son mandat de six ans, le président Michel Aoun quitte ses fonctions et rejoint sa résidence privée. Comme en 2014, l'absence de successeur désigné avant cette date entraîne une vacance du pouvoir à la tête de l'État à partir de cette date. Cette situation est accentuée par un décret signé par Aoun juste avant son départ, dans lequel il conteste le droit du Président du Conseil démissionnaire Najib Mikati à diriger le pays[29].

Une cinquième session échoue le dix novembre.

Résultats

Première session le 29 septembre

Résultats[20]
Candidats Partis 1er tour 2e tour
Voix % Voix %
Michel Moawad AH[a] 36 76,60 Quorum
non atteint
Salim Eddé Ind. 11 23,40
Majorité requise[b] 86 voix 65 voix
Votes valides 47 38,52 Quorum
non atteint
Votes blancs 63 51,64
Votes nuls 12 9,84
Total 122 100 64 100
Abstention 6 4,69 64 50,00
Inscrits / participation 128 95,31 128 50,00

Deuxième session le 13 octobre

La deuxième session convoquée le 13 octobre échoue d'emblée faute d'atteindre le quorum de 86 députés présents.

Troisième session le 20 octobre

Résultats[25]
Candidats Partis 1er tour 2e tour
Voix % Voix %
Michel Moawad AH[a] 42 97,67 Quorum
non atteint
Milad Abou Malhab Ind. 1 2,33
Majorité requise[b] 86 voix 65 voix
Votes valides 43 36,13 Quorum
non atteint
Votes blancs 55 46,22
Votes nuls 21 17,65
Total 119 100 72 100
Abstention 9 7,03 56 43,75
Inscrits / participation 128 92,97 128 56,25

Quatrième session le 24 octobre

Résultats[28]
Candidats Partis 1er tour 2e tour
Voix % Voix %
Michel Moawad AH[a] 39 79,59 Quorum
non atteint
Issam Khalifeh Ind. 10 21,41
Majorité requise[b] 86 voix 65 voix
Votes valides 49 42,98 Quorum
non atteint
Votes blancs 50 43,86
Votes nuls 15 13,16
Total 114 100
Abstention 14 10,94
Inscrits / participation 128 89,06

Notes et références

Notes

  1. a b et c Membre de l'Alliance du 14-Mars
  2. a b et c Au premier tour, la majorité des deux tiers des inscrits est requise, et non pas une majorité des suffrages exprimés. Aux tours suivants, l'élection ne nécessite plus que la majorité absolue des inscrits.

Références

  1. « L'élection présidentielle libanaise encore reportée », Le Monde, .
  2. a et b « Michel Aoun élu président de la République », sur www.lorientlejour.com, (consulté le ).
  3. « Au Liban, l'impossible accord pour élire un président », Libération, .
  4. « Un nouvel ancien président pour le Liban: Michel Aoun », sur www.terresainte.net (consulté le ).
  5. « Michel Aoun premier président du Liban à être élu après quatre votes », sur www.aa.com.tr (consulté le ).
  6. « Liban : l'ex-général Michel Aoun élu président », sur France 24, FRANCE24, (consulté le ).
  7. « Saad Hariri nommé premier ministre du Liban », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne)
  8. « L'insurrection au Liban : révolution, unité et crise économique », sur lvsl.fr - Tout reconstruire, tout réinventer, lvslmedia, (consulté le ).
  9. « Les véritables raisons du soulèvement populaire au Liban », sur claudeelkhal.blogspot.com (consulté le ).
  10. Steve Tenré, « Liban : le premier ministre annonce la démission du gouvernement », Le Figaro, (consulté le ).
  11. « Liban : le Premier ministre désigné, Moustapha Adib, renonce à former un nouveau gouvernement », TV5 Monde, (consulté le ).
  12. « Au Liban, Saad Hariri jette l’éponge », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. #, « 2021 : Le Liban s'enlise dans une crise sans précédent », sur Maroc Diplomatique, Marocdiplomatique2015, (consulté le ).
  14. Courrier international, « Élection. Au Liban, le compte à rebours présidentiel est lancé et le vide fait figure de favori », sur Courrier international, (consulté le ).
  15. a b c et d « Constitution du Liban - Wikisource », sur fr.wikisource.org (consulté le )
  16. Jean-Pierre Maury, « République du Liban, constitution libanaise 1926, MJP », sur mjp.univ-perp.fr (consulté le ).
  17. « Qui, quand, comment... Le manuel de l'élection présidentielle libanaise - L'Orient-Le Jour », sur www.lorientlejour.com, (consulté le ).
  18. « Constitution du Liban - Wikisource », sur fr.wikisource.org (consulté le )
  19. « Quel avenir pour le Liban ? », sur www.senat.fr (consulté le ).
  20. a et b « Présidentielle libanaise : qui a voté pour qui ? », sur www.lorientlejour.com, (consulté le ).
  21. (en) « Lebanese parliament fails to elect new head of state », sur gulfnews.com (consulté le ).
  22. Courrier international, « Élection. Pas de président élu au Liban à l’issue d’un premier tour de scrutin étalon », sur Courrier international, (consulté le ).
  23. « Élection présidentielle: Le Liban mérite bien une renaissance », sur www.arabnews.fr (consulté le ).
  24. « La deuxième séance du Parlement pour élire un nouveau président levée faute de quorum : retrouvez notre direct », sur www.lorientlejour.com, (consulté le ).
  25. a et b Rolla Beydoun, « Présidentielle: Moawad progresse mais le blocage persiste », sur Ici Beyrouth, https:facebook.comIciBeyrouth, (consulté le ).
  26. « Lebanese parliament fails again to elect a president ».
  27. « Pas de président à l'issue de la troisième séance au Parlement : retrouvez notre direct - L'Orient-Le Jour », sur www.lorientlejour.com, (consulté le ).
  28. a et b « Présidentielle: Bulletins blancs, défaut de quorum, nouveau chou blanc », sur Ici Beyrouth,
  29. France Info / AFP, « Liban : Michel Aoun quitte le palais présidentiel, sans successeur désigné », sur francetvinfo.fr, (consulté le ).