Sigmund Rascher

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Sigmund Rascher
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Sigmund Rascher, né le à Munich et mort le à Dachau, est un médecin SS allemand, instigateur des expérimentations humaines menées dans le camp de concentration de Dachau.

Protégé du Reichsführer Heinrich Himmler, les expériences qu'il a conduites portaient principalement sur la haute altitude et le froid extrême. Avec son épouse, il est impliqué dans une histoire de vol d'enfants, ils sont tous deux internés à Dachau en 1944 pour être exécutés en 1945 par les SS avant l'arrivée des Américains.

Biographie

Ascension

Sigmund Rascher est né le à Munich en Allemagne. Il débute des études de médecine en 1930. En 1933, il adhère au parti nazi et à sa branche paramilitaire la Sturmabteilung ou sections d'assaut (SA) en 1936[1].

Il est chirurgien-assistant pendant trois ans à l'hôpital de Schwabing[1]. Il est provisoirement suspendu de l'Université de Munich pour « suspicion d'être un sympathisant communiste », à cause de son père, médecin comme lui. En 1939, reniant son père, il s'engage dans la SS, pour être appelé dans la Lutwaffe[2], en tant que médecin-major[3].

Il a alors une liaison avec Karolina Diehl (« Nini » Diehl), une veuve de 15 ans son aînée, qu'il épousera en 1941. C'est une ancienne chanteuse de cabaret, mais aussi une secrétaire de Himmler. Rascher a dès lors un accès direct à Himmler. Une semaine après leur rencontre le 24 avril 1939, il lui adresse un « rapport sur des solutions de quelques problèmes discutés avec le Reichführer ». C'est le début d'une relation servile qui permet à Rascher d'obtenir les bonnes grâces d'Himmler[2].

Vêtements des détenus de Dachau, Musée juif de Grèce.

Cette relation est si forte que pratiquement « tous les supérieurs de Rascher tremblent de peur devant lui », devant l'énorme pouvoir de sa position. Ce jeune médecin-major est fréquemment mentionné dans les documents des plus hauts dignitaires nazis, indiquant que ses expériences à Dachau font l'objet d'une attention particulière. Hitler lui-même s'estime satisfait de ses travaux. Toutefois, en dépit de l'appui d'Himmler, les recherches de Rascher ne sont guère acceptées dans le milieu universitaire, plusieurs universités les considérant comme non scientifiques[2].

Chute

En marge de ses activités expérimentales, Rascher récupère à Dachau de la peau humaine pour en faire des sacs à main pour dames, abats-jour, culottes d'équitation et autres objets personnels. Il en fait commerce en les vendant à ses collègues[2]. Cette activité commerciale illégale (enrichissement personnel) à Dachau sera retenue contre lui.

Toujours soucieux de plaire à Himmler, qui souhaitait une expansion de la population aryenne, il lui fait croire que l'on pouvait repousser l'âge limite de la grossesse. Le meilleur exemple était son propre couple, puisque sa femme, après avoir passé l'âge de 48 ans, lui avait donné trois enfants en peu de temps. À chaque naissance, Himmler est ravi, et Rascher bénéficie de nouvelles générosités[4].

C'est au cours de sa quatrième « grossesse » que Mme Rascher est arrêtée pour vol de nouveau-né. L'enquête révèle que les trois enfants du couple Rascher ont été achetés ou kidnappés[2], ou sont ceux de la servante des Rascher[5].

S'estimant trahi, Himmler lâche son protégé qui tombe en disgrâce en avril 1944. Après avoir commis d'autres malversations financières, Sigmund Rascher est arrêté et condamné en février 1945. Lui et son épouse sont internés à Dachau. Ils sont exécutés le 26 avril 1945 par les SS, trois jours avant l'arrivée des Américains, probablement sur ordre d'Himmler[2].

Expériences menées au camp de Dachau

À partir du 22 février 1942, Sigmund Rascher commence des expérimentations au camp de concentration de Dachau[3]. La plupart des rapports originaux concernant les expérimentations humaines dans les camps de concentration ont été détruits avant leur libération. Elles sont cependant connues grâce aux rapports réguliers adressés à Himmler par les expérimentateurs, et qui ont pu être saisis[6].

Expériences sur la haute altitude

le premier avion-fusée : le Me163 en 1941.

Le premier avion-fusée Messerschmitt 163 est à l'essai au début 1941. Il est prévu pour atteindre une altitude de 12 000 m. Un des problèmes soulevés est celui de l'effet de la haute altitude sur les pilotes obligés de s'éjecter. À ce moment-là, Rascher est affecté auprès du professeur Weltz, directeur de l'Institut de médecine aéronautique. Pour ses expériences, l'institut utilise des animaux ou des médecins volontaires. À la fin d'une conférence sur le sujet, Rascher propose d'utiliser des criminels, ce qui est refusé par l'Institut[4].

En mai 1941, Rascher utilise ses relations avec Himmler et Rudolf Brandt, et le projet est accepté en juillet 1941. Un caisson de décompression est transféré à Dachau et en février 1942, les expériences commencent[3].

Ces expériences consistent à reproduire des conditions de descente en parachute d'une altitude de 15 km et d'évaluer le taux de survie. 34 détenus, juifs allemands, polonais ou russes sont soumis aux premiers essais[3]. Au total, durant trois mois, près de deux cents détenus passeront dans le caisson. Dans une dizaine de cas, Rascher étudie plus particulièrement la formation d'une embolie gazeuse. Durant le procès des médecins, un témoin affirmera que 70 à 80 personnes furent tuées[7].

En novembre 1942, Himmler fait la déclaration suivante : « Dans les milieux médicaux chrétiens, on accepte qu'un jeune pilote allemand risque sa vie, mais pas qu'un criminel, dispensé de service militaire, risque la sienne »[8].

Expériences sur le froid

Contexte et organisation

Ce projet a été proposé par le Maréchal d'aviation Erhard Milch et approuvé par Himmler. Son but était d'établir le meilleur traitement possible pour les équipages de la Lutwaffe abattus au-dessus de la mer du nord. Rascher est choisi pour mener ce projet, mais sa compétence étant limitée, on lui adjoint deux médecins plus qualifiés que lui : Ernst Holzlöhner (de) et Erich Finke (de).

Ce projet s'effectue d'août 1942 à mai 1943. Ces expériences sont connues, entre autres, par un rapport de 56 pages adressé à Himmler, daté du 21 octobre 1942, et signé par Rascher et ses deux adjoints. Après cette date, ces deux derniers se retirent, estimant leur tâche terminée.

Rascher décide de continuer seul, en menant 350 expériences supplémentaires, expliquant qu'il a besoin de compléter sa thèse de doctorat. Il a pu le faire grâce au soutien de Himmler, venu plusieurs fois en personne pour assister à ces expériences[6].

À partir de janvier 1943, à la demande de Grawitz, Rascher participe à des expériences sur le froid sec, afin de déterminer si les méthodes applicables aux naufragés pourraient s'appliquer sur le front russe[9].

Procédures

Mémorial du camp de Dachau.

Les sujets sont des prisonniers civils de diverses nationalités et religions, ainsi que des prisonniers de guerre soviétiques. Leur participation était le plus souvent forcée, parfois volontaire contre des promesses (rarement tenues) de libération, ou des annulations de sentence de mort.

Ces expériences consistent à soumettre des sujets au froid extrême afin de se rendre compte des limites du corps humain[10]. Les sujets sont plongés dans un réservoir d'eau glacée (de 2 à 12 °C) les uns anesthésiés, d'autres conscients ; d'autres nus ou habillés.

Le nombre d'expériences est estimé de 360 à 400, et ce sur 280 à 300 victimes, ce qui indique que des sujets ont subi plus d'une expérience. Au cours de ces expériences, 80 à 90 personnes décèdent[6].

Différentes méthodes de réchauffement sont testées, dont certaines des plus farfelues (« par chaleur animale » : réchauffement par des prostituées nues prenant le corps du sujet en sandwich[11]). La méthode préconisée est l'immersion dans un bain très chaud.

Cette expérimentation a fait l'objet d'une publication américaine en 1946[12], et la méthode préconisée sera adoptée un temps par les services de sauvetage américains[13]. L'interprétation des résultats reste contestée. En 1990, une nouvelle analyse estime que les expériences d'hypothermie de Dachau sont inconsistantes et grotesques, entachées de falsification de données, et de conclusions non appuyées par les faits présentés. « [les résultats de Dachau] ne constituent ni une avancée scientifique, ni un moyen de sauver des vies humaines »[14].

Expériences pharmaceutiques

Secrètement, Rascher fabrique des comprimés au cyanure pour les expérimenter sur des détenus, mettant au point une technique de suicide rapide[15].

Rascher entreprend de sa propre initiative, avec l'assistance d'un chimiste détenu à Dachau, des expérimentations humaines destinées à évaluer les propriétés d’un gel, le « Polygol », censé être cicatrisant, anti-infectieux et hémostatique (arrêter le saignement). Pour cela, plusieurs prisonniers sont utilisés[15]. Les résultats sont publiés en mars 1944 dans une revue médicale de Munich[3].

Tout ceci est fait sans autorisation préalable, et l'article précise qu'il s'agit d’expérimentation humaine dans le camp de Dachau. Cette publication est dérangeante pour la hiérarchie SS. Lorsque Rascher perd la protection d'Himmler, une enquête des services de santé de la SS révèle que les résultats concernant le Polygol ont été truqués, et que Rascher a pris contact, pour son propre compte, avec un laboratoire situé près de la frontière suisse. Le 13 février 1945, il est arrêté et condamné pour fraude scientifique, malversation financière[3], et meurtre de son assistant[2], et finalement exécuté par les SS à Dachau même en avril 1945.

Références

  1. a et b « Biographie: Rascher Sigmund(1909-1944) », sur encyclopedie.bseditions.fr (consulté le )
  2. a b c d e f et g (en) Robert L. Berger, « Nazi Science - The Dachau Hypothermia experiments », The New England Journal of Medicine, vol. 322,‎ , p. 1438-1439.
  3. a b c d e et f J.P. Demarez, « Recherches cliniques à Dachau », La Lettre du Pharmacologue,‎ janvier-février-mars 2005 (lire en ligne)
  4. a et b Azziz 1975, op. cit., p. 26-28.
  5. Philippe Azziz, Les médecins de la mort, vol. 3, Famot, , p. 76.
  6. a b et c Berger 1990, op. cit. p. 1435-1437.
  7. Azziz1975, op. cit., p. 45.
  8. (en) Ulf Schmidt, Medical Ethics and Nazism, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-88879-0), p. 601.
    dans The Cambridge World History of Medical Ethics, R.B. Baker (dir.).
  9. Azziz 1975, op. cit., p. 65.
  10. « Expériences du docteur Rascher pour la Wehrmacht », sur encyclopedie.bseditions.fr (consulté le )
  11. Selon Azziz 1975, p. 48-49 et 55-56, il s'agirait d'une plaisanterie initiale de Himmler, que Himmler lui-même aurait pris au sérieux par « intuition magique ».
  12. (en) L. Alexander, The treatment of schock from prolonged exposure to cold, especially in water, Washington D.C., Office of the Publication Board, Department of Commerce,
  13. Azziz 1975, op. cit., p. 60.
  14. Berger 1990, op. cit., p. 1440.
  15. a et b Azziz 1975, op. cit., p. 73-74.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes