Gouvernement Paul Reynaud

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Gouvernement Paul Reynaud

Troisième République

Description de l'image defaut.svg.
Président de la République Albert Lebrun
Président du Conseil Paul Reynaud
Formation
Fin
Durée 2 mois et 25 jours
Composition initiale
Coalition centre-gauche, centre-droit, droite
Représentation
XVIe législature
389  /  608

Le gouvernement Paul Reynaud (21 mars - 16 juin 1940) est l'avant-dernier gouvernement de la Troisième République. À partir de la fin du mois de mai 1940, un conflit s'y déroule entre les partisans de l'armistice avec l'Allemagne et ceux qui souhaitent poursuivre la guerre. C'est à l'issue de sa réunion à Bordeaux le 16 juin que les premiers l'emportent et que Paul Reynaud présente sa démission au président de la République Albert Lebrun.

Composition

Siège du gouvernement

À la suite de la guerre d'Hiver contre la Finlande lancée par l’URSS[1], et de la non-intervention de la France, le Gouvernement Daladier est renversé le . Le président Albert Lebrun nomme Paul Reynaud le 22 mars 1940, président du Conseil et ministre des Affaires étrangères. Édouard Daladier est néanmoins présent en tant que ministre de la Défense nationale et de la Guerre dans le cabinet de son successeur.

Drôle de guerre

Dès avril, un rapport du député français Pierre Taittinger signale les faiblesses militaires françaises du secteur de Sedan. Mais rien n'y fit, bien que le commandant en chef français, le Général Gamelin, avait pourtant été prévenu, en janvier, que l'Allemagne allait attaquer dans les Ardennes[2].

Suite à des sabotages désignés aux communistes, des accidents surviennent à des avions sortant des usines Farman de Boulogne-Billancourt, provoquant la mort de pilotes. Le décret-loi du 9 avril 1940, présenté au président de la République par le ministre SFIO Albert Sérol (J.O. du 10 avril 1940), prévoie la peine de mort pour propagande communiste, l'assimilant à la propagande nazie. En avril-mai, une deuxième vague de répression contre les communistes fera grossir le nombre des internés d'au moins 160[3].

Les mines de Kiruna (Suède) fournissent la moitié des importations en fer de l'Allemagne et 10% pour le Royaume-Uni, indispensable pour la guerre. Le fer suédois transitait alors par la ligne de chemin de fer Malmbanan/Ofotbanen jusqu'au port de Narvik (Norvège) qui offrait un accès direct à la mer de Norvège et qui est le seul port praticable en hiver, en raison des glaces qui obstruent les ports du nord de la Baltique. Les Anglais et Paul Reynaud, voulant occuper la Norvège pour interrompre l'approvisionnement de minerai de fer de Suède vers l'Allemagne, lancent l'opération franco-britannique de Narvik pour mouiller des mines dans les eaux territoriales de la Norvège sans avoir obtenu l'autorisation du gouvernement d'Oslo. Reynaud proclame alors : « la route du fer est coupée ! ». Le 9 avril, les Allemands envahissent le Danemark et la Norvège : Opération Weserübung. Les Alliés s'engagent à venir au secours de la Norvège et envoient un corps expéditionnaire franco-anglais. Le 13 avril, les Allemands se réfugient dans les montagnes enneigées qui bordent Narvik laissant la ville aux mains des Alliés jusqu'au départ des troupes alliées rembarquées pour la bataille de France.

Invasion allemande de la France

Daladier et le généralissime Gamelin sont les adversaires de Reynaud qui a en tête de remplacer Gamelin. Devant la tournure que prennent les événements, une crise gouvernementale éclate aboutissant à la démission de Reynaud le 9 mai 1940, mais le Fall Gelb (Plan Jaune), dans la nuit du 9 au 10, à 4h30 aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg, mettant fin à la drôle de guerre, conseille au président Lebrun de demander à Reynaud de se rétracter le . Paul Reynaud songe à utiliser le prestige du maréchal Pétain auprès des Français et lui propose en vain, début mai, d'entrer au gouvernement[4]. Pour Reynaud, il s'agit de remonter le moral des Français, de resserrer les rangs et de renforcer sa propre image au parlement[5]. Comme la plupart de ses ministres ou des parlementaires, Paul Reynaud sous-estime le vieil homme initialement taciturne et passif qu’est Pétain, et il n’imagine pas qu’il puisse jouer plus qu’un rôle purement symbolique[6] Franco avait conseillé à l'ambassadeur de ne pas accepter d’apporter sa caution à ce gouvernement.

Les autorités belges[7] expulsent en France des milliers de juifs, dont Léo Ansbacher, Ernst Busch, Nathan Kornweitz[8] qui sont internés au camp Saint-Cyprien .

Percée de Sedan

Le 12 mai, les Allemands atteignent la Meuse française, et la franchissent. Le soir vers 21h00, les Allemands attaquent vers Sedan.Toute la semaine suivante sera caractérisée par une consternante absence de réaction du haut commandement. Le 13 mai, les troupes allemandes traversent les Ardennes, franchissent la Meuse au cours de la journée et encerclent Sedan. Le 15 mai, elles enfoncent le département de l'Aisne. Le général Gamelin n'a pas de réserve française pour contre-attaquer. L’État-major français ordonne le repli sur une ligne allant de Anvers à Laon le 16 mai. Les civils se ruent sur les routes à la suite de l’armée française en un véritable éxode. Paul Reynaud reprend alors le portefeuille de la Guerre à Édouard Daladier.

Le , la circulaire du Gouvernement Reynaud prévoit le regroupement et l'internement dans des camps de tous les ressortissants étrangers des nations ennemies âgés de 17 à 56 ans, sans exemption possible. Ils sont dirigés vers le camp de Saint-Cyprien et ceux qui sont dangereux, vers Le Vernet d'Ariège. Alfred Kantorowicz[9], écrivain juif allemand réfugié en France, est interné au camp des Milles. Le , alors que jusqu'à présent l'internement ne concerne que les hommes, les mêmes mesures touchent les femmes de 17 à 67 ans (sauf les femmes mariées à un Français ou les mères d'enfants français). Hannah Arendt, Adrienne Thomas, Lou Albert-Lasard, Charlotte Salomon, Thea Sternheim, Greta Saur et Maria Leitner, réfugiées juives allemandes pour les cinq premières et austro-hongroises pour les deux dernières, qui avaient fui le régime nazi, sont internées au camp de Gurs, comme la Russe Mollie Steimer[10]. Le camp de Gurs enferme 12860 juifs immigrés de toutes nationalités – sauf français. Les militantes politiques sont internées à Rieucros.

Le 18 mai, Reynaud s'adjoint le maréchal Pétain comme vice-président et Georges Mandel, l'ancien chef de cabinet de Clemenceau, comme ministre de l'Intérieur. Le général Weygand arrive en France le 19 mai et remplace le général Gamelin, qui trop passif, est écarté de la tête des armées françaises. La nomination de Pétain est bien accueillie dans le pays, au Parlement et dans la presse, quoiqu'elle reçoive moins de publicité que celle de Weygand comme généralissime ou que celle de Georges Mandel, partisan de la résistance à tout prix, comme ministre de l'Intérieur[11].

Le 18 mai, la percée de l'armée allemande arrive à Cambrai, Saint-Quentin et Péronne. Le 19 mai, elle arrive aux portes d'Amiens. Dans la nuit du 19 au 20 mai, en pleine panique face à l'avance allemande et probablement sous l'emprise de l'alcool[12], des militaires français exécutent 21 personnes de sept nationalités à Abbeville. Amiens est prise le 20 mai à 9 h, puis les Allemands descendent la Somme vers Abbeville, qu'ils atteignent dans l'après-midi, et enfin Noyelles-sur-Mer et la Manche vers 20 h 00, isolant la majeure partie des forces françaises dans la poche de Dunkerque. Le général Weygand espère arrêter l'offensive allemande sur la « ligne Weygand », suivant le cours de l'Aisne, de l'Ailette, du canal Crozat et de la Somme jusqu'à son embouchure, et tente de reprendre Amiens jusqu'au 5 juin.

Embarquement de Dunkerque

Le 21 mai, de Abbeville, les Allemands remontent sur Arras pour prendre Dunkerque en tenaille.

Le 23 mai, l'armée anglaise de lord Gort se replie sur Dunkerque en vue d'y rembarquer[13]. Le 25 mai, un conseil de guerre se déroule à l’Élysée, réunissant le président de la République Albert Lebrun, le président du Conseil Paul Reynaud, Philippe Pétain, le ministre de la Marine César Campinchi et Weygand. C'est à cette réunion que l'hypothèse d'un armistice est évoquée pour la première fois par le président Lebrun. Paul Reynaud s'oppose à cette idée et se montre partisan d'une poursuite de la guerre aux côtés des Britanniques. Weygand, dont l'influence va au-delà de son rôle militaire, ne s'affiche pas partisan de l'armistice, mais le juge sans doute déjà inéluctable[14]. Le colonel de Gaulle est nommé général de brigade, à titre temporaire avec effet au 1er juin. Le 26 mai, dans une note à Paul Reynaud, Pétain refuse de considérer les chefs militaires comme responsables de la défaite, et rejette la responsabilité du désastre sur « les fautes que [le pays] a et que nous avons tous commises, ce goût de la vie tranquille, cet abandon de l'effort qui nous ont amenés là où nous sommes[15] ». Cette interprétation moraliste de la défaite n'est pas sans annoncer les appels à la contrition nationale et la politique d'ordre moral qui caractériseront le régime de Vichy.

Après la campagne des 18 jours, Churchill replie ses troupes en Angleterre (Opération Dynamo). Vaincu à la bataille de la Lys le 27 mai par rupture de munitions, le roi des Belges Léopold III ordonne la reddition et la capitulation militaire de l'armée belge (sans armistice politique) le 28 juin à 04 h 00 du matin. Du coté de la ligne Weygand, pour ouvrir un couloir sur Dunkerque, les Français lancent plusieurs offensives qui ne peuvent rejoindre l'armée française de Dunkerque qui finit d’embarquer pour l’Angleterre le 3 juin en abandonnant un important matériel aux Allemands.

Le 4 juin, l'armée allemande ayant pris la poche de Dunkerque, redescend sur la Somme pour percer la ligne Weygand. Le maréchal Pétain fait preuve de pessimisme devant l’ambassadeur américain Bullit. Accusant l'Angleterre de ne pas fournir une aide suffisante à la France en péril, il lui explique qu'en cas de défaite « le gouvernement français doit faire tout son possible pour venir à composition avec les Allemands, sans se préoccuper du sort de l’Angleterre[16] ».

Le 5 juin, la Wehrmacht lance l'Opération Fall Rot (Plan Rouge) sur la Somme entre Amiens et La Manche, faisant route vers Rouen et Paris, puis le 9 juin sur l'Ailette.

Remaniement ministériel

Le 6 juin, Paul Reynaud remanie son gouvernement, Mandel a une influence directe dans le choix du sous-secrétaire d'État à la Guerre et à la Défense nationale, le général de Gaulle, pour représenter la France à Londres, conformément au vœu de Churchill, et pour lequel Reynaud a une grande estime, malgré l'opposition de plusieurs membres du gouvernement, et que Albert Lebrun n'aime pas. De retour de Londres, de Gaulle part au PC du général Hunzinger, commandant du groupe d'armées Centre, sonder ce dernier pour remplacer le défaitiste Weygand comme généralissime à la tête des armées françaises [17], [18] mais le projet n'aura pas de suite[19]. Le maréchal Pétain ne réagit pas lorsque le général Spears, représentant de Churchill auprès du gouvernement français, l'avertit que si la France s'entendait avec l'Allemagne, « elle ne perdrait pas seulement son honneur, mais, physiquement, elle ne s’en relèverait pas. Elle serait liée à une Allemagne sur la gorge de laquelle nos poings ne tarderont pas à se refermer[16]. » Le gouvernement français est divisé en deux parties, une minoritaire, les tenants d'un armistice avec l'Allemagne pour éviter l’anéantissement et l'occupation totale du pays, groupés autour du maréchal Pétain et du général Weygand, en face des partisans de la continuation des combats, tels Mandel et de Gaulle. Le président de la République Albert Lebrun et Paul Reynaud veulent continuer les combats de l'Afrique du Nord.

Le 7 juin, le front français est percé sur la Somme, l'armée française se replie sur la Seine, abandonnant Noyon qui est prise le soir et Soissons qui est prise le 8 juin. Le GQG se replie sur la Loire à Briare. Les troupes allemandes atteignent la Seine à Rouen le 9 juin.

Le , l'Italie de Mussolini déclare la guerre à la France, contrairement à l'Espagne de Franco qui refuse. Les Allemands percent le front français sur l'Aisne et encerclent Reims. Ils franchissent la Seine à Elbeuf, se dirigeant vers Évreux, qu'ils ont bombardé [20]. Devant la rapidité de l'invasion allemande, lorsque les troupes allemandes s'approchent de Paris menacé, le gouvernement Reynaud déplace son siège à 200 km au sud de Paris, sur Tours et les châteaux environnants le 10 juin au soir. Dans l'après-midi, Reynaud, lors d'une réunion au PC du général Doumenc dans le manoir de Vaugereau, avec Pétain (vice-président du Conseil) et le général Weygand, accepte la proposition de ce dernier de déclarer Paris « ville ouverte »[17] Le 10 juin la ligne de défense française reconstituée sur la Somme et sur l’Aisne cède. Deux millions de Parisiens fuient l'arrivée des Allemands. Des bagarres ont lieu pour pouvoir prendre les trains (trains d'abord de voyageurs puis devant l'afflux, réquisition de trains de bestiaux)[21]. Une partie de l'armée française et anglaise se trouve enfermée dans la poche du Havre, et dois embarquer (Opération Cycle).

Conseil suprême interallié

Les 11 juin 1940, Winston Churchill et son secrétaire d'État à la Guerre Anthony Eden arrivent à Briare pour conforter Paul Reynaud. Churchill remarque le seul membre du Gouvernement français à ne pas sombrer dans le pessimisme, le général de Gaulle. Le général Weygand demande l’intervention des 25 escadrilles de chasse de la RAF, mais Churchill refuse.

Le , Pétain favorable à l’armistice, lit au conseil des ministres une note dans laquelle il déclare qu’il n’est aucunement question pour lui de quitter la France pour poursuivre la lutte[22]. L'ultime réunion du Conseil suprême interallié se tient à Tours. Reynaud déclare que sans une aide immédiate des États-Unis, la France est physiquement incapable de continuer et va abandonner le combat, rompant l'accord de ne jamais conclure une paix séparée entre la France et le Royaume-Uni[23]. Stupéfait et consterné, Churchill répond : « Nous devons nous battre, nous nous battrons, et c'est pourquoi nous devons demander à nos amis de se battre. » Reynaud affirme que la France continuera aussi le combat depuis l'Afrique du Nord, si les États-Unis étaient prêts à rejoindre le combat. Reynaud demande aux Britanniques de la compréhension et de libérer la France de son obligation de ne pas conclure une paix séparée[24]. Les dirigeants britanniques rentrent à Londres. Paul Reynaud tente de persuader Weygand de faire capituler l'armée et de transférer la Marine et l'Aviation en Afrique du Nord pour continuer la guerre. Malgré son refus, Reynaud ne le révoque pas. Weygand replie les troupes sur la Loire pour en faire un dernier obstacle à l'avancée allemande. À l'Est, les Allemands menacent d’encercler la 8e armée française qui gardant le Rhin en Alsace, se replie sur les Vosges et la poche de Belfort. Le gouvernement Reynaud hésite entre prendre la direction de la Bretagne ou de Bordeaux, et finalement se replie sur ce dernier le 13 au soir.

Dans la nuit du jeudi 13 au vendredi 14 juin, à la préfecture de Tours[25], opposé à l’armistice, Georges Mandel déclare au général de Gaulle : « Vous avez de grands devoirs à accomplir, général, mais avec l'avantage d'être au milieu de nous tous un homme intact... Ne pensez qu'à ce qui doit être fait pour la France, et songez que, le cas échéant, votre fonction actuelle pourra vous faciliter les choses.». Le général de Gaulle parti à Londres le 14 juin[26].

Le vendredi 14 juin, les Allemands font leur entrée à Paris, qui se met à l'heure de Berlin. Le gouvernement français arrive à Bordeaux. Pétain se confirme comme le chef de file des partisans de l’armistice, et met sa démission dans la balance.

Dans un appel téléphonique dans la soirée du 14 juin, le général Alan Brooke persuade Winston Churchill, qu'il n'avait aucune chance de succès et que le plan français de retraiter et de prendre position en Bretagne n'était pas réaliste, et que toutes les troupes britanniques en France devaient être désengagées et évacuées depuis Cherbourg, Saint-Malo, Brest, Saint-Nazaire et La Pallice (Opération Ariel)[27].

Le 15 juin, les Allemands franchissent le Rhin en Alsace. Pour poursuivre le combat sur le « réduit breton », de Gaulle part à Rennes qui est prise le jour même par les Allemands. Le soir, de Gaulle embarque à Brest pour Plymouth en Grande-Bretagne [28] pour organiser l'aide de navires britanniques pour le transfert des troupes françaises en Afrique du Nord. Le 16 juin, à Londres, le général de Gaulle déjeune avec Churchill et discute avec lui du projet d'union entre la Grande-Bretagne et la France : l'union franco-britannique de Jean Monnet qui fusionnerait les nations et institutions françaises et britanniques pour continuer la guerre[29]. Le gouvernement de Churchill accepte le projet d'Union franco-britannique.

Dernier conseil des ministres (16 juin 1940)

Le dimanche , les Allemands arrivent à Orléans, ville déserte bombardée à plusieurs reprises par leur aviation[30]. Les ponts routiers (Joffre et George-V) sont détruits pour empêcher la progression des Allemands vers le sud. Seul le pont de chemin de fer ou pont de Vierzon n'a pu être détruit, laissant les troupes allemandes rejoindre la rive gauche de la Loire. Les Allemands passent la Loire en plusieurs points entre Gien et Nantes. Les troupes françaises déplorent soixante mille morts en cinq semaines de combats[31]. Dans l'après-midi du dimanche 16 juin, Paul Reynaud réunit le gouvernement à Bordeaux pour lui soumettre le projet d'union des nations française et britannique, défendu par Winston Churchill et Charles de Gaulle. Mais il est refusé par une majorité des présents[32], et à la place est acceptée la proposition de Camille Chautemps consistant à demander à l'Allemagne ses conditions pour un armistice. Les ministres se divisent alors en une dizaine de partisans de la poursuite de la guerre (Paul Reynaud, Georges Mandel, César Campinchi, Louis Marin...), environ sept fermes partisans de l'armistice (Philippe Pétain, Yves Bouthillier, Jean Prouvost, Jean Ybarnegaray...), et des indécis plutôt marqués par le climat d'effondrement. Cependant la question n'a pas donné lieu à un vote formel.

Démission et succession

Alors que Lebrun, Reynaud, Jeanneney, le président de la Chambre des députés Herriot, Mandel et de Gaulle pensent que la poursuite de la lutte est possible depuis l'Afrique du Nord et l'Empire[33], la position pour l'armistice du général Weygand, du maréchal Pétain et Pierre Laval, emporte la décision de la majorité du Conseil des ministres. Le point d'accord entre Pétain et Laval, pariant sur une victoire finale du Reich, est leur volonté de cesser un combat jugé « meurtrier et inutile » et bénéficie du soutien de la grande majorité des Français. Le courant de l'armistice devient progressivement majoritaire, à l'issue de la réunion à Bordeaux, Paul Reynaud[34], qui n’a pu obtenir des États-Unis une promesse d’engagement militaire, présente la démission du Gouvernement et suggère, suivi en cela par les présidents du Sénat et de la Chambre des députés, de confier la présidence du Conseil au maréchal Pétain, choix aussitôt approuvé par le président de la République Albert Lebrun le 16 juin en début de soirée[22] : « Ah ! quel malheur quand, dans l'extrême péril, ce sont les généraux qui se refusent à combattre[33] ! ». De Gaulle rentre le soir même à Bordeaux (21 h 30) pour faire signer le traité par le président du Conseil mais Paul Reynaud a démissionné il y a quelques minutes… Albert Lebrun appelle aussitôt sur proposition de Reynaud, le maréchal Pétain, partisan de l'armistice, à former le nouveau gouvernement, le gouvernement Philippe Pétain qui sera le dernier de la Troisième République.

Dans la matinée du 17 juin, de Gaulle repart à Londres avec le général Spear, en simulant un enlèvement[35] et rencontre de nouveau Churchill à 14h30[35]. Ils conviennent que dès l'annonce de l'ouverture de négociations d'armistice par le nouveau gouvernement français, de Gaulle pourra lancer un appel à BBC pour la poursuite du combat. Pétain annonçant une négociation d'armistice ce même jour, que la majorité des Français approuvent, Churchill donne formellement son accord le lendemain, et de Gaulle prononce alors l'appel du 18 juin à ne pas signer l’armistice, que les Allemands donnent le 22 juin à Pétain, qui face à un Lebrun qui refuse de démissionner, obtient le 10 juillet les pleins pouvoirs pour l'écarter de fait de l’État.

Notes et références

  1. L'URSS est encore officiellement alliée de l’Allemagne à la suite du pacte germano-soviétique et de l'attaque conjointe de la Pologne en septembre 1939, elle craint toutefois une intervention allemande contre la Finlande qui menacerait son propre accès à la mer Baltique, dans le cas d'un encerclement de Leningrad et des pays baltes.
  2. Karl-Heinz Friezer, Le mythe de la guerre éclair, p. 101, l'« incident de Mechelen-sur-Meuse », éd.Belin, Paris 1995.
  3. Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier, juin 1940, la négociation secrète, Les éditions de l'Atelier, 2006, p. 80.
  4. Amouroux 1976, p. 360.
  5. Ferro 2009, p. 7-11.
  6. Amouroux 1976, p. 360-361.
  7. le 10 mai 1940 les autorités belges avaient raflé et déporté vers la France tous les ressortissants allemands âgés de 17 à 56 ans exilordinaire.org
  8. Traces & empreintes, « Les arrestations du 10 mai 1940 », sur le site jewishtraces.org.
  9. Alfred Kantorowicz, Exil in Frankreich, Hambourg, Christian Verlag, 1983, p. 35.
  10. Camp dont elles parvinrent à s'enfuir avant de rejoindre les États-Unis pour les deux premières et Marseille pour la dernière.
  11. Amouroux 1976, p. 357.
  12. Paul Aron, José Gotovitch, Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, éditions André Versailles, Bruxelles, 2008, (ISBN 9782874950018), p. 420 et sq.
  13. Lord Keyes, Un règne brisé, p. 322, 323, 324, déclaration des généraux Pownall et Gort au colonel Davy « nous nous fichons complètement de ce qui peut arriver aux Belges ».
  14. Crémieux-Brilhac 1990, p. 571.
  15. Crémieux-Brilhac 1990, p. 572.
  16. a et b Amouroux 1976, p. 372.
  17. a et b in Un homme d'État dans la tourmente p. 322.
  18. in Un homme d'État dans la tourmente p.319.
  19. Selon De Gaulle, Huntziger avait accepté et il avait informé Reynaud de cet accord, Huntziger le niera par la suite. Reynaud dans les quelques jours qui lui restent à la tête du conseil ne donnera pas suite à cette nomination.
  20. Jean-Pierre Guichard, Paul Reynaud : Un homme d'État dans la tourmente Septembre 1939-Juin 1940, Paris, L'Harmattan, , 463 p. (ISBN 978-2296058385)
  21. Les routes de l'exode en 1940, chemins croisés: réfugiés espagnols et l'exode des Français Intervention d'Éric Alary sur France Inter, 31 juillet 2010
  22. a et b Ferro 2009, p. 75-103.
  23. Accord donné lors de la réunion du Conseil suprême à Londres le 28 mars 1940.
  24. (en) Sir Edward Spears, The Fall of France, Londres, Heinemann, , 333 p., p.199-208
  25. Max Gallo, Une histoire de la 2e Guerre mondiale, 1940 de l'abîme à l'espérance., Paris, XO Editions,, , 441 p. (ISBN 978-2-266-21085-0), p.176.
  26. l'épisode est en partie relaté par le général dans ses Mémoires de guerre
  27. Alanbrooke, War Diaries 1939–1945, entry 14 June 1940
  28. De Gaulle entre deux mondes: une vie et une époque de Paul-Marie de la Gorce 1964, p. 160
  29. The End of the Affair - the Collapse of the Anglo-French Alliance, 1939 - 40 d'Eleanor M Gates, 1981.
  30. (fr) Histoire de la ville d'Orléans, consultée le 5 mai 2013
  31. « France 1940 – Autopsie d'une défaite », dans L'Histoire, avril 2010, no 352, p. 59.
  32. Pierre Montagnon, La France dans la guerre de 39-45, Paris, Pygmalion, (ISBN 2756400440)
  33. a et b Charles de Gaulle, Mémoires de guerre – Le salut : 1944-1946 (tome III), éd. Plon, Paris, 1959 ; rééd. Pocket, 1999 (nouvelle édition 2006), 567 p. (texte intégral) (ISBN 2-266-16750-2 et 978-2266167505), p. 31-32.
  34. Amouroux 1976, p. 478.
  35. a et b Max Egremont, Under Two Flags – the Life of Major General Sir Edward Spears, 1997

Bibliographie