Croiseur lourd

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Le croiseur lourd américain Pensacola (CA-24), en 1935. Il porte un des plus puissants armements de ce type de navire : 10 canons de 203 mm en deux ensembles d'une tourelle double et d'une tourelle triple, à l'avant et à l'arrière.

Croiseur lourd est l'appellation communément employée, à partir de 1930, jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour désigner un croiseur c'est-à-dire un navire principalement armé de canons, d'un déplacement supérieur à 1 850 tonnes anglaises de 1 016 kg, et inférieur à 10 000 tonnes conformément au traité de Washington (1922) et dont l'artillerie principale avait un calibre supérieur à 155 mm, et au plus égal à 203 mm (8 pouces), conformément au traité naval de Londres (1930). Si la distinction entre croiseur lourd et croiseur léger a longtemps été claire, l'apparition, après 1935, des « grands croiseurs légers », déplaçant 10 000 tonnes, et armés de dix à quinze canons de 152 ou 155 mm, tirant jusqu'à 8 à 10 coups par minute, avec des blindages de ceinture de plus de 100 mm, a sérieusement contribué à brouiller les catégories.

Du traité de Washington (1922) au traité de Londres (1930)

D'après le traité de Washington de 1922, les limites maximales applicables aux croiseurs étaient un tonnage de 10 000 tonnes, et un armement principal au calibre de 8 pouces (203 mm) au plus.

Les bâtiments d'un déplacement supérieur, ou porteurs de canons d'un calibre plus élevé, entraient dans la catégorie des cuirassés, soumise à d'autres limitations, telles qu'un tonnage global par nation et un moratoire de construction de 10 ans. L'objectif était d'en finir avec la catégorie des grands croiseurs cuirassés. À la fin du XIXe siècle, et jusqu'au début des années 1910, il y avait eu, en effet, une tendance à l’accroissement du déplacement et de l’armement de ce type de navires, ce qui conduisit aux croiseurs cuirassés de la classe Minotaur[1], de la Royal Navy, avec quatre canons de 234 mm (en), et dix canons de 190,5 mm (en), à la classe Scharnhorst[2] et au SMS Blücher avec huit à douze canons de 210 mm[3], de la Kaiserliche Marine. Dans d'autres marines, certains croiseurs cuirassés ont porté des canons de 240 mm (comme le SMS Sankt Georg austro-hongrois), du 280 mm (comme la classe Infanta María Teresa espagnole)[4] , voire du 305 mm (comme les classes Ibuki et Tsukuba[4] japonaises, dont les unités ont fini par être reclassées croiseurs de bataille).

La classe Hawkins ne fut pas construite pour respecter le Traité de Washington, c'est le traité qui a été établi de façon que la classe Hawkins le respecte.

Les limites imposées aux croiseurs par le traité de Washington résultaient d'un accord entre le Royaume-Uni qui souhaitait inclure, dans les croiseurs autorisés par le traité, sa dernière classe en construction, la classe Hawkins d'un déplacement de 9 750 tonnes, armée de canons de 190,5 mm dont la première unité avait été achevée en 1919 et les suivantes devaient être mises en service entre 1921 et 1925[5], et les États-Unis et le Japon, qui estimaient avoir besoin de croiseurs de 10 000 tonnes, pour assurer la sécurité des communications maritimes dans l'immensité de l'Océan Pacifique, où ces deux marines ne disposaient que de bases éparses[6],[7].

Les nouveaux croiseurs du traité de Washington

Comme l’expérience de la guerre avait montré l’importance de cette sécurité des routes commerciales maritimes, le nombre de ces croiseurs de 10 000 tonnes, armés de canons de 203 mm, détenus dans les années 1930 par les puissances signataires du Traité de Washington, a atteint dix-huit chacun, pour les États-Unis et le Royaume-Uni, douze pour le Japon, et sept chacune, pour la France et l’Italie.

Dotés de huit pièces en quatre tourelles doubles pour ce qui est des croiseurs britanniques[8], français[9], ou italiens[10], ils ont compté jusqu'à neuf ou dix canons pour les croiseurs américains[11] ou japonais[12]. Avec une vitesse de 30 à 35 nœuds, les premières séries étaient légèrement blindées. Les séries postérieures furent équipées d'une meilleure protection, au prix d’une vitesse légèrement réduite[13].

La Marine Impériale japonaise a fait très vite le choix d'armer ses croiseurs de 10 canons de 203 mm (ici le Haguro).

La Marine Impériale japonaise fut la première à mettre sur cale, dès la fin de 1922, des croiseurs répondant aux stipulations du traité de Washington, avec la classe Furutaka, conçue par l'amiral Hiraga, reprenant des innovations du croiseur Yubari, qu'il avait précédemment dessiné, et avec un pont continu « ondulé », au franc-bord plus important à l'avant et moins important à l'arrière. L'armement principal de six canons de 200 mm, en affûts simples sous masques, fut remplacé à la fin des années 1930 par des tourelles doubles, dont ont été dotées dès l'origine, les unités de la classe Aoba, mises sur cale en 1924. L'artillerie secondaire de quatre pièces simples de 76 mm de la classe Furutaka y avait été portée à quatre pièces de 120 mm. La Marine Impériale japonaise dota tous ces croiseurs de tubes lance-torpilles, les fameuses « Longues Lances » de 24 pouces (610 mm) de diamètre. Avec un déplacement de 9 000 à 9 500 tonnes et une puissance installée de 108 000 ch, la vitesse maximale était de 33 nœuds[14].

L'USS New Orleans fait partie de la classe la mieux protégée des croiseurs lourds américains des années 1930

Les deux classes suivantes de quatre unités chacune, les classes Myōkō et Takao, mises sur cale respectivement en 1924-1925 et 1927-1928, ont porté cinq tourelles doubles, trois à l'avant et deux à l'arrière, la troisième tourelle avant ayant un champ de battage limité aux tirs en abord, et comme artillerie secondaire, six pièces simples de 120 mm. Le blindage était renforcé, atteignant 102 mm d'épaisseur en ceinture sur la classe Myōkō, et 127 mm, sur les magasins de l'artillerie principale de la classe Takao. Un bloc passerelle plus massif caractérisait la classe Takao. Avec un déplacement réel atteignant 13 000 tonnes et une puissance installée de 130 000 ch, la vitesse maximale atteignait 33 nœuds[15].

Mises à part les deux unités de la classe Pensacola, qui portaient dix canons de 203 mm en deux ensembles d'une tourelle triple superposée à une tourelle double, à l'avant et à l'arrière[16], les croiseurs de l'U.S. Navy répondant aux stipulations de Traité de Washington portaient, pour obtenir une économie de poids, trois tourelles triples de 203 mm/55 calibres, deux à l'avant et une à l'arrière, et l'artillerie secondaire était constituée de huit pièces simples de 5 pouces (127 mm)/25 calibres pouvant tirer contre-avions. La Défense Contre-Avions rapprochée comptait généralement deux pièces simples à tir rapide de 3 livres, et huit pièces simples de 28 mm[11]. Des installations d'aviation, catapultes, grues, (et hangar à partir de la classe Northampton[17]), se trouvaient entre les deux cheminées. Le blindage qui, sur la classe Pensacola n'avait que 76 mm d'épaisseur sur les flancs, 50 mm sur le pont principal et 25 mm sur le pont inférieur, a été augmenté sur les classes suivantes, et atteignait sur la classe New Orleans jusqu'à 127 mm en ceinture, 76 mm sur le pont principal et 50 mm sur le pont inférieur. Les machines ( huit chaudières alimentant des turbines Parsons entrainant quatre hélices) développaient 107 000 ch et assuraient 32 nœuds[11].

Le HMS Kent a donné son nom à la première sous-classe de la classe County

Pour les treize bâtiments de la classe County de la Royal Navy qui ont été construits, le blindage de ceinture n'avait que 25 mm d'épaisseur. Cela leur a valu, par dérision, le surnom de navires de « fer-blanc » (tin-clad ships), mais leurs tourelles doubles plus spacieuses que les tourelles triples des croiseurs américains, avaient une cadence de tir supérieure, jusqu'à 5 coups par minute, et leurs canons pouvaient être pointés à 70°. Leur protection sous-marine était bien conçue. Avec leur silhouette de paquebot, due à leurs trois cheminées inclinées, c'étaient de bons marcheurs, (31,5 nœuds), très marins avec un franc-bord élevé, et un bon rayon d'action[18]. De 1938 à 1941, une unité, le HMS London fut profondément refondue, conservant son artillerie principale mais recevant de nouvelles structures, rappelant celles de la classe Fiji (en), alors en construction, avec une ceinture blindée de 140 mm. Dans une tentative de faire construire plus de navires dans les limites du traité naval, la Royal Navy prévoit de construire des croiseurs de 8 250 tonnes, six de construits au lieu de cinq County. Ce modèle de navire était une solution tentante à l'époque pour une marine en temps de paix avec un Empire colonial aussi étendu que l'Empire britannique. Des considérations politiques et économiques font que seuls deux navires de 8 250 tonnes (sur les six) sont construits, il s'agit des HMS York et Exeter.

Les quatre unités de la classe Zara, à l'ancre à Naples, en 1938

En Italie, d'une part des croiseurs puissamment armés paraissaient un soutien bienvenu à une flotte de quatre cuirassés ne portant que des canons de 305 mm, d'autre part la longueur des côtes à défendre justifiait que ces croiseurs soient rapides. Ce sont ces deux caractéristiques qui ont été retenues pour la première classe de croiseurs à partir de 1925, la Classe Trento, mais la limite de 10 000 tonnes de déplacement, avec un armement de quatre tourelles doubles de 203 mm, et une vitesse maximale de 36 nœuds, ne permettait qu'une protection très légère (verticale de 70 mm, horizontale de 50 mm) même si, dans la réalité, le déplacement autorisé a été dépassé de plus de 30%. Les quatre croiseurs de la classe suivante, Zara, construits de 1927 à 1932, ont été un peu moins rapides et un peu mieux protégés. Mais pour le septième croiseur construit, le Bolzano, la Regia Marina italienne est revenue à une protection très légère et une grande vitesse[19].

Le croiseur lourd français Colbert

Pour les croiseurs français, si l'artillerie principale de quatre tourelles doubles de 203 mm Modèle 1924 [20]est restée la même pour toutes les unités construites, on a assisté au fil du temps, à une augmentation du blindage, qui restait faible, et allait de pair avec une légère réduction de la vitesse. Ainsi, sur le Duquesne, premier croiseur français construit en respectant les stipulations du Traité de Washington, le poids du blindage était de 430 tonnes et la vitesse maximale atteinte aux essais de 35,30 nœuds pour une puissance de 126 919 ch. Le dernier croiseur français construit dans ce cadre fut l'Algérie, dont le poids du blindage était de 2 657 tonnes, la vitesse maximale de 33,20 nœuds pour une puissance de 93 230 ch[21]. Mis à part les deux unités de la classe Duquesne, les croiseurs français différaient tous les uns des autres. Le Suffren avait les deux étages de la passerelle situés très haut dans le tripode avant, et le Foch avait un tripode plus large. L'épaisseur du blindage variait légèrement pour les quatre croiseurs de la série Suffren-Dupleix. Pour les machines, tous sauf l'Algérie, avaient neuf chaudières Guyot du Temple, timbrées à 20 kg/cm2. Le Suffren et le Foch avaient aussi deux petites chaudières à charbon, pour améliorer le rayon d'action à 11 nœuds et des soutes à charbon, le Colbert et le Dupleix n'avaient pas de chaudières à charbon, mais ils ont gardé les soutes qui contribuaient à la protection des machines. L'artillerie secondaire de la classe Duquesne et du Suffren comportait huit affûts simples de 75 mm Modèle 1925, pouvant servir de Défense Contre-Avions, assez faible. Le Colbert et le Foch avaient huit pièces simples de 90 mm, et le Dupleix avait cette artillerie de 90 mm en quatre pseudo-tourelles doubles ouvertes[22],[23]. Ces bâtiments faisaient cependant jeu égal avec leurs homologues italiens et surclassaient les croiseurs légers allemands.

Avec une seule cheminée et une tour à la place du tripode avant, l'Algérie avait une silhouette qui anticipait celle du Dunkerque. Dernier croiseur « lourd » français, construit après 1930, l'Algérie a la réputation d'être l'un des croiseurs issus du Traité de Washington les mieux réussis de son temps[24]. Il avait une artillerie secondaire à double usage de 100 mm, en six pseudo-tourelles ouvertes, qu'on retrouvera sur le cuirassé Richelieu. Le blindage de ceinture atteignait 110 mm, et celui du pont principal 80 mm. Les machines, six chaudières construites par l'établissement d'Indret timbrées à 27 kg/cm2 à 325 °C, alimentaient des turbines à engrenages Rateau-Bretagne, entrainant quatre hélices, et permettaient d'atteindre 33 nœuds[25].

Le traité de Londres de 1930 distingue croiseurs lourds et croiseurs légers

Le Duguay-Trouin qui a donné son nom a une classe de croiseurs français, avait été mis sur cale quelques mois avant la Conférence de Washington
Le croiseur Yubari, conçu et mis sur cale avant le traité naval de Washington

Certains croiseurs, comme la classe Duguay-Trouin ou le Yubari japonais avaient été conçus avant les négociations sur la limitation des armements navals, ou résultaient du respect des stipulations d'autres traités, ainsi l’Allemagne n’était pas soumise aux stipulations du traité de Washington, mais à celles du traité de Versailles, qui limitait le tonnage de ses croiseurs à 6 000 tonnes. Aussi la Reichsmarine a-t-elle mis en chantier, entre 1926 et 1928, trois croiseurs de la classe Königsberg[26],[27], au déplacement de 6 650 tonnes, armés de trois tourelles triples de 150 mm, avec une vitesse de 30-32 nœuds, puis en 1929, une unité améliorée, le Leipzig, équipé de moteurs diesel plus puissants, d'une ceinture blindée plus étendue pour un déplacement équivalent (6 710 tonnes)[28].

La Royal Navy considérait que le croiseur de 10 000 tonnes W était trop grand pour ses besoins, et en 1927, un croiseur armé de canons de 203 mm mais légèrement plus petit que la classe County fut mis sur cale, le HMS York, avec seulement six canons de 203 mm. Alors que la Conférence de Londres venait à peine de commencer, le Royaume-Uni annonça l’annulation de ses projets de croiseurs armés de canons de 203 mm, tandis que la première unité d’une nouvelle classe était annoncée[29], avec un déplacement de 6 500 tonnes, armée de huit canons de 152 mm, capable de faire face au Leipzig. C’était le HMS Leander[30],[31].

Croiseur léger allemand de la classe Königsberg
Croiseur léger de la classe Leander, ici l'Achilles, sous pavillon néo-zélandais

En 1926, la France avait commencé à construire des « contre-torpilleurs » (les classes Jaguar, Guépard, et Aigle), qui étaient supérieurs en déplacement et en puissance de feu aux destroyers, notamment italiens, de l’époque[32]. Dans le but de faire face à cette menace, l’Italie décida de produire une nouvelle classe de croiseurs qui seraient d’une taille intermédiaire entre les destroyers français et les croiseurs existants à l’époque. Les quatre premières unités (la classe da Giussano (en), premier sous-groupe de l’ensemble des croiseurs italiens portant des noms de Condottieri), furent mises sur cale en 1928 et achevées en 1932. Avec un déplacement de 5 200 tonnes, ils étaient armés de huit pièces de 152 mm en tourelles doubles, pouvaient atteindre la vitesse remarquablement élevée de 37 nœuds, mais avaient un blindage négligeable et un court rayon d’action[33]. Ces croiseurs entraient évidemment dans la nouvelle catégorie des « croiseurs légers » définis par les stipulations du traité de Londres qui venait d’être signé.

Le traité naval de Londres de 1930 a en effet, introduit une distinction entre les croiseurs, dits de Type A communément appelés croiseurs « lourds », avec des canons d’un calibre supérieur à 155 mm, et pouvant aller jusqu’à 203 mm, et les croiseurs de Type B, communément appelés croiseurs « légers », avec des canons d’un calibre égal ou inférieur à 155 mm. Ce calibre était celui de l’artillerie principale de la classe Duguay-Trouin, qui avait été conçue avant le traité de Washington et dont la vitesse et la quasi absence de blindage faisait à l'évidence des croiseurs légers. Ce traité avait également fixé le nombre des croiseurs de Type A de chaque signataire, dix-huit pour le Royaume-Uni[Note 1], et les États-Unis[Note 2], douze pour le Japon[Note 3], et sept pour la France[Note 4], et l'Italie[Note 5], et n'avait autorisé leur remplacement que vingt ans après leur achèvement, si celui-ci était intervenu après le 31 décembre 1919[34],[35]. Le Traité de Londres fixait aussi un tonnage global par nation pour les croiseurs légers, mais cette clause ne s'appliquait pas à tous les signataires du traité, la France et l'Italie avaient refusé d'y souscrire.

Croiseur italien de la classe Cadorna, seconde sous-classe des Condottieri, ici l'Armando Diaz

Ceci étant, l'opinion générale était que la compétition internationale concernant la catégorie des croiseurs serait désormais circonscrite aux croiseurs légers.

Les trois derniers croiseurs français de la classe La Galissonnière, Georges Leygues, Montcalm et Gloire

Ainsi, du côté français, un nouveau croiseur avait été commandé en 1926, et lancé en 1930, spécialement conçu comme navire-école pour les élèves de l’École Navale. Le croiseur Jeanne d'Arc avait la même artillerie de calibre 155 mm, en tourelles doubles que la classe Duguay-Trouin[36]. Mais la conjonction du traité de Londres qui mettait un terme à la construction de croiseurs ayant une artillerie de 203 mm et de la construction de croiseurs légers par l'Allemagne et l'Italie, a conduit la France à concevoir un nouveau type de croiseurs légers, à une époque où l'on pensait encore être en mesure d'avoir une flotte capable d'affronter celles de l'Italie et de l'Allemagne réunies.

Un nouveau croiseur, l’Émile Bertin conçu pour opérer comme mouilleur de mines et conducteur de flottille de destroyers, avait reçu un armement de neuf pièces de 152 mm, complètement nouveau, tant par son calibre que par sa disposition en trois tourelles triples. Il disposait, comme artillerie secondaire anti-aérienne, de quatre pièces de 90 mm, en un affût double, et deux pièces simples. Son déplacement était de 5 886 tonnes, ses machines développaient 102 000 ch, pour 34 nœuds en service normal, mais il n’avait pas de blindage d’une épaisseur supérieure à 30 mm, et son rayon d’action n’était que de 3 600 nautiques à 15 nœuds. Atteignant 39,66 nœuds à ses essais de vitesse, en développant 137 908 ch, ce fut le croiseur français le plus rapide jamais construit[37]. Une version améliorée, la classe La Galissonnière, forte de six unités a été mise en chantier, à partir de 1931. D'un déplacement standard de 7 600 tonnes, filant aisément 32 nœuds, ayant le même armement principal que l’Émile Bertin, mais une artillerie secondaire plus forte (quatre tourelles doubles de 90 mm), ces croiseurs avaient une cuirasse de ceinture de 105 mm, plus épaisse que celle des croiseurs « lourds » français, excepté l'Algérie. Ce furent les derniers croiseurs français construits avant 1939, qui ont servi pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Après le traité de Londres de 1930

À la différence de ce que l'on avait vu à la fin du XIXe siècle, où des types de croiseurs protégés ou cuirassés se sont répandus dans de nombreux pays du monde, parfois sur des modèles conçus des chantiers européens ou américains, le croiseur « lourd » qui devaient concilier armement au calibre limité, vitesse et blindage, dans un déplacement de 10 000 tonnes, n'a été copié, du temps où leur construction était autorisée, que par la marine argentine, avec les deux croiseurs lourds de la classe Veinticinco de Mayo et la marine espagnole, avec deux unités de la classe Canarias (en). Les navires argentins construits en Italie étaient inspirés de la classe Trento. D'un déplacement de 9 000 tonnes à pleine charge, ils portaient trois tourelles doubles de 190 mm, et pouvaient filer 32 nœuds. Ils sont entrés en service en juillet 1931. Les croiseurs espagnols conçus sur des plans britanniques, inspirés de la classe County, ont été lancés en 1931-1932. Ce sont les premiers croiseurs lourds à avoir connu le feu des combats, pendant la guerre civile espagnole, au cap Spartel, et devant Cherchell. Le Baleares a été coulé à la bataille du cap de Palos.

Le « grand » croiseur léger, rival du croiseur lourd

Le croiseur japonais Mogami en essais en 1935, portant des tourelles triples de 155 mm

Privées de la possibilité d'accroître leurs flottes de croiseurs lourds, la Marine impériale japonaise, et sa grande rivale dans l’Océan Pacifique, l'U.S. Navy, étaient toutes deux intéressées à avoir de grands croiseurs, qu’ils soient classés « lourds » ou « légers » leur importait peu, d'autant que la supériorité des croiseurs lourds armés de canons de 203 mm d’une portée supérieure aux canons de 152 mm n’était réelle que par temps clair, et qu’avec une visibilité plus faible, en ces temps antérieurs au radar d’artillerie, la cadence de tir plus rapide des canons de 152 mm faisait des croiseurs légers des adversaires coriaces[38]. On peut estimer que le poids de la bordée d'un grand croiseur léger, armé de douze canons de 152 mm, tirant des obus de 45 kg environ à 6 coups par minute était de 3 260 kg/min, pour 1 130 kg/min pour un croiseur lourd armé de huit canons de 203 mm tirant des obus de 110 kg environ à 2½ coups par minute[39]. Encore fallait-il que les grands croiseurs légers aient une vitesse et un blindage leur permettant d'approcher sans dommages jusqu'à avoir leurs adversaires à portée.

Le croiseur Savannah(CL-42) de la classe Brooklyn, réponse à la classe Mogami

Or le traité de Londres n'avait pas fixé de limite de déplacement pour le Type B, de sorte que ne demeurait que la limite supérieure de 10 000 tonnes, fixée par le traité de Washington. Aussi pour son programme de 1931, la Marine impériale japonaise passa commande des deux premières unités d’une nouvelle classe de croiseurs, la classe Mogami, avec quinze canons de 155 mm en cinq tourelles triples, avec une disposition des tourelles avant un peu différente des classes précédentes, la tourelle superposée étant la tourelle no 3 et non pas la tourelle no 2. La vitesse maximale était de 37 nœuds, et le déplacement annoncé de 8 500 tonnes, manifestement sous-évalué[40]. Mis en service en 1935, ces bâtiments, construits avec une technique de soudure qui n'était pas encore bien maîtrisée par l'industrie japonaise, et souffrant d'un excès de poids dans les hauts qui nuisait à leur stabilité, n'étaient pas sans défauts, et ils furent très vite de retour à l'arsenal de Kure pour qu'on y portât remède[41]. Ils en ressortirent dotés de bulges pour accroître la stabilité et leurs membrures renforcées. Ils déplaçaient alors 11 200 tonnes, et ils avaient leur vitesse maximale réduite d'un nœud[42].Les deux dernières unités de la classe reçurent, pendant leur construction, les mêmes améliorations, et eurent leur nombre de chaudières réduit de dix à huit[43].

L'USS Wichita (CA-45) a été le dernier croiseur lourd américain des années 1930

La réaction de l’U.S. Navy fut la classe Brooklyn, avec quinze canons en cinq tourelles triples de 152mm (en) et huit pièces anti-aériennes de 127 mm, qui équipaient les croiseurs lourds en affûts simples. Ils portaient une ceinture blindée de 4 pouces (102 mm) d’épaisseur, ou 5 pouces, sur les deux dernières unités, comme sur les croiseurs lourds. Le pont continu permettait de disposer à l'arrière d'un hangar d'aviation et d'utiliser l'espace au centre du navire pour y installer des pièces anti-aériennes. Ils avaient une vitesse de 32,5 nœuds, pour un déplacement de 9 700 tonnes, qui n'était pas sous-évalué. Les premières unités de cette classe furent lancées en 1936-1937[44]. Elles sont entrées en service entre septembre 1937 et juin 1938.

Le dix-huitième croiseur lourd qui restait à construire pour l'U.S. Navy fut l'USS Wichita. Il aura été lancé en novembre 1936, incorporant de nombreux éléments qui se trouvaient sur la classe Brooklyn montrant la proximité entre les croiseurs lourds et les grands croiseurs légers, au moins pour l'U.S. Navy, et on y reviendra, pour la Marine Impériale japonaise[45].Toutefois, il était équipé, pour son artillerie secondaire du nouveau canon de 127 mm/38 calibres, toujours en tourelles simples.

Le croiseur Tone avec ses quatre tourelles de 203 mm, toutes à l'avant
Le HMS Gloucester, de la classe Town était un grand croiseur léger britannique portant quatre tourelles triples de 152 mm

La Royal Navy, privilégiant le nombre plutôt que la puissance des croiseurs, avait mis sur cale quatre unités d’une classe de croiseurs légers, la classe Arethusa[46], plus petits que le HMS Leander, avec seulement 6 canons de 152 mm. Ils furent lancés entre 1934 et 1936. Pour pouvoir réagir à l’apparition des grands croiseurs légers japonais et américains, le Royaume-Uni dut annuler plusieurs unités projetées des Leander et Arethusa. Les deux premiers grands croiseurs légers britanniques, qui devaient s'appeler Minotaur et Polyphemus[47],[48], furent lancés en 1936. Ils étaient conçus comme une extrapolation de la sous-classe Amphion[49] de la classe Leander, c'est-à-dire des trois dernières unités, dotées de deux cheminées[Note 6], qui seront transférées à la Marine australienne[Note 7]. Avec douze canons de 152 mm, en quatre tourelles triples, et des installations d’aviation spacieuses au centre du navire, il fallait avoir une passerelle plus haut placée, ce qui conduisait à avoir des cheminées inclinées vers l'arrière. Comme il en résultait peu de ressemblance avec les Amphion, il fut décidé de ne pas retenir des noms mythologiques, et ils devinrent finalement les premières unités de la classe Town. Leur blindage de ceinture avait 114 mm d'épaisseur. Leur vitesse maximale était de 32 nœuds. Ils respectaient à peu de choses près le déplacement de 10 000 tonnes avec 11 350-11 650 tonnes à pleine charge[50].

Le grand croiseur léger italien Duca degli Abbruzzi portait dix canons de 152 mm

La Regia Marina italienne acheva sa série des Condottieri, par une cinquième sous-classe Duca degli Abruzzi, déplaçant plus de 11 000 tonnes, portant dix canons de 152 mm, mis en service en 1937. Sans être dotés d'une artillerie comparable à celle de la classe Brooklyn ou de la classe Town, ils surclassaient les croiseurs français de la classe La Galissonnière, avec un canon de plus et un blindage de ceinture plus épais, d'une épaisseur de 140 mm.

La Marine Impériale japonaise, en 1937-1938, entreprit, pour prendre la suite de la classe Mogami, la construction de deux grands croiseurs, la classe Tone qui avait cette particularité d'avoir quatre tourelles, toutes à l'avant, la tourelle no 2 superposée à la tourelle no 1, les tourelles no 3 et no 4, ne pouvant tirer que sur les côtés. Cela a permis de parquer jusqu'à cinq hydravions sur leur très longue plage arrière. Les concepteurs de ces croiseurs, bien protégés, déplaçant 11 000 tonnes, n'étaient pas censés respecter les traités de limitation des armements navals, le Japon, depuis la Seconde Conférence de Londres de 1936 n'en reconnaissant plus aucune stipulation. C'est pourquoi ils furent mis en service avec des tourelles doubles de 203 mm, après que les quatre unités de la classe Mogami eurent reçu, au cours d'une refonte en 1939-1940, des tourelles doubles de 203 mm, à la place de leurs tourelles triples de 155 mm ce qui avait porté leur déplacement à plus de 12 000 tonnes[51]. Ainsi, pour la Marine Impériale japonaise, il y avait confusion totale entre grands croiseurs légers et croiseurs lourds.

Du côté britannique, s'il y eut deux grands croiseurs, les HMS Belfast et HMS Edinburgh, extrapolations de la classe Town déplaçant 12 650 tonnes à pleine charges, la Royal Navy, donnant toujours la préférence au nombre par rapport à la puissance, développa, avec la classe Fiji (en), une série de onze croiseurs, avec un déplacement équivalent à celui des premières unités de la classe Town, la même artillerie principale, pour huit unités, l'expérience de la guerre conduisant, sur les trois autres, à renforcer l'armement anti-aérien en supprimant la tourelle X (arrière superposée), et un blindage de ceinture réduit de 30 mm. La silhouette différait de la classe Town en ce que les cheminées et les mâts étaient droits[52].

Mais pour faire face à ses besoins persistants en croiseurs légers, la Royal Navy se trouva contrainte, par les dispositions complexes du traité Londres de 1930[53], à décider de refondre certains de ses croiseurs lourds anciens, de la classe Hawkins, qui avaient en 1922, servi de référence pour définir la taille limite des croiseurs, et les reclasser en croiseurs légers, en troquant leur artillerie de sept canons de 190,5 mm, contre neuf canons de 152 mm, provenant de croiseurs de la classe C, transformés en croiseurs anti-aériens. Cela ne fut finalement mis en œuvre que pour le HMS Effingham[54].

Au bout du compte, lorsque la guerre a commencé en Europe, la différence entre croiseurs lourds et croiseurs légers tenait évidemment au calibre de l'artillerie principale, mais on a vu que les grands croiseurs légers avaient un poids de bordée par minute qui pouvait être triple de celui des croiseurs lourds, et pour le reste, déplacement et puissance des moteurs, les caractéristiques étaient identiques, et le blindage comparable pouvant atteindre 140 mm, le double de celui des premiers croiseurs lourds, qui avaient été mis en service dix ou douze ans plus tôt.

Les croiseurs lourds des pays non-signataires du traité de Londres

La classe Admiral Hipper

En Allemagne, Adolf Hitler, parvenu au pouvoir puis devenu Führer du Reich, proclamait sa volonté de s'affranchir du Traité de Versailles et lançait une politique de réarmement, qui, dans le programme de constructions navales de 1934, comportait deux croiseurs lourds. Dès lors que l'Allemagne n'était partie ni au traité de Washington, ni au traité de Londres, il n'y avait plus aucune limite à un réarmement naval allemand. Le Royaume- Uni, à l'insu des signataires du Traité de Versailles, et en particulier de la France, a alors résolu de négocier avec le Troisième Reich un Traité naval germano-britannique aux termes duquel la Reichsmarine aurait le droit de disposer d'une flotte de surface, dans la limite de 35% du déplacement global de chaque grande catégorie de navires de la Royal Navy de l'époque.

L'Admiral Hipper avant qu'il soit doté d'une proue "atlantique" et d'un capot de cheminée, à la fin de 1939

Aux termes de l'accord du 18 juin 1935, la nouvelle Kriegsmarine allemande s'est donc vue reconnaitre la possibilité de disposer de cinq croiseurs lourds, cinq ans après que le traité de Londres avait décidé de bloquer la construction de navire de ce type. Elle a ainsi pu bénéficier de l'expérience des autres marines. Les deux premières unités ont été mises sur cale, en juillet 1935 pour l'Admiral Hipper, et en avril 1936 pour le Blücher. L'armement principal était de huit canons de 203 mm[55] en quatre tourelles doubles, l'artillerie secondaire de six pièces doubles de 105 mm[56], le blindage avait une épaisseur de 80 mm en ceinture et 20 à 50 mm sur les ponts. Les machines (douze chaudières à ultra haute pression alimentant trois ensembles de turbines à engrenage entrainant trois hélices) développaient 132 000 ch, pour une vitesse maximale atteignant 32 nœuds, mais, comme sur la classe Scharnhorst, leur fonctionnement a posé plusieurs fois problème en opération. Le déplacement atteignant près de 14 000 tonnes (18 600 tonnes à pleine charge) n'avait plus rien à voir avec les limitations du traité de Washington de 1922[57].

La troisième unité de la classe Admiral Hipper, le Prinz Eugen, a été achevé en 1940, et a rejoint la Flotte en mai 1941, pour accompagner le Bismarck. Pour les deux dernières unités, initialement prévues au programme de 1936, avec douze canons de 150 mm[58], le Seydlitz, parvenu à 95% d'achèvement, est resté inachevé, puis a été démantelé en 1942, pour le transformer en porte-avions, mais il n'était pas achevé, dans cette nouvelle forme non plus, en 1945. Le Lützow, lancé en 1939, a été vendu inachevé à l'Union Soviétique, qui en a pris livraison en avril 1941[59].

On observera qu'en 1940, la Kriegsmarine a reclassé en « croiseurs lourds » les deux unités restantes de la classe Deutschland bien que le calibre de 280 mm de leur artillerie principale eût largement excédé la limite de 203 mm fixée par le traité naval de 1922.

La classe Kirov

Le Molotov n'avait pas la structure "quadripode" à l'avant, caractéristique du Kirov et du Voroshilov

L'Union Soviétique a achevé, au bout de vingt ans, la construction d'un croiseur de 8 000 tonnes, mis sur cale en 1913, baptisé Amiral Lazarev, à son lancement en 1916, resté inachevé de 1917 à 1924, rebaptisé Krasny Kavkaz (en) (Caucase Rouge en russe), mis en service en 1932. Il était armé de quatre pièces d'un nouveau canon de 180 mm[60], en tourelles simples axiales, car sa coque avait été jugée de construction trop légère pour supporter l'artillerie de 203 mm, initialement souhaitée. En 1935, la décision a été prise de construire six croiseurs armés de ce nouveau canon, en trois séries de deux unités, la première paire étant mise sur cale en 1935, au Chantier Ordjonikidze (en) de Leningrad, la seconde en 1936 au Chantier Marti Sud (en) à Nikolaiev, la troisième au chantier naval de l'Amour à Komsomolsk. Ils ont porté des noms de personnages célèbres de l'Union Soviétique. Avec un déplacement de moins de 10 000 tonnes (8 800 tonnes, et 11 500 tonnes à pleine charge) et avec une artillerie principale d'un calibre intermédiaire entre 155 mm et 203 mm, ils auraient eu exactement les caractéristiques des croiseurs lourds selon le traité de Londres de 1930, s'ils n'avaient pas été construits plus de 5 ans après que la construction de ce type de navire avait été bloquée, par le traité de Londres de 1930, auquel, au demeurant, l'Union Soviétique n'était pas partie.

Les Soviétiques ont cherché l'aide de firmes américaines ou du Troisième Reich allemand pour construire des super-cuirassés, ou pour des croiseurs, on vient de le voir plus haut, en particulier pour l'artillerie principale, finalement sans succès, mais pour les coques et les machines de cette classe de croiseurs, ce fut l'Italie qu'ils sollicitèrent avec succès. Avec la coopération de l'entreprise Ansaldo, ces croiseurs furent conçus sur la base de la classe Montecuccoli (en) pour la coque, et de la classe Duca d'Aosta pour les machines. Mais ceci entraina des difficultés lorsqu'il s'est agi d'installer des tourelles triples de 180 mm sur une coque qui n'avait qu'un mètre de plus en largeur maximale que celle où la Regia Marina italienne avait installé des tourelles doubles de 152 mm. Ceci a conduit à installer les trois canons de chaque tourelle sur un berceau commun, mais la proximité des tubes provoquait une dispersion importante entre les obus d'une même salve.

Le blindage de ceinture, des ponts et des tourelles n'avait que 50 mm d'épaisseur sur le Kirov et le Maxime Gorki. Il fut porté à 70 mm pour les autres unités. Des catapultes étaient installées entre les cheminées. Les machines, de construction italienne pour le Kirov, manquèrent d'atteindre d'un nœud la vitesse maximale escomptée de 37 nœuds, parce que le déplacement prévu était dépassé de 500 tonnes, mais sur les unités construites en Mer Noire, comme le Voroshilov, dont les machines étaient de fabrication soviétique, la vitesse prévue fut atteinte[61].

Six croiseurs déplaçant 11 000 tonnes (15 000 tonnes à pleine charge), la classe Chapayev, ont été mis sur cale de 1938 à 1940, et lancés pour quatre d'entre eux en 1940-1941. Prévus pour porter quatre tourelles triples de 152 mm, pointant en élévation à 50°, c'étaient typiquement de « grands » croiseurs légers. Ils sont entrés en service vers 1949-1950[62].

Les croiseurs lourds au feu

De 1939 à 1941, dans l'Atlantique et en Méditerranée

La fonction traditionnelle d'éclairage des flottes de cuirassés n'a pas été primordiale pour les croiseurs lourds pendant la Seconde Guerre Mondiale, d'abord parce que les croiseurs légers y étaient plutôt mieux adaptés, ensuite par ce qu'il n'y eut plus pour diverses raisons d'affrontements entre flottes de cuirassés. En revanche, les croiseurs lourds s'affrontèrent pour la sécurité des routes commerciales maritimes, et c'est ainsi que, le 13 décembre 1939, le croiseur lourd anglais HMS Exeter eut à affronter le cuirassé de poche allemand Admiral Graf Spee, à la bataille du Rio de la Plata et l'a contraint à se réfugier à Montevideo, où il s'est sabordé[63].

Le Blücher, chaviré, dans le fjord d'Oslo, début avril 1940

En avril 1940, les croiseurs lourds allemands se retrouvèrent à assurer la couverture rapprochée des débarquements allemands en Norvège, opérations qui n'ont pas été sans risques, car devant Trondheim, l'Admiral Hipper y fut avarié, et à l'attaque du fjord d'Oslo, le Blücher a été coulé tandis que le Lützow (ex-Deutschland) était sévèrement endommagé[64]. Réparé, l'Admiral Hipper a participé au début de l'opération Juno, et à la destruction du SS Orama, mais pas à la destruction du HMS Glorious et de son escorte, le 8 juin 1940.

Le HMS Dorsetshire, ici à l'arrière-plan, escortant dans l'Atlantique un convoi début juin 1940, a été très impliqué dans la surveillance du cuirassé français Richelieu réfugié à Dakar, fin juin-début juillet.

Les croiseurs lourds britanniques de la classe County, HMS Dorsetshire, Cumberland, Cornwall et Devonshire participèrent, à l'été 1940, à la surveillance des navires français, pour les opérations Catapult[65] et Menace à Dakar où le HMAS Australia a désemparé le grand contre-torpillleur Audacieux et le HMS Cumberland été endommagé[66],[67]. À la suite de l'opération Catapult, les trois croiseurs lourds de la Force X française de l'amiral Godfroy se sont trouvés démilitarisés dans le port d'Alexandrie, pendant trois ans[68].

Le HMS Southampton à la bataille du cap Teulada (27-28 novembre 1940)

Pendant l'été et l'automne 1940, aux batailles de Punta Stilo, en juillet, et du cap Teulada, fin novembre, les croiseurs italiens[Note 8] et britanniques[Note 9], ceux-ci aux ordres respectivement de l'amiral Tovey à la première bataille et de l'amiral Holland à la seconde, ont retrouvé pour un temps leur rôle de forces d'éclairage des cuirassés[69].

À l'automne 1940, lors qu'il n'a plus été question d'un débarquement allemand en Angleterre, les grands bâtiments de surface allemands ont été disponibles pour attaquer dans l'Atlantique les convois alliés que harcelaient déjà une demi-douzaine de raiders de surface et les sous-marins du vice amiral Dönitz. Ils y ont affronté les croiseurs britanniques. Ainsi le 5 novembre 1940, l'Admiral Scheer, reclassé croiseur lourd, a envoyé par le fond le croiseur auxiliaire HMS Jervis Bay dont le sacrifice a contribué à sauver la plupart des trente-six bateaux du convoi qu'il protégeait, sauf cinq. La croisière de l'Admiral Scheer a encore duré cinq mois, il n'est rentré à Kiel que le 1er avril 1941, ayant parcouru plus de 45 000 nautiques et coulé dix autres navires marchands[70]. Quelques semaines plus tard, le 25 décembre 1940, au large des côtes portugaises, le HMS Berwick, accompagné de deux croiseurs légers, a engagé l' Admiral Hipper et l'a détourné d'une attaque d'un convoi de troupes destiné à renforcer les forces britanniques qui s'apprêtaient à déclencher leur contre-offensive en Égypte. La croisière de l' Admiral Hipper aura été plus courte, il est rentré à Brest deux jours plus tard[70].

Parce qu'en Méditerranée, la menace aérienne était très forte, et parce que les grands croiseurs légers, plus récents, étaient mieux armés contre cette menace que les croiseurs lourds de première génération, les croiseurs de la classe Town et de la classe Fiji (en), furent fortement engagés en Méditerranée. En janvier 1941, le HMS Southampton, fut perdu à la suite d'attaques de Stuka, qui endommagèrent aussi le HMS Gloucester après que la Luftwaffe a été appelée au secours, et que le Deutsches Afrikakorps allait bientôt débarquer en Libye[71].

Le HMS York repose sur le fond en baie de la Sude, en mai 1941

Quelque temps avant l'attaque des forces allemandes sur la Crète, le 25-26 mars 1941, le HMS York se retrouva immobilisé en baie de la Sude par les hommes-grenouilles de la Decima MAS italienne. Attaqué par l'aviation allemande, il sera mis hors de combat par les Britanniques, avant l'occupation de l'île par les Allemands, fin mai[72].

Le 27 mars 1941, la 1re division de croiseurs de l'amiral Sansonetti et la 3e division de l'amiral Cattaneo, rassemblant tous les croiseurs lourds italiens, sauf le Gorizia, étaient à la mer, avec le cuirassé Vittorio Veneto portant la marque de l'amiral Iachino. Ils ont repéré, au sud de la Crète, et attaqué trois croiseurs légers de la classe Leander et le HMS Gloucester. Ceux-ci, aux ordres de l'amiral Pridham-Wippell, Commandant-en-second de la Mediterranean Fleet, se sont dérobés à la faveur d'une attaque des avions torpilleurs du portent-avions HMS Formidable. Après plusieurs autres attaques de l'aviation embarquée britannique, qui ont endommagé le cuirassé amiral italien et immobilisé le croiseur Pola, les trois croiseurs de la classe Zara de l'amiral Cattaneo furent les principales victimes de la bataille de Matapan[73].

Le 22 mai, lors de la bataille de Crète, le Fiji (en) et le HMS Gloucester furent coulés tous les deux par l'aviation allemande, alors qu'ils étaient près d'avoir épuisé leurs munitions contre-avions[72].

Une centaine de survivants du Bismarck ont été recueillis par le croiseur lourd britannique HMS Dorsetshire.

Du 23 au 27 mai, dans l'Atlantique Nord, les croiseurs de la classe County, HMS Norfolk et Suffolk ont repéré le Bismarck au nord-est de l'Islande et ont gardé le contact radar avec lui pendant vingt-quatre heures. Le grand croiseur léger HMS Sheffield de la classe Town faisait partie de l'escorte du porte-avions HMS Ark Royal de la Force H arrivant de Gibraltar qui a réussi à immobiliser le cuirassé allemand, et il a contribué à guider dans la tempête les avions-torpilleurs, lors de l'attaque décisive. Enfin le HMS Dorsetshire a participé à l'assaut final, en lançant plusieurs torpilles[74].

Peu après l'attaque de l'Union Soviétique par l'Allemagne, Philip Vian, dont les destroyers avaient harcelé le Bismarck, au cours de sa dernière nuit, et qui venait d'être nommé contre amiral, fin juin 1941, fut chargé d'assurer la liaison avec les autorités soviétiques, en particulier avec l'amiral Kusnetzov (en), Commissaire du Peuple à la Marine, pour établir les bases de la coopération entre les marines des deux pays, qui a abouti aux convois de Russie[75]. En septembre, en couvrant l'évacuation de la population civile norvégienne du Svalbard (opération Gauntlet), l'escadre du contre amiral Vian intercepta un convoi allemand, et le grand croiseur léger HMS Nigeria a éperonné et coulé le bâtiment allemand d'entrainement d'artillerie Bremse (en)[76].

La chasse aux raiders allemands, partis d'Allemagne au printemps 1940, continuait pour les croiseurs lourds britanniques, sur les routes commerciales lointaines dont ils avaient la charge d'assurer la sécurité. Le 7 mai 1941, le HMS Cornwall a coulé en mer d'Oman le Pinguin, qui, en dix mois, avait capturé ou coulé 28 navires marchands (soit 135 500 tonneaux). Le 22 novembre, dans l'Atlantique Sud, le HMS Devonshire a coulé l'Atlantis. Dans une croisière de plus de trente mois, qui lui avait fait faire le tour du monde, ce raider avait arraisonné 22 navires, soit un tonnage d'environ 145 000 tonneaux, et ses rescapés, dont son commandant, Bernhard Rogge, ont été recueillis par des sous-marins allemands et italiens et ont réussi à gagner Saint-Nazaire à la toute fin de 1941[77].

À partir de l'été 1941, en Méditerranée, les formations de la Luftwaffe, comme le X. Fliegerkorps, durent être redéployées vers les Balkans, laissant à la Regia Aeronautica italienne la charge du blocus de Malte. Les opérations de ravitaillement et de renforcement de l'île purent ainsi se dérouler en juillet (Opération Substance) et en septembre (Opération Halberd), malgré la sortie de forces de surface italiennes, deux cuirassés et quatre croiseurs lourds, qui ont été engagées avec circonspection[78].

Après que des sous-marins britanniques basés à La Valette, ont torpillé de grands transports de troupes, à destination de la Libye, une escadre, centrée sur deux croiseurs légers britanniques de la classe Arethusa, la Force K, a été basée à Malte, fin octobre. Dès le début novembre, la Force K détruisait le convoi du Duisbourg. Sur ordre exprès du Führer au vice amiral Dönitz, des sous-marins allemands, détournés de leur chasse aux navires de commerce dans l'Atlantique, ont coulé, pour l'U-81, le HMS Ark Royal en Méditerranée occidentale le 13 novembre, et l'U-331, le HMS Barham, le 25 novembre au large de la Cyrénaïque.

Une série d'opérations, rassemblées sous l'appellation de première bataille du Golfe de Syrte, ont opposé, à la mi-décembre 1941, des forces de surface italiennes, comprenant quatre cuirassés, les croiseurs lourds Gorizia (it) et Trento et quatre grands croiseurs légers à des forces britanniques, dont les unités les plus importantes étaient des croiseurs légers de la classe Leander, de la classe Arethusa, ou de la classe Dido, constituant la Force K, ou la 15e Division de Croiseurs, du contre amiral Vian, basée à Alexandrie. L'issue de ces rencontres, apparemment inégales, a été assez incertaine[79], et, d'ailleurs, les pertes subies par les Britanniques n'ont pas été infligées par les forces de surface, mais ont résulté d'attaques de sous-marins (pour le HMS Galatea, le 15 décembre) ou de mines (pour le HMS Neptune, le 19 décembre)[80].

Dans le même temps, des hommes-grenouilles italiens endommageaient gravement les HMS Queen Elizabeth et Valiant, le 19 décembre[80].

De décembre 1941 à août 1945

L'extension de la guerre dans le Pacifique conduit à traiter distinctement cette partie du conflit, où les tactiques et les doctrines d'emploi des navires ont pu être sensiblement différentes de ce qu'elles étaient dans l'Atlantique. On aura garde cependant d'oublier d'une part la concomitance de certains évènements, ainsi les convois de Malte en 1942 ont lieu au moment même des combats dans les Indes Orientales néerlandaises, ou des bataille de la Mer de Corail et de Midway, les batailles navales les plus violentes autour de Guadalcanal suivent de quelques jours le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, et le débarquement aux Îles Marianne suit de quinze jours celui de Normandie. Et il y a au-delà des coïncidences dans le temps, des relations en termes de stratégie, le repli de la Flotte britannique d'Orient vers l'Afrique Orientale et l'attaque de Madagascar sont intimement liés à la sécurité du renforcement de la VIIIe Armée britannique qui va arrêter la progression de Rommel à la première bataille d'El-Alamein.

Mais il faut auparavant dire quelques mots des grands croiseurs construits pendant la guerre, et qui achèvent des évolutions entamées dans l'immédiat avant-guerre.

Les nouveaux grands croiseurs américains pendant la guerre

Le Royaume-Uni a mis en construction, simultanément à la classe Fiji (en), une série de seize croiseurs légers anti-aériens, la classe Dido. D'un déplacement de moins de 6 000 tonnes, ils devaient porter cinq tourelles doubles de 5,25 pouces (133,35 mm) à double usage, du modèle de celles installées comme artillerie secondaire sur les cuirassés de la classe King George V[81]. Compte tenu de la disponibilité de ces matériels, trois unités n'en reçurent que quatre, et deux autres n'eurent que des pièces de 114 mm (4,5 pouces)[82]. Les États-Unis ont suivi la même voie, avec la classe Atlanta, dont les premières unités ont été « commissionnées » de fin décembre 1941 à février 1942. Ces croiseurs légers, déplaçant 6 000 tonnes, portaient, pour les quatre premiers, huit tourelles doubles de 127 mm, à double usage[83]. Mais ils souffraient de n'avoir que deux postes de direction de tir contre-avions. Conçus comme conducteurs de flottilles de destroyers, et donc dotés de tubes lance-torpilles, qui n'avaient plus été portés par des croiseurs américains depuis la classe Pensacola, ils avaient une vitesse maximale opérationnelle de 33 nœuds, un peu faible pour une telle mission[84].

La classe Cleveland
Le grand croiseur léger USS Cleveland

L'U.S. Navy mit ensuite en construction une très nombreuse série de trente-neuf grands croiseurs légers, dont trois auront été annulés, et neuf transformés pendant la construction en porte-avions légers, la classe Independence. La classe Cleveland différait de la classe Brooklyn en ce qu'elle n'avait que quatre tourelles triples de 152 mm au lieu de cinq, mais une artillerie secondaire renforcée de douze pièces de 127 mm à double usage, du même modèle que sur l'USS Wichita, mais en tourelles doubles, comme cela avait été fait sur les deux dernières unités de la classe Brooklyn, les USS St. Louis et Helena. La Défense Contre-Avions à courte portée comprenait de 8 à 28 pièces Bofors de 40 mm[85] et de 10 à 21 pièces Oerlikon de 20 mm[86]. Le blindage avait une épaisseur de 127 mm en ceinture, 76 mm sur le pont principal et 25 mm sur le pont inférieur. Les machines, développant 100 000 ch assuraient une vitesse maximale de 33 nœuds[84],[87]. L'efficacité de ces croiseurs de 10 000 tonnes a tenu à la grande cadence de tir de leur artillerie principale, 8 à 10 coups par minute, conjuguée à leurs quatre postes de contrôle de tir à double usage, mettant en œuvre le système MK 37 GFCS (en) couplé avec les radars. Au moment de Pearl Harbor, quatre unités étaient en service.

La classe Baltimore
Le croiseur lourd USS Baltimore

La série de seize croiseurs armés de canons de 203 mm, la classe Baltimore, dont les coques ont été lancées de juillet 1942 à août 1944, était la première à s'affranchir, dans la Marine des États-Unis, des limites de déplacement des traités de désarmement naval, avec un déplacement normal de 13 700 tonnes. Les dimensions de coque étaient un peu supérieures à celles des classes précédentes (longueur : 205 m, largeur : 21,59 m). Les canons de 203 mm/55 Mk 12[88], qui avaient déjà été installés sur les dernières unités de la classe New Orleans et l'USS Wichita, pesaient deux fois moins que ceux des premiers croiseurs lourds des années 1930 (17,45 t au lieu de 30,48 t), mais ils étaient montés sur des berceaux indépendants dans chaque tourelle, donc avec un entraxe entre les pièces plus important (1,70 m au lieu de 1,17 m), et avec une vitesse initiale réduite (762 m/s ou 823 m/s[Note 10], au lieu de 914 m/s ou 853 m/s[Note 11]) , d'où il résultait une dispersion inférieure pour les tirs en salves. Ils pouvaient tirer des obus beaucoup plus lourds de 152 kg, au lieu de 118 kg. L'artillerie secondaire de 127 mm était identique à celle de la classe Cleveland, mais la Défense Contre-Avions rapprochée était beaucoup plus considérable avec 48 pièces de 40 mm, principalement en affûts quadruples, et 22 à 28 pièces de 20 mm. La ceinture blindée atteignait 152 mm d'épaisseur. Les machines développaient 120 000 ch et assuraient une vitesse maximale de 33 nœuds[89]. Pour leur construction, ils ne bénéficièrent pas de la même priorité que la classe Cleveland. Douze unités auront été lancées avant la capitulation japonaise, mais huit seulement auront été en service pendant la Seconde Guerre mondiale.

La classe Alaska
Le grand croiseur USS Alaska

La série suivante de grands croiseurs américains était d'un type très particulier, puisqu'il s'agissait de bâtiments déplaçant environ 30 000 tonnes, armés de neuf canons de 305 mm et de douze canons de 127 mm, portant une ceinture blindée atteignant 203 mm d'épaisseur, et dont les machines développant 150 000 ch donnaient une vitesse maximale de 33 nœuds. Ils faisaient beaucoup penser à une sorte de croiseurs de bataille, mais la position officielle est qu'ils étaient une extrapolation de la classe Baltimore, destinée à la protection des porte-avions. Deux unités de cette classe Alaska furent mises en service en 1944, la troisième était inachevée à la fin de la guerre et ne fut jamais terminée, les trois dernières furent annulées[90].

De 1942 à 1944, les quatre premières unités de la classe Oakland (en), croiseurs légers anti-aériens, sous-classe de la classe Atlanta ont été lancées. Pour corriger les défauts évoqués plus haut, le nombre des canons de 127 mm a été réduit de seize à douze, tout en ajoutant des postes de contrôle de tir, couplés avec des radars et dédiés aux canons antiaériens de 40 mm, dont le nombre était augmenté. L'U.S. Navy avait ensuite le projet de deux classes de croiseurs, basés sur les classes Cleveland et Baltimore, qui n'en différait que par le fait de n'avoir qu'une cheminée, pour disposer d'arcs de tir plus importants pour l'artillerie anti-aérienne. Mais les classes Fargo et Oregon City, initialement prévues pour treize et huit unités, n'eurent respectivement que deux et quatre unités achevées, et aucune pendant la guerre[90].

Du côté de la Royal Navy, les constructions de grands croiseurs se sont limitées à huit coques, la classe Minotaur, pour des croiseurs correspondants à une continuation de la classe Fiji (en). Mais à partir de 1942, ces constructions n'ont plus eu priorité, et trois bâtiments seulement ont été achevés avant la fin de 1945. Le HMS Minotaur, cédé à la Marine Royale canadienne en 1944, sous le nom d'Ontario, n'a pas eu d'activité opérationnelle pendant la guerre, le HMS Swiftsure participa à la campagne d'Okinawa au printemps 1945, et le HMS Superb n'a été « commissionné » qu'en novembre 1945. Deux unités ont eu leur contrat de construction annulé à la fin de la guerre[91]. Trois unités ont constitué la classe Tiger dont la mise en service comme croiseurs anti-aériens n'intervint qu'au milieu des années 1950[92]. Les projets de croiseurs ayant un déplacement de 15 700 tonnes (près de 19 000 tonnes à pleine charge), armés de quatre tourelles triples de 152 mm, ou de cinq tourelles doubles de 152 mm à double usage, à tir rapide, n'auront jamais connu d'autre réalisation que la mise en place d'une artillerie de ce type, sur ce qui sera la classe Tiger[93].

Du côté des puissances de l'Axe, la priorité pour l'Allemagne est allée aux sous-marins et pour le Japon, aux porte-avions, de sorte qu'il n'y a eu aucune construction de grands croiseurs, mais seulement l'achèvement de quatre unités d'une série prévue de douze petits croiseurs, la classe Capitani Romani[94], pour l'Italie. En France, la coque du croiseur De Grasse restée inachevée à Lorient de 1940 à 1944 a permis la construction d'un croiseur anti-aérien à la fin des années 1950.

1941-1942 - De Pearl Harbor à Midway

Dans le Pacifique, les croiseurs lourds, tant britanniques ou américains que japonais, ont occupé une place de premier plan, parce que du côté allié, les cuirassés manquaient, perdus à Pearl-Harbor, ou en Mer de Chine Méridionale, tandis que l'État-Major de la Flotte combinée japonaise gardait ses cuirassés en réserve pour la « bataille décisive ». Lors de l'attaque de Pearl Harbor, l'USS Honolulu fut endommagé, et l'USS Phoenix s'en sortit indemne[95]. Dès que la Flotte du Pacifique américaine conduisit ses premières attaques contre des positions japonaises, fin janvier-début février 1942[96], les croiseurs lourds effectuèrent des bombardements côtiers, comme l'USS Salt Lake City, contre les Îles Marshall [97]. Mais l'épicentre des combats s'est bientôt situé dans les eaux des Indes orientales néerlandaises dont la Marine Impériale japonaise appuyait l'invasion après celle des Philippines, de la Malaisie, des Célèbes et de Bornéo, et des croiseurs lourds vont s'y retrouver en première ligne.

Aux Indes Orientales néerlandaises

Le Commandement Américain-Britannique-Hollandais-Australien, connu par son acronyme en langue anglaise ABDACOM, disposait comme force navale d'une escadre hétéroclite, autour de trois croiseurs légers néerlandais aux ordres de l'amiral Doorman, des croiseurs lourds HMS Exeter et USS Houston, des croiseurs légers HMAS Perth australien et USS Marblehead, avec une dizaine de destroyers néerlandais, britanniques et américains.

Le croiseur néerlandais De Ruyter, sur lequel l'amiral Doorman avait sa marque, quelques jours avant sa perte en Mer de Java, dans les derniers jours de février 1942

Pour avoir vainement tenté d'arrêter un convoi de troupes japonaises, le 4 février 1942, dans le Détroit de Macassar, l'escadre de l'amiral Doorman fut attaquée par 37 bombardiers bimoteurs de la 11e Flotte Aérienne japonaise partis d'aérodromes des Célèbes[97]. Ils ont détruit la tourelle arrière de 203 mm du USS Houston, et endommagé le croiseur léger USS Marblehead[95] l'obligeant à se replier sur Ceylan, puis Durban, pour finalement gagner New-York et y être réparé. Une seconde tentative d'arrêter les Japonais aboutit, dans la nuit du 19 au 20 février 1942, au combat du détroit de Badung, où cette fois ce fut le croiseur léger néerlandais Tromp, très endommagé par des destroyers japonais, qui dut quitter l'escadre pour se faire réparer en Australie.

La bataille décisive a eu lieu le 27-28 février 1942, dans la mer de Java. L'escadre de l'amiral Doorman, après avoir reçu le renfort des croiseurs lourds HMS Exeter et USS Houston, allait affronter, cette fois, des navires des 4e, 5e, et 7e Divisions de Croiseurs japonais, soit respectivement des croiseurs lourds des classes Takao, Myōkō, et Mogami. Tous ces navires étaient supérieurs, avec 10 canons de 203 mm aux croiseurs lourds alliés qui ne pouvaient alors en aligner que six. Dans l'après-midi du 27 février, le HMS Exeter a été touché, et incendié, par le Nachi. Protégé par deux destroyers britannique, dont l'un a été coulé, le petit croiseur lourd britannique subit l'attaque de croiseurs légers mais reussit à rejoindre Surabaya. Plus tard dans la nuit, les deux croiseurs néerlandais restants, De Ruyter, qui portait la marque de l'amiral Doorman, et Java, ont été torpillés et coulés, avec plus de 800 morts, à quelques minutes d'intervalle, par les croiseurs lourds Nachi et Haguro, aux ordres du vice amiral Takeo Takagi[98].

Le lendemain, les deux croiseurs Ashigara et Haguro, retrouvèrent le HMS Exeter qui faisait route vers l'Inde, et le coulèrent, avec son escorte, tandis que les croiseurs USS Houston, et HMAS Perth, après avoir attaqué un convoi de troupes japonaises qui se dirigeait vers Bali, ont été coulés, dans le détroit de la Sonde[98] par les croiseurs Mogami et Mikuma, aux ordres du contre amiral Kurita. Les destroyers américains, quant à eux, réussirent à passer le détroit de Bali et à gagner Freemantle, en Australie[98].

Dans l'océan Indien
Le HMS Cornwall coule, frappé par l'aviation embarquée japonaise, le 5 avril 1942, au sud-ouest de Ceylan

La disparition de l'escadre de l'ABDACOM permettait à l'escadre de porte-avions de l'amiral Chūichi Nagumo, qui, à la mi-février, avait détruit les installations portuaires de Port Darwin, d'aller appuyer l'invasion japonaise de la Birmanie (Rangoun sera occupée le 8 mars), et d'attaquer la Flotte britannique d'Orient (Eastern Fleet). Basée sur Ceylan, comprenant quatre cuirassés anciens dont le HMS Warspite, le petit porte-avions ancien HMS Hermes, et plusieurs croiseurs lourds, elle venait d'être renforcée des porte-avions HMS Indomitable (qui aurait dû accompagner les cuirassés HMS Prince of Wales et Repulse fin novembre 1941), et HMS Formidable, sur lequel était arrivé le nouveau commandant de la Flotte, le vice amiral Somerville. Mais comme la qualité et le nombre de avions de l'aviation embarquée britannique n'aurait pas permis d'affronter les porte-avions qui avaient été victorieux à Pearl Harbor, l'amiral britannique, après avoir envisagé une attaque nocturne contre les porte-avions japonais, prit le parti de quitter ses bases de Ceylan pour l'atoll d'Addu à 800 km au sud-ouest de Ceylan dans les Maldives[99]. L'attaque de l'aéronavale japonaise, le 5 avril 1942, sur Colombo, trouva donc une rade presque vide. Mais un hydravion de reconnaissance du croiseur japonais Tone[98] a repéré les croiseurs lourds HMS Cornwall et HMS Dorsetshire à 320 km au sud-ouest de Ceylan. Attaqués par l'aviation embarquée japonaise, ils ont été coulés[100].

Le croiseur lourd japonais Mikuma sur le point de sombrer, le 6 juin 1942

Les Britanniques ne parvenant pas à localiser les porte-avions japonais, l'amiral Somerville rappela le porte-avions HMS Hermes, qui était en réparations à Trinquemalay quand l'aviation japonaise vint bombarder cette base le 9 avril. Un avion de reconnaissance du cuirassé rapide Haruna a repéré le porte-avions à la mer, et les avions embarqués japonais l'ont coulé[100].

Tandis que les porte-avions lourds japonais quittaient l'Océan Indien, pour aller couvrir l'avancée japonaise vers la Nouvelle-Guinée et l'Australie, la Flotte britannique d'Orient est revenue à Bombay, d'où elle pouvait contrôler la mer d'Oman, puis elle s'est préparée à prendre pied à Madagascar, début mai, pour assurer la sécurité du ravitaillement de la VIIIe Armée qui combattait en Afrique du Nord et dont l'essentiel de la logistique passait par la route du Cap, le canal de Mozambique et la Mer Rouge[101].

La mer de Corail et Midway

À la bataille de la mer de Corail, début mai 1942, où les Américains ont réussi, au prix de la perte du grand porte-avions Lexington à arrêter l'attaque japonaise sur Port Moresby, les porte-avions ont eu le premier rôle, et les croiseurs lourds, de part et d'autre, ne sont pas parvenus à portée de leurs similaires. À la bataille de Midway, début juin 1942, bien qu'il y eût sept croiseurs lourds dans les escadres japonaises, et huit dans les escadres américaines[102], il en a été de même. Mais les deux croiseurs Mogami et Mikuma, qui escortaient les transports de troupes destinés à occuper l'île de Midway, se sont abordés et en ont été fortement ralentis. Tandis qu'ils s'efforçaient de gagner l'île de Wake, ils ont été attaqués, le 6 juin, par les avions des USS Enterprise, et Hornet, le Mogami a été très endommagé et le Mikuma a été coulé[103], devenant le premier croiseur lourd japonais perdu.

1942-1943 - Guadalcanal et les Îles Salomon

Carte de la région des Îles Salomon

Rabaul, sur l'île de Nouvelle-Bretagne, et capitale du territoire de la Nouvelle-Guinée orientale, ancienne colonie allemande rattachée à l'Australie après la Première Guerre Mondiale, a été conquise par les Japonais, dès la fin du mois de janvier 1942. Au début du mois de mai, à l'occasion de leur avancée avortée vers Port Moresby, sur la côte sud-est de la Nouvelle-Guinée, ils ont débarqué à Guadalcanal et sur l'île Florida, qui faisaient partie d'un protectorat britannique sur les Îles Salomon institué dans les années 1890. Après la bataille de Midway, sur la foi de renseignements relatifs à l'installation d'une base d'hydravions à Tulagi, sur l'île Florida, et à la construction d'un terrain d'aviation à côté de Lunga Point sur Guadalcanal, qui constituaient autant de menaces pour la liaison Hawaï-Australie, l'amiral King, Commandant-en-Chef de la Flotte des États-Unis, a obtenu, non sans difficultés, en ces temps où le maître-mot de la stratégie interalliée était « Germany first », de monter une opération dans le secteur des Îles Salomon, pourvu qu'elle fût menée avec les seuls moyens disponibles de l'U.S. Navy et du Corps des Marines. Le 7 août, les Marines ont débarqué sur la côte nord de Guadalcanal et à Tulagi, où les combats ont été violents, sous la protection de l'USS Wasp pour Tulagi, et des USS Enterprise et Saratoga, pour Guadalcanal[104].

La bataille de l'île de Savo
Éclairé par les projecteurs des navires japonais, le croiser lourd américain USS Quincy est en train de couler

L'amiral Mikawa, Commandant de la 8e Flotte, basée à Rabaul, qui avait sa marque sur le croiseur lourd Chōkai a, dans la nuit du 9 août 1942, conduit les quatre croiseurs lourds des classes Furutaka et Aoba, qui constituaient la 6e Division de Croiseurs, à l'attaque des bâtiments qui couvraient les opérations de débarquement du côté américain, autour de l'île de Savo. Ce fut une victoire japonaise éclatante : en une demi-heure, les croiseurs lourds HMAS Canberra et USS Astoria, Quincy et Vincennes ont été coulés, et l' USS Chicago, torpillé, l'avant emporté, au prix de quelques impacts sur le Chōkai. Mais ce fut une victoire incomplète, car dans la crainte d'une attaque aérienne de l'aviation embarquée américaine, l'amiral japonais est reparti dans la nuit, sans attaquer les navires de charge. Or l'amiral Fletcher, dans la crainte d'une attaque de l'aéronavale japonaise, avait déjà retiré l'USS Enterprise du secteur[105]. Sur la route du retour, cependant, le Kako a été coulé par le sous-marin S-44 (en) à proximité de Kavieng[106].

À Guadalcanal, la mise en service, vers le 20 août, du terrain d'aviation qui prit le nom du major Henderson, qui, à Midway, avait précipité son avion endommagé sur le porte-avions Hiryū, a contribué à donner aux Américains la supériorité aérienne de jour. Les Japonais ont été contraints de procéder à des bombardements côtiers nocturnes avec des croiseurs, et pour ravitailler et renforcer leurs troupes, à effectuer des débarquements, également nocturnes, sous la protection de destroyers, le plus souvent aux ordres du contre amiral Tanaka, puis à se replier avant le jour, ce que la presse américaine a appelé le Tokyo Express[107].

L'USS Wasp, en flammes après avoir été torpillé, le 15 septembre 1942

L'U.S. Navy a continué d'engager ses Task Forces de porte-avions pour assurer sa supériorité aérienne dans le secteur, et il en est résulté une bataille importante, impliquant les porte-avions lourds, la Bataille des Salomon orientales, du 23 au 25 août 1942[108], qui a empêché les Japonais de procéder à un renforcement de leurs troupes sur l'île de Guadalcanal. Le 12 septembre, l'attaque japonaise à terre a échoué. Mais pour les navires américains, le danger ne vint pas que du ciel. Le 15 septembre, le cuirassé USS North Carolina et le porte-avions USS Wasp ont été torpillés par le sous-marin I-19, le porte-avions a pris feu et a dû être abandonné[109].

La bataille du cap Espérance
L'USS Boise, de la classe Brooklyn, arrive aux États-Unis pour se faire réparer, sa tourelle no 1 de 152 mm bloquée sur la droite, par un obus japonais de 203 mm, reçu à la bataille du Cap Espérance

Dans la nuit du 11-12 octobre 1942, deux convois se dirigeaient vers Guadalcanal, l'un japonais, venant de Rabaul, escorté des trois croiseurs lourds restants de la 6e Division de Croiseurs, aux ordres de l'amiral Gotō, l'autre américain, venant de Nouméa, escorté des croiseurs lourds USS Salt Lake City et San Francisco et des grands croiseurs légers USS Boise et Helena, aux ordres du contre amiral Scott. Au large du cap Espérance, a l'extrémité nord-ouest de Guadalcanal, l'escadre américaine, prévenue par des avions de reconnaissance, a repéré au radar l'escadre japonaise, et lui a « barré le T ». L'amiral Goto, après avoir donné l'ordre de faire demi-tour, a été tué, dès le début de l'engagement, sur la passerelle de l'Aoba par le feu du croiseur USS Helena. Le Furutaka, aux prises avec des destroyers américains, a été sérieusement endommagé par une torpille qui a noyé sa salle de machines avant, tandis que le Kinugasa engageait l'USS Salt Lake City et endommageait l'USS Boise. Le Furutaka a coulé dans la nuit, mais le reste de l'escadre japonaise s'est retiré, tandis que les deux convois ont débarqué leurs troupes[110],[111]. , Deux jours plus tard, les cuirassés rapides japonais Kongō et Haruna, aux ordres du vice-amiral Kurita, ont longuement bombardé Henderson Field, puis le lendemain, ce furent le Chokai et le Kinugasa, le Myōkō, et le Maya[112]. À ce moment, les effectifs américains et japonais sur Guadalcanal, étaient à peu près équivalents avec un peu plus de 20 000 hommes de part et d'autre[113]. Une offensive japonaise majeure contre Henderson Field, lancée le 23 octobre a échoué, après trois jours de combats[112].

Le vice amiral Halsey, nommé depuis quelques jours Commandant-en-Chef pour le Pacifique Sud, a donné l'ordre, de son P.C. de Nouméa, de lancer les porte-avions américains à l'attaque. Le 25-26 octobre, la 5e Division de Porte-avions, le Shōkaku et le Zuikaku, aux ordres de l'amiral Nagumo, a dû affronter, au cours de la bataille des îles Santa Cruz, qui s'est déroulée « au-delà de l'horizon », les USS Enterprise et Hornet. L'artillerie contre-avions du cuirassé USS South Dakota y a efficacement protégé l'USS Enterprise, tandis que l'USS Hornet y a été coulé[114],[115]. Mais ce succès tactique japonais a été acquis au prix de lourdes pertes pour les pilotes de l'aviation embarquée japonaise[109]'[116].

Les batailles navales de Guadalcanal
L'USS Atlanta, le 25 octobre 1942, vingt jours avant sa destruction

Dans la nuit du 12 novembre 1942, ce sont cette fois deux cuirassés rapides japonais, le Hiei, qui porte la marque du vice amiral Abe, et le Kirishima, qui sont envoyés, accompagnés d'un croiseur léger et de onze destroyers, pour bombarder Henderson Field. Averti, le contre amiral Turner, Commandant de la Force Amphibie du Pacifique Sud, a emmené les navires de transport américains se mettre à l'abri à Espiritu Santo, aux Nouvelles-Hébrides, dès le 12 novembre au soir. À h 30, le 13, l'escadre japonaise a rencontré, entre Guadalcanal et l'île de Savo, dans « le détroit au fond de ferraille » (Ironbottom Sound), tant sont nombreuses les épaves de navires et d'avions qui y avaient coulé au cours des mois précédents, les croiseurs USS Atlanta, San Francisco, Portland, Helena, et Juneau avec huit destroyers[117].

Le croiseur lourd Takao et le cuirassé Kirishima, en route pour Guadalcanal, le 14 novembre 1942 (photo prise du croiseur Atago, navire amiral)

S'est alors engagée une mêlée confuse dans la nuit, où les tirs fratricides ont été fréquents, et au cours de laquelle ont été tués les contre amiraux Scott et Callaghan sur la passerelle des USS Atlanta, et San Francisco respectivement. Il en résulta une hécatombe de bâtiments légers, quatre destroyers américains et deux destroyers japonais, les croiseurs légers USS Atlanta, et Juneau désemparés[118]. Mais au début du combat, l'emploi par les cuirassés japonais d'obus explosifs, destinés au bombardement d'Henderson Field, explique sans doute que les croiseurs lourds américains, USS San Francisco et Portland, quoique touchés à maintes reprises, n'aient pas été coulés. Le Hiei, dont la cuirasse de ceinture n'avait que 203 mm d'épaisseur, a, quant à lui, beaucoup souffert. Vers h 30, le combat cessa et le vice-amiral Abe, qui ne s'était pas rendu compte que, face à lui, seul l'USS Helena était encore en état de combattre, s'est retiré sans bombarder Henderson Field, ni faire débarquer de troupes[119].

Le cuirassé USS Washington tire sur le Kirishima à 8 000 mètres, on remarque l'élévation très faible des canons de 406 mm

Le Hiei, que les Japonais avaient en vain tenté de remorquer, fut attaqué le lendemain par l'aviation d'Henderson Field et l'aviation embarquée de l'USS Enterprise, il a fini par couler dans la soirée, comme d'ailleurs l'USS Atlanta, et l'USS Juneau torpillé par le sous-marin japonais I.26[120], qui le fit exploser[119]. Dans le même temps, la Task Force 64, aux ordres du vice amiral Lee, constituée autour des deux cuirassés modernes disponibles sur zone, les USS Washington et South Dakota accompagnés de quatre destroyers, a été dépêchée vers Guadalcanal[121]. Dans la soirée du 13 novembre, le vice-amiral Mikawa arriva de Rabaul avec les croiseurs lourds Chōkai, Kinugasa, Maya, Suzuya ce dernier portant la marque du vice-amiral Nishimura ainsi que deux croiseurs légers. Le Maya, et le Suzuya sont allés bombarder Henderson Field, sans encombre, car les deux cuirassés américains étaient encore à 350 nautiques au sud de Guadalcanal[121]. L'escadre fut attaquée sur le chemin du retour par l'aviation de l'USS Enterprise qui a coulé le Kinugasa, gravement endommagé le Maya, et envoyé par le fond sept des onze navires de transport du convoi prévu pour débarquer à Guadalcanal[122]

L'amiral Yamamoto ayant relevé de son commandement le vice amiral Abe, et désigné le vice amiral Kondō pour retourner à l'attaque, le 14 novembre, celui-ci rallia le Kirishima avec deux croiseurs lourds, l'Atago, sur lequel flottait sa marque, et le Takao, deux croiseurs légers et neuf destroyers. Les marins japonais qui ne disposaient pas de radar, avaient en revanche un grand entrainement au combat de nuit. Les navires américains, parvenus à proximité de l'île de Savo, ouvrent le feu vers 23 h 15, sur les deux croiseurs légers japonais Sendai et Nagara[123], et le combat s'est engagé entre les destroyers, où les Japonais ont eu l'avantage de leur expérience au combat de nuit et la supériorité de leurs torpilles Longues Lances[124]. Les deux cuirassés et les deux croiseurs lourds japonais ont accablé alors l'USS South Dakota, quasi paralysé par une perte de puissance de son système électrique. Mais l'USS Washington, qui n'avait pas été repéré, et maîtrisait bien la nouvelle technologie du radar, a scellé le sort du Kirishima, en neuf coups de 406 mm, tirés de 8 000 mètres, en quelque sept minutes[124]. L'amiral Kondo s'est replié aussitôt vers le nord, avec ses croiseurs lourds, laissant les bâtiments légers recueillir les survivants, tandis que les cuirassés américains se retiraient vers le sud. Les quatre navires de transport restant du convoi qui accompagnait les cuirassés japonais se sont jetés à la côte, où ils ont été détruits le lendemain[124].

La bataille de Tassafaronga
L'USS Minneapolis rentre à Pearl Harbour sans sa proue qui a été détruite à la bataille de Tassafaronga

La Marine Impériale japonaise a renoncé dès lors à bombarder les positions américaines de Guadalcanal, et pour ravitailler en armes les troupes japonaises, elle n'a plus eu recours qu'à des destroyers, et non à des convois de navires de transport[125]. De leur côté, ne pouvant affecter leurs cuirassés modernes en permanence à Guadalcanal, les Américains ont constitué une Task Force (TF. 67) de cinq croiseurs, USS Minneapolis, New Orleans, Pensacola, Honolulu et Northampton. Aux ordres du contre amiral Wright, cette escadre a rencontré, au large de Lunga Point, dans la bataille de Tassafaronga, le 30 novembre 1942, huit destroyers emmenés par le contre amiral Tanaka, effectuant la première mission du « Tokyo Express » dans sa nouvelle formule. Un destroyer japonais fut coulé, mais les autres bâtiments avant de se dérober lancèrent une gerbe de torpilles « Longues Lances » : l'USS Northampton a été coulé et trois croiseurs ont été gravement avariés. Ce fut une plus cinglantes défaites de l'US Navy dans le Pacifique[126].

L'USS Chicago, bas sur l'eau après avoir été torpillé au large de l'île de Rennel, dans la nuit du 29 au 30 janvier 1943, sera achevé le 30, par de nouvelles attaques aériennes japonaises
Les batailles de l'île de Rennel, du golfe de Kula, et de Kolombangara

À Guadalcanal, où l'Armée de Terre avait pu relever les Marines, les effectifs de troupes américaines ont atteint 50 000 hommes[127], soit le double environ de ceux des Japonais, aussi ceux-ci ont-ils décidé, début janvier, de se replier, et d'établir leur ligne de défense sur la Nouvelle-Géorgie, à 150 nautiques au nord-ouest de Guadalcanal. L'évacuation a été achevée début février après qu'à la bataille de l'île de Rennell, le 29-30 janvier 1943, l'USS Chicago a été coulé, torpillé par l'aéronavale japonaise, alors qu'il avait échappé à la destruction à la bataille de l'île de Savo[125].

À la bataille du Golfe de Kula, les tirs de l'USS Helena ont permis aux destroyers japonais de régler le lancement des torpilles qui l'ont coulé

Les combats vont se poursuivre toute l'année 1943, pour le contrôle de la Nouvelle-Guinée, qui est l'objectif des forces australiennes et américaines commandées par le général MacArthur, et celui de la mer des Salomon, à la charge de la Flotte du Pacifique, aux ordres de l'amiral Nimitz[128]. À partir de l'été 1942 et pendant les batailles de la campagne de Guadalcanal, jusqu'en février 1943, des combats terrestres avaient eu lieu dans la partie orientale de la Papouasie, sur la piste de Kokoda, dans le secteur de la baie de Milne et autour de Buna-Gona[125]. On notera que le taux de pertes de ces combats a été trois fois supérieur à celui des combats de Guadalcanal.

Mais les Américains vont devoir consacrer aussi des moyens, dans le secteur du Pacifique Nord, à la reconquête des îles Kiska et Attu, au sud-ouest de l'Alaska, qui avaient été occupées par une opération de diversion, au moment de la bataille de Midway. Près des îles du Commandeur, dans la matinée du 26 mars 1943 (date du fuseau horaire d'Honolulu) ou du 27 (heure locale), l'escadre du contre amiral McMorris, les croiseurs USS Richmond (navire amiral) et Salt Lake City, avec quatre destroyers, rencontra un groupe de deux transports rapides japonais, escorté de deux croiseurs lourds, le Nachi, portant la marque du vice-amiral Hosogaya, et le Maya et de quatre destroyers . Un long duel d'artillerie s'est conclu par la retraite de l'escadre japonaise, qui n'avait pas conscience des dommages qu'elle avait causés à l'USS Salt Lake City. Attu sera reconquise fin mai, et Kiska, évacuée fin juillet par les Japonais, sera réoccupée début août[129].

En mer des Salomon, des attaques massives de l'aviation navale japonaise eurent lieu, en avril 1943, depuis Rabaul, sur Guadalcanal, Port Moresby, la baie d'Oro (devant Buna) et la baie de Milne, sans grande efficacité. Le 18 avril, l'avion de l'amiral Yamamoto fut intercepté par des Lockheed P-38 Lightning, qui l'abattirent. À la tête de la Flotte combinée, l'amiral Koga a succédé à l'amiral Yamamoto[129].

Le croiseur USS St. Louis, en réparations à Tulagi des dégâts subis devant Kolombangara

En juin, commença l'attaque de l'île de Nouvelle-Géorgie[129]. Dans le golfe de Kula, dans la nuit du 5 au 6 juillet, l'escadre du vice-amiral Ainsworth (USS Honolulu, Helena, St. Louis et quatre destroyers), rentrant d'un bombardement côtier de la Nouvelle-Géorgie, rencontra dix destroyers aux ordres du contre-amiral Akiyama. L'amiral japonais fut tué par le feu de l'USS Helena, mais en se réglant sur la lumière des départs des coups du croiseur, les destroyers japonais l'ont torpillé et coulé, et les Japonais ont fait passer leur convoi[130],[131]. Le 12 juillet, l'escadre de l'amiral Ainsworth, où le HMNZS Leander avait remplacé l'USS Helena, a rencontré devant Kolombangara l'escadre du contre amiral Izaki, sur le croiseur léger Jintsu, qui conduisait cinq destroyers. Les croiseurs américains ont coulé le Jintsu, l'amiral japonais a été tué. Mais les torpilles des destroyers japonais ont endommagé les croiseurs américains et néo-zélandais[132],[133].

Vue de la bataille de la baie de l'Impératrice Augusta, depuis le croiseur USS Columbia (CL-56) de la classe Cleveland

Après la Nouvelle-Géorgie, le débarquement sur l'île de Vella Lavella, en août, provoqua une rencontre entre destroyers[133], mais pendant l'été 1943, les croiseurs lourds japonais de la classe Takao (la 4e Division de Croiseurs), de la classe Myōkō (la 5e Division de Croiseurs), de la classe Mogami (la 7e Division de Croiseurs), ou de la classe Tone (la 8e Division de croiseurs) vont couvrir, parfois avec le soutien de cuirassés ou de porte-avions, des transports de troupes entre le Japon et Rabaul. Avec le débarquement sur Bougainville, en novembre, l'escadre du contre amiral Omori, avec les croiseurs lourds Myōkō et Haguro et les croiseurs légers Agano et Sendai et six destroyers, est sortie de Rabaul pour attaquer les transports qui avaient permis aux Marines de débarquer dans la baie de l'Impératrice Augusta. Sous les ordres du contre amiral Merrill quatre grands croiseurs légers de la classe Cleveland et huit destroyers de la Division de Destroyers 23 du captain Arleigh Burke surnommé « 31 nœuds »[134], ont intercepté, dans la nuit du 2 novembre l'escadre japonaise, qui a perdu le Sendai et un destroyer[135],[133].

L'amiral Koga a alors transféré de Truk à Rabaul sept croiseurs lourds (les quatre unités de la 4e Division de Croiseurs et les Suzuya, Mogami et Chikuma) en vue d'une attaque massive sur la baie de l'Impératrice Augusta. L'amiral Halsey ne disposait pas d'une force de « navires porte-canons » capable d'y faire face, les cuirassés ayant été envoyés dans le Pacifique central, pour l'offensive que l'US Navy commençait à y mener. Il a alors lancé, contre Rabaul, des raids de l'aviation embarquée, le premier le 5 novembre, de 97 avions depuis les USS Saratoga et Princeton (le Task Group 50.4 du contre amiral Sherman)[136], qui a endommagé les croiseurs lourds Atago, Takao, Maya et Mogami, puis un second raid, six jours plus tard, enfin un troisième, deux fois plus important, depuis les USS Essex, Bunker Hill et Independence, mais la Marine Impériale japonaise avait déjà presque totalement déserté Rabaul, qui n'aura plus eu ensuite de rôle offensif[135].

Plutôt qu'un assaut direct sur Rabaul, les Américains ont eu une tactique d'encerclement, avec des troupes de MacArthur débarquant au cap Gloucester, à la pointe ouest de la Nouvelle-Bretagne, en décembre 1943, en poussant jusqu'aux îles de l'Amirauté, en mer de Bismarck, en février 1944, et avec Halsey, aux îles Green, au nord de Bougainville[135]. Après dix-huit mois de combats, la campagne des Salomon s'achevait par une victoire américaine.

1942-1943 - En Méditerranée et dans l'Arctique

Les convois de Malte

La fin de l'année 1941 a été funeste, on l'a vu, pour les forces de surface de la Flotte britannique de Méditerranée, laissant à la seule R.A.F. la charge de de disputer à la flotte italienne le contrôle de la Méditerranée centrale. Avec le retour en Sicile à la mi-décembre, du II. Fliegerkorps, le résultat ne se fit pas attendre : alors qu'en décembre 40 000 tonnes de matériel et d'essence avaient été acheminées en Libye, ce furent, de janvier à mars, 110 000 tonnes de matériel et 63 000 d'essence, et en avril-mai 246 000 tonnes de matériel et 66 000 tonnes d'essence, et dès la mi-janvier les forces de l'Axe contre-attaquaient en Cyrénaïque[137].

Jusqu'en février, le ravitaillement de Malte depuis Alexandrie fut plus ou moins bien assuré par des convois de quelques navires qu'escortaient des destroyers ou les croiseurs légers de l'amiral Vian, bénéficiant de la couverture de l'aviation britannique basée sur les terrains de la Cyrénaïque[138]. Mais la situation de Malte empira avec la progression des forces italo-allemandes qui ont pris Bengazhi, et sont parvenues à Gazala, le 4 février, et les terrains d'aviation de Cyrénaïque sont alors aux mains des Allemands : les convois de Malte depuis Alexandrie n'ont plus de couverture aérienne, sur la fin de leur parcours

La seconde bataille du Golfe de Syrte
Le HMS Cleopatra tendant un rideau de fumée (photo prise du HMS Euryalus), pendant la seconde bataille du Golfe de Syrte

Cependant, le 20 mars, après que son navire amiral (HMS Naiad) a été torpillé et coulé le 11 février, le contre amiral Vian mit sa marque sur un nouveau croiseur léger arrivé de Gibraltar au début de février, (HMS Cleopatra) , et appareilla d'Alexandrie pour renforcer avec les deux croiseurs restant de la 15e Escadre de Croiseurs, HMS Dido et Euryalus, l'escorte d'un convoi pour Malte qu'accompagnait un petit croiseur anti-aérien, le HMS Carlisle. De son côté, Supermarina, le Commandement supérieur de la Regia Marina italienne dépêcha le cuirassé Littorio parti de Tarente et les croiseurs lourds Trento et Gorizia (it) ainsi que le croiseur léger Bande Nere partis de Messine pour intercepter ce convoi. Le HMS Penelope arrivant de Malte rejoignit à la mer l'escorte britannique[139]. Dans cette seconde bataille du Golfe de Syrte, les croiseurs et destroyers d'escorte britanniques réussirent à maintenir les navires de charge hors de portée des grands bâtiments de guerre italiens, pendant plusieurs heures en fin d'après-midi du 22 mars, profitant du mauvais temps, tendant des rideaux de fumée, dont ils ne sortaient que pour canonner l'adversaire ou lui lancer des torpilles. À la tombée de la nuit, l'amiral Iachino a décroché, car il ne disposait toujours pas de radars, et était peu soucieux de renouveler l'expérience du combat de nuit qui avait été funeste à sa flotte, un an avant, au large du cap Matapan. Dans la tempête qu'elle a dû affronter sur la route du retour, l'escadre italienne a perdu deux destroyers. Les navires de guerre britanniques furent loin de s'en tirer sans dommages, et le reste du convoi eut à peine le temps de débarquer 20% de sa cargaison à Malte que l'aviation allemande aura coulé tous les navires de charge, parmi lesquels le transport rapide HMS Breconshire[140], [141]. « L'ennemi eut donc le dernier mot » a reconnu l'amiral de la Flotte Sir Philip Vian[142]. Mais la disparité des forces en présence était telle que ce résultat incertain a été vu comme une victoire britannique.

Fin mars, le HMS Carlisle et quatre destroyers sont rentrés à Alexandrie, le HMS Aurora qui avait été torpillé en décembre et était en réparations à Malte, a rejoint Gibraltar, et le HMS Penelope fit de même en avril. Deux destroyers endommagés, en réparations à Malte, ont été coulés lors d'attaques aériennes[143]. L'affaiblissement de la Mediterranean Fleet fut entérinée par le départ de l'amiral Cunningham de son poste de Commandant-en-Chef, et son remplacement par le vice amiral Henry Harwood.

Au cours du mois et demi qui suivit la bataille du Golfe de Syrte, Malte ne fut plus ravitaillée que par avion ou par sous-marin. Mais le général Rommel qui jusqu'alors avait été partisan d'une attaque directe pour occuper Malte, sollicita et obtint, parce qu'il était préoccupé de lancer son offensive vers l'Égypte, que le II. Fliegerkorps fût mis à sa disposition pour quinze jours et que l'assaut sur Malte fût différé de trois semaines[144]. Le 11 avril, le porte-avions américain USS Wasp venant de Gibraltar, escorté du HMS Renown et HMS Charibdis (en), largua 48 Spitfires pour renforcer l'aviation basée à Malte, mais les attaques aériennes allemandes les auront tous détruits dans les trois jours qui suivirent. Or le II. Fliegerkorps dut finalement, à partir du 27 avril, commencer à faire mouvement vers la Russie, tandis que, le 9 mai, le USS Wasp et le porte-avions HMS Eagle, accompagnés de la même escorte larguaient, à nouveau, une soixantaine de Spitfires[144]. Les leçons du fiasco précédent avaient été tirées, et les nouveaux arrivants ont cette fois abattu ou endommagé une cinquantaine de leurs assaillants au-dessus de l'île, ne perdant que trois appareils. La capacité de riposter aux attaques aériennes contre Malte s'en trouva reconstituée.

Le croiseur italien Raimondo Montecuccoli était la seconde unité de la 7e division de croiseurs

Pour ravitailler Malte depuis Gibraltar, la Royal Navy a utilisé parfois, ses mouilleurs de mines, qui étaient dotés d'une grande vitesse, et en particulier en mai 1942, le HMS Welshman Pour avoir plus de chances de l'intercepter, Supermarina a basé à Cagliari la 7e division de croiseurs, les croiseurs Montecuccoli et Eugenio di Savoia (en)[145].

L'opération Vigorous

À la mi-juin, deux opérations, Vigorous et Harpoon, furent lancées pour ravitailler Malte, en nourriture et en essence. Selon l'amiral de la Flotte Sir Philip Vian, l'opération Vigorous était destinée à faire diversion par rapport à l'opération Harpoon[146].

Bombardé le 15 juin dans l'après-midi, le destroyer HMAS Nestor a du être sabordé le 16 au matin.

Pour l'opération Vigorous, ce sont 11 navires qui ont quitté Haïfa et Port-Saïd, le 13 juin, escortés du petit croiseur léger anti-aérien HMS Coventry. Ils ont été rejoints par les trois croiseurs légers de la 15e Escadre de Croiseurs du contre amiral Philip Vian, renforcés des croiseurs légers HMS Arethusa et Hermione, de deux grands croiseurs légers, le HMS Newcastle, bâtiment sur lequel le contre amiral Tennant[Note 12], avait sa marque, et le HMS Birmingham de la 4e Division de croiseurs, ainsi que sept destroyers, arrivés de l'Océan Indien, détachés par la Flotte britannique d'Orient.

Très vite repéré par des reconnaissances aériennes italiennes, le convoi subit des attaques aériennes qui coulèrent un cargo et obligèrent un autre à se réfugier à Tobrouk (qui ne sera occupée par les Allemands qu'une semaine après), deux destroyers furent coulés et les deux grands croiseurs légers furent endommagés. Mais les reconnaissances aériennes signalèrent bientôt la présence à la mer de deux cuirassés de la classe Vittorio Veneto, de deux croiseurs lourds et de deux grands croiseurs légers. Aussi l'amiral Harwood télégraphia à l'amiral Vian de faire demi-tour, dans la nuit de 14 au 15 juin, en attendant que l'escadre italienne fût ralentie. Dans la nuit, le HMS Newcastle reçut une torpille d'un Schnellboot et un torpilleur fut coulé par un sous-marin, à l'aube, Le 15 au matin, vers h 15 [147], le Trento se trouva immobilisé par une torpille d'un Beaufort. Dès qu'il l'a su, vers h[147], l'amiral Vian mit de nouveau le cap sur Malte. L'escadre italienne subit encore des attaques aériennes, dont une menée, pour la première fois, par des Liberators américains, mais cela ne l'a pas arrêtée ni ralentie, ce qui rendait prévisible un contact le 16 dans la matinée. Considérant qu'un combat de jour, pendant de longues heures, par temps clair, avec des bâtiments ayant des canons d'une portée supérieure à celle des navires de l'escorte, était beaucoup trop risqué, et pouvait mettre les navires à court de munitions anti-aériennes avant la fin de leur mission, et informés qu'une partie du convoi parti de Gibraltar avait atteint Malte, les amiraux Vian et Harwood, après avoir tergiversé, décidèrent d'arrêter l'opération, et, dans la soirée du 15, le convoi prit définitivement la route du retour[148]. Les attaques aériennes et sous-marines se sont poursuivies, contre le convoi qui a eu deux destroyers coulés, les croiseurs HMS Arethusa et Birminghamendommagés et le croiseur HMS Hermione coulé par le sous-marin U-205. Quant à l'escadre italienne, elle n'a pas réussi à ramener le Trento, qui a été achevé par le sous-marin HMS Umbra[149]. Elle a continué à croiser au large des côtes de Grèce, et le cuirassé Littorio a encaissé une torpille aérienne à l'avant. Le convoi est rentré au port, le 16, dans l'après-midi[150].

L'opération Harpoon et la bataille de Pantelleria

Pour l'opération Harpoon[149], cinq cargos (trois britanniques, un néerlandais, un américain) et un pétrolier américain, le SS Kentucky, transportant au total 39 000 tonnes de matériel et de carburant, a quitté Gibraltar, très tôt le 12 juin, escorté par neuf destroyers (dont un polonais), cinq dragueurs de mines, et le croiseur mouilleur de mines HMS Welshman. Le captain Hardy sur le croiseur léger anti-aérien, HMS Cairo commandait cette Force X. Une imposante force de couverture (Force W) l'accompagnait, comprenant le cuirassé HMS Malaya, deux porte-avions anciens, avec seize Sea Hurricanes, huit Fulmars et dix-huit Swordfishes pour assurer la couverture aérienne, trois croiseurs, dont deux grands croiseurs légers, HMS Kenya, portant la marque du vice amiral Curteis, Commandant-en-Second de la Home Fleet et HMS Liverpool, et huit destroyers[151].

Marchant à douze nœuds, ses petites unités ravitaillées en mer par un pétrolier (en) auxiliaire de la Flotte, dans la journée du 13 juin, le convoi fut repéré à la longitude des Îles Baléares. Tandis que des avions torpilleurs italiens ne réussissaient pas à trouver le convoi, la 7e Division de Croiseurs italienne appareilla de Cagliari, mais repérée par des sous-marins britanniques, elle mit le cap sur Palerme[152]. Dans la matinée du 14, à 150 nautiques de Cagliari, trois attaques aériennes furent menées, pendant une heure et demie, par des Junkers Ju 87 Stuka, pilotés pour la première fois par des aviateurs italiens, et par des bombardiers-torpilleurs Savoia-Marchetti SM.79 avec une couverture de chasseurs Macchi. La chasse embarquée britannique abattit treize assaillants, et perdit trois appareils. Le cargo néerlandais (MS Tanimbar) fut coulé, et le HMS Liverpool, torpillé, touché dans ses machines, fut immobilisé[152]. Pris en remorque par un destroyer, il parvint à rentrer à Gibraltar le 17.

Le pétrolier américain Kentucky en feu sera achevé par le croiseur Raimondo Montecuccoli, le 15 juin 1942

La Force de couverture fit demi-tour à hauteur de Bizerte et le convoi doubla le Cap Bon, tandis que le HMS Welshman faisait route séparément vers Malte, à grande vitesse[152]. Le 15 au matin, la 7e Division de croiseurs italiens, repérée lorsqu'elle avait quitté Palerme, surprit les Britanniques qui avaient pensé que les croiseurs italiens ne s'aventureraient pas dans une zone située dans le rayon d'action de l'aviation basée à Malte. Le HMS Cairo fit face avec cinq destroyers, en en laissant quatre avec le convoi. De son côté, le vice amiral Da Zara détacha deux destroyers contre le convoi, et attaqua l'escorte[152]. Les destroyers britanniques lancèrent une attaque à la torpille contre les croiseurs italiens qui les repoussèrent, endommageant sévèrement les HMS Bedouin et Partridge. Mais en attaquant le convoi, le destroyer italien Ugolino Vivaldi fut immobilisé par la défense britannique[153]. Pour lui venir en aide, les croiseurs tentèrent de contourner les navires britanniques par le sud-ouest. Dans cette mêlée, les escorteurs britanniques avaient été contraints de faire disperser ce qui restait du convoi, abandonnant le cargo américain et un cargo britannique touchés par des attaques d'aviation, menaçant de couler bas, et le pétrolier américain qui brulait. Ne réussissant pas à retrouver le HMS Cairo, qui a réussi à s'éloigner vers Malte, avec deux cargos, les croiseurs italiens expédièrent par le fond les navires encore à flot, le cargo anglais endommagé et le pétrolier Kentucky[154]. Le HMS Partridge réussit à atteindre Malte, sans parvenir à ramener le HMS Bedouin, qui fut achevé par l'aviation italienne. Pendant que le Vivaldi rentrait à la remorque à Pantelleria, les croiseurs, prévenus d'avoir à rejoindre les abords de Trapani pour 21 h 30, se sont retirés en début d'après-midi, le 15[155].

En arrivant vers Malte, les rescapés donnèrent dans un champ de mines, deux destroyers et un cargo furent endommagés, et le destroyer battant pavillon polonais coulé[156]. Environ 15 000 tonnes de cargaison furent débarquées des deux cargos rescapés, soit un peu plus du tiers de ce qui avait été chargé initialement sur les navires du convoi, mais la cargaison du pétrolier avait été perdue. Le Gouverneur de Malte avertit Londres que l'île ne disposait toujours que de sept semaines de carburant.

Mais la situation était également dramatique en matière de carburant pour la flotte italienne. L'Italie dépendait en ce qui concerne le mazout de la flotte, des livraisons de l'Allemagne, et même si la consommation au second trimestre de 1942 n'a été que de 180 000 tonnes, 65% de ce qu'elle avait été au second trimestre de 1941 (280 000 tonnes), elle était supérieure de plus de 50 000 tonnes à ce qui a été reçu au cours de la même période (127 000 tonnes). La priorité donnée à l'approvisionnement des navires des convois de Libye, essentiels pour l'approvisionnement des troupes à terre dans la guerre du désert, a ainsi conduit à ne plus faire sortir les cuirassés contre les convois alliés, ce que l'on va voir pour la bataille de mi-août[157].

La bataille de la mi-août (Opération Pedestal)

L'offensive terrestre italo-allemande s'est déclenchée quelques jours plus tard, le 21 juin. Sa progression fut rapide : Tobrouk a été pris le 21, Sidi Barrani le 24, Marsa Matruh le 26. Cette avancée rapide a persuadé Rommel et Hitler que l'attaque de Malte, l'opération Herkules, n'était plus une nécessité, la victoire leur semblait à portée de main dans la Vallée du Nil. Mais l'offensive a dû s'arrêter le 1er juillet, devant El Alamein. Or les lignes de ravitaillement de Rommel étaient excessivement longues, 1 000 km par mer jusqu'à Benghazi, et 1 000 km de route côtière dans le désert, l'aviation de Malte avait été renforcée, la supériorité aérienne était désormais du côté des Alliés. Restait qu'il fallait assurer le ravitaillement de Malte en carburant, telle aura été la raison de l'Opération Pedestal, qui aura donné lieu à la bataille de la mi-août.

Le porte-avions HMS Eagle, torpillé, prend de la gîte avant de couler, le 11 août 1942

Côté allié les moyens rassemblés sont considérables, les deux cuirassés les plus puissamment armés de la Royal Navy, deux porte-avions modernes et deux porte-avions plus anciens mais puissants, sept croiseurs (soit trois grands croiseurs légers et quatre croiseurs anti-aériens), et trente-six destroyers, pour escorter quatorze navires marchands, dont un pétrolier, le SS Ohio du même type que celui qui a été coulé dans le convoi de Gibraltar, à la mi-juin. Le convoi, emportant 140 000 tonnes de cargaison, a quitté Gibraltar le 10 août[158].

Le HMS Kenya pendant une attaque aérienne lors de l'Opération Pedestal, le 12 août 1942

Du côté des forces de l'Axe, plusieurs barrages de sous-marins ont été déployés en Méditerranée occidentale, ainsi au large d'Alger, le porte-avions HMS Eagle est torpillé et coulé par l'U-73, le 11 août. Le HMS Furious aurait été aussi endommagé[159], mais il a pu lancer une quarantaine de chasseurs vers Malte, avant de mettre le cap sur Gibraltar. Les attaques aériennes ont été continuelles dans la journée du 12 août, depuis h 30 : vers 13 h, un cargo a été touché et est resté à la traine. À 16 h 30, le destroyer HMS Ithuriel a éperonné et coulé le sous-marin italien Cobalto. Vers 18 h 30, une centaine d'avions ont attaqué, un destroyer a été touché, qu'il a fallu saborder le lendemain, le pont d'envol du porte avions HMS Indomitable a reçu trois bombes[160], ses avions ont dû être accueillis sur le HMS Victorious. Vers 19 h les cuirassés et les porte-avions de la force de couverture ont fait demi-tour, à hauteur de Bizerte, comme à l'accoutumée. Un peu plus tard, des sous-marins italiens sont passés à l'attaque : à 19 h 45, le grand croiseurs léger HMS Nigeria a été torpillé, et a dû mettre le cap sur Gibraltar, à petite vitesse, après que le contre amiral Burrough, commandant l'escorte rapprochée, a transféré sa marque sur un destroyer; le petit croiseur anti-aérien HMS Cairo a été coulé, un cargo et le pétrolier SS Ohio ont été touchés. À 20 h 30, une attaque de Stuka a touché deux cargos[161]. Entre 21 h et 23 h, deux sous-marins italiens ont achevé trois cargos avariés, dont un de ceux touchés par la dernière attaque de Stuka, et qui transportait 11 000 tonnes d'essence d'aviation. À minuit, le convoi a passé le Cap Bon. Peu après h, des vedettes lance-torpilles italiennes ont torpillé et immobilisé le grand croiseur léger HMS Manchesterqui a dû être sabordé peu après. Ces attaques se sont poursuivi toute la nuit, et au matin, cinq autres cargos avaient été coulés[162].

Le pétrolier SS Ohio est arrivé au port de La Valette, le 15 juin seulement, endommagé au-delà de tout espoir de réparations
Le cargo SS Waimarama, qui transportait des fûts de fioul, est bombardé et explose, le 13 août, peu avant h

Pour ce qui concerne les grands bâtiments italiens, il était apparu à Supermarina, que, contre un convoi venant de Gibraltar, il ne serait pas possible d'avoir une couverture aérienne et des ressources en carburant suffisantes pour une intervention à l'ouest de la Tunisie de quatre cuirassés, ce qui semblait le minimum pour aller au-delà d'une simple gesticulation. Mais la bataille de Pantelleria avait montré l'intérêt de l'intervention des croiseurs en phase finale de l'interception d'un convoi. À 19 h le 12 août, six croiseurs (trois croiseurs lourds, Gorizia, Trieste, Bolzano de la 3e Division de croiseurs et la 7e Division de Croiseurs renforcée du Muzio Attendolo étaient à la mer pour intervenir dans le Canal de Sicile, le lendemain matin[163]. Comme des reconnaissances aériennes les avaient repérés, il fallait prévoir une couverture aérienne contre une attaque massive prévisible des 180 avions prêts à intervenir depuis Malte, ce qui conduisait à donner à l'aviation comme mission principale, la protection des forces à la mer, à qui aurait incombé la charge de porter le « coup de grâce » aux six cargos restant à flot, protégés par deux croiseurs (le HMS Charybdis avait quitté la force de couverture pour revenir en renfort du HMS Kenya) et sept destroyers. Des dissenssions très fortes se firent jour dans la soirée, entre amiraux et généraux d'aviation, au premier rang desquels se trouvait le Feldmarschall Kesselring sur cette répartition des missions, et à la suite d'un arbitrage du Duce en personne, vers minuit, ordre fut donné aux croiseurs de regagner leur base[164]. Sur le chemin du retour, ils furent attaqués près des Îles Éoliennes, par le sous-marin britannique HMS Unbroken qui endommagea gravement le Bolzano qui dût être échoué sur l'île de Panarea, et le Muzio Attendolo, de sorte que leurs réparations n'étaient pas achevées en septembre 1943.

Le 13 août, les attaques d'aviation ont réussi à couler un neuvième cargo, et se sont concentrées sur le pétrolier SS Ohio qui fut très près d'être abandonné, mais sous la protection de l'aviation de chasse de Malte, et avec l'aide de remorqueurs, trois cargos ont pu finalement atteindre le port de La Valette, le 14, le pétrolier et un dernier cargo, qui avait fait route séparément le long des côtes de Tunisie, le 15 août. Si la Marine italienne a pu parler de vittoria del mezz'agosto, ce qui est vrai sur le plan tactique, stratégiquement, Malte aura pu, dès lors, jouer un rôle déterminant dans les attaques contre l'approvisionnement des forces terrestres italo-allemandes, dont l'effet se fera sentir dès leur dernière offensive d'Alam el Halfa, qui échouera fin août[165],[166].

Les débarquements (Afrique du nord, Sicile, Italie)
L'opération Torch
Le croiseur lourd USS Wichita pendant la bataille de Casablanca

Alors que les forces italo-allemandes avaient été enfoncées par l'offensive victorieuse de la VIIIe Armée britannique à El Alamein (23 octobre-5 novembre 1942), deux importants convois ont franchi, le 6 novembre, le détroit de Gibraltar, rassemblant un cuirassé, cinq porte-avions et cinq croiseurs, parmi lesquels les deux grands croiseurs légers britanniques, HMS Sheffield et Jamaica. L'Amirauté française a pensé qu'il s'agissait de convois vers Malte[167], les Allemands ont pensé à un débarquement en Provence, et Supermarina y a vu l'imminence d'un débarquement en Algérie, auquel la Regia Marina était totalement incapable de s'opposer avec ses seuls moyens[168]. Mais un troisième convoi, qui a traversé l'Atlantique, en passant au sud des Açores, sans être détecté, approchait des côtes du Maroc, avec un cuirassé moderne, deux cuirassés anciens, cinq porte-avions, trois croiseurs lourds (USS Augusta, Wichita, Tuscaloosa) et quatre grands croiseurs légers (USS Brooklyn, Philadelphia, Savannah, Cleveland).

L'objectif de cette armada, était un débarquement au Maroc, et en Algérie, devant Oran et Alger. Dans la plupart des zones de débarquement, les croiseurs ont surtout affronté les batteries côtières, cependant, devant Oran, les croiseurs britanniques ont coulé deux torpilleurs[169], et mis hors de combat un contre-torpilleur, faisant au total plus de 300 morts[170]. Mais c'est devant Casablanca qu'eut lieu, le 8 novembre au matin, le combat le plus sanglant entre la 2e Escadre Légère française (le croiseur léger Primauguet, deux contre-torpilleurs et quatre torpilleurs) et les croiseurs lourds américains de la Task Force 34 dont les canons de 203 mm ont écrasé les bâtiments légers, y faisant plus de 450 morts, avant même qu'ils fussent arrivés à portée[171],[172], tandis que le cuirassé USS Massachusetts et les Dauntless du porte-avions USS Ranger faisaient taire le Jean Bart après qu'il eut encadré le croiseur amiral USS Augusta le 11 au matin[173].

À Toulon, sur les appontements Milhaud, le lendemain du sabordage, entre le Strasbourg et La Marseillaise, les croiseurs lourds Colbert et Algérie brulent encore

L'amiral Auphan, Secrétaire d'État à la Marine du gouvernement de Vichy, a réussi à contenir l'amiral de Laborde, Commandant de la « Force de Haute Mer » qui aurait voulu appareiller pour attaquer les forces anglo-américaines[174]. Ce premier débarquement, de moyenne importance (65 000 hommes), auquel les troupes terrestres françaises se sont opposées avec moins de pugnacité que les marins, a été fort utile pour porter remède pour l'avenir, aux défauts et insuffisances qui s'étaient révélées pendant son déroulement. Stratégiquement, le résultat en a été considérable, les Alliés ont désormais disposé d'une base sûre, d'abord pour prendre les forces de l'Axe entre deux feux en Afrique, ensuite porter la guerre en Italie, et tous les autres territoires de l'Empire Français en Afrique encore sous contrôle de Vichy, de l'A. O. F. à la Côte française des Somalis seront passés en six mois dans le camp des Alliés. Fin mai 1943, la Force X (le cuirassé Lorraine, les deux croiseurs lourds de la classe Duquesne, le Suffren et le Duguay-Trouin) aura rallié les Forces Maritimes d'Afrique, et en juillet, ce seront un porte-avions ancien et les deux croiseurs présents aux Antilles qui auront rallié la France Combattante.

Tactiquement, cependant, les Allemands ont réagi en occupant la Zone sud (les Italiens occupant la Corse), dès le 11 novembre 1942, et ont tenté, le 27 novembre de s'emparer de la Flotte, qui était restée à Toulon. La Flotte s'est sabordée, et quatre des sept croiseurs lourds français y ont été complètement détruits (Les Italiens auront jugé inutile d'essayer d'en relever les épaves)[175]. L'est algérien et le nord de la Tunisie ayant été laissés hors du champ des débarquements, les Italiens et les Allemands ont très vite débarqué, par bateau et par avion, en Tunisie et la grande base navale de Bizerte, bien que restée sous le contrôle de Vichy, a été occupée, sans ménagements ni résistance, le 8 décembre[176].

Les débarquements de Sicile

Dès le 2 décembre, des combats ont eu lieu dans le canal de Sicile entre les escortes de convois italiens et des croiseurs légers britanniques, au cours desquels un destroyer italien a été coulé et le HMS Argonaut endommagé[177].

Les grands bâtiments italiens ont dû quitter leurs bases les plus éloignées. Ce repli loin des zones d'opérations, s'expliquait en raison de la pénurie de carburant qui interdisait pratiquement toute sortie, et dans ces conditions, il valait mieux que les grands navires fussent le plus loin possible des aérodromes tenus par les Alliés. Dès le 9 novembre, la 8e Division de Croiseurs (les croiseurs Garibaldi, Aosta, et Abbruzzi) avait été repliée de Navarin, sur la côte sud-ouest du Péloponèse, à Messine, et le 12, les trois cuirassés de la classe Vittorio Veneto (le cuirassé Roma venait de rejoindre la Flotte pour achever ses essais) avaient été transférés de Tarente à Naples. Mais un violent bombardement sur Naples, le 4 décembre, a coulé l'Attendolo, qui y était en réparations, et gravement endommagé le Montecuccoli et l'Eugenio di Savoia. Dès le 6, ces deux croiseurs, le Bolzano et les trois cuirassés ont gagné La Spezia, et la 3e Division de Croiseurs est passée de Messine à La Maddalena, au nord de la Sardaigne. En janvier, après huit bombardements sur Messine, la 8e Division de Croiseurs a rejoint Tarente[178].

De décembre 1942 à avril 1943, la Regia Marina a dû essayer, avec des unités légères uniquement, d'assurer d'abord le passage des convois de Libye, dans une zone où la maitrise du ciel était désormais acquise aux Alliés, mais l'avance britannique y a vite mis un terme, Tripoli a été occupée le 21 janvier[179]. Ensuite, dans un canal de Sicile infesté de champs de mines[180], les 119 convois de Tunisie, avec des trajets Naples-Bizerte aussi longs que l'étaient Palerme-Tripoli, sous des attaques d'aviation incessantes, auront subi 228 attaques (64 de sous-marins et 164 de l'aviation). 290 000 tonnes de matériel et de carburant ont été débarquées, mais le taux de pertes en route a été de 28 % en moyenne, et 72 000 soldats sont arrivés en renfort, mais les bateaux qui ont été coulés en transportaient plus de 5 000. Mais au fur et à mesure de l'avancement de la campagne, les taux de pertes ont augmenté, atteignant 77 % au début mai[181]. À la fin de la campagne, le plus grand nombre des combattants allemands et italiens de Tunisie ont été faits prisonniers.

Mais peu après le début de l'offensive terrestre finale en Tunisie, qui a commencé le 20 mars, pour s'achever le 13 mai, les bases de la Marine italienne ont été de nouveau bombardées, en prévision de la suite des opérations. Le 10 avril, un bombardement de La Maddalena a coulé le Trieste (en) et endommagé le Gorizia qui a été replié sur La Spezia, pour y être réparé. À compter de cette date, plus aucun croiseur lourd italien n'a été opérationnel. Le 5 juin, La Spezia a été durement bombardée, endommageant les cuirassés, au point que le Vittorio Veneto a dû gagner Gênes, pour passer en cale sèche, car les installations de La Spezia avaient été détruites[182].

Sur une plage de Sicile, à l'aube du 10 juillet 1943, les Highlanders débarquent

Dans la mesure où la sortie des grands navires paraissait devoir être réservée à l'ultime contre-attaque contre un débarquement dans la péninsule italienne, la question qui se posait était de savoir où aurait lieu la prochaine offensive des Alliés, contre la Sicile, ce qui était depuis la fin mars la position de Supermarina, contre la Sardaigne et la Corse, ce que pensait les Allemands, ou contre la Sardaigne seulement, ce qui était la position des généraux des armées de terre et de l'air italiens[183]. En fait, en cas d'attaque de la Sicile, une sortie des grands bâtiments basés à La Spezia était inenvisageable, car ils se trouvaient à vingt-quatre heures de mer, alors que la supériorité aérienne alliée rendait impossible les vols de reconnaissance pour repérer les convois de débarquement, et parce que le nombre des escorteurs était devenu tout à fait insuffisant[184].

Un cargo chargé de munitions, bombardé par l'aviation allemande, explose devant la plage de Gela, le 11 juillet 1943

Les premiers projets alliés consistaient à débarquer dans la région de Palerme, au nord-ouest, et dans celle de Syracuse, au sud-est de la Sicile. Sur l'injonction du général Montgomery en mai[185], les débarquements ont tous eu lieu finalement, le 10 juillet, de part et d'autre du Cap Passero (en) sur les plages de Gela et Licata, à l'ouest, et la VIIe Armée américaine du général Patton a aussitôt attaqué vers Palerme, et sur celles d'Avola, au sud de Syracuse[186], sans rencontrer d'opposition des forces navales italiennes[187]. La difficulté principale de ce premier débarquement de vive force, sur une côte tenue par l'ennemi, a surtout résulté du mauvais temps. En huit jours, sans que l'Allemagne puisse apporter un réel soutien aux forces italiennes, les forces italo-allemandes étaient acculées autour de Messine, dans l'extrême nord-est de la Sicile. Le 25 juillet, le Duce Benito Mussolini était renversé. Supermarina a alors décidé de tenter d'effectuer un raid par surprise, avec deux croiseurs, sans couverture aérienne ni escorte, contre les navires alliés qui pouvaient se trouver au large de Palerme. Deux tentatives eurent lieu, avec la 7e Division de croiseurs, aux ordres de l'amiral Oliva (it), en partant de La Spezia, le 4 août, puis avec la 8e Division, aux ordres de l'amiral Fioravanzo, en partant de Gênes, le 6 août. Dans les deux cas, les navires italiens ont rebroussé chemin, dès que les amiraux ont eu la conviction qu'ils avaient été repérés et que la surprise était éventée[188].

Dès le 3 août, l'évacuation des troupes allemandes et italiennes a commencé à travers le détroit de Messine (70 000 hommes, 11 000 véhicules et 17 000 tonnes de munitions), ce que les auteurs italiens n'hésitent pas à appeler le « Dunkerque sicilien »[189].

Salerne et Anzio

Dès le 2 septembre, la VIIIe Armée britannique a commencé à passer le détroit de Messine. La Flotte italienne se tenait prête à une « dernière bataille », pour contrer un débarquement allié, mais sans illusion sur son issue, compte tenu de la supériorité alliée sur mer et dans les airs[190].

Mais le 3, un armistice entre le Royaume d'Italie et les Alliés a été signé à Cassibile, près de Syracuse, qui a été gardé secret jusqu'à ce qu'un débarquement allié soit imminent, plus au nord, en direction de Rome ( c'était une condition mise par les Italiens, pour signer l'armistice). Le 7, Supermarina prévint les principaux amiraux italiens, sous le sceau du secret, mais sans rien dire de l'armistice, de se tenir prêts à faire face à un « coup de force » allemand. Le 8 au soir, dans un message radiodiffusé depuis Alger, le général Eisenhower a annonçé l'armistice, alors que les convois du débarquement avaient pris la mer[191].

Dans la nuit, la Flotte italienne reçut l'ordre de gagner Malte, en application des stipulations de l'armistice. Très réticent pour exécuter cet ordre, l'amiral Bergamini, Commandant la Flotte, obtint de Supermarina de rallier La Maddalena, avec ses trois cuirassés modernes, cinq grands croiseurs légers, le petit croiseur Attilio Regolo, et onze destroyers. L'appareillage eut lieu le 9, à h[192].

La fin du cuirassé Roma, le 9 septembre 1943

Mais la riposte des troupes allemandes fut rapide (car les Allemands étaient en alerte) et brutale. Dès l'annonce de l'armistice, ils ont désarmé les forces terrestres italiennes sur le continent, et saisi les bâtiments immobilisés dans les ports, comme les croiseurs lourds Gorizia et Bolzano. La Maddalena ayant été occupée par les Allemands, la Flotte reçut l'ordre de se diriger vers Bône[Note 13], mais à proximité de l'île d'Asinara, le 9, peu avant 16 h, une attaque aérienne de bombardiers Dornier-17 partis d'un aérodrome proche de Marseille, et armés de bombes planantes radioguidées FX-1400 réussit à toucher deux cuirassés italiens, dont le cuirassé amiral Roma, qui a explosé, tuant 1400 hommes dont l'amiral Bergamini. La Flotte, aux ordres de l'amiral Da Zara, a alors rejoint Malte[193].

Le croiseur USS Savannah touché par une bombe planante radioguidée devant Salerne, le 11 septembre 1943

La phase navale du débarquement de Salerne s'est effectuée sans problèmes, car sans opposition, le 9 septembre, à 50 km au sud de Naples . Comme les chasseurs basés en Sicile ne pouvaient que difficilement assurer la couverture aérienne rapprochée, il fallut faire appel aux Seafires d'une escadre constituée du HMS Unicorn, de quatre porte-avions d'escorte, et de trois croiseurs anti-aériens, aux ordres du vice amiral Sir Philip Vian, jusqu'à ce qu'un terrain d'aviation soit installé à Paestum, le 12[194]. Pour la phase terrestre, les choses furent plus compliquées, car il n'y avait pas eu de bombardement d'artillerie préalable pour accroître l'effet de surprise, alors que les troupes du général Von Veigtinhoff attendaient l'assaillant de pied ferme[195]. Il fallut le soutien d'artillerie de deux cuirassés britanniques et de deux grands croiseurs légers USS Philadelphia et USS Boise pour éviter aux troupes américaines d'être repoussées[196]. Mais les Allemands réussirent avec leurs bombes planantes radioguidées à endommager gravement les grands croiseurs légers USS Savannah et HMS Uganda ainsi que le cuirassé Warspite, qui dut regagner la Sicile en remorque[196].

Le 9, un débarquement couvert par une force comprenant le cuirassé HMS Howe et cinq croiseurs a eu lieu à Tarente. Les deux cuirassés italiens anciens qui s'y trouvaient et deux croiseurs légers ont rejoint Malte, de même que le sixième cuirassé italien, qui se trouvait à Pola[197]. Le 13 septembre, les Français d'Alger débarquaient à Ajaccio pour chasser les Allemands de Corse.

Un dernier débarquement eut lieu pendant la campagne d'Italie, le 22 janvier 1944, à Anzio, pour prendre à revers la ligne Gustav qui permettait aux Allemands de bloquer l'avance des Alliés vers Rome. Le débarquement proprement dit s'est déroulé sans encombres, l'exploitation en a été marquée par les atermoiements du général américain qui commandait sur place, ce qui a permis aux Allemands de bloquer le débouché de la tête de pont pendant cinq mois. Mais surtout les forces navales de couverture ont souffert des attaques aériennes et sous-marines allemandes, ainsi le croiseur HMS Spartan, a été coulé par une bombe planante, le 29 janvier, et le croiseur HMS Penelope, qui s'était distingué à Malte deux ans auparavant, a été torpillé et coulé, le 18 février[198],[80].

Les nageurs de combat italiens ont, dans le port de La Spezia, le 22 juillet 1944, coulé le Bolzano dont les Allemands continuaient la réparation[199].

Dans l'Arctique, les convois de Russie
Le HMS Trinidad en réparation à Mourmansk, après les graves dégâts subis d'une de ses propres torpilles, le 29 mars 1942
Le HMS Edinburgh a eu l'arrière très endommagé par un sous-marin allemand, le 30 avril1942

Les premiers convois de l'été 1941 sont passés sans encombre, mais la situation s'est dégradée au début de 1942, alors que les attaques contre les convois étaient jusqu'alors le fait des U-boote, de l'aviation et des destroyers allemands. En effet, en février-mars, sont arrivés en Norvège le Tirpitz et les croiseurs lourds Admiral Scheer, Lützow, et Admiral Hipper. Le Tirpitz n'a pas réussi, début mars, à intercepter le convoi PQ-12 (Reykjavik-Mourmansk), mais il s'est fait repérer et attaquer par l'aviation embarquée du porte-avions HMS Victorious[200]. Fin mars, le grand croiseur léger HMS Trinidad qui faisait partie de l'escorte du convoi PQ-13, a coulé un destroyer allemand, mais a été gravement endommagé par une de ses propres torpilles dont le gyroscope s'est déréglé. Il s'est trainé jusqu'à Mourmansk pour de premières réparations. Fin avril, en escortant le convoi QP-11 (Mourmansk-Reykjavik), le grand croiseur léger Edinburgh a été torpillé par l'U-456. En route en remorque pour Mourmansk, il a été attaqué par trois grands destroyers allemands, dont un aura été si endommagé que son équipage aura dû le saborder. Mais torpillé une seconde fois, le HMS Edinburgh a dû être abandonné et achevé par un de ses destroyers d'escorte. Le 15 mai, au large du Cap Nord, rentrant en Écosse à 20 nœuds et transportant des rescapés de l'Edinburgh, le HMS Trinidad a subi l'attaque de vingt Junkers Ju 88. Torpillé, il a dû être achevé également[201],[202].

La perte de ces deux grands croiseurs a conduit l'Amirauté britannique à réorganiser la protection des convois en distinguant l'escorte immédiate, constituée de petites unités, la couverture rapprochée avec une escadre de croiseurs qui accompagnerait les convois jusqu'à la ligne Spitzberg-Île aux Ours-Mourmansk, et la couverture éloignée d'une escadre de grands bâtiments, cuirassés et porte-avions, positionnée vers l'Île Jan Mayen pour intercepter les grands bâtiments allemands stationnés en Norvège, et les empêcher de déboucher dans l'Atlantique[203]. Du côté allemand, la perte de deux grands destroyers a conduit l'amiral Schmundt, commandant des forces à la mer en Norvège, à souhaiter la participation des grands bâtiments contre les convois en mer de Barents, mais l'interception du Tirpitz par le porte-avions HMS Victorious, en mars, a conduit Adolf Hitler à ne permettre l'engagement du cuirassé que si la menace de l'aviation embarquée était écartée avec certitude.

En avril, l'U.S. Navy détacha, auprès de la Home Fleet, la TF.39, aux ordres du contre amiral Giffen, constituée autour du cuirassé USS Washington et des croiseurs lourds USS Wichita et Tuscaloosa. Elle a participé, à la couverture éloignée des convois PQ-15 et PQ-16[204].

Le convoi PQ-16, du 21 au 30 mai, aura perdu sept navires de charge sur trente-quatre, mais six sur les sept perdus ont été coulés par l'aviation. En effet, l'attaque par les sous-marins, en meutes en surface, était trop risquée pendant une période où les nuits étaient très courtes, aux latitudes polaires[205]. Comme l'aviation soviétique basée à terre se montrait incapable de contrer la Luftwaffe, et que le Coastal Command britannique s'était vu refuser, par le Comité des Chefs d'État-Major britanniques, l'autorisation de baser quelques escadrilles autour de Mourmansk[206] , l'amiral Tovey, Commandant la Home Fleet a demandé en vain la suspension des convois pendant l'été[207]. Mais tant Staline que le Président des États-Unis ont fait pression sur le Premier Ministre britannique Winston Churchill pour les maintenir, et même accroître le nombre des navires qui les composaient[208].

Le convoi PQ-17

Un nouveau convoi, le PQ-17, prévu pour la mi-juin, eut son départ reporté à la fin juin, car les croiseurs et destroyers de la Home Fleet étaient alors engagés dans les opérations de ravitaillement de Malte de la mi-juin 1942 (l'opération Harpoon en particulier), que l'on a évoquées plus haut[Note 13],[209]. Comme plus de vingt-cinq cargos du convoi PQ-16 étaient arrivés à bon port, le Grand-amiral Raeder, à la mi-juin, exposa à Adolf Hitler son projet d'attaquer le prochain convoi avec les navires de surface : le Tirpitz et l'Admiral Hipper venant de Trondheim gagneraient le Vestfjord pour attaquer la force de couverture rapprochée, tout en se tenant hors de portée de la force de couverture éloignée, l' Admiral Scheer et le Lützow venant de Narvik, gagneraient l'Altenfjord, pour attaquer le convoi. Le tout constituait l'opération Rösselsprung (« le saut du Cavalier »). Hitler maintint son exigence que le Tirpitz ne soit pas engagé tant que la Luftflotte 5 n'aurait pas écarté la menace de l'aviation d'assaut embarquée britannique[210].

L'annonce par les services de renseignements, à la fin juin, d'une intervention des grands navires allemands inquiétait beaucoup le Premier Lord de la Mer, qui ignorait les réticences d'Hitler, et dans une conversation téléphonique avec l'amiral Tovey, où les deux amiraux tombèrent d'accord sur le fait qu'il ne fallait pas aventurer les croiseurs de la force de couverture à l'est du Cap Nord, en raison de la supériorité aérienne allemande dans cette zone, l'amiral de la Flotte Sir Dudley Pound fit part de son intention de donner l'ordre au convoi de se disperser, s'il venait à être menacé par ces grands navires de surface[211].

Les croiseurs lourds USS Wichita et HMS London, pendant le convoi PQ-17

Le convoi PQ 17, 34 cargos et pétroliers, dont 24 américains, 5 britanniques, 2 soviétiques, 2 panaméens et un néerlandais, quitta Reykjavik le 27 juin. Outre les destroyers, corvettes, dragueurs de mines habituels, l'escorte immédiate comptait un CAM ship, deux petits navires anti-aériens[Note 14], et trois petits navires-hôpitaux, la force de couverture rapprochée comptait quatre croiseurs lourds (HMS London navire amiral du contre-amiral Hamilton, HMS Norfolk, USS Wichita et Tuscaloosa), la force de couverture éloignée comportait les cuirassés HMS Duke of York, navire amiral de l'amiral Tovey, et l'USS Washington, portant la marque du contre-amiral Giffen, deux croiseurs (HMS Cumberland et HMS Nigeria, aux ordres du contre-amiral Burrough) et le porte-avions HMS Victorious, portant la marque du vice-amiral Fraser. Le convoi prit une route très au nord, pour entrer en mer de Barents au nord de l'Île aux Ours.

Le convoi ayant été repéré le 1er juillet, les grands navires allemands quittèrent leurs mouillages, cap au nord, le 2 juillet[212], en attendant l'ordre d'attaquer, pour lequel il fallait l'accord d'Hitler, tandis que le convoi subissait ses premières attaques de l'aviation et des sous-marins. Le 3, l'Amirauté britannique apprit que les navires allemands avaient quitté leur mouillage[212], et dans la crainte d'une attaque du Tirpitz, l'ordre fut donné, dans la soirée du 4 juillet, par le Premier Lord de la Mer à l'amiral Hamilton, de « se retirer vers l'ouest à grande vitesse », bientôt suivi de l'ordre au convoi de « se disloquer pour gagner les ports russes », puis « ordre de se disperser »[213]. Les destroyers d'escorte ont donc, après l'ordre de dispersion du convoi, rallié les croiseurs, ne laissant avec le convoi que les corvettes, dragueurs, chalutiers, et les deux petits navires anti-aériens[214]. Cette tactique se justifiait en cas d'attaque de forces de surface très supérieures, et cela avait permis en novembre 1940, au croiseur auxiliaire HMS Jervis Bay de sauver 31 navires sur 36 du convoi pour lequel il s'était sacrifié[215]. Mais dans la circonstance, les navires ne pouvaient pas se disperser vers le nord, où ils allaient se heurter très vite à la banquise, et surtout le retrait de l'escorte laissait le champ libre aux sous-marins qui n'avaient plus à craindre l'attaque des destroyers, et facilitait grandement l'attaque de l'aviation, qui n'avait plus à affronter le feu concentré d'un convoi bien groupé[216].

La situation du convoi a très vite évolué de façon catastrophique. Dès le 5 juillet, dix navires avaient été coulés. Du côté allemand, Hitler, informé que les croiseurs avaient mis cap à l'ouest, et que les cuirassés et le porte-avions HMS Victorious se trouvaient à 450 nautiques dans le sud-ouest, donna, le 5 peu avant midi, l'autorisation d'un raid-éclair en mer de Barents. Le Tirpitz, l'Admiral Scheer et l'Admiral Hipper quittèrent aussitôt l'Altenfjord, cap au nord, puis mirent à 17 h cap à l'est, et ont été très vite repérés par des sous-marins. Dès que les résultats exceptionnels des attaques des sous-marins et des avions contre le convoi PQ-17 furent connus, le cuirassé et les croiseurs lourds allemands furent rappelés vers 21 h 30, au grand désappointement de l'amiral Schniewind, responsable de la conduite de l'opération[217].

Pour les navires du convoi, l'hécatombe a continué, malgré la pugnacité et l'héroïsme des équipages des navires d'escorte, en particulier les navires anti-aériens. Onze navires seulement arrivèrent à Arkhangelsk, après avoir longé la banquise et les côtes de la Nouvelle-Zemble, les premiers vers le 10 juillet, et les derniers le 28 juillet, que le commodore Dowding, responsable du convoi était parti rechercher[218]. Au total, treize navires ont été coulés par deux cent avions, dix ont été coulés par des sous-marins, 57 000 tonnes ont été déchargées sur les 156 500 tonnes embarqués, 430 chars, 210 avions et 3 350 véhicules, sont allés au fond de l'eau[219]. Ce fut une grande victoire allemande, sans tirer un seul coup de canon des grands navires de surface.

La bataille de la mer de Barents

L'Amirauté britannique obtint l'arrêt des convois de Russie, pendant le mois d'août 1942, les moyens de la Home Fleet étant accaparés par l'Opération Pedestal en Méditerranée[Note 15], tandis qu'à la mi-août également, l'USS Washington était appelé à rejoindre le Pacifique, où venait d'avoir lieu le débarquement américain à Guadalcanal.

La principale leçon du calamiteux convoi PQ-17 était la nécessité d'accompagner le convoi en mer de Barents, à l'est de la ligne Spitzberg-Île aux Ours-Mourmansk, et donc de contester la supériorité aérienne allemande des quelque 200 appareils de la Luftwaffe opérant à partir des aérodromes de Kirkenes, de Banak et de Petsamo, pour permettre aux croiseurs de la force de couverture rapprochée de repousser les grands bâtiments de surface allemands et aux destroyers d'attaquer les sous-marins. En l'absence d'un grand porte-avions dans la force de couverture éloignée (le HMS Victorious devant subir des opérations de maintenance), un porte avions d'escorte, HMS Avenger embarquant douze Sea Hurricanes et trois Sworfishes anti sous-marins[220], fut incorporé à l'escorte, aux ordres du contre amiral Burnett, sur le croiseur léger HMS Scylla, avec dix-huit grands destroyers, considérés comme constituant le meilleur moyen de dissuader les Allemands de faire sortir leurs grands bâtiments de surface[221]. Leur ravitaillement était assuré par quatre pétroliers auxiliaires de la Flotte, dont deux pré-positionnés dans le Lowe Sound au Spitzberg[222].

Le Coastal Command fut, de son côté, autorisé, cette fois, à implanter, sur les aérodromes de Vaenga et de Grasnaya, une escadrille de Catalinas, quatre Spitfires pour la reconnaissance et deux groupes de bombardiers-torpilleurs, soit une trentaine de Hampdens, pour l'attaque des bâtiments de surface[223]. Vingt-trois appareils arrivèrent le 5 septembre de Grande-Bretagne, neuf se perdirent ou furent abattus, dont un dût se poser en territoire occupé par les Allemands. À son bord ceux-ci trouvèrent des renseignements essentiels sur l'opération[224].

Un cargo du convoi PQ-18, touché, explose à proximité du destroyer HMS Eskimo de la classe Tribal
Vu du pont du porte-avions d'escorte HMS Avenger, le cargo de munitions SS Mary Luckenbach touché par une bombe d'avion se volatilise, le 13 septembre

La force de couverture éloignée restait composée de deux cuirassés, HMS Anson portant la marque du vice amiral Fraser et HMS Duke of York, et du grand croiseur léger HMS Jamaica. La force de couverture rapprochée, aux ordres du vice amiral Bonham Carter, comportait trois croiseurs lourds, HMS London, Norfolk et Suffolk. L'amiral Tovey, Commandant la Home Fleet est resté à Scapa Flow, où le cuirassé HMS King George V, avait une ligne téléphonique directe avec l'Amirauté[220].

Le 2 septembre, les quelque quarante cargos du convoi PQ-18 appareillèrent du Loch Ewe, au nord-ouest de l'Écosse, et non plus d'Islande, pour tromper les reconnaissances allemandes, et furent ralliés entre le 7 et le 9, par l'escorte qui comptait cinquante navires dont la moitié de destroyers[222]. Repéré dès le 8, le convoi fut attaqué sans discontinuer pendant six jours du 12 au 18 septembre par l'aviation et, dans une moindre mesure, par les sous-marins, et treize navires furent détruits, mais le convoi conserva cependant sa cohésion[225]. Bien que les avions du HMS Avenger eussent été surclassés par les avions de la Luftwaffe, les dispositions prises furent jugées acceptables par l'amiral Tovey.

L'escorte prit ensuite en charge le convoi QP 14, quinze cargos qui étaient majoritairement des rescapés du convoi PQ-17. Le Grand-amiral Raeder avait résolu de réserver l'attaque, par des bâtiments de surface, contre les convois « rentrants » comme le QP-14, mais les objurgations de prudence d'Hitler et le grand nombre des destroyers de l'escorte, le conduisit à renoncer à cette attaque. Mais trois cargos et un grand destroyer furent encore perdus, principalement sous les coups des sous-marins. Au total pour ces deux convois, les Allemands ont perdu 33 bombardiers-torpilleurs, six bombardiers en piqué, deux avions de reconnaissance à long rayon d'action, quatre sous-marins coulés et cinq endommagés, ce qui leur parut assez cher payé[226]. Les convois de l'Arctique furent uns seconde fois suspendus, parce que, cette fois, la Home Fleet devait consacrer l'essentiel de ses moyens à l'Opération Torch de débarquement en Afrique du Nord française.

Tandis que Churchill et Hitler se sont pris à rêver de débarquements, le premier en Norvège septentrionale, le second en Islande, la nuit polaire hivernale s'est réinstallée, ce qui a conduit la Luftwaffe à alléger son dispositif, le Lützow a remplacé l'Admiral Scheer. L'amiral Tovey a réclamé que la taille des convois fût réduite, il a obtenu qu'ils fussent scindés en deux, et leur numérotation a changé, les convois ouest-est ont été désignés JW et est-ouest, RA.

Carte des mouvements des navires allemands et britanniques du 27 au 31 décembre 1942, en mer de Barents

C'est ainsi que le convoi JW-51-A, parti le 15 décembre de Liverpool, parvint, sans avoir été attaqué[Note 16], dans le golfe de Kola, le 22. Ce même jour, la seconde partie du convoi, JW-51-B, est partie à son tour, et a été rejointe par son escorte immédiate, partie d'Islande, le 24. Le 27, la force de couverture rapprochée du contre amiral Burnett, avec les grands croiseurs légers HMS Sheffield et Jamaica a quitté le golfe de Kola pour se placer au sud de la route prévue du convoi, pour intercepter une éventuelle sortie des grands bâtiments de surface allemands. Naviguant cap à l'est, elle a mis le 30, à 18 h 30 cap au nord-ouest, pensant se trouver le 31 au matin, en arrière du convoi, en position de couper la retraite aux croiseurs lourds allemands s'ils s'étaient aventurés pour l'attaquer. C'était effectivement le cas.

Le HMS Onslow a eu la cheminée et la passerelle dévastées par les obus de 203 mm de l'Admiral Hipper

Le 30 décembre, à la mi-journée, le convoi a été repéré par l'U-354. Or la Kriegsmarine avait établi un plan d'attaque des convois de Russie par les navires de surface : l'opération Regenbogen (Arc-en-ciel), qui impliquait l'Admiral Hipper, le Lützow et six destroyers. Aussitôt informé, le commandement du Groupe Nord (de) ordonna de mettre ces navires à 3 heures d'appareillage, et aucun contrordre n'étant venu de la part d'Hitler, à 18 h, les navires avaient quitté l'Altenfjord et mis cap au nord-est. À 18 h 45, l'amiral Kummetz sur l'Admiral Hipper reçut un message de l'amiral « Eaux nordiques » à Narvik[Note 17], lui intimant de se montrer « prudent, même devant un adversaire d'égale force, car il est indésirable que les croiseurs prennent de grands risques ». À h 30, l'amiral Kummetz divisa ses forces, de façon à se trouver avec l'Admiral Hipper, à h, à 75 nautiques au nord du Lützow, pour rechercher le convoi vers l'est, et le prendre en tenailles, le premier qui trouverait le convoi devant attirer l'escorte vers lui, pour permettre à l'autre d'attaquer les cargos[227]. Mais le convoi avait pris du retard dans une tempête les jours précédents de sorte qu'il était plus à l'ouest que ce que pensaient l'amiral Burnett et l'amiral Kummetz. Dès lors, plus personne ne savait exactement qui était où, et dans la lumière crépusculaire d'un 31 décembre, à une latitude de plus de 70° Nord, au milieu des bourrasques de neige et des bancs de brume, les différents protagonistes ont aperçu des silhouettes de destroyers, sans savoir s'il s'agissait d'amis ou d'ennemis.

L'escorte du convoi, aux ordres du captain St. Vincent Sherbrookesur le HMS Onslow, comportait alors quatre[228],[Note 18] destroyers récents de la classe O, un destroyer plus ancien HMS Achates, deux corvettes, un dragueur de mines et deux chalutiers armés. Des destroyers ayant été repérés, vers h 15, à l'arrière du convoi, l'escorte pensa d'abord qu'ils étaient russes[229]. Lorsque ces destroyers allemands ouvrirent le feu, les destroyers récents de l'escorte firent face[230]. C'est alors le croiseur lourd Admiral Hipper, navire amiral de l'amiral Kummetz, qui, vers h 30, a ouvert le feu sur le HMS Achates, le destroyer ancien tendant un rideau de fumée pour masquer le convoi qui s'éloignait dans la direction opposée, l'endommageant gravement[231], puis sur les destroyers de la classe O[232]. À 10 h 20, il a touché le HMS Onslow, à l'avant et dans la machine. Sur la passerelle, ravagée, le captain St. Vincent Sherbrooke a été très grièvement blessé[233]. Mais craignant de prêter le flanc à une attaque à la torpille, l'amiral Kummetz ne s'est pas assez engagé pour passer au travers de l'écran des destroyers et attaquer les cargos. Cependant, à 10 h 45, il a surpris et écrasé le dragueur de mines HMS Bramble[234], et à 11 h 15, il a entrepris d'achever le HMS Achates[235], qui se trainait à 15 nœuds[Note 19], puis il a canonné à nouveau les destroyers qui étaient revenus vers le convoi. Pendant ce temps au sud du convoi, le Lützow se rapprochait, mais il a signalé à 11 h 15: «Perdu de vue l'ennemi, dans grains de neige»[236]. L'Admiral Hipper répondit à 11 h 36 : «Suis engagé contre des escorteurs. Aucun croiseur n'accompagne le convoi.»[237].

À 30 nautiques au nord, à h 30, l'amiral Burnett était perplexe, il y avait une bataille dans le sud, mais ce n'était pas là, mais plus à l'est, qu'il pensait que se trouvait le convoi. Finalement, à 10 h, il s'est résolu à marcher au canon, signalant : « Du Sheffield. Je me rapproche de vous, cap au 170 », mais sans indiquer à quelle distance il se trouvait, sans doute parce qu'il ne savait pas exactement où était le convoi[238]. À 10 h 30, deux grands bâtiments furent repérés au radar, l'un droit devant (c'était l'Admiral Hipper), l'autre sur bâbord (c'était le Lützow). À 11 h 15, les croiseurs se dirigèrent, cap au 190, vers le premier. À la suite d'une évolution du bâtiment allemand, il fut identifié à 11 h 28[239]. Quelques minutes plus tard, les croiseurs britanniques ouvraient le feu, à 6 000 mètres, à raison d'une salve toutes les vingt secondes. Le croiseur lourd allemand n'avait rien vu venir, il était engagé du bord opposé avec deux destroyers britanniques. Il encaissa aussitôt plusieurs obus, dans la machine, sa vitesse tomba à 23 nœuds, et dans le hangar d'aviation. Il vint sur tribord, se rapprochant des croiseurs britanniques, qu'il a pris d'abord pour des destroyers. Ceux-ci manœuvrèrent pour garder la distance et l'avantage de la lumière. Mais le navire allemand a disparu très vite derrière un rideau de fumée[240]. C'est alors que le destroyer allemand Friedrich Eckoldt voyant surgir un croiseur, qu'il prit pour l'Admiral Hipper, lui fit le signal de reconnaissance allemand, et le HMS Sheffield l'a écrasé à bout portant. Le Friedrich Eckoldt a pris feu et disparut corps et biens[241].

À 11 h 37 et à 11 h 49, l'amiral Kummetz a signalé : « Rompre l'action et se replier vers l'ouest » et le commandant du Lützow a répondu : « Je vous rallie »[242]. Au cours de ce mouvement, quelques coups de canon ont encore été tirés, sur le convoi, sans résultats autres que quelques éclats, ou ont été échangés entre les croiseurs, vers 12 h 30, mais l'amiral Burnett, qui accompagnait alors le convoi rentrant RA-51-A, s'est contenté de s'assurer, jusque vers 16 h que les navires allemands avaient bien repris le chemin de leurs bases[243]. À 11 h 45, l'U-354 avait envoyé le message : « La bataille atteint son point culminant. Je ne vois plus que du rouge ». Ce seul message, car l'amiral Kummetz n'a pas voulu rompre le silence radio à la mer, a été transmis au Q.G. d'Hitler. Il a fait croire à une victoire[244]. La désillusion n'en a été que plus grande.

On connait les conséquences considérables de ce combat du 31 décembre 1942, la fureur d'Hitler contre les amiraux, sa décision de mettre à la ferraille les grands navires de surface, la démission du Grand-amiral Raeder, son remplacement par l'amiral Dönitz à la tête de la Kriegsmarine, l'arrêt quasi total des sorties à la mer des cuirassés et des croiseurs allemands.

La bataille du cap Nord

Dans l'Arctique, le début de l'année 1943 a vu une série de convois (JW-52 et RA-52, JW-53 et RA-53) passer à peu près sans encombres. La chaine de commandement de la Kriegsmarine a été modifiée. Le Generaladmiral Carls, théoricien de l'emploi des grands navire de surface, proposé en premier par le Grand amiral Raeder pour lui succéder, et qu'Hitler pas retenu au bénéfice de l'amiral Dönitz, a quitté le commandement du Groupe nord. L'amiral Schniewind lui a succédé, le commandement des "Eaux Arctiques" en Norvège a été supprimé, et ses attributions ont été rattachées au commandement du Groupe Nord. Fin février, Dönitz, promu Grand amiral, obtint d'Hitler, non sans difficulté, que le Scharnhorst passât de la Baltique en Atlantique. Le 14 mars, il arrivait à Narvik puis il a gagné l'Altenfjord[245].

Il n'y eut pas de convoi de Russie au printemps et à l'été 1943, les débarquements de Sicile et de Salerne nécessitant la présence en Méditerranée de la majeure partie des escorteurs. La Home Fleet conservait cependant trois cuirassés de la classe King George V en Écosse, pour en avoir, en permanence, deux opérationnels en cas de tentative du Tirpitz de passer dans l'Atlantique. La pénurie de mazout a toutefois contraint les grands navire allemands pendant cette période à rester au mouillage, mis à part quelques rares écoles à feu, et un bref raid du Tirpitz et du Scharnhorst, contre les stations météorologiques du Spitzberg, début août[245].

Le Tirpitz ayant été immobilisé pour plusieurs mois, à la suite de l'attaque de sous-marins nains le 22 septembre, l'Amirauté britannique, où l'amiral Sir Andrew Cunningham avait remplacé fin août, comme Premier Lord de la Mer, l'amiral de la Flotte sir Dudley Pound, a pu tenir la promesse faite par Winston Churchill à Staline d'organiser un convoi de 30 à 40 navires, chaque mois de novembre à février. Les convois RA-54-A, JW-54-A et B, passèrent sans encombre en novembre[246]. Pour le convoi JW-55-A, début décembre, l'amiral Fraser qui avait succédé en mai à l'amiral Tovey comme commandant en chef de la Home Fleet et était à la mer avec sa marque sur le HMS Duke of York, décida, pour assurer la protection du convoi contre une attaque des grands bâtiments de surface allemands, de s'aventurer jusque dans le golfe de Kola, où il mouilla le 16 décembre. C'était un changement de tactique important par rapport à l'année précédente. Mais d'une part, la Luftwaffe avait considérablement réduit sa présence dans le nord de la Norvège, et d'autre part, avec l'indisponibilité du Tirpitz, la Home Fleet ne craignait plus mais recherchait plutôt le contact avec les navires allemands et notamment le Scharnhorst [247].

Le HMS Duke of York dans l'océan Arctique, par vent de 90 à 110 km/h (vu ici depuis le HMS Victorious, en 1942)

Lorsque le convoi JW-55-B s'est présenté, le 24 décembre, entre l'Île Jan Mayen et le sud de l'Île-aux-Ours, il avait été repéré par les Allemands, et l'amiral Schniewind a mis le groupe de combat du Scharnhorst en alerte, mais il était préoccupé de ce que le convoi pût servir d'appât pour attirer ses navires à portée d'une force de ligne qui en assurerait la couverture. Le contre amiral Bey qui assurait temporairement le commandement du groupe de combat était favorable à la sortie, mais l'amiral Schniewind décida d'en référer au Grand amiral Donitz[248]. Quant à l'amiral Fraser, qui revenait d'Akureyri, en Islande, où il avait refait le plein de son escadre, il était inquiet de la distance de 400 nautiques qui le séparait du convoi. Il lui signala donc de ralentir un peu, tout en sachant qu'en augmentant simultanément de 15 à 19 nœuds la vitesse de son escadre, il risquait d'accroître fortement la consommation de mazout de ses destroyers d'escorte, et donc le temps pendant lequel ils pourraient demeurer en Mer de Barents, d'autant qu'une tempête se levait[249].

Le Grand amiral Donitz, dont la guerre sous-marine marquait sérieusement le pas depuis la mi-1943, a considéré que la Flotte ne pouvait laisser passer sans bouger les convois à destination de l'Union soviétique, alors que la situation s'aggravait sur le front de l'Est[248]. Le 25 à 14 h 15, un message de Berlin a fixé l'heure de l'appareillage à 17 h. Le temps devenant exécrable, rendant difficile pour les destroyers d'assurer leur mission d'escorte, l'amiral Schniewind appela Berlin pour faire ajourner l'opération, ce qui lui fut refusé. Le groupe de combat est parti à 19 h, et a mis cap au nord, à 25 nœuds, pour attaquer le convoi, le 26 à 10 h, mais les instructions du Groupe Nord prescrivaient de « ne s'engager (...) que si les conditions sont favorables » (en particulier « renseignements précis sur l'ennemi »), ce qui en raison de la défaillance de la Luftwaffe n'allait pas être le cas[250].

Vers minuit, le contre amiral Bey signala que ses destroyers peinaient dans la tempête et qu'il allait falloir réduire la vitesse. Le Groupe Nord lui répondit d'examiner s'il ne fallait pas exécuter mission sans les destroyers, et concluait : « Ce sera à vous de décider »[251]. Ce message apprit aux Britanniques que le Scharnhorst était à la mer et l'amiral Fraser en a été informé avant h. À ce moment, la position des protagonistes était la suivante: le convoi RA-55-A, à 200 nautiques à l'ouest de l'Île-aux-Ours, s'éloignait lentement vers l'ouest, à l'insu des Allemands. Le convoi JW-55-B était à 50 nautiques au sud de l'Île-aux-Ours marchant à l'est à 8 nœuds. L'amiral Burnett avec trois grands croiseurs (HMS Belfast, Norfolk, Sheffield) attendait le convoi, à 150 nautiques à l'est. L'amiral Fraser sur son cuirassé, avec le HMS Jamaica, à 220 nautiques au sud-ouest du JW-55-B, se rapprochait à 24 nœuds. Quant au groupe de combat allemand, il était à 100 nautiques au sud-est du convoi, il marchait cap au nord à 25 nœuds. Pour éviter de se retrouver dans la situation de la bataille de la mer de Barents, où avait régné une longue incertitude sur les positions des uns et des autres, l'amiral Fraser rompit le silence radio, pour que ses forces connaissent leurs positions respectives (il semble que les Allemands n'interceptèrent pas ces messages), et il ordonna, à h 30, au convoi de s'éloigner dans le nord-est, et à l'amiral Burnett de revenir, cap à l'ouest[252].

À h, le contre amiral Bey entreprit de rechercher le convoi, dispersant ses destroyers cap au sud-ouest[251], donc face à la tempête, ce qui les a contraints à réduire leur vitesse à 10 nœuds, tandis que le convoi se trouvait dans le nord-est. À h 40, le HMS Belfast repéra le Scharnhorst au radar à 17 nautiques un peu au nord de l'ouest, et à h 30, les croiseurs britanniques ouvrirent le feu, surprenant le cuirassé allemand, dont le radar fut touché[251]. Le Scharnhorst augmentant sa vitesse se déroba dans le sud-est[253]. Mais il remit très vite cap au nord, pour rechercher le convoi. Vers 10 h, il rappela ses destroyers, mais ceux-ci ne parvinrent pas à le retrouver[254].

L'amiral Burnett, qui avait perdu le contact, suivit en fait une route parallèle, en cherchant à couvrir le convoi. Le contact fut rétabli peu après midi, et il s'ensuivit un duel d'artillerie d'une vingtaine de minutes, pendant lequel le Scharnhorst mit plusieurs obus de 280 mm sur le HMS Norfolk. Cette fois, ce furent les croiseurs britanniques qui se dérobèrent, mais ils ont gardé le contact, tandis que le Scharnhorst se retirait vers sa base à 28 nœuds, cap au sud-sud ouest[254]. Un peu après 14 h, le contre amiral Bey a rappelé les destroyers qui étaient parvenus à proximité du convoi, sans le découvrir, puis il a annoncé l'heure de son retour à l'Altenfjord. Il avait été averti qu'un avion avait repéré la présence à la mer d'une force comprenant un grand navire, dans le sud-ouest, mais il ne s'en était pas inquiété. Vers 16 h 20, le HMS Duke of York a détecté le Scharnhorst avec son radar de veille, et a ouvert le feu à 16 h 50[254]. Le cuirassé allemand, très vite touché, mais précis dans sa riposte, s'est replié vers l'est, profitant de son avantage de vitesse de quatre nœuds, se tenant à distance de quatre destroyers en embuscade[255]. Au bout d'une heure et demie de canonnade un obus britannique de 356 mm atteignit les machines, et la vitesse du cuirassé allemand a chuté, permettant au cuirassé britannique de le pilonner et aux destroyers de mener leurs attaques à la torpille[255]. À 19 h 45, l'épave en feu du Scharnhorst, torpillée par les croiseurs HMS Belfast et Jamaica s'est engloutie, seuls 36 marins ont pu être recueillis[256].

1944-1945

Après la bataille de la mer de Barents, les croiseurs lourds allemands, Admiral Hipper, Prinz Eugen, Admiral Scheer et Lützow n'ont plus connu d'activité opérationnelle en haute mer, étant tout au plus engagés dans des opérations de soutien des forces terrestres en mer Baltique. Certains grands croiseurs légers italiens (Duca degli Abruzzi, Duca d'Aosta, et Garibaldi ont participé au titre de la « cobelligérance » à des patrouilles dans l'Atlantique contre des forceurs de blocus allemands.

Sur la passerelle de l'USS Augusta, le contre amiral Kirk et le général Omar Bradley (les deux premiers à gauche), pendant le débarquement de Normandie

Pour la préparation des débarquements de Normandie et de Provence, les croiseurs lourds présents ont été principalement américains (USS Augusta, Tuscaloosa et Quincy)[257], la Royal Navy y ayant engagé, outre des cuirassés anciens, principalement des croiseurs légers de la classe Arethusa ou anti-aériens de la Classe Dido notamment, comme le HMS Scylla sur lequel le contre amiral Sir Philip Vian avait sa marque comme commandant de la Task Force Est du débarquement de Normandie, ou de grands croiseurs légers, les HMS Belfast, Glasgow, Mauritius[258].

Pour ce qui est des navires de la Marine Nationale française, qui ont été engagés en opération, outre le cuirassé Richelieu, rattaché à la Flotte britannique d'Orient, et le cuirassé ancien Lorraine, qui a bombardé des batteries côtières devant Toulon, la conception des croiseurs lourds de la classe Duquesne et du Suffren était trop ancienne, avec des blindages extrêmement légers et même après une modernisation qui a consisté à les débarrasser de leurs installations d'aviation et renforcer quelque peu leur Défense Contre Avions, ils n'ont pas été réellement engagés, à la différence des croiseurs légers de la classe La Galissonnière, en particulier Georges Leygues et Montcalm, qui auront participé aux débarquements de Normandie et de Provence et à la Flank Force qui a opéré devant la Riviera du Ponant italienne[259].

Des Îles Gilbert aux Philippines
Carte des commandements alliés dans la guerre du Pacifique

La guerre dans le Pacifique a donné lieu à une organisation du commandement allié, mise en place au début de 1942, qui a distingué deux grandes zones, le Commandement des zones de l'Océan Pacifique, confié le 3 avril 1942, à l'amiral Nimitz, Commandant-en-Chef de la Flotte du Pacifique et le Commandement de la zone Sud-Ouest du Pacifique (en) confié au général MacArthur, Commandant des Forces de l'Armée des États-Unis en Extrême-Orient.

La zone confiée à l'amiral Nimitz était divisée en trois, le Pacifique Central que l'amiral Nimitz gardait son sous autorité directe, et deux zones, Pacifique Nord et Pacifique Sud, celle-ci confiée d'abord au vice-amiral Ghormley, puis à partir du 18 octobre 1942, à l'amiral Halsey.

Les Commandants-en-Chef de zones avaient autorité sur toutes les forces terrestres, aériennes et navales. Dans la zone de l'amiral Nimitz, les forces navales constituaient la Grande Flotte Bleue (Big Blue Fleet), tantôt désignée comme la Ve Flotte aux ordres du vice-amiral (plus tard amiral) Spruance, tantôt comme la IIIeFlotte aux ordres de l'amiral Halsey[Note 20]. Comme le principe d'organisation de l'U.S. Navy était de constituer des Task Forces[260], il convient de se référer à chaque opération, pour connaitre la participation de tel type de bâtiment (voire d'un navire en particulier) à tel ou tel évènement.

Pour ce qui est des forces navales placées sous l'autorité du général MacArthur, il s'est agi tout d'abord de l'ANZAC Squadron (en)(Escadre d'Australie-Nouvelle-Zélande) qui a perdu deux de ses quatre croiseurs lourds à la bataille de l'île de Savo. Elle a été désignée ensuite comme la Task Force 44 (en), intégrée comme TF. 74 (en) dans une nouvelle VIIeFlotte. Après de multiples démêlés avec le général MacArthur, l'amiral King, Commandant-en-Chef de la Flotte des États-Unis a désigné, de sa propre autorité, le vice-amiral Kinkaid à la tête de la VIIeFlotte, mais toutes les difficultés de liaisons n'ont pas été réglées, entre les amiraux dépendant pour l'un de MacArthur et pour l'autre de Nimitz, quand ils devaient participer à une opération commune, comme ce fut le cas pour le débarquement sur les côtes du golfe de Leyte, en octobre 1944.

Les Îles Gilbert et les Îles Marshall

C'est au cours de l'automne de 1943 qu'a commencé la préparation de l'Opération Galvanic, début de l'offensive américaine dans le Pacifique central, contre les Îles Gilbert, protectorat britannique, où les Japonais avaient débarqué dès le 8 décembre 1941. Après un bombardement aérien, le 19 novembre, sur les îles Gilbert, les Îles Marshall et Nauru, il s'agissait de débarquer, le 20 novembre, sur les atolls de Tarawa et de Makin, le 5e Corps Amphibie (V.AC), soit 35 000 hommes contre une garnison de 4 000 Japonais.

Carte des Îles Marshall

La Task Force 52, partie de Pearl Harbour, amenait la 27e Division d'Infanterie. Son groupe d'appui feu (TG 52.2) comptait quatre cuirassés anciens, USS New Mexico, Pennsylvania, Idaho, Mississippi, les croiseurs lourds USS Minneapolis, San Francisco, New Orleans, Baltimore.

La Task force 53, partie d'Espiritu Santo (Nouvelles-Hébrides), amenait la 2e Division de Marines. Son groupe d'appui feu (TG 53.4) comptait trois cuirassés anciens USS Tennessee, Maryland et Colorado, les croiseurs lourds USS Portland, Indianapolis et les grands croiseurs légers USS Mobile et USS Santa Fe.

La Task Force 50 (Carrier Force), qui comportait six porte-avions d'assaut et cinq porte-avions légers, comptait dans le Groupe de Bombardement (Task Group 50.8) les six cuirassés rapides de la classe North Carolina et de la classe South Dakota, dans le TG 50.1 les croiseurs lourds USS San Francisco et New Orleans, et dans le TG 50.3 les trois croiseurs lourds USS Chester, et USS Pensacola et Salt Lake City de la 5e Division de Croiseurs (CruDiv5).

Le bombardement préparatoire se révéla plus impressionnant qu'efficace. La résistance japonaise a été acharnée en particulier autour du terrain d'aviation de Betio. Ce premier débarquement à Tarawa, où près de mille marines furent tués, sur un territoire minuscule, fut ressenti comme une des batailles plus sanglantes de la Guerre du Pacifique[261].

L'opération suivante (Opération Flintlock) a consisté à attaquer les Îles Marshall, qui avaient fait partie du protectorat de la Nouvelle-Guinée allemande et avaient été confiées sous mandat de la S.D.N. à l'Empire du Japon. Elles constituaient donc un des éléments avancés de la ligne de défense japonaise dans le Pacifique Central. Après des bombardements préparatoires massifs, aussi bien par l'aviation embarquée que par celle basée sur les Îles Gilbert, ou par l'artillerie navale, il a été tenu compte de l'expérience chèrement acquise à Tarawa, lorsque, le 31 janvier, l'assaut fut donné sur les atolls de Kwajalein, de Roi-Namur et de Majuro[261]. Les pertes américaines sont de moins de 400 tués.

L'examen de la composition des Task Forces et Task Groups pendant ces mois de février, mars, avril 1944, montre qu'à partir de l'ensemble qui a été décrit plus haut pour l'attaque des îles Gilbert, sont constitués divers Task Groups, comprenant plusieurs porte-avions d'assaut, comme les USS Saratoga, Enterprise, ou de nouveaux porte-avions de la classe Essex, des porte-avions légers de la classe Independence, un ou plusieurs cuirassés rapides, y compris de la classe Iowa (dont le débarquement de Kwajalein aura été la première opération), des croiseurs lourds, dont certains de la classe Baltimore, de grands croiseurs légers, le plus souvent de la classe Cleveland, des croiseurs anti-aériens de la classe Oakland. Ces Task Groups tantôt couvrent des débarquements (Opération Catchpole du TG 58.4 à Eniwetok[262], à l'ouest des Îles Marshall, du 12 au 17 février), tantôt effectuent des raids de bombardements sur Truk[262], la grande base japonaise des Îles Carolines surnommée le “Gibraltar du Pacifique” (Opération Hailstone des TG 58.1, 58.2, et 58.3, les 17 et 18 février[136]), sur les Îles Mariannes (Saipan, Tinian et Guam) par la TF 58 à la fin de l'opération Catchpole, du 21 au 23 février, ou sur Palaos, Yap et Ulithi (Opération Desecrate I, de la Task Force 58, du 28 mars au 1er avril)[262]. Truk et Palau sont à nouveau l'objectif des bombardements de l'aviation embarquée de la Task Force 58, le 29 et le 30 avril, tandis que les cuirassés bombardent Ponape, le 1er mai, au retour des opérations Reckless et Persecution, en appui de l'avance des troupes du général MacArthur sur la côte nord de la Nouvelle-Guinée[263].

Les Îles Mariannes

L'archipel des Mariannes, possession espagnole depuis le XVIe siècle a été cédé à l'Empire allemand, en 1899, par le traité germano-espagnol de 1899, à l'exception de l'île de Guam, cédée aux États-Unis par le traité de Paris de 1898. Ces possessions allemandes ont été attribuées à l'Empire du Japon, sous mandat de la S.D.N. après la Première Guerre Mondiale. Guam a été conquise par les Japonais, dès le début du mois de décembre 1941. Le choix de l'objectif des Mariannes (Opération Forager), qui était celui de l'amiral King, Commandant-en-chef de la Flotte des États-Unis, plutôt que les Îles Carolines ou les Îles Palaos, n'allait pas de soi, et donna lieu à de multiples discussions au plus haut niveau.

Dans l'ordre de bataille, à la date du 18 juin, de la Task Force 58, aux ordres du vice amiral Mitscher, ancien commandant de l'USS Hornet à Midway, figuraient, outre l'USS Indianapolis, hors rang, navire de l'amiral Spruance, seize grands croiseurs, soit trois croiseurs lourds de la classe Baltimore, neuf grands croiseurs légers de la classe Cleveland, et quatre croiseurs lourds de la classe New Orleans, répartis dans les différents Task Groups :

Ordre de bataille de l'Opération Forager
Le 20 juin 1944 dans l'après-midi, un croiseur lourd japonais (le Maya ou le Chokai) essaie d'échapper aux attaques de l'aviation de l'USS Bunker Hill (CV-17)

On notera que les sept cuirassés rapides, aux ordres du vice amiral Lee, n'ont pas été intégrés dans les Task Groups des porte-avions, à la différence des grands croiseurs, cela aura permis d'utiliser les cuirassés en écran de DCA éloignée devant les porte-avions[265], laissant aux grands croiseurs récents la DCA rapprochée, grâce à leur abondante artillerie anti-aérienne de 40 mm Bofors et 20 mm Oerlikon.

Les cuirassés anciens, aux ordres du contre amiral Oldendorf, ont en revanche été dispersés dans les Task Groups de la Task Force 51 du vice amiral "Kelly" Turner, qui était responsable de l'ensemble des débarquements, ou dans les Task Forces spécifiques, TF 52 et TF 53, qui auront été constituées pour les débarquements de Tinian et Guam, TG 52.17 avec les USS Tennessee, California, Colorado, Maryland, et TG 53.5, avec les USS Pennsylvania, Idaho, New Mexico.

Le débarquement des troupes du Général MacArthur, fin mai, sur l'île de Biak, au nord-ouest de la Nouvelle-Guinée[263] préoccupait les Japonais, en ce qu'il menaçait leurs mouillages des Îles Palaos, et l'amiral Toyoda, Commandant-en-Chef de la Flotte Combinée, qui a succédé, en mai 1944, à l'amiral Koga, mort accidentellement, préparait une sortie des cuirassés géants Yamato et Musashi, quand ont commencé, le 12 juin, les bombardements préparatoires à l'attaque des Îles Mariannes.

Le vice amiral Ozawa, un des meilleurs spécialistes de l'aéronavale de la Marine Impériale japonaise, ayant sa marque sur le puissant et récent porte-avions Taihō, a appareillé de Tawi-Tawi, à l'extrême sud-ouest de l'archipel philippin, le 13 juin, pour aller affronter la force américaine du Pacifique central. Il disposait de cinq porte-avions lourds, quatre porte-avions légers, cinq cuirassés et onze croiseurs lourds. Huit de ceux-ci (Atago, Takao, Maya, Chokai, Tone, Chikuma, Kumano, Suzuya) étaient intégrés dans la « Force d'avant-garde » (ou Force "C") de l'amiral Kurita, qui comprenait trois porte-avions légers, les deux cuirassés de la classe Yamato et deux cuirassés rapides de la classe Kongō. Deux croiseurs lourds, les Myōkō et Haguro, faisaient partie de la Force "A" . Le onzième croiseur lourd était le Mogami, transformé en croiseur hybride porte-avions, intégré dans la Force "B", avec deux porte-avions de la classe Hiyō, un porte-avion léger et le Nagato.

Le débarquement sur Saipan a commencé le 15 juin, avec en première ligne la 2e Division de Marines et la 27e Division d'Infanterie, qui avaient débarqué à Tarawa. Mais la TF 58 qui assurait la couverture du débarquement a dû partir affronter la flotte japonaise dont l'approche avait été signalée par des sous-marins. La rencontre a eu lieu, les 19 et 20 juin, à la bataille de la mer des Philippines, au cours de laquelle les grands croiseurs des deux camps n'ont subi que très peu de dégâts. Elle s'est conclue, cependant, par une très nette victoire stratégique américaine, en ce que l'aviation embarquée japonaise y a été saignée à blanc, ce qui a marqué la fin opérationnelle de l'aéronavale japonaise[266]. Le 6 juillet, l'amiral Nagumo, commandant de la zone du Pacifique central, qui avait son QG à Saipan, s'est suicidé pour ne pas avoir à se rendre. Le 9 juillet, les combats ont cessé à Saipan. Le 21 juillet, les Américains ont débarqué sur Guam, et le 24 juillet, sur Tinian[267]. Les combats ont cessé à Tinian le 1er août, et à Guam le 10 août.

Les Îles Mariannes une fois conquises, les Américains entreprirent d'y construire des aérodromes, pour servir de bases de départ aux nouveaux bombardiers B-29, dont le rayon d'action aura permis de bombarder le Japon, en partant de Tinian, à partir d'octobre 1944. C'était pour cette raison que le général Arnold, commandant les U.S. Army Air Forces, avait soutenu le projet de l'amiral King d'attaquer les Mariannes.

La bataille du golfe de Leyte

Le 26 août 1944, la IIIe Flotte, aux ordres de l'amiral Halsey, prit nominalement la suite de la Ve Flotte de l'amiral Spruance. Pour ce qui concernait le cœur du corps de bataille, la Task Force 58 a donc pris le nom de Task Force 38, restant aux ordres du vice amiral Mitscher avec toujours quatre Task Groups, TG 38.1 du vice amiral McCain, TG 38.2 du contre amiral Bogan, TG 38.3 du contre amiral Sherman, TG 38.4 du contre amiral Davison, comprenant chacun de grands porte-avions de la classe Essex et des porte-avions légers de la classe Independence, les deux cuirassés rapides de la classe Iowa (BatDiv3) étant intégrés au TG 38.2, et les quatre cuirassés de la classe South Dakota (BatDiv8 et BatDiv9) au TG 38.3, les croiseurs lourds et les grands croiseurs légers étant répartis à peu près comme dans la TF 58.

À la mi septembre, la IIIe Flotte a porté son effort dans ce secteur des Palaos, débarquant à Peleliu (Opération Stalemate), le 15, où, malgré un bombardement massif du Groupe d'Appui Feu du contre amiral Oldendorf (TG 32.5), avec cinq cuirassés anciens, cinq croiseurs lourds et trois grands croiseurs légers, les Marines eurent beaucoup de pertes, en raison d'une nouvelle défense en profondeur, et de la fortification du centre de l'île, ce que les Japonais reprendront ultérieurement, à Okinawa notamment. Quelques jours plus tard, le 21, l'atoll d'Ulithi, dans les Mariannes occidentales, était occupé sans coup férir. Il deviendra une gigantesque base de soutien avancé de l'U.S. Navy.

Pour la suite des opérations, le général Douglas MacArthur, soucieux de tenir sa promesse (« I Shall return ») faite en 1942, était partisan d'entreprendre la reconquête des Philippines, en passant de Nouvelle-Guinée à Mindanao, tandis que l'amiral Nimitz aurait préféré débarquer directement sur Formose. Les deux options avaient des inconvénients, le nombre d'une douzaine de divisions, nécessaire pour l'attaque de Formose dépassait les possibilités américaines, tant que l'Allemagne n'aurait pas été vaincue[Note 22], tandis que le débarquement aux Philippines devait se faire à plus de 800 kilomètres de l'aérodrome le plus proche, donc sous la seule protection de la chasse embarquée, et conduisait à affronter une très importante aviation basée à terre, sur des aérodromes pouvant être renforcés par l'aviation de Formose. Finalement, un accord se fit, sous l'égide du Président des États-Unis en personne, pour un débarquement aux Philippines, aux ordres du général MacArthur, sous la protection de la Flotte du Pacifique, aux ordres de l'amiral Nimitz, vers le 15 novembre sur Mindanao et le 20 décembre sur Leyte[268].

La suite des opérations prévoyait alors un débarquement sur Yap, dans les Carolines Occidentales par la IIIe Flotte pour le 26 septembre. La TF 38 entreprit donc le bombardement préalable des aérodromes des Philippines. Mais la faible réaction de l'aviation japonaise basée à terre a conduit l'amiral Halsey à proposer, le 13 septembre, de faire l'impasse sur les prochains débarquements à venir, à commencer par celui de Yap, et à passer sans délai au débarquement sur Leyte. Relayée par les supérieurs de l'amiral Halsey, les amiraux Nimitz et King, cette proposition fut acceptée par la conférence interalliée qui se tenait alors à Québec. Très vite, le débarquement à Leyte de la VIe Armée américaine fut prévu pour le 20 octobre (Opération King Two)[269].

Dès lors, tout ce qui avait trait aux Forces Amphibies et à leur couverture rapprochée dans la IIIe Flotte a été intégré dans la « Marine de MacArthur », c'est-à-dire dans la VIIe Flotte récemment constituée, aux ordres du vice-amiral Kinkaid. Outre les moyens de transport et les moyens amphibies de débarquement, on aura trouvé au sein de la Task Force 77 notamment, les cuirassés anciens, c'est-à-dire le Groupe Appui Feu aux ordres du contre amiral Oldendorf (TG 77.2), quatre grands croiseurs du Groupe de Couverture Rapprochée (TG 77.3) HMS Australia, HMS Shropshire venant de la TF 74, avec les USS Phoenix et USS Boise, ainsi que les porte-avions d'escorte de la classe Sangamon ou de la classe Casablanca du Groupe de Support des Porte-avions (TG 77.4)[269]

Du côté japonais, les forces opérationnelles disponibles étaient censées constituer une « Force de Frappe », aux ordres du vice-amiral Ozawa, qui se répartissaient comme suit:

  • au nord, le « Corps principal », mouillé en Mer Intérieure du Japon, était constitué, d'une part de la Force "A", c'est-à-dire ce qui restait de la 3e Flotte qui avait combattu en juin à la bataille de la mer des Philippines, soit le grand porte-avions Zuikaku, dernier rescapé de Pearl Harbor, et trois porte-avions légers, dont on s'efforçait de reconstituer la dotation d'avions, et de former les équipages, avec le Mogami reconstruit en croiseur hybride de porte-avions, d'autre part de la Force d'Attaque de Diversion no 2, aux ordres du vice-amiral Shima, commandant la 5e Flotte constituée des deux croiseurs lourds de la classe Myōkō, les Nachi et Ashigara et leur escorte, et la 4e Division de Porte-Avions, c'est-à-dire les cuirassés hybrides de porte-avions de la classe Ise.
  • au sud, c'est-à-dire repliée au mouillage des îles Lingga, au sud de Singapour, au large des côtes de Sumatra, la Force d'Attaque de Diversion no 1, aux ordres du vice-amiral Kurita, qui était constituée de la 2e Flotte, c'est-à-dire les deux cuirassés de la classe Yamato, le Nagato, les deux cuirassés restant de la classe Kongō, avec dix croiseurs lourds, et aux ordres du vice-amiral Nishimura, les deux cuirassés de la classe Fuso, ainsi que le croiseur lourd Aoba de la 16e Division de Croiseurs[270].

À l'été 1944, le principe du Plan Sho-go (Victoire) a été établi, c'est-à-dire une réaction massive de la Flotte, en cas d'attaque américaine, qui était attendue pour le début novembre au plus tôt, avec des variantes selon que l'offensive américaine aurait lieu contre les Îles Ryūkyū, Hokkaidō, Honshū ou les Philippines. Il s'agissait d'aller attaquer les forces de surface qui assureraient la protection des débarquements, de les détruire, puis de s'attaquer aux navires se trouvant devant les plages. Le Haut Commandement japonais avait exclu du périmètre de la zone à défendre les Iles Palaos et les Carolines occidentales[271]. L'amiral Toyoda était convaincu que la perte par le Japon de Formose ou des Philippines serait catastrophique pour la Marine Impériale, dont les unités en Mer Intérieure perdraient l'accès à leur carburant, et celles mouillées en Mer de Chine méridionale n'auraient plus de possibilités de réapprovisionnement en munitions ni de moyens suffisants de réparation lourdes, ce qui signifiait la fin de la guerre navale à très court terme[272].

Les bombardements massifs opérés par la Task Force 38 sur les aérodromes de Formose et de Luçon, après le 10 octobre, laissaient peu de doute sur l'imminence de l'offensive américaine, même s'ils ont donné lieu à une intense opération de propagande japonaise, faisant état de plus de cinquante navires américains coulés, de « victoire à Formose plus importante que Pearl-Harbor », et de « coups portés plus terribles que ceux reçus par les Tsaristes, en mer du Japon » (c'est-à-dire à Tsou Shima). Mais, sachant qu'il n'aurait pas achevé à temps la formation de ses nouveaux pilotes et qu'il n'aurait pas la capacité d'assurer la protection aérienne des cuirassés du vice-amiral Kurita, le vice-amiral Ozawa, quant à lui, a proposé à l'amiral Toyoda que les deux escadres opérassent séparément, ce qui fut accepté. Le vice-amiral Ozawa a également reçu l'ordre de transférer à Formose environ la moitié ses pilotes qui, sans avoir encore la capacité d'opérer sur porte-avions, avaient déjà celle d'opérer depuis des bases terrestres, et c'est ainsi que l'escadre des porte-avions japonais se vit assigner le rôle de leurre pour entrainer à sa poursuite les grands porte-avions américains et permettre à l'escadre de cuirassés d'atteindre plus facilement les plages de débarquement[273]. D'ultimes ajustements en résultèrent : les deux cuirassés hybrides, Ise et Hyuga, mais sur lesquels il n'y eut aucun avion embarqué, ont finalement été rattachés à l'escadre du vice-amiral Ozawa, le vice- amiral Shima recevant l'ordre d'opérer en coordination avec le vice-amiral Kurita, mais en passant par l'entrée sud du Golfe de Leyte, le détroit de Surigao. Mais pour autant, il n'a pas pu se coordonner avec les forces que le vice-amiral Kurita a engagées également dans le détroit de Surigao, aux ordres du vice-amiral Nishimura[273], les dernières dispositions ayant été fixées après que les deux escadres eurent quitté leurs bases respectives.

La bataille de la mer de Sibuyan

Les bombardements préparatoires effectués par la TF 38 ne se firent pas sans réaction de l'aviation japonaise basée à terre. Ainsi, au sein du TG 38.1, le 13 octobre, à 80 nautiques de Formose, le croiseur lourd USS Canberraa reçu une torpille d'avion et a été gravement avarié. Il fallut le prendre en remorque, comme le grand croiseur léger USS Houston, également torpillé le lendemain[272]. Leurs réparations n'auront pas été achevées au moment de la capitulation japonaise.

Le 20 octobre 1944, le général MacArthur débarque à Palo dans le golfe de Leyte

Les débarquements, après les habituels bombardements d'artillerie et aériens, s'effectuèrent le 20 octobre, par très mauvais temps, sur les plages de la côte est du golfe de Leyte, autour de Palo, Dulga, et San Jose[274],sans grandes difficultés. Toutefois, le grand croiseur léger USS Honolulu a reçu une torpille d'avion, et le HMAS Australia a subi la toute première attaque d'avion-suicide[275]. Dès le 21, Tacloban, la principale ville de l'île de Leyte était reconquise. Cependant, la disponibilité d'aérodromes à proximité des plages de débarquement, prévue pour le 25 octobre, a pris du retard, de sorte que la couverture aérienne du débarquement reposait sur le Task Group 77.4 (le Groupe d'Appui des Porte-avions de la VIIe Flotte) du contre-amiral Thomas Sprague[276].

Le cuirassé Nagato, au mouillage en baie de Brunei, le 21 octobre 1944, en route pour le golfe de Leyte. On distingue à l'arrière-plan à gauche, le Musashi et le Mogami

Dans le même temps, les différentes escadres japonaises avaient quitté leurs bases.

Au sud, la Force d'Attaque de Diversion no 1 du vice-amiral Kurita, que les Américains désigneront comme la Force Centrale, s'était mise en route sur ordre de l'amiral Toyoda, dès le 18 dans la nuit. Partie des îles Lingga, elle était arrivée en baie de Brunei, à Borneo, le 20, pour y refaire le plein de carburant. Le vice-amiral Kurita y explicita, en présence du vice-amiral Nishimura, ses intentions de manœuvre. L'Aoba et la 16e Division de croiseurs ont quitté Brunei le 21, pour conduire un renfort de troupes à Manille. Le reste de la Force Centrale est repartie le 22, pour longer la côte occidentale de l'île de Palawan, vers la mer de Sibuyan et le détroit de San-Bernardino, au nord de l'île de Samar, pendant que la Force “C” du vice-amiral Nishimura faisait route séparément, par le détroit de Balabac et la mer de Sulu vers le détroit de Surigao[277].
Au nord, la Force "A" du vice-amiral Ozawa a quitté la Mer Intérieure, vers midi le 20, et s'est dirigée vers le nord-est de Luçon. La Force de Diversion no 2 du vice-amiral Shima a gagné Bako, dans les Îles Pescadores, à l'ouest de Formose, puis a refait le plein de ses destroyers en baie de Coron, dans les Îles Calamian au nord de Palawan, dans la nuit du 23, avant de faire route au sud-est, en mer de Sulu, vers le détroit de Surigao[278].

Une patrouille de deux sous-marins américains, les USS Darter et Dace, a été la première à signaler, dans la nuit du 22 au 23 octobre, une force japonaise à la mer, c'était la Force Centrale du vice amiral Kurita, au large de Palawan[279]. L'USS Darter a attaqué vers h 30 et coulé l'Atago, navire amiral du vice-amiral Kurita, et a gravement endommagé son sister-ship, le Takao, qui a dû se replier vers Brunei, puis Singapour, où il n'a plus jamais repris la mer. L'USS Dace, de son coté, vers h 50, a torpillé et coulé le croiseur lourd Maya [280],[281]. Un peu plus tôt, vers h 40, l'USS Bream (en), à 400 nautiques dans le nord-ouest, avait repéré la 16e Division de croiseurs japonaise et il a mis une torpille à l'Aoba, qui a réussi à gagner la base navale de Cavite[282]. Des sous-marins américains ont encore signalé la Force Centrale du vice amiral Kurita, au nord de Palawan[278].

Au matin du 24 octobre, trois des quatre Task Groups de la TF 38 étaient déployés sur une ligne nord-ouest/sud-est au large des côtes orientales de l'archipel philippin, au nord le TG 38.2 ( contre-amiral Bogan) au large de Luçon, au centre le TG 38.3 (contre-amiral Sherman) au nord de Samar, au sud le TG 38.4 (contre-amiral Davison) à la hauteur du détroit de Surigao, le TG 38.1 (vice-amiral McCain) étant, à 600 nautiques à l'est, en route vers la base d'Ulithi, pour se réapprovisionner en munitions et en carburant[283].

Les reconnaissances aériennes lancées pour retrouver les forces japonaises attaquées la veille par des sous-marins, ont rapidement porté leur fruits : la Force Centrale du vice-amiral Kurita a été repérée vers h 45 au sud de l'Île de Mindoro, c'était la première fois que les cuirassés de la classe Yamato étaient vus en opération par les forces américaines. Vers h 20, ce fut la Force “C” du vice-amiral Nishimura, qui a été repérée au large de l'Île de Negros, et attaquée presqu'aussitôt par l'aviation embarquée du Task Group 38.4. C'était la découverte de la manœuvre d'attaque japonaise, par le nord mais aussi par le sud du Golfe de Leyte. Enfin l'escadre du vice-amiral Shima a été repérée en fin de matinée[284]. Restait une inconnue : où étaient les portes avions japonais ?

En s'efforçant de porter secours à l'USS Princeton, le croiseur USS Birmingham aura près de 230 marins tués et plus de 400 blessés, plus qu'on en comptera sur le porte-avions.

L'amiral Halsey, laissant à la VIIe Flotte le soin d'arrêter les forces attaquant au sud, a lancé l'aviation embarquée des trois Task Groups de la Task Force 38 contre les cuirassés de la Force Centrale[285], qui ont dû livrer bataille sans couverture aérienne[286]. Certes, le Plan Sho-go supposait que l'aviation japonaise basée à terre, aux ordres du Maréchal Terauchi à Saigon, se substituerait à l'aviation embarquée, qui avait été détruite, ce qui aurait dû entrainer une coordination avec le commandant de la Flotte Combinée, l'amiral Toyoda, à Tokyo, mais il n'en a rien été[287].

L'effort des aviateurs japonais s'est alors porté sur l'attaque des porte-avions américains, mais peu de résultats furent obtenus, en raison de la puissance de la DCA des navires américains et de la supériorité de la chasse embarquée. Cependant, le 24 octobre, le porte-avions léger USS Princeton aura été gravement endommagé. Son équipage et ceux des croiseurs USS Birmingham et USS Reno firent de terribles efforts, au prix de lourdes pertes pour s'efforcer de le sauver[288] ,[281].

Du côté américain, ce furent les cuirassés géants qui ont été les cibles principales, en particulier le Musashi. Onze attaques à la torpille auront été menées avec succès sur ce cuirassé[Note 23], une seule contre les sept croiseurs lourds restants pour accompagner les cuirassés, ce qui aura forcé cependant le croiseur lourd Myōkō à rebrousser chemin vers Singapour, où il n'aura jamais été remis en état de prendre la mer[285],[289].

Dans l'après midi du 24 octobre, après que leur recherche avait dû être différée en raison des attaques de l'aviation japonaise, les porte-avions du vice-amiral Ozawa ont été repérés, à 130 nautiques au nord de Luçon, route au sud-sud ouest, à 15 nœuds. La composition de cette escadre fut, semble-t-il, surestimée[290]. L'amiral Halsey, ayant acquis la conviction que l'escadre principale qui menaçait le flanc nord du débarquement dans le golfe de Leyte était très affaiblie, qu'un de ses deux grands cuirassés avait été coulé, et qu'elle rebroussait chemin[291], décida de faire face à ce qui lui paraissait « une nouvelle et puissante menace », avec l'ensemble de la Task Force 38[292]. Ordre fut donc donné au contre-amiral Frederick C. Sherman de sacrifier l'USS Princeton[290], qui aura été le premier grand navire de surface perdu depuis l'USS Helena, à la bataille du golfe de Kula, en juillet 1943, seize mois auparavant[Note 24]. L'amiral Halsey signala aussi, au vice-amiral Kinkaid, et à l'amiral Nimitz, son intention de constituer une Task Force 34, avec quatre cuirassés rapides, trois croiseurs lourds et deux croiseurs légers, dont le vice-amiral Kinkaid a cru comprendre qu'elle resterait garder le détroit de San Bernardino[293], alors que l'amiral Halsey considérait qu'il ne devait pas diviser ses forces[294].

Le vice-amiral Kurita avait bien rebroussé chemin, vers 16 h 30, en attendant les résultats des attaques des avions japonais basés à terre, contre les porte-avions américains, s'était-il justifié auprès de l'amiral Toyoda[295]. Le Musashi avait finalement coulé, vers 19 h 35. Mais, à 19 h 30, l'amiral Toyoda lui avait signalé : « Confiante dans l'aide de Dieu, la force entière attaquera », ce qui dans l'esprit de l'amiral signifiait que la flotte devait avancer, même si elle devait être totalement perdue, et le vice-amiral Kurita l'avait bien compris[296]. Aussi la Force Centrale avait remis le cap à l'est, vers le détroit de San-Bernardino[289], qu'elle atteignit dans la nuit. Ce mouvement n'avait pas échappé aux reconnaissances américaines, et avait été signalé plusieurs fois à l'amiral Halsey, qui, avec la totalité de la TF 38, n'en continua pas moins à filer, cap au nord, vers l'escadre du vice-amiral Ozawa[297]. Jusque là, le Plan Sho-Go de l'amiral Toyoda fonctionnait.

La bataille du détroit de Surigao

Pendant ce temps, le contact avait été perdu avec la Force “C” du vice-amiral Nishimura, mais il ne faisait aucun doute que son objectif était le détroit de Surigao. Le contre-amiral Oldendorf y a déployé son Groupe d'Appui Feu de la VIIe Flotte (TG 77.2), renforcé du Groupe de Couverture Rapproché (TG 77.3). Il a disposé à l'extrémité nord du détroit, au débouché dans le golfe de Leyte, les six cuirassés anciens, c'est-à-dire la 4e Division de Cuirassés (BatDiv4), USS West Virginia, Maryland, et Mississippi portant la marque du contre-amiral Weyler, commandant la ligne de bataille, puis les USS Tennessee, California, Pennsylvania (BatDiv2). À quelques nautiques plus au sud, les croiseurs, étaient en ligne, à l'est sur le flanc gauche, les USS Louisville, navire amiral du contre-amiral Oldendorf, Portland, Minneapolis (CruDiv4), Denver et Columbia (CruDiv12) , et à l'ouest, sur le flanc droit, les HMS Shropshire, USS Phoenix navire amiral du contre-amiral Berkey (en), et USS Boise[298]. Vingt-six destroyers, appartenant à quatre divisions, étaient répartis sur les deux côtés du détroit, de façon à en rendre plus difficile le repérage par radar[299],[300], et trente-neuf vedettes lance-torpilles (PT boats), appartenant à treize flottilles, étaient échelonnées dans le détroit, jusqu'en mer de Mindanao à l'ouest[301].

Les premières attaques des PT boats ont commencé vers 22 h 30 contre les navires japonais avançant en file, quatre destroyers en tête, puis les deux cuirassés Fusō et Yamashiro, le croiseur lourd Mogami fermant la marche. Elles se sont succédé jusqu'à une attaque massive vers h, mais n'ont pas eu de résultats marquants. L'attaque des destroyers, à partir de h, a coulé deux destroyers, et endommagé considérablement les deux cuirassés, au point qu'à h 49, le Fusō a explosé et s'est coupé en deux, les deux parties dérivant dans en flammes dans le détroit, avant de couler. Sur le Yamashiro, le vice-amiral Nishimura a continué d'avancer[302]. Son dernier message a été: « Nous avons reçu une attaque à la torpille. Vous devez avancer et attaquer tous les navires »[303]. Quelques minutes plus tard, les croiseurs puis les cuirassés du Groupe Appui Feu du contre-amiral Oldendorf, en position de « barrer le T » de l'escadre japonaise, ont ouvert le feu. Le tir des cuirassés américains a dépendu de la qualité de leurs radars de direction de tir. L'USS West Virginia et l'USS Tennessee, qui avaient subi une véritable reconstruction après Pearl-Harbor ont tiré respectivement seize et treize salves, l'USS California neuf, l'USS Maryland six, l'USS Mississippi une, pour décharger ses canons après la bataille, et l'USS Pennsylvania aucune[304]. Dans la confusion du combat, où il était très difficile à chacun de repérer ses coups, une division de destroyers américains qui s'était lancée à l'attaque avant l'ouverture du feu des cuirassés, s'est retrouvée sous des tirs fratricides, au point que le contre-amiral Oldendorf a dû ordonner de suspendre le feu, à h 10, pour permettre au destroyer américain USS Albert W. Grant (DD-649), aventuré, de se dégager[305]. À h 19, le Yamashiro, en flammes, a été envoyé par le fond et le croiseur lourd Mogami a été contraint de se replier vers le sud, ne gouvernant plus[306],[307]. De la Force "C", seul le destroyer Shigure aura survécu à cette bataille qui a été le dernier engagement entre cuirassés de l'histoire.

La 5e Flotte du vice-amiral Shima, qui n'avait eu aucune liaison avec le vice-amiral Nishimura, est entrée vers h dans le détroit. Une attaque des vedettes lance-torpilles américaines a ralenti un croiseur léger, mais le vice-amiral Shima a continué d'avancer cap au nord à 28 nœuds, guidé par la lumière de la canonnade, avec ses deux croiseurs lourds, Nachi et Ashigara. Il n'a trouvé sur le champ de bataille, qu'un destroyer japonais endommagé, et le Mogami, ne gouvernant plus, avec lequel le croiseur lourd Nachi est entré en collision vers h 30. Ses destroyers ne trouvant, dans la fumée, aucun bâtiment américain, le vice-amiral Shima a fait demi-tour à h 45. Le contre amiral Oldendorf avait attendu en effet h 30 pour ordonner la poursuite. Les croiseurs américains ont aperçu l'escadre japonaise se retirant cap au sud à 25 000 mètres, et vers h 30, ils ont canonné le Mogami. Quand le jour s'est levé, les Denver et Columbia ont achevé, vers h 20, un destroyer de l'escadre du vice-amiral Nishimura qui se trainait. Les avions des porte-avions d'escorte de la VIIe Flotte ont achevé le Mogami[308], et le croiseur léger Abukuma de l'escadre du vice-amiral Shima, déjà endommagé, a été achevé par des bombardiers des US Army Air Forces.

À h 28, le vice-amiral Kinkaid a signalé « Well done! » au contre-amiral Oldendorf, qui recevait, dix minutes plus tard, l'ordre de mettre cap au nord : la Force Centrale du vice-amiral Kurita avait pris sous son feu, au large de l'île de Samar, les porte avions d'escorte de l'unité 3 du Task Group 77.4.

La bataille au large de Samar

L'arrivée de la Force Centrale du vice-amiral Kurita au nord-est de l'île de Samar, sans qu'il y ait un élément de la force de couverture de la IIIe Flotte à lui opposer, mérite quelque explication. Le vice-amiral Kinkaid avait cru comprendre, de l'indication donnée par l'amiral Halsey qu'il allait constituer une Task Force 34, composée de cuirassés rapides et de grands croiseurs, que cette TF 34 était destinée à garder le débouché du détroit de San Bernardino. Or, l'amiral Halsey pensait que ses grands porte-avions avaient réglé son compte à la Force Centrale du vice-amiral Kurita, et que si elle continuait d'avancer, c'était une nouvelle démonstration de l'acharnement des combattants japonais à exécuter des ordres, fussent-ils désespérés, comme les batailles de Guadalcanal l'avaient déjà montré [309].Il considérait de surcroît, que la menace principale venait des porte-avions, comme, là encore, les batailles de 1942 l'avaient montré. Il était cependant persuadé que la Task Force 38 allait détruire le corps de bataille du vice-amiral Ozawa, ce que les contempteurs de l'amiral Spruance regrettait qu'il n'ait pas fait à la bataille de la mer des Philippines, en ayant livré un combat trop défensif. Mais il pensait qu'il ne fallait pas gaspiller les forces de l'aviation embarquée à achever des navires avariés et c'est dans ce but qu'il comptait utiliser les navires porte-canons qu'il rassemblait dans la Task Force 34[294].

Il demeure cependant que

  • l'organisation du commandement associant des forces dépendant de deux commandements différents, celui du général MacArthur et celui de l'amiral Nimitz, sans qu'il y ait un responsable unique pour l'opération, était à un degré moindre, de même nature que celle du commandement japonais, avec une flotte dont la couverture aérienne dépendait d'autorités basées à terre, ne connaissant pas ou très mal la nature de la mission des forces à la mer, tandis que le vice amiral Kinkaid ne connaissait pas exactement les intentions de manœuvre de l'amiral Halsey[294].
  • l'amiral Nimitz n'avait pas répondu clairement à l'amiral Halsey lorsque celui-ci lui avait demandé si dans l'opération King Two, c'est-à-dire le débarquement à Leyte, sa mission de couverture du débarquement aux Philippines demeurait l'anéantissement de la flotte ennemie, ou devenait la sauvegarde de la force de débarquement[310].
  • les officiers de renseignement de la IIIe Flotte se sont exagérés les dégâts subis par les navires du vice amiral Kurita, hormis le Musashi, mais aussi n'avaient pas conscience de la faiblesse de l'aviation embarquée sur les porte-avions du vice amiral Ozawa.
Le Yamato et un croiseur de la classe Tone, s'avançant à la bataille, au large de l'île de Samar, le 25 octobre 1944.
Le porte avions d'escorte USS White Plains encadré par les tirs japonais, vu depuis l'USS Kitkun Bay

Toujours est-il, que vers h 45, les patrouilles anti sous-marines lancées au lever du jour par les porte-avions d'escorte de la Taffy 3 (c'est-à-dire l'unité 3 du Task Group 77.4) ont repéré de grands bâtiments japonais approchant cap au sud sud-est, et les marins japonais ont aperçu des porte-avions qu'ils n'ont pas réussi à identifier, route à l'ouest à 14 nœuds, et certains ont même cru d'abord qu'ils étaient japonais[311]. Dès h 58, cependant le Yamato a ouvert le feu, et d'énormes gerbes colorées sont tombées dangereusement près des navires du contre-amiralClifton Sprague. Celui-ci a aussitôt ordonné de mettre cap à l'est, à 16 nœuds, et de s'apprêter à lancer tous leurs avions[312]. Mais pour les marins américains la surprise était totale, ils ne s'attendaient pas, stratégiquement, à se trouver face à des cuirassés et des croiseurs lourds dont ils se croyaient protégés par les cuirassés rapides de la IIIe Flotte, et tactiquement, leur mission était d'appuyer des troupes à terre et ils n'avaient pas les bombes leur permettant d'attaquer des navires cuirassés, qui pouvaient filer jusqu'à dix nœuds de plus qu'eux. Face aux navires japonais qui ont pris une route légèrement convergente, un peu au sud de l'est, et marchaient à 25 nœuds, les porte-avions d'escorte américains n'avaient aucune chance de s'échapper, alors même que les trois destroyers de la Classe Fletcher et les quatre petits destroyers d'escorte qui constituaient leur écran de navires d'escorte, aux ordres du commander William D. Thomas, avaient aussitôt entrepris de tendre des rideaux de fumée pour les masquer[313].

Vers h 20, un fort grain de pluie dans lequel ils se sont réfugiés a opportunément permis aux porte-avions de mettre alors cap au sud, à leur vitesse maximale de 17 nœuds[314], pour se rapprocher des autres porte-avions du Task Group 77.4, et des cuirassés et croiseurs du contre-amiral Oldendorf, alors occupés, bien plus au sud, à achever les éclopés japonais de la bataille nocturne du détroit de Surigao. Sans en attendre l'ordre, les destroyers sont partis, dès h 30, attaquer à la torpille et au canon les grands navires japonais, l'USS Johnston a engagé et torpillé le Kumano et l'USS Hoel a manqué de peu le Kongō[315].

Mais les Japonais eurent vite fait de reprendre la poursuite, lançant sur le flanc gauche les croiseurs lourds, sur le flanc droit les destroyers tandis que les cuirassés talonnaient les porte-avions. Aussi, à h 40, le contre-amiral Clifton Sprague ordonna au commander Thomas de passer à l'attaque avec tous les bâtiments de son écran de destroyers. Jouant de leur maniabilité et de la grande vitesse de tir de leur excellente artillerie de 127 mm, malgré les impacts des obus de 203 mm, qui les ont endommagés gravement, ceux-ci ont zigzagué, lancé leurs torpilles et criblé d'obus, pendant deux heures, les superstructures des croiseurs lourds et des cuirassés[316], ce qui a désorganisé la formation japonaise. Mais à h 30, le petit destroyer d'escorte USS Samuel Roberts qui avait réussi à s'approcher à 2 500 mètres du Chōkai pour lui loger une torpille dans la poupe, a dû être abandonné. Les USS Hoel et Johnston ont aussi finalement succombé sous les obus des cuirassés et des croiseurs lourds japonais[317].

L'USS Gambier Bay sous le feu de bâtiments japonais, dont un est visible à l'horizon à droite

Les porte-avions, quant à eux, ont encaissé nombre d'obus de gros calibre[318], mais les cuirassés japonais tiraient des obus de pénétration qui ont parfois perforé les tôles minces des porte-avions d'escorte, sans exploser, leur causant moins de dégâts que les obus semi-perforants des croiseurs[319]. Le porte-avions USS Gambier Bay, accablé sous les coups du Chikuma, a finalement coulé vers h 45[320], et plusieurs autres ont été gravement endommagés. Mais l'aviation embarquée sur ces porte-avions “à tout faire” (jeep[Note 25] carriers) ne va pas cesser, malgré ses bombes inadéquates, d'attaquer les navires japonais, dans des conditions parfois acrobatiques, certains porte-avions ont ainsi recueilli des appareils de quatre autres porte-avions trop endommagés pour récupérer les leurs[321], tandis que certains pilotes sont allés se ravitailler et se réarmer sur les pistes situées à proximité des plages de débarquement, pour revenir ensuite à l'attaque[322]. Les croiseurs lourds Chōkai, Suzuya et Chikuma n'auront finalement pas survécu à ces attaques.

Mais les quatre cuirassés du vice-amiral Kurita et deux croiseurs lourds ( Haguro et Tone) avaient gardé toute leur puissance de feu[323], et les navires américains, qu'il s'agisse des porte-avions du contre-amiral Clifton Sprague, mais aussi des autres porte-avions de la VIIe Flotte, aux ordres du contre-amiral Thomas Sprague, paraissaient bien près de succomber, quand vers h 30, les navires japonais ont fait demi-tour, au moment même où les croiseurs japonais se trouvaient à moins de 5 nautiques[324]. Le vice-amiral Kinkaid ne s'en est pas trouvé rassuré : les cuirassés anciens du Groupe Appui Feu du contre-amiral Oldendorf n'étaient pas capables d'affronter les cuirassés du vice amiral Kurita, alors que leur dotation en munitions était très entamée par les bombardements préparatoires au débarquement de Leyte et qu'ils ne pouvaient filer que cinq, voire sept ou dix nœuds de moins que leurs adversaires éventuels. Aussi le vice amiral Kinkaid a continué à envoyer message sur message réclamant l'intervention des cuirassés rapides et des grands porte-avions de la IIIe Flotte.

L'USS St.Lo a été le premier bâtiment de l'US Navy coulé par une attaque d'avion-suicide

Bien que les motivations du vice amiral Kurita n'aient jamais été complètement éclaircies, il semble qu'il a d'abord voulu réorganiser sa formation, très dispersée par près de trois heures de combats[324]. Son intention de manœuvre initiale était de contourner par le nord et l'est l'île de Samar, pour entrer dans le golfe de Leyte, au lever du jour, de façon coordonnée avec l'escadre de l'amiral Nishimura, pour y canonner les navires de débarquement américains, jusque vers Tacloban, et repartir par le détroit de Surigao. Mais il avait plusieurs heures de retard, à la suite de la bataille au large de Samar, il était sans nouvelles de ce qui était advenu du vice amiral Nishimura, et entrer dans le golfe de Leyte avec six heures de retard lui est alors appparu comme « tomber dans un piège de l'ennemi », en le mettant à la merci d'attaques de la IIIe Flotte dont il ignorait la position[325].

Dans le même temps, sans que le vice amiral Kurita en fût prévenu, les amiraux Ōnishi et Fukodome, commandants les 1re et 2e Flottes Aériennes japonaises, basées aux Philippines, sachant la mission de sacrifice de la Flotte, ont pensé qu'il leur fallait agir avec autant de détermination et d'esprit de sacrifice et ils ont décidé d'engager la Force Spéciale d'Attaque, plus connue sous l'appellation de Kamikaze[326]. Les porte-avions d'escorte qui n'étaient pas sous le feu des navires de surface japonais ont été les première cibles, dès le matin. Mais à 10 h 49, les porte-avions d'escorte du contre amiral Clifton Sprague ont été attaqués à leur tour, et dès 11 h, l'USS St Lo était si endommagé qu'il fallut l'abandonner. Il a coulé à 11 h 25[327],[328].

Surpris par les messages alarmistes reçus du vice amiral Kinkaid, l'amiral Halsey n'a d'abord pas changé son dispositif. Il avait constitué dans la nuit la Task Force 34, avec les cuirassés rapides et de grands croiseurs, pour achever les éclopés japonais[329]. Il a fait lancer l'aviation embarquée de la Task Force 38 contre les porte-avions de l'amiral Ozawa dès le lever du jour[330], et a donné ordre à la Task Force 34 de mettre cap au nord à 25 nœuds pour aller achever les navires japonais avariés[331]. Il a cependant, vers h 30 demandé au vice amiral MacCain, en route avec son Task Group 38.1, pour se ravitailler à Ulithi de faire demi-tour, et d'envoyer son aviation embarquée contre les cuirassés japonais au large de Samar[332]. Mais après avoir reçu un message, vers 10 h, non plus du vice amiral Kinkaid, mais de l'amiral Nimitz, Commandant-en-Chef à Pearl Harbor, demandant « Où est la Task Force 34 ? »[333], il a fait faire demi-tour aux cuirassés rapides, avec lesquels il se trouvait à 45 nautiques de navires japonais immobilisés, et mis cap au sud, avec le Task Group 38.2 du contre amiral Bogan, pour se porter au secours de la VIIe Flotte[334].

C'est à peu près au même moment que le vice amiral Kurita a décidé, après avoir longuement examiné la situation avec son état-major, d'abandonner l'objectif initial, et de mettre cap au nord, pour rechercher la IIIe Flotte américaine[335], qu'il situait au nord-est du détroit de San Bernardino, alors qu'elle était à 250 nautiques plus haut nord, soit à plus d'une demi-journée de route à 20 nœuds. Il a été attaqué peu après, sans résultats décisifs, par l'aviation embarquée du Task Group 38.1 du vice-amiral MacCain, lancés à l'extrême limite de leur rayon d'action, puis par les appareils de la Taffy 2 (unité 77.4.2 du contre-amiral Stump (en))[336].

Le vice-amiral Kinkaid, craignant toujours une nouvelle attaque du vice-amiral Kurita, continuait d'appeler à l'aide. L'amiral Halsey, vers midi, a alors dissous la Task Force 34 et constitué un Task Groupe 34.5, autour des deux cuirassés de la classe New Jersey, les plus rapides, et de la 14e Division de Croiseurs (USS Vincennes,Biloxi, et Miami), avec lequel il a mis cap au sud à 28 nœuds, vers 16 h, dès que les destroyers ont eu refait leurs pleins, laissant en arrière l'USS Washington, les cuirassés de la classe South Dakota et le Task Group 38.2[337].

Le Kumano attaqué par l'aviation embarquée américaine, le 26 octobre

L'aviation embarquée américaine des grands porte-avions de la IIIe Flotte du vice amiral MacCain et des porte-avions d'escorte de la VIIe Flotte du contre amiral Stump, ont continué à attaquer, jusque vers 17 h 30, les cuirassés et les croiseurs restants de la Force Centrale du vice amiral Kurita, sans parvenir à l'entamer sérieusement[338]. Ayant alors reçu la nouvelle de l'annihilation des porte-avions du vice amiral Ozawa, le vice amiral Kurita, alors qu'il se trouvait au large de la pointe nord-est de l'île de Samar, a mis le cap vers le détroit de San Bernardino, et marchant à 24 nœuds, l'a atteint vers 22 h[339].

À minuit, l'amiral Halsey était à 40 nautiques de l'entrée du détroit de San Bernardino, suivi à une distance équivalente, des autres cuirassés rapides et du Task Group 38.2 du contre amiral Bogan. Il avait manqué l'escadre japonaise d'à peu près deux heures[340]. À h 25, il a arrêté la poursuite et a envoyé aussitôt la 14e Division de croiseurs reconnaitre un contact radar à 12 nautiques au sud, sur lequel les croiseurs ont ouvert le feu à 15 000 mètres. Le destroyer Nowaki a été coulé avec la totalité de son équipage et des rescapés du croiseur Chikuma[341].

Les porte-avions de la IIIe Flotte ont harcelé, dans la journée du 26 octobre, les navires japonais en retraite dans la mer de Sibuyan, et ont réussi à endommager le Kumano[342]. Les attaques de Kamikaze se sont poursuivies sur les porte-avions d'escorte de la VIIe Flotte, qui ont harcelé un important convoi japonais de transport de troupes, amenant des renforts en baie d'Ormoc sur la côte occidentale de l'île de Leyte[343], où les Américains ont débarqué début décembre[344].

Au cours de la bataille au large de Samar, les pertes en vies humaines de l'U.S. Navy, de l'ordre de 1 000 tués ou noyés, quoique très inférieures à celles de la Marine Impériale japonaise, ont été relativement lourdes, car les rescapés des navires coulés le 25 octobre au matin (le porte-avions d'escorte USS Gambier Bay et les trois destroyers) ont dû attendre deux jours avant d'être recueillis.

La bataille du cap Engaño

L'essentiel de combats qui ont opposé les navires japonais du vice amiral Ozawa aux navires américains de la Task Force 38 du vice amiral Mitscher a été mené par des porte-avions. Aucun croiseur lourd ne faisait partie de l'escadre du vice amiral Ozawa, et on a vu que la plupart des navires porte-canons que l'amiral Halsey avait rassemblés dans une nouvelle Task Force 34 n'ont pas, par suite des péripéties liées à la bataille au large de Samar, pris une part active à la bataille du cap Engaño.

Le grand porte-avions Zuikaku, pendant la bataille du cap Engaño, le 25 octobre 1944

Les premières attaques de la Task Force 38 ont été dirigées contre les deux porte-avions de la classe Chitose, en coulant un et immobilisant l'autre, qui aura échappé à une destruction immédiate à la suite du demi-tour de la Task Force 34[345].

Lorsque l'amiral Halsey a décidé de ne continuer vers le sud qu'avec ses cuirassés les plus rapides et trois grands croiseurs légers (CruDiv14), il a constitué autour des deux croiseurs lourds USS Wichita, et New Orleans et des deux grands croiseurs légers Santa Fe, et Mobile, aux ordres du contre amiral DuBose, le Task Group 30.3, rattaché au vice amiral Mitscher[346].

Après que les autres porte-avions (Zuikaku et Zuihō) eurent été détruits[347], et comme l'amiral Ozawa, qui avait transféré sa marque sur le croiseur léger Ōyodo, se retirait vers le nord avec les deux cuirassés hybrides de la classe Ise, à peu près intacts, le vice amiral Mitscher a envoyé le Task Group 30.3 achever les navires japonais avariés[348]. Le porte-avions, immobilisé le matin, a été repéré, et pris sous le feu des croiseurs américains, il a coulé vers 16 h 50[349],[Note 26]. Averti que les croiseurs avaient encore coulé un destroyer, vers 19 h 30[350], le vice amiral Ozawa a fait demi-tour, et a marché avec ses deux cuirassés à la rencontre des croiseurs américains. Mais la nuit étant tombée, et ses destroyers commençant à être à court de mazout, le contre amiral DuBose avait fait demi-tour vers 21 h 50. Ne rencontrant personne, l'amiral japonais est reparti vers le nord[351],[352].

Après avoir perdu un croiseur lourd à la bataille de Midway, et trois pendant la campagne des Îles Salomon, la Marine Impériale japonaise a eu six croiseurs lourds coulés, et quatre croiseurs lourds irrémédiablement endommagés, pendant les trois jours de la bataille du golfe de Leyte.

Sous les attaques des kamikazes
Le Tone, posé sur le fond après avoir été bombardé, fin juillet 1945
L'épave de l'Aoba coulée après avoir été bombardée à Kure, fin juillet 1945

Les conséquences de la victoire américaine ont été celles que craignait l'amiral Toyoda : les croiseurs lourds gravement endommagés qui avaient regagné Singapour (Takao, Myōkō) n'ont, faute de capacités industrielles suffisantes dans ce port, jamais pu être réparés, et le Tone qui a réussi à regagner le Japon n'a, par manque de carburant plus jamais repris la mer. Il a été coulé par l'aviation embarquée américaine lors de bombardements de Kure, en fin juillet 1945

L'Aoba qui a réussi à rejoindre l'arsenal de Kure a été jugé irréparable. Le Kumano, réparé à Manille, est resté dans les eaux des Philippines. Il a été torpillé par des sous marins américains alors qu'il accompagnait un convoi de troupes et a été coulé par l'aviation embarquée américaine, alors qu'il était de nouveau en réparations, le 25 novembre 1944.

Des trois croiseurs de la classe Myōkō, qui restaient opérationnels après la bataille du golfe de Leyte, le Nachi fut coulé en baie de Manille, le 5 novembre 1944, par l'aviation embarquée américaine lors de bombardements qui ont accompagné la bataille des Philippines de 1944-45[344]. Le Haguro a été coulé par des destroyers britanniques de la Flotte des Indes Orientales (East Indies Fleet), le 14-15 mai 1945, alors qu'il couvrait l'évacuation des garnisons japonaises des îles Adaman (Bataille du détroit de Malacca)[353], [354]. L'Ashigara a été coulé par un sous-marin britannique le 8 juin 1945 (en), dans le détroit de Bangka[355].

L'USS Louisville touché par un kamikaze, le 6 janvier 1945
L'USS Indianapolis, une semaine avant son départ pour sa dernière mission, en juillet 1945

Après la bataille du golfe de Leyte, les croiseurs lourds américains ont continué à participer aux opérations navales qui ont eu lieu dans le cadre de la reconquête des Philippines (Bataille de Luçon), puis d'Iwo Jima et d'Okinawa[356]. Mais la Marine Impériale japonaise n'y a plus opposé de forces navales de surface, hormis la mission qui a vu la fin du Yamato[357],[358]et la résistance japonaise sur le plan aéronaval a été principalement le fait de l'aviation basée à terre et en particulier des Kamikaze. Ceux-ci ont concentré leurs attaques sur les porte-avions[359], et sur les destroyers utilisés en “piquet radar”[360],[361].

Toutefois, en route vers le golfe de Lingayen, pour le débarquement au nord de Luçon, l' USS Louisville fut touché à deux reprises par des kamikaze, les 5 et 6 janvier 1945, et deux amiraux furent tués sur sa passerelle, dans ces attaques. Le HMAS Australia a été touché cinq fois par des kamikaze, et a perdu cent-seize hommes, pendant ce débarquement[344]. Ayant repris du service, l'USS Louisville fut à nouveau touché, devant Okinawa, le 5 juin. L'USS Indianapolis, sur lequel l'amiral Spruance avait mis sa marque, lorsqu'il a repris le commandement du corps de bataille de la Flotte du Pacifique, avait été gravement endommagé par un kamikaze, le 31 mars, devant Okinawa[359]. Réparé à San Francisco, il a emporté à Tinian, à grande vitesse, des éléments de la bombe atomique qui sera larguée sur Hiroshima. En route pour rejoindre Leyte, dans la nuit du 29 au 30 juillet, il a encaissé deux torpilles du sous-marin japonais I-58 et a coulé. Les pertes humaines ont été considérables, près de 900 hommes tués et noyés, car par suite de dysfonctionnements qui feront polémique, les survivants, n'auront été recueillis qu'après quatre jours passés dans des eaux infestées de requins[355].

Épilogue

Aucun croiseur lourd des puissances de l'Axe n'a survécu à la guerre, hormis le Prinz Eugen, que les Américains ont utilisé comme cible, lors des essais atomiques de Bikini.

Le croiseur "léger" USS Fargo à Venise en 1949, porteur de quatre tourelles triples de 152 mm

L'U.S. Navy a mis en service après la guerre onze croiseurs, qui en intégraient les leçons. Deux de la classe Fargo[362] et quatre de la classe Oregon City[363] étaient seulement des versions à une seule cheminée, pour améliorer les arcs de tir de l'artillerie anti-aérienne rapprochée, des classes précédentes, respectivement la classe Cleveland et la classe Baltimore. Ils ont été mis en service en 1945 -1946, à l'exception de la quatrième unité de la classe Oregon City, (USS Northampton (CLC-1)[364]), qui a été transformée en cours de construction en navire de commandement et n'a été mise en service qu'en 1953.

Cinq autres, trois de la classe Des Moines[365], et deux de la classe Worcester[366], mis sur cale en 1945, mais entrés en service en 1948-1949, avaient des caractéristiques nouvelles. Les dimensions de coque étaient augmentées : plus de 218 m de longueur, et 23 m de largeur pour la classe Des Moines, au lieu 205 m et 21,5 m pour les classes Oregon City-Baltimore, et 207 m de longueur et 21 m de largeur pour la classe Worcester, au lieu de 185 m et 19 m pour les classes Fargo-Cleveland.

Avec des déplacements de 17 000 tonnes et de 14 700 tonnes (21 500 tonnes et 18 000 tonnes à pleine charge), on dépassait les déplacements les plus élevés des croiseurs de la Seconde Guerre mondiale, hormis la classe Alaska, et on retrouvait des niveaux qui avaient été ceux des « dreadnoughts » et des grands croiseurs d'avant la Première Guerre mondiale. Si le blindage était amélioré, sur la classe Worcester par rapport à la classe Fargo, la puissance des moteurs n'était en revanche pas significativement supérieure à celle des classes précédentes. La différence principale était dans les caractéristiques de l'armement.

La classe Juneau, entrée en service en 1946, ici l'USS Spokane, portait six tourelles doubles de 127 mm

Après que le canon de 6 pouces (152 mm)/47 calibres Mark 16[367] a été mis au point pour équiper les grands croiseurs légers de la classe Brooklyn, des études ont été engagées pour mettre au point une version à double usage contre buts marins et aériens. Ces études n'ont pas été jugées prioritaires, et n'ont abouti qu'en 1943, après que l'apparition d'avions plus lourds a entrainé le besoin d'un canon plus puissant que le canon de 5 pouces (127 mm)/38 calibres Mark 12 à double usage, longtemps jugé excellent, qui a équipé la quasi-totalité des bâtiments de l'U.S.Navy, des destroyers aux cuirassés, en passant par les croiseurs et les porte-avions, de la fin des années 1930 à la fin de la guerre. C'est donc cette version à double usage (6"/47 DP Mark 16)[368] qui a été installée sur la classe Worcester et qui a constitué le prototype d'une version à tir rapide (8"/55 RF Mark 16)[369] du canon de 8 pouces (8"/55 Mark 15), qui équipait les classes Baltimore et Oregon City, pour en doter la classe des Moines.

Avec six tourelles doubles de 152 mm, l'armement de l'USS Worcester était une synthèse de l'armement des classes Juneau pour la disposition, et Fargo pour le calibre

Sur la classe Des Moines, la disposition de l'artillerie principale était celle retenue sur toutes les classes de croiseurs lourds de l'U.S. Navy, de la classe Northampton à la classe Baltimore, deux tourelles triples de 203 mm à l'avant et une à l'arrière, et pour l'artillerie secondaire, six tourelles doubles de 127 mm (deux axiales, et deux latérales sur les deux bords), disposition retenue depuis les USS St. Louis et Helena[365]. Pour la classe Worcester, la disposition retenue reprenait celle des croiseurs anti-aériens de la classe Juneau[370],[Note 27], c'est-à-dire six tourelles doubles axiales, ce qui explique la grande longueur de coque, réparties en deux groupes de trois à l'avant et à l'arrière, les tourelles no 1, 2, 5, et 6 étant installées sur le pont principal, les tourelles no 3 et 4 étant superposées respectivement aux groupes avant et arrière. Ces navires ne reçurent pas d'artillerie secondaire de 127 mm, mais on le verra plus bas, une artillerie anti-aérienne rapprochée d'un calibre accru[366].

L'USS Des Moines, navire amiral de la VIe Flotte, en rade de Villefranche-sur-Mer, en 1959

Pour la classe Des Moines, la cadence de tir du canon de 203 mm RF Mark 16 était exceptionnelle, 10 coups par minute, soit 2½ fois à 3 fois supérieure à celle des canons des croiseurs lourds des classes précédentes, en utilisant les mêmes munitions. L'entraxe des pièces, montées sur des berceaux séparés, était de 2,17 m, au lieu de 1,70 m ce qui réduisait la dispersion des salves. En revanche, les vitesses de rotation des tourelles, l'élévation maximale et la vitesse d'élévation des pièces restaient à peu près inchangées. Les tourelles ne comportaient plus de télémètres optiques, la conduite de tir se faisant uniquement par radar. Le nombre de servants était de 44 par tourelle, au lieu de 66. Mais le poids des tourelles était de 458 tonnes au lieu de 319 tonnes.

Pour la classe Worcester, la cadence de tir était de 12 coups par minute, un peu supérieure aux 8-10 coups par minute du canon de 6 pouces (152 mm)/47 calibres Mark 16, mais l'élévation pouvait atteindre 78°, la vitesse d'élévation des pièces et la vitesse de rotation des tourelles étaient les mêmes que celles des canons de 5 pouces (127 mm)/38 calibres à double usage en tourelles doubles (15°/s pour la vitesse d'élévation et 25°/s pour la vitesse de rotation). Théoriquement, le chargement des pièces pouvait se faire à toute élévation. Les munitions étaient les mêmes que celles utilisées par les classes Cleveland et Fargo, mais la dotation était de 400 coups par canon contre 200, pour les classes précédentes, en raison de la consommation de munitions due au tir anti-aérien. Les canons étaient montés sur des berceaux indépendants, ce qui n'était pas le cas pour les tourelles triples. Le nombre de servants était de 21, par tourelle double au lieu de 53 pour les tourelles triples. En revanche le poids des tourelles doubles de la classe Worcester était de 212 tonnes, contre 156 à 176 tonnes pour les tourelles triples, selon les classes.

Le croiseur soviétique Amiral Ushakhov de la classe Sverdlov, en 1981

Si les tourelles automatiques de la classe Des Moines ont donné entière satisfaction, il n'en a pas été de même pour les tourelles de 152 mm à double usage de la classe Worcester, qui souffraient de bourrages lors des chargements à grande élévation. Pour mémoire et à titre de comparaison, on rappellera que, dix ans auparavant, les tourelles triples de 152 mm Modèle 1930 des croiseurs français de la classe La Galissonnière avaient à peu près le même poids que celles de la classe Cleveland, et que les tourelles triples à double usage de 152 mm Modèle 1936 du Richelieu, avaient un poids de 228 tonnes, équivalent à celui des tourelles doubles de la classe Worcester. Leur fonctionnement, jugé insatisfaisant, avait été imputé à leur poids, jugé excessif pour les moteurs dont elles étaient équipées, entrainant des vitesses insuffisantes de rotation des tourelles (5°/s) et d'élévation des pièces (8°/s)[371]. De surcroît leur direction de tir n'a pas été couplée à des radars avant fin 1944[372].

Pour leur artillerie anti-aérienne rapprochée, à la place des canons de 20 mm Oerlikon et 40 mm Bofors habituels à la fin de la guerre, les grands croiseurs des classes Des Moines et Worcester ont été dotés de canons plus puissants de 3 pouces (76,2 mm)/50 calibres[373]. Ce nouveau canon de 76,2 mm tirait des obus de 11 kg, à la cadence de 45 à 50 coups par minute, avec un plafond de 30 000 pieds (9 200mètres). Douze affûts doubles étaient installés sur la classe Des Moines[365], onze affûts doubles et deux simples sur la classe Worcester[366]. L'affût double de 76,2 mm/50 calibres occupait la même place que l'affût quadruple de 40 mm, mais il pesait presque 15 tonnes au lieu de 11.

Au total, ces nouveaux navires constituaient de remarquables aboutissements de types de croiseurs conçus pendant la guerre, mais leur déplacement et l'effectif de leurs équipages en faisaient des bâtiments excessivement onéreux à construire et à utiliser. Ils ne furent donc construits qu'en un très petit nombre d'exemplaires, et ils ne furent pas à l'origine de séries construites ultérieurement. Lorsqu'il est apparu nécessaire d'expérimenter les premiers systèmes d'armes lance-missiles, ce sont des croiseurs des classes précédentes qui ont été choisis, un de la classe Oregon City, quatre de la classe Baltimore et six de la classe Cleveland[374]. Une autre classe de grands croiseurs de belle apparence, mais construits trop tard, et obsolescents à leur mise en service, au début des années 1950, est la classe Sverdlov de la marine de l'Union soviétique[375].

On notera pour finir qu'il n'y eut pas, après-guerre, de croiseurs, américains ou britanniques, armés de canons de 203 mm transférés à des marines de pays alliés, en revanche, il y eut, pour les croiseurs armés de 152 mm, voire de 133,35 mm, cinq transferts pour la Royal Navy (un à la Chine, deux à l'Inde, et deux au Pérou)[376] et pour l'U.S. Navy, ce sont six des huit croiseurs de la classe Brooklyn qui ont survécu à la guerre, qui ont été transférés, deux à l'Argentine, deux au Brésil et deux au Chili[377]. Le dernier à avoir connu les affres du combat fut l'argentin General Belgrano (ex-USS Phoenix), rescapé indemne de Pearl Harbor, torpillé, le 2 mai 1982, pendant la guerre des Malouines, par le sous-marin nucléaire d'attaque britannique HMS Conqueror.

Voir aussi

Bibliographie

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Notes et références

Notes
  1. Soit, trois pour la classe Hawkins, treize pour la classe County, et les deux HMS York et Exeter.
  2. Soit, deux pour la classe Pensacola, six pour la classe Northampton, deux pour la classe Portland, sept pour la classe New Orleans, et l'USS Wichita.
  3. Soit deux pour la classe Furutaka, deux pour la classe Aoba, quatre pour la classe Myōkō, quatre pour la classe Takao.
  4. Soit deux pour la classe Duquesne, le Suffren, le Colbert, le Foch, le Dupleix et l'Algérie.
  5. Soit deux pour la classe Trento, quatre pour la Classe Zara, et le Bolzano.
  6. C'est le réaménagement des machines, par rapport à la classe Leander, en deux ensembles indépendants, comprenant chacun chaudières et turbines, qui aboutit à la mise en place de deux cheminées.
  7. Les HMS Phaeton, Amphion et Apollo devinrent respectivement les HMAS Sydney, Perth, et Hobart.
  8. Huit croiseurs de la classe Condotierri et tous les croiseurs lourds italiens, sauf le Trieste, à la bataille de Punta Stilo, et tous les croiseurs lourds italiens, sauf le Zara, à la bataille du cap Teulada.
  9. Trois croiseurs de la classe Leander et les HMS Gloucester et Liverpool, à la bataille de Punta Stilo, quatre croiseurs de la classe Town et le HMS Berwick, à la bataille du cap Teulada.
  10. 762 m/s pour les obus « super-lourds » de 152 kg (AP Mk 21) et 823 m/s pour les obus de 118 kg (AP Mk 19).
  11. 914m/s pour les canons de 203 mm/55 Mk 9 des croiseurs construits dans les années 1920, et 853 m/s, pour les séries ultérieures.
  12. William Tennant était un rescapé du naufrage du HMS Repulse, dont il avait été le commandant depuis fin juin 1940 jusqu'à sa perte.
  13. a et b Le grand croiseur léger HMS Liverpool et les destroyers HMS Blanckney, Escapade, Icarus, Middleton et Onslow, qui faisaient partie de l'escorte du convoi PQ-16, fin mai, ont fait partie de l'escorte du convoi de l'opération Harpoon, à la mi-juin en Méditerranée. À l'exception du croiseur HMS Liverpool, qui sera très endommagé le 13 juin, et du destroyer HMS Icarus qui participera à l'Opération Pedestal à la mi-août, ils seront revenus fin juin dans l'Arctique pour escorter le convoi PQ-17.
  14. Il s'agissait d'anciens bananiers, déplaçant 2 000 tonnes, filant 13,5 nœuds, transformés en navires anti-aériens portant huit canons de 102 mm et huit « pom-pom » de 40 mm.
  15. Le grand croiseur léger Nigeria , sur lequel flottait la marque du contre amiral Burrough, y a été très gravement avarié et n'a pas pu regagner l'Ecosse pour couvrir les convois de Russie de l'automne 1942
  16. Pour autant, le convoi avait été repéré, car les Allemands ignorant le changement de numérotation des convois, identifièrent le convoi JW-51-B quand il a été repéré comme le convoi « PQ-20 », ce qui montre qu'il y avait eu selon eux un convoi « PQ-19 », c'est -à-dire le convoi JW-51-A.
  17. L'amiral "Eaux nordiques" (Contre amiral Klüber, sur le croiseur Köln, normalement à Narvik), se situait dans la chaine de commandement entre le Groupe Nord (Amiral Carls, à Kiel) et l'amiral commandant le Groupe de Combat (vice amiral Kummetz, sur l'Admiral Hipper).
  18. Un cinquième destroyer, HMS Oribi, en panne de compas gyroscopique, s'était égaré, avait perdu le contact avec l'escorte et a rallié le golfe de Kola, indépendamment.
  19. Le HMS Achates a coulé vers 13 h, à proximité d'un des chalutiers armés, et les rescapés ont été recueillis dans la nuit par un des destroyers de l'escorte.
  20. Originellement, la distinction était de nature géographique, les navires intervenant dans le secteur sud du commandement des zones du Pacifique étaient rattachés à la IIIe Flotte et lorsqu'ils opéraient dans le secteur centre, à la Ve Flotte. Ainsi les porte-avions USS Bunker Hill, Cowpens et Monterey, et le cuirassé USS Washington, qui sont détachés du Task Groupe 50.4, le 25 décembre 1943 pour aller bombarder Kavieng, début janvier 1944, en tant que Task Group 37.2, sont redevenus, avec le croiseur lourd USS Wichita et les cuirassés USS Iowa et New Jersey, le Task Group 58.3, pour couvrir le débarquement d'Eniwetok, fin février
  21. Ces compositions des Task Forces et des Task Groups varient dans le temps au gré des circonstances. Ainsi les croiseurs de la classe New Orleans qui constituaient la 6e Division de Croiseurs (CruDiv6) se sont retrouvés dans les TF 52 et TF 53, rattachés aux cuirassés anciens, lors des opérations de débarquement proprement dites, à Guam ou à Tinian.
  22. On aura garde d'oublier que les forces engagées pour l'attaque des Îles Mariannes étaient équivalentes, avec cinq divisions d'infanterie, à celles que les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada ont engagées pour le débarquement de Normandie qui a eu lieu dix jours plus tôt.
  23. Ce nombre est une évaluation américaine d'après-guerre du nombre de coups certains. Les sources japonaises (ou Siegfried Breyer) avancent le nombre de plus de 20 torpilles au but.
  24. Lorsque C.C. Vann Woodward écrit, p. 64 de son "Battle for Leyte Gulf" que l'USS Chicago était le dernier grand navire perdu, à la bataille de l'île de Rennell, avant l'USS Princeton, il semble qu'il a fait l'impasse sur l'USS Helena (CL-50), qui, bien que croiseur « léger », car armé de 15 canons de 152 mm, avait le déplacement, le blindage, l'artillerie secondaire et la propulsion d'un croiseur « lourd » comme l'USS Wichita, par exemple.
  25. Les porte-avions d'escorte étaient assez communément désignés comme des « jeep carriers », or une des étymologies de “jeep” est l'abréviation de « general purpose » (à usage général).
  26. Il y a une divergence, entre l'ouvrage de Vann Woodward et L'Histoire de la guerre sur mer de Warner et autres, sur le porte avions japonais achevé au canon par les croiseurs du contre-amiral Laurence DuBose, le Chitose, selon le premier, le Chiyoda selon les seconds.
  27. La classe Juneau était en fait le second groupe de la classe Oakland, elle-même une amélioration de la classe Atlanta
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