Glaucias (roi)

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Glaucias
Illustration.
représentation imaginaire de Glaucias à Tirana, en Albanie
Titre
Roi des Taulantins
Prédécesseur Pleuratos Ier
Roi des Illyriens

(33 ans)
Prédécesseur Kleitos
Successeur Bardylis II
Biographie
Date de naissance inconnue
Date de décès inconnue
Lieu de décès inconnu
Conjoint Beroea (en)
Entourage Pyrrhus

Glaucias, ou Glaukias (Grec: Γλαυκίας), est un roi Illyrien ayant régné de 335 à 302[1] avant notre ère. L'un de ses faits majeurs fut de recueillir le jeune prince épirote Pyrrhus à sa cour et de l'avoir protégé de ses ennemis, en l’occurrence Cassandre de Macédoine.

Origines

Roi de l'ethnos des Taulantins

Les tribus d’Épire et d'Illyrie du sud

L'origine de Glaucias est indéterminée, puisqu'il apparait en 335 dans les sources, notamment Arrien. Il est le roi des Taulantins, une tribu d'Illyrie, localisée à l'ouest près de Dyrrhachion. Il est le successeur de Pleuratos Ier, roi de cet ethnos. En effet, comme le souligne Pierre Cabanes, historien et spécialiste de l’Épire et de L’Illyrie qui mena des fouilles en Albanie, les Illyriens sont organisés en tribus, Ethné, comme leurs voisins Epirotes. Chaque tribu possédant un roi. Ces ethné ou tribus s'organisent autour d'un roi, forme de souverain local. L’Illyrie n'est pas un état unifié comme son puissant voisin, la Macédoine.

Les rois Illyriens

Le titre de "roi des Illyriens" ou Basileus tôn Illyriôn, revient souvent dans les œuvres antiques. Fanula Papazoglou, archéologue et épigraphiste, en a déduit une transmission héréditaire et dynastique portant sur un seul ethnos, les "Illyri propo dicti", les Illyriens proprement dit[2]. Les travaux ultérieurs comme ceux de Nicolas Geoffrey Lemprière Hammond ou Pierre Cabanes ont réfuté cette thèse d'hérédité tant elle est "impossible à établir". Les tribus peuvent s'unir autour d'un chef qui reçoit le titre de "roi des Illyriens". Bardylis est considéré comme roi des Illyriens, mais le titre semble fragile à cause de différents ethné. Bardylis Ier, avec ses victoires, a su fédérer ces différentes tribus tout en restant roi d'un ethnos, les Dardaniens, dont le royaume se situe dans l’actuel Kosovo[3]. Kleitos, le fils de Bardylis, roi de l'ethnos des Dardaniens est également nommé "roi des Illyriens"[4] mais en contexte de guerre[5]. Ce dernier étant alors en lutte contre Alexandre le Grand. Quant à son père, il était en guerre contre Philippe II de Macédoine, le père d'Alexandre.

De plus, les "rois Illyriens" n'ont aucune continuité dynastique, et contrairement à l’Épire, ou l'Ethnos des Molosses produit la dynastie Eacides, différentes tribus furent au pouvoir en Illyrie, comme l'illustre le cas de Glaucias qui n'a donc aucune parenté avec Kleitos. Ils règnent tous deux sur des Ethné différentes[4].

Guerres contre la Macédoine, révolte contre Alexandre le Grand

La Macédoine et les tribus Illyriennes

Selon Diodore, les Illyriens, furent des adversaires redoutés des Macédoniens[6]. Selon ce dernier, le père de Philippe II, Amyntas III est chassé par une invasion illyrienne[7]. Les Illyriens furent en guerre notamment sous Bardylis Ier qui pilla la Macédoine[7], mais aussi contre les rois Perdiccas III, Philippe II et Alexandre III le grand. La convoitise des Illyriens sur ce royaume les firent s'allier aux peuples plus nordiques, comme les Péoniens, pour entrer en guerre contre ce royaume prenant un ascendant en tuant le roi Perdiccas III en 360. L'arrivée de son frère au pouvoir, Philippe, qui dut recomposer une armée pour combler les pertes, notamment celles des 4000 soldats tués par les Illyriens[3] et imposa une réorganisation de l’armée de Macédoine. Celle-ci donna des résultats puisque dès 359 il écrasât les armées Illyriennes commandées par Bardylis Ier[8]. Ce dernier, qui nous est connu par Diodore, tenta avant la bataille de négocier, alors en position de force, avec Philippe, ce dernier exigeant le retrait des troupes illyriennes de Macédoine[9]. Les négociations échouant, les armées macédoniennes et illyriennes équivalentes en effectifs se livrèrent bataille. Bardylis est vaincu par Phillipe qui en profite, toujours selon Diodore, pour annexer et soumettre « toutes les populations établies jusqu'au lac d'Ohrid »[7],[9]. Le prédécesseur de Glaucias, Pleuratos, prit part à cette guerre contre Philippe. Selon Diodore, ce dernier hérita dès 344-343 d'une querelle avec les Illyriens[7], reprit la guerre avec ces derniers et mena une campagne de pillages et de dévastations[10]. Dans cette campagne de 344, il subjugua également les tributs dardaniennes, détruisit nombre de villes et obtint moult butins de guerres. Ces guerres reprirent à la mort de Philippe II en 336[11].

A cause de ces guerres que Philippe II mena contre les tribus Illyriennes qu'il soumit durant son règne, sa mort, ainsi que l'intérêt d'Alexandre porté en Grèce, motivèrent les peuples "barbares" du Nord à passer à l'attaque : Illyriens, Thraces, Dardaniens et d'autres[12].

Révolte contre Alexandre le Grand

Situation en Grèce continentale à la mort de Philippe II en 336 av.

Glaucias quant à lui apparait dans les sources, notamment dans l'ouvrage de Arrien, Anabase, tome I, vers 336, qui relate la révolte de Kleitos. Glaucias y est décrit comme roi des Taulantins et apportant une aide militaire importante, notamment en commandant une armée puissante en soutien à Kleitos, fils de Bardylis Ier, roi des Illyriens, roi de l'ethnos des Dardaniens contre Alexandre le Grand. Lançant une offensive contre la Macédoine, Ils furent cependant battus par ce dernier à la bataille de Pélion en 335. Alexandre au printemps 335 déploya son armée au Nord depuis Amphipolis, traversa les montagnes balkaniques, notamment le mont Haemus, et battit 300 Triballes, les Getes, des Thraces du nord, puis se retourna contre les Illyriens[13].

Bataille de Pelion

Selon Arrien, les Macédoniens arrivèrent les premiers sur le site de la bataille, près de la ville de Pélion. Toujours selon l'historien, c'est la ville la mieux « fortifiée du pays », Kleitos s'y étant retiré[14]. Toujours selon lui, « Alexandre décida de camper sur les bords de l'Eordaïque, résolut d'attaquer la ville le lendemain »[14]. Kleitos quant à lui occupait les hauteurs boisées sur les hauteurs de la ville. Les Illyriens offrirent des sacrifices, notamment trois bœufs, trois garçons et trois filles. Mais ils se débandèrent quand les Macédoniens chargèrent et se retranchèrent dans la ville de Pélion. Glaucias arriva le jour suivant de l'Ouest, à la tête d’une armée puissante dans le dos d'Alexandre, selon Arrien. Alexandre "se désespérant" de prendre la ville avec le peu de soldats à sa disposition, divisa ses forces, et une partie de son armée resta à faire le siège, l'autre allant à l'aide de Philotas, un des lieutenants d'Alexandre en difficulté face à Glaucias[14]. Alexandre lui-même mène ses troupes composées d'hypaspistes, d'archers, des Agriens et de quatre cents chevaux[14]. Il dispose également sa « phalange sur six vingt hommes de hauteur » et « place deux cents chevaux à chacune des ailes ». Arrien raconte comment lors de cette bataille, la phalange macédonienne écrasa et humilia l'armée non-professionnelle illyrienne. D'abord par une formation serrée, ils lancèrent des cris pour effrayer leur adversaire et frappèrent leurs boucliers avec leurs javelots tout en avançant. Sans le même intervalle la cavalerie, sur les ailes, fondaient sur les Taulantins. Ces derniers, effrayés, se débandèrent et fuirent vers la ville. Alexandre continua d'avancer, traversa le fleuve pour attaquer l'armée restante positionnée sur une colline en hauteur. Toujours selon Arrien, le passage du fleuve se fit sans aucune perte pour les Macédoniens notamment en ayant posté des "machines de guerre" le long du fleuve. Ceci provoquant la retraite de Glaucias. Trois jours après, Alexandre apprenant la localisation du camp de Kleitos et de Glaucias, dans un lieu « défavorable », l'attaqua de nuit en retraversant le fleuve, la phalange macédonienne écrasant alors les restes de l'armée illyrienne[14]. Les vaincus parvinrent à fuir. Alexandre le Grand s'empara de la ville de Pélion que Kleitos avait incendiée avant sa fuite. Glaucias, qui eut survécu, devint roi après 335, grâce notamment à l’échec de Kleitios devant Alexandre, ce dernier ayant trouvé refuge à la cour de Glaucias[14].

Tensions et lutte d’influence entre Glaucias et Cassandre

Accueil de Pyrrhus

Représentation du XVIIIe siècle de Glaucias par Nicolas-René Jollain, Pyrrhus enfant présenté à Glaucias, 1779

Glaucias disparait après 335 des sources mais réapparait en 317 avant notre ère, notamment concernant le jeune Pyrrhus, prince des Molosses (Épire) âgé de deux ans, fils d'Eacide Ier roi des Molosses qui fut chassé par ceux ci, après avoir été vaincu par Cassandre. Pyrrhus fut sauvé par des loyalistes des ennemis de son père. L'événement est connu et est relaté par Plutarque, dans la vie de Pyrrhus, dans les Vies. Ces derniers se rendirent à la cour de Glaucias, roi des Taulantins, dont le territoire est proche de la « frontière septentrionale de l’Épire » ce qui indique les relations entre Epirotes et Illyriens remarque Pierre Cabanes[15]. Ce dernier accepta de protéger le jeune Pyrrhus, et ce malgré les deux cents talents offerts par Cassandre[16], fils d'Antipater, diadoque puis roi de Macédoine, pour la remise de Pyrrhus. Ce dernier fut placé sous la protection de Beroeia ou Béroé, femme de Glaucias et princesse molosse de la dynastie des Eacides également, ce qui marque également les relations entre l'Illyrie et l’Épire[15]. Glaucias garda et éleva Pyrrhus pendant 10 ans et l'adopta comme son propre fils. Mais outre l'aspect familial, il faut voir dans cet accueil et cette adoption une volonté de Glaucias de se constituer un intérêt stratégique. En effet, Pyrrhus étant le petit neveu d'Alexandre le grand, sa proximité peut être un intérêt stratégique pour une éventuelle alliance avec Glaucias contre un "ennemi naturel", Cassandre, celui-ci tentant d'instaurer son autorité aux cités grecques et à la Grèce continentale, et menaçant l'Illyrie[15].

Guerre contre Cassandre

Représentation de Cassandre au XVIe siécle dans Promptuarium iconum insigniorum, de Guillaume Rouillé

Cette volonté de recueillir Pyrrhus et le refus de la somme proposée par Cassandre furent perçus comme un affront par ce dernier. Trois ans plus tard, vers 314, Glaucias est en guerre avec Cassandre. Lors de cette campagne, il perdit Apollonia, près de l'embouchure de l'Aoüs et Dyrrhachion[17], aujourd'hui près de Durrës, en Albanie, villes situées sur sa frontière. Il recouvra cette dernière en 312. Cassandre, qui s'empara de ces villes notamment par la ruse militaire selon Polyen en feignant la retraite[17], imposa également à Glaucias un traité dans lequel il lui interdit d'attaquer les alliés de Macédoine[18]. Mais cette paix fut de courte durée. En effet, Diodore rapporte que dès 311, le fils de Cléomène II de Sparte, roi de Sparte, Acrotatos, en route pour la Sicile, se retrouve déporté lui et sa flotte et doit accoster sur le territoire d'Appolonia. La ville, selon Diodore, est aux mains de Cassandre depuis 312 et ce dernier y a installé une garnison macédonienne. Selon Diodore, Glaucias assiège la ville mais échoue à la prendre notamment à cause de l'intervention de Acrostatos qui le convainc de lever le siège[19]. Glaucias s'allia à la cité de Corcyre [20] et recouvra Epidamne, tandis qu'Appolonia devenait indépendante[21]. Ces alliances avaient pour but de chasser Cassandre, qui selon Pierre Cabanes eut la mainmise sur une grande partie de l'Illyrie, c'est-à-dire l'Atintanie, la Dassarétide, le pays des Partins et la région d'Epidamne, dans le territoire même de Glaucias, qui faisait jonction avec les ports d'Adriatique[19]. Cette présence menaçait la cité de Corcyre, et l'existence de l'alliance préservait son autonomie, tout en permettant à Glaucias de recouvrir des territoires perdus et d'étendre sa puissance vers le sud. Cassandre réagit et venant d’Épire en 312, met le siège devant Appolonia qui, toujours selon Diodore, a chassé les macédoniens et s'est livrée aux iIllyriens. Il est gravement défait sous ses murs par une alliance corcyrienne et illyrienne. Cassandre, dès lors, ne peut intervenir en Illyrie[22]. Il intervient seulement au nord en Péonie à l'appel d'Audoleon, roi des Péoniens, contre les Autariates, une tribu d'Illyrie qui la menace d'invasion.

Dernières luttes et fin de règne

Le jeune Pyrrhus des Molosses fut un enjeu pour Glaucias pour se constituer une alliance contre Cassandre

Vers 307, l’Illyrie apparait comme puissante, Glaucias profite de l'affaiblissement de Cassandre pour restaurer son protégé et en faire un allié face à Cassandre[23]. En effet, à la mort d'Alcétas d'Epire, Il leva une armée et ramena Pyrrhus en Épire, ce dernier étant alors âgé de 12 ans. Glaucias protégeait dès lors sa frontière sud en restaurant Pyrrhus et avait désormais un allié fidèle contre Cassandre. De plus, en 303, la sœur de Pyrrhus, Deidamie, épousa Demetrios Porliocéte, fils de Antigone Monophtalmos, l'un des principaux et plus puissants diadoques, et vint renforcer cette alliance par le Sud de la Grèce et des Antigonides. Mais en 302, Pyrrhus par filialité, se rendit au mariage de l'un de ses frères d'adoption, fils de Glaucias, et perdit son trône quand, selon Plutarque, « les Molosses s'étant de nouveau soulevés, chassèrent ses amis et pillèrent ses trésors »[16]. Glaucias, selon Pierre Lévêque cité par Pierre Cabanes, est dans "l'incapacité de l'aider"[23] à nouveau. En effet affaibli, il aurait perdu Epidamne et Appolonia. De plus, Pyrrhus rejoint les rangs de Démétrios, son beau frère.

Qui plus est, Glaucias n'est plus attesté à partir de 302 et semble être mort avant la fin du IVe siècle. Quant à Pyrrhus, il renoua des liens avec l'Illyrie quand en 297, restauré une seconde fois sur le trône d’Épire grâce à l'aide de Ptolémée d’Égypte, il prit en 292 pour épouse une des filles de Bardylis II, Bircenna, et forgea des liens avec les Illyriens.

Notes et références

  1. Date attestée par Plutarque, Vie de Pyrrhus, à laquelle Pyrrhus se rend au mariage d'un des fils de Glaucias.
  2. Pierre Cabanes, Les Illyriens de Bardylis à Genthios IV-IIe siècle avant J-C, Paris, Sedes, , p.124
  3. a et b N.G.L. Hammond, Philip of Macedon, London, Duckworth, , p.27
  4. a et b Pierre Cabanes, « Les Illyriens, aux limites du monde grec », Clio.fr,‎ (lire en ligne)
  5. Pierre Cabanes, Op.Cit. Les Illyriens de Bardylis..., p.131
  6. Ibid, p.94
  7. a b c et d Diodore, Bibliothèque Historique, Livre XV
  8. René Ginouvès, La Macédoine de Philippe II à la conquête romaine, Paris, CNRS édition, , p.44
  9. a et b Pierres Cabanes, op.cit., p.98
  10. John Wilkes, The Illyrians, Oxford, B. Blackwell Publishers Limited, , p.121
  11. N.G.L Hammond, Philip of Macedon, p.125
  12. John Wilkes, Ibid, p.123
  13. John Wilkes, Ibid, p.122
  14. a b c d e et f Arrien, Anabase (lire en ligne)
  15. a b et c Pierre Cabanes, op.cit., p.138
  16. a et b Plutarque, Vie de Pyrrhus
  17. a et b N. G. L. Hammond, « The Illyrian Atintani, the Epirotic Atintanes and the Roman Protectorate », The Journal of Roman Studies,‎ , pp.11-25 (lire en ligne)
  18. Ibid, p.125
  19. a et b Pierre Cabanes, op.cit, p.139
  20. John Wilkes, op.cit, p.124
  21. Pierre Cabanes, op.cit, p.140
  22. Pierre Cabanes, Ibid., p.141
  23. a et b Pierre Cabanes, Ibid., p.142

Bibliographie

Ouvrages

  • Pierre Cabanes, Les Illyriens de Bardylis à Genthios IV-IIe siècle avant J-C, Paris, Sedes, 1988
  • René Ginouvès, La Macédoine de Philippe II à la conquête romaine, Paris, CNRS éditions, 1993
  • Nicolas Geoffrey Lemprière Hammond, Philip of Macedon, London, Duckworth, 1994
  • John Wilkes, The Illyrians, Oxford, B. Blackwell Publishers Limited, 1995

Articles

Sources