Déni de grossesse

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Le déni de grossesse est le comportement de négation du fait d'être enceinte que présentent certaines femmes, soit dans une posture de dissimulation si elle a conscience de son état, soit en raison de sa véritable méconnaissance de sa grossesse[réf. nécessaire], les changements liés à la grossesse étant biologiquement réduits et incorrectement perçus.

Aspects médicaux

Faute de la conscience d'être enceinte, le ventre peut ne pas grossir visiblement, la grossesse peut passer inaperçue de l'entourage. Quand le bébé commence à bouger, la femme n'y prête pas attention ou interprète ces mouvements comme sans lien avec une grossesse. L’aménorrhée caractéristique de la grossesse peut même faire défaut.

L’enfant, au poids généralement normal à la naissance, se loge en position debout, dans un utérus resté vertical près de la colonne vertébrale[1]. Au moment de l’annonce du déni par le médecin et la prise de conscience par la femme qu’elle est bien enceinte, son corps peut alors se transformer en un temps record.

Les études sur le sujet font état d'un cas pour 300 à 600 grossesses[2].

Le déni de grossesse est partiel lorsque la grossesse est découverte à partir du 5e mois de grossesse et le déni de grossesse est total lorsqu'il est constaté à terme.

Loin d'être issues de milieux défavorisés, d'être déficientes intellectuellement ou de présenter des troubles psychiatriques, les femmes concernées sont d'une « normalité » désarmante, ce qui rend le phénomène encore plus troublant[1].

Les causes en sont multiples[3]. Toutes les couches sociales sont concernées. Les mères concernées peuvent avoir déjà eu des enfants.

Aucune statistique n'existe pour les conséquences sur la santé du bébé, mais on considère que celles-ci dépendent de la durée du déni[3]. Quand le déni dure jusqu'au terme de la grossesse, l'accouchement est un choc psychologique très important pour la mère qui n'a pas pu se préparer psychologiquement à l'accueil de l'enfant et n’a pas recours à son entourage. Le travail est souvent très rapide et perçu comme un besoin d’aller à la selle : ces bébés naissent souvent dans les toilettes.

La mort du bébé peut survenir de manière accidentelle, par manque de soins, à la suite d'un traumatisme crânien ou à la suite d'une intervention de la mère. Cette confrontation brutale avec la réalité peut occasionner une panique porteuse de pulsions infanticides : le néonaticide concerne moins de 10% des dénis de grossesse[4]. Dans certains cas, la mère croit son enfant mort-né et s’en débarrasse alors qu’il est vivant.

Aspects sociaux

Dans les sociétés traditionnelles, le déni de grossesse est une conséquence de l'hostilité du groupe aux grossesses jugées illégitimes. Confrontée à une situation imprévue et non désirée, éventuellement après ou en complément de démarches abortives, la mère dissimule comme elle le peut son embarras physique et moral dans son apparence comme dans son comportement. Elle s'efforce en toute circonstance de maintenir autant que possible l'apparence de la normalité pour ne pas donner prise aux inquisitions du contrôle social et au discrédit collectif si redouté[5]. Si le déni se poursuit jusqu'au terme de la naissance, la femme peut rentrer dans une intention infanticide dans la logique d'un déni de tout accouchement, toute manifestation et particulièrement tout résultat de la grossesse devant rester inconnus pour que sa réputation reste intacte.

La femme en déni de grossesse délibéré adapte son comportement au cours de sa grossesse, maintenant tout au long son effort et ses ruses pour dissimuler ses modifications corporelles. Dans les premiers temps, le défi est de parvenir au retour des règles, ce qui revient bon gré mal gré à provoquer une fausse couche que ce soit par la brutalité ou par des remèdes traditionnels locaux, sangsues ou plantes[6]

Tant que les signes de grossesse sont incertains, les premiers mois, la femme peut essayer d'éteindre la suspicion naissante du voisinage et les bavardages dont elle tend à être l'objet de plus en plus fréquemment : son rejet de toute immixtion dans sa vie personnelle peut ainsi prendre des formes véhémentes et imaginatives qui tendent toutes à intimider et finalement à décourager les curiosités tenaces. Même quand le doute n'est plus vraiment permis, ceux qui font part de leur conviction, ou de celle qu'on leur a rapportée, peuvent se voir menacer d'un procès pour calomnie. Quand la transformation du corps est indéniable, celle-ci est attribuée à quelque trouble physiologique, le plus souvent en rapport avec la menstruation ou l'hydropisie. Puis, les examens par des sages-femmes ou par d'autres tiers sont refusés.

Si la femme en déni ne peut quitter temporairement son groupe habituel et achever sa grossesse au loin dans un relatif anonymat, elle est réduite à un retrait partiel et délicat de la vie collective sous tous les prétextes et dans toutes les circonstances : par exemple, elle continuera à participer aux fêtes, mais en se servant de l'obscurité ou autres circonstances pour échapper aux regards. Tous les stratagèmes étant notoires, sa situation est en général particulièrement inconfortable, au point de devoir invoquer la maladie pour se cloîtrer chez elle plusieurs semaines. Cette réclusion prétendue forcée n'épuise généralement pas la vigilance des voisins qui vont éventuellement se relayer pour tenter de contrarier les intentions infanticides qu'ils peuvent supposer.

La logique du déni étant de préserver l'honorabilité et l'intégration au groupe, il peut se poursuivre après la naissance, en cas d'infanticide ou de dissimulation de la naissance, par des efforts pour précipiter le retour aux formes de vie antérieures, tant dans l'apparence que dans la capacité de travail, voire par des ruses complémentaires telles que la présentation de linges indiquant le retour des règles, donc jamais interrompues. Il s'agit de compléter et parachever les premières actions de déni pour tenter de prouver rétroactivement l'inanité des soupçons et du harcèlement des premiers mois. En cas d'infanticide qu'elle seule connaît, la femme sait que la récupération rapide de son innocence - du point de vue de la bienséance - ne peut que lui être bénéfique en cas d'enquête au plan criminel.

Dans les cas où il n'a été trouvé aucune trace confondante, aucun cadavre, le déni de grossesse peut se muer ou se condenser en un déni d'accouchement, c'est-à-dire la négation de toute mise au monde. La femme prétend anéantir toute accusation d'homicide en cherchant à persuader que ce qui a pu lui arriver n'est qu'un fâcheux trouble de sa santé, trouble assez extraordinaire et qui s'est trouvé encore subitement résolu pour des raisons aussi peu claires que la nature du trouble lui-même. Son argumentaire et sa présentation des événements exploitent la méconnaissance de la physiologie, notamment féminine, dans la communauté voire parmi les tenant-lieu de médecins, n'hésitant pas à tirer profit par ses propos véhéments de tout ce qui peut troubler les interlocuteurs dans leur conviction qu'elle a été enceinte : oui, si son corps s'est libéré ou s'est vidé prodigieusement ; dans tous les cas, jamais rien ne ressemblant à un enfant n'est sorti de son sein si jamais elle avait pu être grosse ; elle a seulement et heureusement retrouvé une santé qu'elle avait perdue assez bizarrement.

Aspects juridiques

Le déni de grossesse n’est pas clairement défini et identifié, n'a pas de statut juridique autonome.

L'Association Française pour la Reconnaissance du Déni de Grossesse se bat pour qu’il soit juridiquement reconnu de manière à étudier les dossiers au cas par cas.

Début 2010, il n’est pas considéré comme une pathologie, mais comme un symptôme qui vient toucher une souffrance psychique enfouie dans l’inconscience de la personne.

Au moment de l’accouchement, la femme peut se retrouver confrontée à la réalité brutale et paniquer. Le déni de grossesse peut alors être suivi d'un infanticide. Dans ce cas, la femme peut encourir jusqu'à 30 ans de prison[7],[8],[9]. En mars 2010, une femme jugée pour infanticide a été acquittée par la cour d'assises de Mons (Belgique), le jury populaire constitué de six hommes et femmes ayant reconnu qu'elle avait agi à la suite d'un « déni de grossesse massif » et sous la force d'une « contrainte irrésistible » en étouffant son nouveau-né. Un élément qui, en droit belge, exempte l'auteur d'un crime ou d'un délit de sa responsabilité[10].

Jadis, comme dans le cas célèbre de Catherine Ozanne, de Meulan, en 1773, c'était la peine de mort qui était requise et appliquée[11].

Notes et références

  1. a et b « Passagers clandestins in utero », sur www.lemonde.fr .
  2. (en) « Jens Wessel, Ulrich Buscher, « Denial of pregnancy: population based study », in British Medical Journal, 324(7335). 2002. »
  3. a et b Propos du Pr Israël Nisand, gynécologue obstétricien, sur Soir 3, lundi 19 janvier 2009
  4. « Le déni de grossesse en 7 questions »
  5. Annick Tillier, Des criminelles au village - Femmes infanticides en Bretagne (1825-1865), Presses Universitaires de Rennes, pages 293 et suivantes.
  6. Annick Tillier, Des criminelles au village - Femmes infanticides en Bretagne (1825-1865), Presses Universitaires de Rennes, pages 338 et suivantes.
  7. « Un déni de grossesse, c’est quoi ? », sur www.afrdg.info, (consulté le )
  8. « Réponse de Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés », sur www.afrdg.info, (consulté le )
  9. « Le déni de grossesse », sur les-maternelles.france5.fr (consulté le )
  10. « « Une femme infanticide acquittée en Belgique » sur le site de Le NouvelObs.com » (consulté le )
  11. « Arret de la cour de parlement » : « Arrest de la Cour de Parlement qui condamne Catherine Ozanne à être pendue dans la Place publique de la Ville de Meulan, pour avoir celé sa grossesse et son enfantement, avoir ensuite pris son enfant, l’avoir porté et jetté au bord de la rivière, et par-là occasionné sa mort. Fait en Parlement le vingt-sept août mil sept cent soixante-treize. Collationné, Prot., signé Vandive ». Site=books.google.fr (consulté le 2 juin 2010).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Gaëlle Guernalec-Levy, Je ne suis pas enceinte : enquête sur le déni de grossesse, Stock, Paris, 2007, 258 p. (ISBN 978-2-234-06018-0)
  • Perspectives Psy, Volume 41, no 3, juin-juillet 2002, p. 182-188
  • Sophie Marinopoulos, Le Déni de grossesse, Yakapa, 2007
  • Sophie Marinopoulos, La Vie ordinaire d'une mère meurtrière, Fayard, 2008
  • Sophie Marinopoulos, Elles accouchent et ne sont pas enceintes, Les Liens qui Libèrent, 2011

Lien externe