Jacques Esterel

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Charles Martin connu sous le pseudonyme de Jacques Esterel (Bourg-Argental, 5 juin 1917-Saint-Cloud, 14 avril 1974) est un couturier et auteur-compositeur français.

Biographie

Élève de l'École Nationale Supérieure des Arts et Métiers de Paris il en sort avec un diplôme d'ingénieur puis ouvre une société dans le secteur des machines-outils à Paris. Parallèlement, il est auteur-compositeur et se produit au Tabou, à L’Échelle de Jacob, au Lapin Agile, à Bobino. Il enregistre quelques disques entre 1955 et 1960 (la garde, les peintres, pour des prunes, le brave) et obtient l'Oscar de la Chanson Française en 1956. De nombreux artistes, tels que les Frères Jacques l'inscriront à leur répertoire.

Il écrit aussi des pièces de théâtre, dont Le mauvais œil qui fut grand prix de Paris Télévision et une opérette Flon-Flon. Francis Blanche lui donne la réplique.

En 1953, il s'investit dans la haute-couture et ouvre une boutique de mode rue Pierre-Charron. Il présente ses collections dans le cadre d'une formule où sont associés mode, poésie et spectacles. Le succès aidant, des personnalités du cinéma ou de la chanson viennent honorer le lieu de leur présence telles Michèle Morgan, Catherine Deneuve, Jean Seberg, Claudia Cardinale et Édith Piaf.

Le cinéaste Michel Boisrond entame le tournage de son film La Parisienne en 1957, confiant le rôle de cette parisienne en mutation, libre et provocatrice, à Brigitte Bardot et à Jacques Estérel celui de parachever cet esprit parisien. D'autres cinéastes solliciteront son concours : Jack Pinoteau, Georges Lautner, Édouard Molinaro, Jacques Tati.

En 1958, il emménage Faubourg Saint-Honoré et engage le styliste Alexandre Penneroux. Il offre aux journalistes de mode la première Présentation Spectacle. Les mannequins défilent sur fond de musique de jazz.

Dans le cadre du rayonnement français pour le compte d'Air France, plus de quarante tournées sont organisées pour présenter ses collections : Argentine, Brésil, Chili, Mexique, États-Unis, Canada, Hong Kong, Tokyo, et s'impose dès lors à son génie créateur la nécessité d'agrandir les gammes, segmenter les marchés pour répondre à une politique de marque en gestation, et ainsi impulser ses concessions de licences aux quatre coins de la planète.

En 1960, il établit avec les Galeries Lafayette un partenariat entre la Couture et les grands magasins.

« Un couturier, affirme-t-il, doit aller très loin dans l'audace ». Pour tenter le diable, il décide à la sortie de la collection de présenter son mannequin vedette Bibelot le crâne rasé. Consultée à ce sujet, Héléna Rubintein estime « que l'expérience valait la peine d'être tentée. L'absence de cheveux met les yeux extraordinairement en valeur... » (1961). Dans la même veine, il fera introniser catherinette en 1968, son mannequin muse par le peintre Salvador Dali.

Pour répondre à la crise suscitée par Vatican II sur l'abandon de la soutane au profit du costume laïc, Jacques Estérel est approché en 1962 par l'épiscopat français pour plancher sur une nouvelle tenue de clergyman. Le passage d'un style à l'autre devait se faire de manière pondérée, dans le calme et, pour tout dire, dans un certain esprit. Il réalise ce premier costume pour le premier prêtre français. Pour un religieux, refuser cette mutation est considéré par sa hiérarchie comme de l'orgueil et allé contre le Concile, ce qui fera dire à Mgr Veuillot à ceux qui n'étaient pas dans le sens de l'histoire, « Allez vous habiller en homme ».

En 1964, les organisateurs des Jeux Olympiques lui confient le privilège d'habiller l'équipe féminine française pour les Jeux Olympiques de Tokyo. L'exploit est renouvelé en 1968 pour Mexico tant pour l'équipe féminine que masculine.

Jouant pleinement le concept de l'édition limitée le couturier se consacre au marché des hôtesses. Il habillera les infirmières de l'assistance publique, les hôtesses de la Fédération du lin, du magazine Marie-France, du Tunnel du Mont Blanc, du Club Européen du tourisme, de la firme américaine du travail temporaire Manpower, parmi bien d'autres.

En 1965, Christian Léandre Ganga succède au styliste Alexandre Penneroux. Le couturier confie son prêt à porter masculin aux établissements J. Weil fils à Besançon, firme sous contrat avec Johnny Hallyday, support de sa campagne publicitaire avec gala à la clé. Le défilé Jacques Estérel précède la prestation du chanteur au meilleur de sa forme. En cette année d'implosion, cultivant le décalage teinté d'ironie ambiant, le couturier fera défiler au SHEM, salon de l'habillement masculin à Paris, et ce à la stupéfaction générale, son homme en jupe-kilt.

Il lance en 1966 une fragrance Brigand. En partenariat avec Jean-Marc Maniatis, il instaure le concept « couture coiffure ». Il met à disposition du coiffeur un étage de sa maison de couture où ses clientes bénéficient du privilège d'un défilé pendant leurs soins.

Il est le premier en 1967 à engager une étude sérieuse sur la mutation inéluctable due au rapprochement des sexes. Sa ligne Négligé Snob en sera la réponse incontestée. Ligne unisexe en jersey, suggérant que la notion de ce qui est correct ne coïncide pas forcément avec ce qui est guindé, triste et hors de prix. La souplesse dépouillée l'emporte sur la rigueur géométrique. Des découpes raffinées, à peine suggérées au regard, esquissent sans outrance la taille et la poitrine.

En 1968, il s'installe villa Trianon, ancienne demeure du ministre des finances de Napoléon III, aux abords du bois de Boulogne et du parc de Saint Cloud, à l'abri des rigueurs de la vie moderne. En 1969, honorant scrupuleusement la rectitude du cahier des charges des compagnies aériennes, le couturier renouvelle l'image des hôtesses des compagnies d'Air Inter, Air India, Air Maroc. Le bureau de style rattaché aux contrats de licences est une pépinière de talents, on y croise la jeune Anne-Marie Beretta, le prometteur Jean Paul Gaultier, le bouillant italo cubain Miguel Cruz ainsi que les gourmands de mode, Jean Antoine Bernal et Antoine Romann.

Le styliste passe un accord avec les tournées Baret et habille sur plusieurs saisons à la scène comme à la ville les comédiennes Danièle Darrieux, Danièle Lebrun, Madeleine Robinson, Rosy Varte, Micheline Dax, Brigitte Fossey.

Il présente en 1970 une collection unisexe qui comporte non seulement des ensembles pantalons, mais aussi des robes chemises pour homme. Le brodeur Pierre Mesrine collabore au projet et principalement sur les tuniques sumérienne que certains privilégiés ont pu admirer au Musée de la Mode et du Textile en 2002 lors de l'exposition sur les années 70 de concert à celle consacrée à la garde robe de Jackie Kennedy.

En 1972, lancement par Nelson Rockefeller, gouverneur de l'état de New-York, du concept Jacques Esterel French Villages, nouvel espace où est présentée la gamme complète griffée maison : Mode et Décoration. Le couturier revisite à l'occasion le système de communication de ses débuts, et tout spécialement ses mardis culturels, qu'il remet au goût du jour. Il est dorénavant possible de suivre en ces lieux, entrecoupé de passage de robes, des conférences sur l'histoire de l'art français et pour les plus persévérants, d'apprendre la langue de Molière. Le jeune polytechnicien Bernard Arnault fixe son choix sur la maison Jacques Estérel pour effectuer sa période de formation de fin d'étude.

En 1974, il est terrassé par une rupture d'un anévrisme. Il repose au cimetière de Bourg Argental. Il lègue à ses collaborateurs la marque Jacques Esterel, implantée dans 25 pays appuyée par 305 manufacturiers-licenciés et sa quarantaine de brevets déposés.