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Bariba (langue)

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Bariba
baatɔnum
Pays Bénin, Nigeria
Région Nord du Bénin, ouest du Nigeria
Nombre de locuteurs 560 000 (1995)
Classification par famille
Codes de langue
IETF bba
ISO 639-3 bba
Étendue langue individuelle
Type langue vivante

Le bariba, ou batonu (baatɔnum en bariba), est la langue du Nord du Bénin et de l’Ouest du Nigeria (État de Kwara et État de Niger). C'est l'une des langues au Bénin les plus parlées dans la partie septentrionale de ce pays[1].

Situation géographique

On lit dans Lombard[2] que « le baatɔnum est parlé dans le Nord du Bénin sur une aire étendue de plus de 50 000 km2 avec les grands centres Banikoara au Nord-Ouest, Kandi au Nord-Est, Kouandé au Sud-Ouest, Nikki à l’Est et Parakou au Sud, avec une avancée vers le Sud-Est, au-delà de la frontière du Nigeria sur 2 000 km2 ».

Au Nigeria où le baatɔnum est parlé dans l’État de Kwara précisément dans les divisions de Okuta, Ilesha, Yashikira, Gwanara, Kaiama et Busa, Lavergne de Tressan[3] signale des villages habités par des baatɔmbus dans la partie orientale de Sokodé au Togo. Déjà sur la base du recensement de 1931, Westerman [réf. nécessaire] estimait à 239 542 les locuteurs natifs du baatɔnum. Selon Grimes (1992)[réf. non conforme] ce nombre est de 400 000 locuteurs.

Elle est parlée dans une vaste aire géographique nommée Baru Tem (terre baatɔnu) ou Baru wuu (village baatɔnu). La transcription française du Baru Wuu connait une altération : le colonisateur, à cette époque, a des difficultés linguistiques et phonétiques vis-à-vis des langues à ton. Ainsi, malencontreusement, le Baru Wuu s’écrit désormais Borgou, et ce nom demeure ainsi encore aujourd'hui dans les annales de l’histoire.

Les habitants s’appellent baatɔmbu ou Baru Bibu (fils du Baru Wuu ou Borgou) et parlent la langue baatɔnum. Le Baru Wuu (Borgou) est l’un des départements septentrionaux de la République du Bénin. Il se situe sur la rive droite du fleuve Niger avec une superficie de plus de 70 000 km2 dont 20 000 au Nigeria et plus de 50 000 au Nord-Bénin dans les départements du Borgou, de l'Alibori, de l'Atacora (dans les régions de Kèru, Wassa et Kpande actuel Kouandé) et une partie du Nigéria.

Cette langue est parlée par les baatɔmbu (sing. baatɔnu), appelés improprement Bariba par les colonisateurs.

Généralités

Elle appartient au groupe linguistique gur (langues dites voltaïques) (cf. gourmantché). Cette langue, relativement complexe, possède des classes nominales et des niveaux de tons.

Depuis 1970 environ, elle s'écrit et a été la première langue du pays à être utilisée pour l'alphabétisation, notamment dans le cadre de l'organisation des paysans en groupements villageois (coopératives).

Nomenclature

Dans la littérature l’on rencontre plusieurs termes qui désignent le Baatonum. Les trois termes les plus courants sont cependant :

  • Bargu (Westerman & Bryan (1970)[réf. non conforme] ; Bender-Samuel (1971){{référence imprécise)
  • Bariba (Lombard (1965); Soutar (1964b, 1966, 1970a)[réf. non conforme], Manessy (1993)[4])
  • Baatɔnum (Dindi (1984, 1986), Doneux (1965), Prost (1979), Saka (1989), Gouroubéra (2002), Gaba (2003)[5] pour ne citer que ceux-là.

Selon Grossenbacher (1974)[6], Bargu désigne le territoire habité par des Baatɔmbu. Cette interprétation ne nous paraît pas juste[Interprétation personnelle ?], puisque le terme utilisé par les locuteurs pour désigner leur territoire est le Baru wuu, un composé de Baru- et de -wuu

Baru + wuu baru wuu
qui appartient
aux baatmbu
pays pays des Baatɔmbu

Le terme bargu peut en revanche se décomposer en Bàrù et gu. Le premier étant le suffixe qui marque le possessif au niveau des noms de la classe 7.

  • (2) Baru + gu → barugu « qui appartient à la civilisation baatɔnu »

Les exemples en (3) suivants montrent que le radical baru- s’associe à d’autres termes pour indiquer leur appartenance à la civilisation baatɔnu.

  • (3) a- baru + bekuru → baru bekuru « tissu de fabrication artisanale »
    • pagne
  • b- baru + tem → baru tem « territoire baatɔnu »
    • terre
  • c- baru + keu → baru keu « alphabétisation en langue nationale »
    • étude
  • d- baru + tɔnu → baatɔnu « ethnonyme »
    • homme

On observe en 3d la chute du suffixe [-ru] suivie de l’allongement de la voyelle [a]. C’est ce qui explique la dérivation de baatɔnu. On comprendra donc plus facilement qu’en suffixant la marque de la classe 10 /-m/ on dérive le glossonyme baatɔnum. En effet les glossonymes se forment par suffixation de /-m/ aux ethnonymes comme en (4) suivant :

  • (4)
    • a- /baatɔnu + m/ [baatɔnum] « glossonyme »
      • ethnonyme cl.10
    • b- /kao + m/ [kaom] « langue cab »
      • cab cl.10

Quant au terme Bariba, il reçoit diverses interprétations d’un auteur à un autre.

Le découpage structurel qu’en donne Gaba (2003 :7)[réf. non conforme] n’est pas satisfaisant. Selon Gaba (2003 :7), bariba est formé du radical bari- qui signifie « cheval » et d’un suffixe collectif « ba » qui signifie « homme », l’ensemble donnant le sens de « cavalier » au terme bariba. Mais encore faudrait-il préciser en quelle langue et donc suivant quelles règles s’opère un tel découpage. Car le sens de « cheval » attribué au radical bari- nous renvoie plutôt à la langue Dendi ou Zarma. Mais nous n’avons pas connaissance d’un pareil radical en baatɔnum, même pas au sein des emprunts. Pas plus que l’existence d’un suffixe collectif –ba au sens de « homme ».

Selon Lombard[7], bariba est un « terme d’origine yoruba appliqué aux habitants du Borgou méridional ». Ceci nous semble plus convaincant du fait qu’une source orale indique que cette appellation serait inspirée du nom Baba d’une divinité implantée au Nigeria. Ceci reste toutefois à prouver.[Interprétation personnelle ?]

Plusieurs études utilisent le terme baatɔnum pour désigner la langue car c’est le nom que les locuteurs eux-mêmes donnent à leur langue. L’ethnonyme est baatɔnu dont le pluriel est baatɔmbu. On utilise aussi baatɔnu comme adjectif dans des constructions du genre « langue et culture baatɔnu ».

Classification

Le baatɔnum est reconnu comme une langue Gur. Mais il n’est pas encore établi une filiation certaine avec d’autres langues du même groupe. Beaucoup d’hypothèses sont formulées.

Koelle (1854), dans sa Polyglotta africana, le range en tant que « (en) ». Westerman & Bryan (1970) et Greenberg (1963 :8)[réf. non conforme] en font respectivement une « single unit » et « un sous-groupe entier ». Bendor-Samuel (1971 :148)[réf. non conforme] estime que (en), pendant que Naden (1989)[réf. non conforme] le classe comme « possible central Gur ».

L’hypothèse la plus récente et la plus précise reste celle de Manessy[8] [Interprétation personnelle ?]. Selon cette hypothèse, le Baatɔnum est placé au sein du groupe voltaïque central sud à côté du Dogosé-Gan.

Dialectologie

Selon Dubois (1981:150), la dialectologie « désigne la discipline qui s’est donné pour tâche de décrire comparativement les différents systèmes ou dialectes dans lesquels une langue se diversifie dans l’espace et d’établir leurs limites ».

Les diverses formes constituant une langue sont appelées dialectes ou parlers. La dialectologie consiste à étudier les particularités de chacune de ces formes constituant une même langue. Il s’agit également d’établir « les lignes idéales séparant deux ou plusieurs aires dialectales qui génèrent pour un trait donné des formes ou des systèmes différents » selon Dubois (1981:270). Ces lignes sont appelées isoglosses. Dans le cadre de la théorie structurale inspirée de l’article « is a structural dialectology possible? » de Weinrich (1954), la dialectologie s’assigne pour mission de reconstituer des systèmes supérieurs aux variantes et les propriétés qui permettent également de les différencier. Il s’agit d’une « diasynchronie » au sens de Nicole (1987:40).

Dans la présente étude nous nous fixons comme objectif de fournir des matériaux linguistiques permettant d’opérer un regroupement des variantes régionales du baatonum sur la base des comparaisons de la morphologie des nominaux.

Le baatonum est-il homogène ou pas ?

La majorité des auteurs qui ont étudié le Baatonum l’ont considéré comme une langue remarquablement homogène suivant l’expression de Manessy (1993 :81). Nous trouvons en effet dans Manessy (1993 :81) un résumé des opinions de plusieurs auteurs sur cette question.

« Welmers (1952 :82) n’a pas constaté de différences sensibles entre les parlers de Nikki et Parakou, ni entre ces derniers et le dialecte de Kandi (sauf en ce qui concerne l’inventaire des tons). Prost (1979a) qui a travaillé à Tobré dans l’ancienne sous-préfecture de Kouandé ne signale que quelques légères différences par rapport au dialecte « central » de Nikki –Parakou, notamment dans la morphologie du verbe. Grossenbacher (1972) désigne par une « tendance à la dégradation » les écarts entre le baatonum « classique » et les parlers « des zones périphériques » : effacement des consonnes intervocaliques ou réduction du nombre des classes nominales ».

Il semble que ces différences relevées par les auteurs eux–mêmes leur paraissent paradoxalement négligeables puisqu’ils en arrivent tous à la conclusion d’une homogénéité de la langue. Certes, nous remarquerons que l’inventaire des unités phonologiques segmentales ne varie pas d’un parler à un autre. Il est aussi vrai que l’intercompréhension est presque parfaite entre les locuteurs de différentes régions. Mais l’étude dialectologique du Baatɔnum présente un intérêt puisqu’il existe d’un parler à un autre plusieurs particularités morphologiques.

Saka (1989 :15) écrit que « compte tenu de son aire d’extension, le Baatɔnum connaît plusieurs variantes et que dans cet ensemble, trois grandes variantes sont remarquables. Il s’agit du :

  • parler de la région Nikki –N’dali –Bèmbèrèkè ;
  • parler de Banikoara ;
  • parler des régions de Kouandé –péhunco –Kérou ».


À quel niveau se situe la variation entre les parlers du Baatonum ?

Nicole (1987:41) écrit : « la variation phonique est certainement plus importante car c’est essentiellement sur elle que le locuteur se fonde pour repérer l’origine de son interlocuteur ». Il ajoute que « les variations lexicales ou grammaticales ne fondent pas la distinction dialectale, elles semblent s’y ajouter comme l’un des éléments décisifs, parfois même, surtout en ce qui concerne la grammaire largement identique, venir simplement corroborer une différenciation basée sur des variations phoniques ».

En résumé des points de vue des divers auteurs concernant le baatonum, nous retenons qu’il est question des différences au niveau (i) phonétique concernant principalement l’inventaire des sons et leur distribution ; (ii) morphologique aussi bien nominale que verbale ; (iii) de l’inventaire des tons. Nous nous intéressons essentiellement, dans cette étude aux particularités morphologiques des nominaux de chaque parler. Ceci nous contraint évidemment à traiter des aspects phonétiques et phonologiques des parlers. Le cadre d’un mémoire de maîtrise étant trop restreint pour traiter à la fois des systèmes nominal et verbal, l’étude se limite au système nominal. La question des tons, fort intéressante, ne peut malheureusement non plus être entièrement débattue dans cette étude pour les mêmes raisons sus-évoquées. En effet, il existe encore beaucoup de zones d’ombres qu’il faudra d’abord résoudre dans la tonologie, déjà d’un seul parler, si l’on veut procéder à une comparaison efficiente.

Écriture

Alphabet[9]
majuscules A B D E Ɛ F G GB I K KP L M N O Ɔ P R S T U W Y
minuscules a b d e ɛ f g gb i k kp l m n o ɔ p r s t u w y

La transcription du bariba se fait à l'aide de l'alphabet national béninois et nécessite, outre les lettres latines, les caractères spéciaux suivants (issus de l'alphabet phonétique) :

  • ‹ ɔ › pour le o ouvert
  • ‹ ɛ › pour le e ouvert
  • la nasalisation est indiquée à l’aide d’un tilde sur les voyelles ‹ ã ɛ̃ ĩ ɔ̃ ũ ›[9].

Comme pour beaucoup d'autres langues africaines la lettre ‹ u › se prononce /u/ (comme le ‹ ou › français), et ‹ e › se prononce /e/ (comme le ‹ é › français).


Proverbe en baatɔnum

Voici un proverbe en baatɔnum :

  • « Wɔmun sira tura, bu ka ge bɔke. » = litt. « La queue du singe suffit, pour qu'on l'attache avec. »

(Anciennement) les chasseurs ayant tué un singe, l'attachaient à l'aide de sa propre queue à une perche qui était portée par deux hommes pour l'amener au village. L'interprétation de ce proverbe est : je n'ai pas besoin d'aide extérieure, je me débrouille très bien seul.

Références

  1. http://www.gouv.bj/spip.php?rubrique27 [archive]
  2. J. Lombard, Structures de type féodal en Afrique noire. Étude des dynamiques internes et des relations sociales chez les Baribas du Dahomey, Paris / La Haye, Mouton, 1965, p.31.
  3. Lavergne de Tressan, Inventaire linguistique de l’Afrique occidentale Française et du Togo, Dakar, IFAN, 1953
  4. Voir bibliographie
  5. Voir bibliographie
  6. Abrégé de grammaire bariba, Parakou : IPRAS, 89p, 1974
  7. Op.cit, p.43
  8. Op. cit, p.134
  9. a et b CENALA 1990

Voir aussi

Bibliographie

  • J. P. Grossenbacher et B. Gauthier, Apprenons à parler bariba, Parakou, ministère de la Jeunesse, de la Culture populaire et des Sports, D.A.P.R., vers 1976, 80 p.
  • (fr) Cours d'orthographe bariba, vers 1976, 28 p.
  • Centre national de linguistique appliquée (CENALA), Alphabet des langues nationales, Cotonou, CENALA, , 2e éd. (lire en ligne)
  • S. B. J. Dindi, Le baatonum : étude phonologique suivie du système des classes nominales et leurs substituts respectifs (mémoire de maîtrise), FLASH-UNB, Cotonou, 114 p., 1984.
  • S. B. J. Dindi, «Le système des classes nominales en baatonum», Langage et Devenir 3:29-45, 1986.
  • J. L. Doneux, Éléments pour une esquisse de la langue baatonum (bariba), 28p., ms, 1965.
  • S. Gouroubéra, Élément de morphophonologie du Baatonum (mémoire de maîtrise), FLASH-UNB, Cotonou, 2002.
  • J.P., Grossenbacher, Abrégé de grammaire bariba, Parakou : IPRAS, 89p, 1974.
  • N. L., Haddock, « The tone of Bariba », Phonetica 3:90-94, 1959.
  • Horn, U. 1998. « A propos de la morphologie verbale du baatonum », Gur Papers/Cahiers Voltaïques 3: 55-63.
  • Kana Gaba, Y. 1994, Morpho-syntaxe de l’énoncé simple du baatonum, mémoire de maîtrise, FLASH-UNB, 99p.
  • Koelle, S.W, 1854, Polyglotta Africana, London, Church Missionary House.
  • Lavergne de Tressan (de), M., 1953, Inventaire linguistique de l’Afrique occidentale Française et du Togo, Dakar, IFAN, 221p.
  • Lombard, J., 1998, Le Modèle socio-politique des peuples du Borgou dans les sociétés d’Afrique noire, dans E. Boesen, Ch. Hardung, R. Kuba (éds), 1998, 27-38.
  • Lombard, J., 1965, Structures de type "féodal" en Afrique noire -Étude des dynamiques internes et des relations sociales chez les Baribas du Dahomey, Paris / La Haye, Mouton.
  • Manessy, G., 1993, « Le bariba : étude généalogique », Afrika und Übersee 76 : 81-140
  • Marchand, P., 1989, Lexique baatonum français, Parakou, 268+11p
  • Miehe, G.; B. Reineke; M.v. Roncador (éds), 1998, Gur Monographs/ Monographies voltaïques vol. 1, Cologne, Rüdiger Köppe Verlag, 287p.
  • Pike, K., 1968, Indirect vs direct discourse in Bariba.
  • Prost, A., 1979, Le Baatonum, Publication du Département de Linguistique Générale et des Langues Négro-Africaines, Dakar, 175p.
  • Saka, Th., 1989, Le Système pronominal du baatonum, mémoire de maîtrise, FLASH-UNB, 149p.
  • Stewart, M. H., 1993, Borgu and its Kingdoms. Lewiston/ Queenston /Lampeter, The Edwin Mellen Press.
  • Toungara, D., 1996, Le système verbal du baatnum, mémoire de maîtrise, FLASH-UNB, 144p.
  • Welmers, W. E., 1952, « Notes on the structure of bariba », (en) 28, 1: 82-103.
  • Welmers, W. E., 1973, (en), University of California Press, Berkeley & Los Angeles, 488p.

Articles connexes

Liens externes