Ghetto de Varsovie

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Frontières du ghetto de Varsovie ( carte interactive)
Insurrection du ghetto de Varsovie. Photo extraite du rapport de mai 1943 de Jürgen Stroop à Heinrich Himmler. Légende originale en allemand : « Forcés hors de leurs trous ». Cette photo est l'une des plus célèbres de la Seconde Guerre mondiale[1].

Le ghetto de Varsovie fut le plus important ghetto juif de la Seconde Guerre mondiale. Situé au centre de Varsovie, il fut créé en 1940 et pratiquement détruit en mai 1943 après l'insurrection de ses occupants contre les nazis. Il a rassemblé jusqu'à 380 000 personnes[2]

Prélude

En , l'armée allemande attaque puis occupe la Pologne. Varsovie est prise par l'armée allemande le 28 septembre 1939. Adam Czerniakow, qui vient être nommé à la tête de la communauté juive de la ville et chargé par l'occupant de constituer un conseil juif (Judenrat)[3]. Dès l'hiver 1939-1940, les nazis commencent à persécuter les Juifs : obligation de porter un brassard blanc avec l'étoile de David bleue, identification des magasins juifs sur leurs vitrines, confiscation des radios, interdiction de voyager en train (novembre 1939). Le 7 novembre 1940, une "zone d'épidémie" est définie par le gouverneur du district de Varsovie. Elle est interdite aux soldats allemands.Elle correspond aux "rues juives". Deux mois plus tard, le quartier juif devient officiellement une "zone de contagion"[4].

L'ordre de transplantation de juifs est donné le 2 octobre 1940. Puis le (jour de la fête juive de Yom Kippour).les Allemands annoncent aux juifs qu'ils n'ont que jusqu'à la fin du mois pour déménager dans le "quartier juif". 80 000 non-juifs quittent le secteur. 138 000 juifs s'y installent dans la précipitation et la peur. Le ghetto est fermé le 16 novembre 1940. 40% de la population de la ville s'entasse dans des conditions insalubres dans 8% de la superficie de la ville[5].

Situation

Site de l'ancienne passerelle du ghetto de Varsovie. Roman Polanski l'a reconstituée dans son film Le Pianiste

Le ghetto est formé par le centre de la ville de Varsovie. Il est initialement composé de deux parties, le grand ghetto, relié au petit ghetto par un pont en bois. Le tout est entouré sur 18 kilomètres de murs de plusieurs mètres de haut et de fil de barbelé. Dans cette enceinte d’une superficie d’environ 300 hectares, on compte 128 000 habitants au km² contre 14 000 environ dans la Varsovie non juive. La population du ghetto, 381 000 personnes enregistrées en janvier 1941, atteint 439 000 en juin 1941 pour retomber à 400 000 en mai 1942. Ces différences peuvent s'expliquer par l'arrivée de nombreux réfugiés, la surmortalité qui prévaut dans le ghetto. Seul lien avec l’extérieur, un tramway réservé aux Polonais non-juifs traverse le lieu. À peu près 80 000 personnes sont mortes entre novembre 1940 et juillet 1942 sans déportation ni fusillade[4].

Organisation

La gestion du ghetto est déléguée au « conseil juif » (Judenrat) par les occupants. Il est dirigé par Adam Czerniaków. Il joue un rôle essentiel dans la transmission des ordres des Allemands aux habitants du ghetto. Ses effectifs augmentent entre 1940 et juillet 1942 passant de 1741 employés à 9000 en comptant la police juive[4]. Cette dernière appelé aussi Jüdischer Ordnungsdienst (service d'ordre juif) est chargée de maintenir l'ordre. Elle est rémunérée et possède des avantages comme l’exemption du travail forcé. Elle très souvent corrompue et participe aux opération de déportation massive en juillet et aout 1942. Les occupants emploient la main-d'œuvre du ghetto pour les besoins de l'armée et implantent de nombreux ateliers et usines dans le quartier juif.

Dans le ghetto

Reste du mur du ghetto de Varsovie
Immeubles du ghetto de Varsovie

Les conditions de vie dans ce ghetto étaient inhumaines. D'abord, il était trop petit pour accueillir tous les Juifs de Varsovie et des villages environnants (40 % de la population sur 8 % de la superficie, une densité de population 7 personnes par pièce au début du ghetto) Beaucoup ont tout perdu (leurs familles et/ou leurs biens) en arrivant dans ce quartier fermé. Et puis, il est mal, ou presque pas approvisionné en nourriture et combustible. Dès l'hiver 1940-1941, la faim et le froid se font ressentir. Nombreux sont alors ceux qui organisent de petits trafics avec l'extérieur[6]. Certains de ces trafiquants y laisseront parfois leur vie en essayant d'apporter de la nourriture dans le ghetto. Mais il existe aussi une solidarité avec les "comités d'immeubles", une vraie vie culturelle, un réseau d'enseignement clandestin, une vie religieuse[7].

La mort est courante. Elle est causée par la faim mais aussi par des épidémies de typhus et de tuberculose. Il n'est pas rare de retrouver des cadavres en pleine rue. Une charrette passe alors ramasser les corps, qui sont comptés puis enterrés dans une fosse commune. Au début de l'année 1942, on compte une naissance pour 45 décès[7].

La déportation

En été 1942 commence le "repeuplement vers l'est", qui n'est en fait que la déportation vers le camp de Treblinka, situé à quelque 80 kilomètres de Varsovie. Elle se fait dans le cadre de l'Aktion Reinhard. elle commence le 22 juillet. Pendant huit semaines tous les jours entre 6000 et 8 000 personnes sont déportées. Les rafles se font de jour comme de nuit, aussi bien dans les habitations que dans les usines, où il est plus facile d'arrêter les Juifs. Ceux-ci sont ensuite conduits vers la Umschlagplatz, la gare de triage de Varsovie. Près de 300 000 juifs sont ainsi entassés dans des trains avant d'être gazés à leur arrivée à Treblinka[7].

La première vague de déportations vers les camps de la mort ramène la population du ghetto à 70 000 habitants.

Insurrection

Troupes allemandes durant le soulèvement de 1943
Troupes allemandes emmenant des Juifs en déportation après le soulèvement (1943)

L'organisation juive de combat nait au cœur de la grande déportation de juillet 1942. C'est la principale organisation de résistance juive. Elle se manifeste une première fois le 18 janvier 1943. Le soulèvement a commencé le 19 avril 1943, veille de Pessa'h, la Pâque juive, en réponse à une dernière grande rafle organisée par les nazis, destinée à liquider le ghetto des quarante à cinquante mille Juifs restant en les déportant dans les différents camps et principalement dans le camp d'extermination de Treblinka.

Elle se heurta à l'opposition armée juive au grand étonnement des nazis. L'Organisation Juive de combat - qui rassemblait les communistes, les bundistes et plusieurs courants du sionisme - comportait de 600 à 700 insurgés alors que l'organisation de droite l'AMJ, proche du Bétar, n'en comportait qu'une centaine. Ce combat sans espoir « pour votre liberté et pour la nôtre »[8] s'acheva officiellement le 16 mai, c'est-à-dire près d'un mois après son déclenchement, avec la destruction de la grande synagogue de Varsovie. On sait que même après cette date, des combats sporadiques eurent lieu dans le ghetto en ruines.

L'impact psychologique de l'insurrection du ghetto de Varsovie a été très important. La résistance a été plus forte que prévue par les Allemands, même si l'issue était certaine vu le déséquilibre des forces - « My nie chcemy ratować życia. Żaden z nas żywy z tego nie wyjdzie. My chcemy ratować ludzką godność » (Nous ne voulons pas sauver notre vie. Personne ne sortira vivant d'ici. Nous voulons sauver la dignité humaine) - Arie Wilner (pseudo Jurek), soldat de la ŻOB.

Mémoire du monde

Depuis 1999, les archives du Ghetto de Varsovie ont été classées par l'Unesco sur la Liste Mémoire du monde, qui recense les documents du patrimoine documentaire d'intérêt universel, dans le but d'assurer leur protection.

Notes

  1. L'enfant juif de Varsovie. Histoire d'une photographie, par Frédéric Rousseau, aux Éditions du Seuil (collection "L'Univers historique"), 2009 ISBN 978-2-02-078852-6. (ouvrage primé par la Fondation Auschwitz (Bruxelles)" au printemps 2009)
  2. En 1939, il y avait 1 300 000 habitants à Varsovie, dont 380 000 Juifs.
  3. Georges Bensoussan (dir.), Jean-Marc Dreyfus (dir.), Édouard Husson (dir.) et al., Dictionnaire de la Shoah, Paris, Larousse, coll. « À présent », , 638 p. (ISBN 978-2-035-83781-3), p. 245
  4. a b et c Dictionnaire de la Shoah, p. 245
  5. Dictionnaire de la Shoah p. 245
  6. Au nom de tous les miens de Martin Gray
  7. a b et c Dictionnaire de la Shoah, p. 246
  8. Proclamation de l'Organisation Juive de Combat. Cité dans la brochure Pour notre liberté et pour la vôtre, Insurrections dans les ghettos. 2003. Éditions du Centre Medem. p. 22

2. ↑ «Chante, Luna» De Paule du Bouchet.

Voir aussi

Getto warszawskie Photos d'Archives du Ghetto de Varsovie

Bibliographie

Témoignages et récits autobiographiques

Ouvrages historiques

  • Samuel D. Kassow, Qui écrira notre histoire ? : Les archives secrètes du ghetto de Varsovie, Grasset, 2011.
  • Larissa Cain, Ghettos en révolte, Pologne, 1943, Éditions Autrement, collection Mémoires, 2003.

Ouvrages de fiction

Filmographie

Articles connexes

Liens externes