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La '''société des ambianceurs et des personnes élégantes''' (plus connue sous l'acronyme '''SAPE''') est un mouvement culturel et de société originaire de la [[république du Congo]] plus précisément du groupe ethnique lari. Ce courant est comparé au [[dandysme]]. Ses adeptes, appelés les ''sapeurs,'' s'habillent chez les grands couturiers (ou font concevoir leurs vêtements sur ce modèle) ; ils pratiquent la {{citation|sapologie}}, art de bien se {{citation|saper}}.
La '''société des ambianceurs et des personnes élégantes''' (plus connue sous l'acronyme '''SAPE''') est un mouvement culturel et de société originaire de la [[république du Congo]] et plus précisément du groupe ethnique [[Lari (peuple)|lari]].
Ses adeptes, appelés les '''sapeurs''''','' s'habillent chez les grands couturiers ou font concevoir leurs vêtements sur le même modèle, puis paradent dans la rue ; ils pratiquent la '''{{citation|sapologie}}''', art de bien se {{citation|saper}}.


==Histoire==
==Histoire==
[[Image:Justin makangara RDC (20).JPG|vignette|upright|Sapeur de [[Kinshasa]]. ]]
[[Image:Justin makangara RDC (20).JPG|vignette|upright|Sapeur de [[Kinshasa]]. ]]


L'origine de la SAPE est mal connue. Les sapeurs se revendiquent plus ou moins des dandys européens du {{s-|XIX|e}}<ref>Manuel Charpy, [http://plus.franceculture.fr/une-histoire-de-la-sapologie-africaine ''Une histoire de la sapologie africaine'']</ref>. Il s’agissait alors d’une façon d’imiter le colonisateur en accaparant son style vestimentaire et ses manières, d’une part pour être intégré dans leurs sphères, mais aussi, d’autre part, pour le parodier et être adulé par sa communauté d’origine. La SAPE se serait réellement popularisée au cours des années 1960 à [[Brazzaville]] puis à [[Kinshasa]], avant de se développer ensuite dans les [[diaspora]] congolaises, en [[France]] et en [[Belgique]]<ref name="SM pape sape">[http://www.society-magazine.fr/le-pape-de-la-sape « Le pape de la Sape »], ''Society'', 13 mai 2015.</ref>.
L'origine de la SAPE est mal connue. Les sapeurs se revendiquent plus ou moins des dandys européens du {{s-|XIX|e}}<ref>Manuel Charpy, [http://plus.franceculture.fr/une-histoire-de-la-sapologie-africaine ''Une histoire de la sapologie africaine'']</ref><ref name=":0">{{Lien web |langue=fr-FR |titre=En exil, avec du style {{!}} UNHCR Spotlight |url=https://www.unhcr.org/spotlight/fr/2022/06/a-brazzaville-un-refugie-retrouve-la-joie-de-vivre-parmi-ses-camarades-sapeurs/ |consulté le=2024-05-09}}</ref> et pourraient avoir commencé leur activité dans les années 1920<ref name=":2">{{Lien web |titre=La sape |url=https://www.jeuneafrique.com/67881/archives-thematique/la-sape/ |accès url=libre |site=Jeune Afrique |date=3 janvier 2005 |consulté le=2024-05-09}}</ref>. À l'époque, il s'agit d’une façon d’imiter le colonisateur en accaparant son style vestimentaire et ses manières, d’une part pour être intégré dans leurs sphères, mais aussi, d’autre part, pour le parodier et être adulé par sa communauté d’origine{{Refsou|date=9 mai 2024}}. Il vient notamment de l'habitude des patrons européens de récompenser leurs domestiques africains en leur donnant des vieux vêtements occidentaux<ref name=":2" />. Une autre théorie est que la Sape vient de l'après-seconde guerre mondiale, quand les soldats congolais de retour d'Europe rentrent chez eux en rapportant la mode parisienne<ref name=":3">{{Lien web |titre=Les Sapeurs du Congo revisitent leurs origines |url=https://congoinconversation.fondationcarmignac.com/fr/reportages/les-sapeurs-du-congo-revisitent-leurs-origines-justin-makangara |site=Congo in Conversation |date=26 mars 2021 |consulté le=2024-05-09}}</ref>. Au Congo, les colons belges rendent les costumes trois-pièces obligatoires pour les travailleurs africains. En parallèle, les jazzmen américains noirs sont connus au Congo pour porter le même type de vêtements afin de gagner en respectabilité<ref name=":4">{{Lien web |langue=en-US |titre=The Society of Ambiance Makers and Elegant Persons |url=https://99percentinvisible.org/episode/personnes-elegantes/ |site=99% Invisible |date=2024-04-09 |consulté le=2024-05-09}}</ref>.


L'inventeur du mot « SAPE », serait Christian Loubaki, homme à tout faire travaillant dans le quartier huppé du [[16e arrondissement de Paris|seizième arrondissement]] à Paris, qui aurait observé ses employeurs s'habiller et aurait profité des vieux vêtements qu'ils lui offraient<ref>{{Lien web |titre=La "Sape", un art de vivre pour les amoureux de la mode africaine|url=https://www.portailafrique.fr/la-sape-un-art-de-vivre-pour-les-amoureux-de-la-mode-africaine/|site=Portail Afrique!|date=2018-07-17|consulté le=2020-03-23}}</ref>. En 1978, avec la complicité de Koffino Massamba, Christian Loubaki crée la première boutique : ''La Saperie'' à [[Bacongo]] (le quartier par excellence de la sape au [[République du Congo|Congo]]). [[Stervos Niarcos]] est un autre nom de la sapologie, fondateur de la religion ''Kitendi'' (« tissu » ou « matière », en [[lingala]])<ref name="SM pape sape" />.
[[Stervos Niarcos]] est considéré comme le fondateur officiel de la Sape moderne, tandis que [[Papa Wemba]] démocratise le mouvement<ref name=":3" />. Certaines sources supposent que le terme de Sape est inventé par Papa Wemba lui-même<ref name=":2" />. Un autre possible inventeur du terme est Christian Loubaki, homme à tout faire travaillant dans le quartier huppé du [[16e arrondissement de Paris|seizième arrondissement]] à Paris, qui aurait observé ses employeurs s'habiller et aurait profité des vieux vêtements qu'ils lui offraient<ref>{{Lien web |titre=La "Sape", un art de vivre pour les amoureux de la mode africaine |url=https://www.portailafrique.fr/la-sape-un-art-de-vivre-pour-les-amoureux-de-la-mode-africaine/ |site=Portail Afrique! |date=2018-07-17 |consulté le=2020-03-23}}</ref>.

La SAPE se popularisé réellement au cours des années 1960 à [[Brazzaville]] puis à [[Kinshasa]], avant de se développer ensuite dans les [[diaspora]] congolaises, en [[France]] et en [[Belgique]]<ref name="SM pape sape">[http://www.society-magazine.fr/le-pape-de-la-sape « Le pape de la Sape »], ''Society'', 13 mai 2015.</ref>. Elle gagne ensuite en popularité au Cameroun, au Gabon ou encore en Côte d'Ivoire. Le quartier de [[Bacongo]] à Brazzaville est un haut lieu de la sape<ref name=":2" />.

En 1978, avec la complicité de Koffino Massamba, Christian Loubaki crée la première boutique : ''La Saperie'' à [[Bacongo]] (le quartier par excellence de la sape au [[République du Congo|Congo]]). [[Stervos Niarcos]] est un autre nom de la sapologie, fondateur de la religion ''Kitendi'' (« tissu » ou « matière », en [[lingala]])<ref name="SM pape sape" />.


Une première étude sociologique fut menée en 1984 par Justin-Danuel Gandoulou<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jean-Danuel Gandoulou|titre=Entre Paris et Bacongo|éditeur=L'Homme|année=1985|isbn=}}</ref>.
Une première étude sociologique fut menée en 1984 par Justin-Danuel Gandoulou<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jean-Danuel Gandoulou|titre=Entre Paris et Bacongo|éditeur=L'Homme|année=1985|isbn=}}</ref>.
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Dans les années 1980, des campagnes ont visé à interdire les sapeurs dans l’espace public<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=Chic. Aux Congos, sapés comme jamais |url=https://www.courrierinternational.com/article/chic-aux-congos-sapes-comme-jamais |site=Courrier international |date=2021-01-23 |consulté le=2021-01-26}}</ref>. Au début des années 1970, le président Mobutu, au [[Zaïre]], a interdit le costume-cravate. Une interdiction qui visait à montrer son rejet de l’[[Impérialisme culturel|impérialisme]] [[Occident|occidental]]<ref>{{Article |langue=fr |titre=Cravate et politique, la révolution des apparences |périodique=Le Temps |date=2017-07-20 |issn=1423-3967 |lire en ligne=https://www.letemps.ch/societe/cravate-politique-revolution-apparences |consulté le=2021-01-26 }}</ref>.
Dans les années 1980, des campagnes ont visé à interdire les sapeurs dans l’espace public<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=Chic. Aux Congos, sapés comme jamais |url=https://www.courrierinternational.com/article/chic-aux-congos-sapes-comme-jamais |site=Courrier international |date=2021-01-23 |consulté le=2021-01-26}}</ref>. Au début des années 1970, le président Mobutu, au [[Zaïre]], a interdit le costume-cravate. Une interdiction qui visait à montrer son rejet de l’[[Impérialisme culturel|impérialisme]] [[Occident|occidental]]<ref>{{Article |langue=fr |titre=Cravate et politique, la révolution des apparences |périodique=Le Temps |date=2017-07-20 |issn=1423-3967 |lire en ligne=https://www.letemps.ch/societe/cravate-politique-revolution-apparences |consulté le=2021-01-26 }}</ref>.


Dans les années 2000, la SAPE gagne en reconnaissance dans le monde entier<ref name=":3" /><ref name=":4" />. En 2010, [[Paul Smith (styliste)|Paul Smith]] crée une collection inspirée des sapeurs<ref name=":4" />. En France, une exposition est consacrée au genre au [[Palais de Tokyo]] en 2015<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=Les sapeurs : un art de vivre vestimentaire pour apprendre à mieux s'aimer |url=https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/zoom-zoom-zen/zoom-zoom-zen-du-mardi-07-novembre-2023-1566151 |site=France Inter |date=2023-11-07 |consulté le=2024-05-09}}</ref><ref>{{Lien web |titre=La « Sape » congolaise à l’honneur à Paris au palais de Tokyo |url=http://www.rfi.fr/afrique/20150220-sape-honneur-palais-tokyo-paris |site= |date= |consulté le=}}</ref>. Une soirée SAPE est organisée pour la première fois en décembre 2018 à Montréal<ref>{{Article|langue=fr|prénom1=Jean-Baptiste|nom1=Hervé|titre=À la découverte de la Société des ambianceurs et des personnes élégantes|périodique=Le Devoir|date=2018-01-20|lire en ligne=https://www.ledevoir.com/monde/518095/a-la-decouverte-de-la-societe-des-ambianceurs-et-des-personnes-elegantes|consulté le=2024-05-09}}</ref>. Aux [[Jeux de la Francophonie de 2023]], la cérémonie d'ouverture inclut un spectacle de sapeurs<ref name=":4" />.
== Place dans les médias ==


== Concept ==
Une exposition au [[Palais de Tokyo (centre d'art contemporain)|palais de Tokyo]] s'est tenue en 2015<ref>{{Lien web |titre=La « Sape » congolaise à l’honneur à Paris au palais de Tokyo|url=http://www.rfi.fr/afrique/20150220-sape-honneur-palais-tokyo-paris|site=|date=|consulté le=}}</ref>.


=== Style vestimentaire et défilés ===
Hector Mediavilla a passé huit ans à photographier des personnages clés de cette scène congolaise dans sa série « SAPE : ''Society of Ambianceurs and Elegant People'' ». [[Alain Mabanckou]], écrivain [[République du Congo|congolais]], tire l’analyse suivante de l’œuvre du photographe :
L'art de la sape consiste à s'habiller le mieux possible, généralement en achetant les vêtements les plus chers possibles dans des grandes maisons de luxe. Le sapeur parade ensuite dans les rues vêtu de ses meilleurs vêtements<ref name=":2" />. Parfois, les sapeurs arrêtent la circulation pour s'asseoir sur le capot de voitures, un spectacle généraelment apprécié même par les conducteurs<ref name=":0" />.


Le style vestimentaire se reconnaît le plus souvent au port d'un costume trois-pièces bigarré accompagné d'accessoires comme des cannes dorées et des chapeaux à motif léopard<ref name=":4" />.
{{Citation bloc|Si d’aucuns perçoivent la Sape comme un simple mouvement de jeunes Congolais qui s’habillent avec un luxe ostentatoire, il n’en reste pas moins qu’elle va au-delà d’une extravagance gratuite. Elle est, d’après les Sapeurs, une esthétique corporelle, une autre manière de concevoir le monde et, dans une certaine mesure, une revendication sociale d’une jeunesse en quête de repères. Le corps devient alors l’expression d’un art de vivre<ref>{{Lien web |titre=Les Sapeurs de Brazzaville : Soyez élégants au lieu de faire la guerre|url=http://rue89.nouvelobs.com/blog/les-plans-culture-de-la-redac/2013/01/21/les-sapeurs-de-brazzaville-soyez-élégants-au-lieu-de-faire-la-guerre-229452|site=rue89.nouvelobs.com|date=|consulté le=}}</ref>.}}


=== Revendication sociale ===
Le photographe congolais [[Baudouin Mouanda]] leur a également consacré une série de photos en 2008, ''Sapologie'', qui a rencontré un succès planétaire<ref name=":1">{{Lien web |auteur=Nicolas Michel |titre=Baudouin Mouanda, Koyo Kouoh, Diébédo Francis Kéré… L’art et la manière |url=https://www.jeuneafrique.com/1401098/culture/baudouin-mouanda-koyo-kouoh-diebedo-francis-kere-lart-et-la-maniere/ |site=[[Jeune Afrique|jeuneafrique.com]] |date=24 décembre 2022}}</ref>, ainsi qu'une autre en 2022 intitulée ''La SAPE, le Rêve d'aller-retour'', exposée dans plusieurs endroits du [[Grand Paris]] (France), dont le [[Musée Carnavalet]]<ref>{{Lien web |auteur=Inès Boittiaux |titre=Baudouin Mouanda : sapés comme jamais |url=https://www.beauxarts.com/vu/baudouin-mouanda-sapes-comme-jamais/ |site=[[Beaux Arts Magazine|beauxarts.com]] |date=5 septembre 2022}}</ref>.
La philosophie d'origine de la Sape est l'idée que s'habiller comme une personne respectable poussera les autres à respecter le sapeur lui-même<ref name=":4" />.


La philosophie de la sape s’accompagne de « [[dix commandements]] » fondamentaux, qui régissent le comportement des sapelogues et résument leurs valeurs. Les commandements soutiennent la sapologie, mais ajoutent aussi des injonctions à l'hygiène, contre les discriminations et les violences, ou encore un appel à coloniser les peuples sapophobes<ref>{{Lien web |auteur1= |titre=Les 10 commandements de la Sapelogie |url=http://afrique.arte.tv/blog/?p=3647 |site=afrique.arte.tv |périodique= |date= |consulté le= |archive-url=https://web.archive.org/web/20160601070434/http://afrique.arte.tv/blog/?p=3647 |archive-date=1 juin 2016}}</ref>.
== Les « dix commandements » de la sapologie ==
La philosophie de la sape s’accompagne de « [[dix commandements]] » fondamentaux, qui régissent le comportement des sapelogues et résument leurs valeurs<ref>{{Lien web |auteur1=|titre=Les 10 commandements de la Sapelogie|url=http://afrique.arte.tv/blog/?p=3647|site=afrique.arte.tv|périodique=|date=|consulté le=|archive-url=https://web.archive.org/web/20160601070434/http://afrique.arte.tv/blog/?p=3647|archive-date=1 juin 2016}}</ref> :
* Premier commandement : tu saperas sur terre avec les humains et au ciel avec ton Dieu créateur.


Les costumes étant très coûteux, il est courant de les partager<ref name=":0" />.
* Deuxième commandement : tu materas les ''ngayas'' (non-connaisseurs), les ''nbéndés'' (ignorants), les ''tindongos'' (les parleurs sans but) sur terre, sous terre, en mer et dans les cieux.


La Sape est un divertissement, mais aussi un symbole d'émancipation post-coloniale, créant la figure d'un Noir élégant et libéré<ref name=":3" />.
* Troisième commandement : tu honoreras la sapologie en tout lieu.


=== Place des femmes dans le mouvement ===
* Quatrième commandement : les voies de la sapologie sont impénétrables à tout sapologue ne connaissant pas la règle de trois, la trilogie des couleurs achevées et inachevées.
Si le mouvement est traditionnellement masculin, les femmes sont les bienvenues dans le mouvement et leur nombre croît<ref name=":3" />.
* Cinquième commandement : tu ne cèderas pas.

* Sixième commandement : tu adopteras une hygiène vestimentaire et corporelle très rigoureuse.
== Place dans les médias ==
* Septième commandement : tu ne seras ni tribaliste, ni nationaliste, ni raciste, ni discriminatoire.

* Huitième commandement : tu ne seras pas violent, ni insolent.
Hector Mediavilla a passé huit ans à photographier des personnages clés de cette scène congolaise dans sa série « SAPE : ''Society of Ambianceurs and Elegant People'' ». [[Alain Mabanckou]], écrivain [[République du Congo|congolais]], tire l’analyse suivante de l’œuvre du photographe :
* Neuvième commandement : tu obéiras aux préceptes de civilité des sapologues et au respect des anciens.

* Dixième commandement : par ta prière et tes 10 commandements, toi sapologue, tu coloniseras les peuples sapophobes.
{{Citation bloc|Si d’aucuns perçoivent la Sape comme un simple mouvement de jeunes Congolais qui s’habillent avec un luxe ostentatoire, il n’en reste pas moins qu’elle va au-delà d’une extravagance gratuite. Elle est, d’après les Sapeurs, une esthétique corporelle, une autre manière de concevoir le monde et, dans une certaine mesure, une revendication sociale d’une jeunesse en quête de repères. Le corps devient alors l’expression d’un art de vivre<ref>{{Lien web |titre=Les Sapeurs de Brazzaville : Soyez élégants au lieu de faire la guerre|url=http://rue89.nouvelobs.com/blog/les-plans-culture-de-la-redac/2013/01/21/les-sapeurs-de-brazzaville-soyez-élégants-au-lieu-de-faire-la-guerre-229452|site=rue89.nouvelobs.com|date=|consulté le=}}</ref>.}}

Le photographe congolais [[Baudouin Mouanda]] leur a également consacré une série de photos en 2008, ''Sapologie'', qui a rencontré un succès planétaire<ref name=":1">{{Lien web |auteur=Nicolas Michel |titre=Baudouin Mouanda, Koyo Kouoh, Diébédo Francis Kéré… L’art et la manière |url=https://www.jeuneafrique.com/1401098/culture/baudouin-mouanda-koyo-kouoh-diebedo-francis-kere-lart-et-la-maniere/ |site=[[Jeune Afrique|jeuneafrique.com]] |date=24 décembre 2022}}</ref>, ainsi qu'une autre en 2022 intitulée ''La SAPE, le Rêve d'aller-retour'', exposée dans plusieurs endroits du [[Grand Paris]] (France), dont le [[Musée Carnavalet]]<ref>{{Lien web |auteur=Inès Boittiaux |titre=Baudouin Mouanda : sapés comme jamais |url=https://www.beauxarts.com/vu/baudouin-mouanda-sapes-comme-jamais/ |site=[[Beaux Arts Magazine|beauxarts.com]] |date=5 septembre 2022}}</ref>.


== Quelques sapeurs célèbres ==
== Quelques sapeurs célèbres ==
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* [[Rapha Bounzeki]]
* [[Rapha Bounzeki]]
* [[Papa Wemba]]
* [[King Kester Emeneya]]
* [[King Kester Emeneya]]
* Djo Balard, de son vrai nom Antoine Wada, né à [[Kimpambou Kayes]] ([[République du Congo]]), [[chanteur]], [[acteur]] et sapeur. Il apparaît dans son propre personnage dans le film ''[[Black Mic-Mac]]'' sorti en 1985<ref>{{article| titre=Séverin Mouyengo ou le “salopard de la Sape” | auteur1=Joan Tilouine | périodique=[[Le Monde]] | jour=17 | mois=janvier | année=2021 | url texte=https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/01/17/severin-mouyengo-ou-le-salopard-de-la-sape_6066570_3212.html}}</ref>
* Djo Balard, de son vrai nom Antoine Wada, né à [[Kimpambou Kayes]] ([[République du Congo]]), [[chanteur]], [[acteur]] et sapeur. Il apparaît dans son propre personnage dans le film ''[[Black Mic-Mac]]'' sorti en 1985<ref>{{article| titre=Séverin Mouyengo ou le “salopard de la Sape” | auteur1=Joan Tilouine | périodique=[[Le Monde]] | jour=17 | mois=janvier | année=2021 | url texte=https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/01/17/severin-mouyengo-ou-le-salopard-de-la-sape_6066570_3212.html}}</ref>
* [[Jocelyn Armel]], dit « le Bachelor », styliste à Paris<ref>{{article |titre=Portrait : Jocelyn Armel, il sape comme jamais – Jeune Afrique|url texte=https://www.jeuneafrique.com/mag/327317/economie/portrait-jocelyn-armel-sape-jamais/| périodique=[[Jeune Afrique]] |date=2016-06-07|consulté le=2020-05-18}}</ref>{{,}}<ref>{{article|titre=10 mai 1981 : Jocelyn le Bachelor est dans la rue pour l'élection de François Mitterrand|url texte=https://www.franceinter.fr/emissions/une-journee-particuliere/une-journee-particuliere-06-mai-2018| périodique=[[France Inter]] | jour=6 | mois=mai | année=2018}}</ref>
* [[Jocelyn Armel]], dit « le Bachelor », styliste à Paris<ref>{{article |titre=Portrait : Jocelyn Armel, il sape comme jamais – Jeune Afrique|url texte=https://www.jeuneafrique.com/mag/327317/economie/portrait-jocelyn-armel-sape-jamais/| périodique=[[Jeune Afrique]] |date=2016-06-07|consulté le=2020-05-18}}</ref>{{,}}<ref>{{article|titre=10 mai 1981 : Jocelyn le Bachelor est dans la rue pour l'élection de François Mitterrand|url texte=https://www.franceinter.fr/emissions/une-journee-particuliere/une-journee-particuliere-06-mai-2018| périodique=[[France Inter]] | jour=6 | mois=mai | année=2018}}</ref>
* [[Ben Moukacha]]<ref>{{article |titre=Congo-Brazzaville : Roga Roga fait son mea-culpa face aux menaces des « combattants » congolais |url texte=https://www.jeuneafrique.com/540619/societe/congo-brazzaville-roga-roga-fait-son-mea-culpa-face-aux-menaces-des-combattants-congolais/| périodique=[[Jeune Afrique]] |date=2018-03-09|consulté le=2020-05-18}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|langue=en-US|titre=A Billionaire In Clothes {{!}} Vestoj|url=http://vestoj.com/a-billionaire-in-clothes/|consulté le=2020-05-18}}</ref>
* [[Ben Moukacha]]<ref>{{article |titre=Congo-Brazzaville : Roga Roga fait son mea-culpa face aux menaces des « combattants » congolais |url texte=https://www.jeuneafrique.com/540619/societe/congo-brazzaville-roga-roga-fait-son-mea-culpa-face-aux-menaces-des-combattants-congolais/| périodique=[[Jeune Afrique]] |date=2018-03-09|consulté le=2020-05-18}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|langue=en-US|titre=A Billionaire In Clothes {{!}} Vestoj|url=http://vestoj.com/a-billionaire-in-clothes/|consulté le=2020-05-18}}</ref>
* [[Stervos Niarcos]]
* Gilbert Goma<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Gilbert Goma|titre=LA SAPE, L'art de bien s'habiller au Congo-Brazzaville|passage=1|lieu=Paris|éditeur=HORUS|date=19 Mai 2019|isbn=978-2-9514675-0-7}}</ref>, auteur spécialisé dans la sapologie
* Gilbert Goma<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Gilbert Goma|titre=LA SAPE, L'art de bien s'habiller au Congo-Brazzaville|passage=1|lieu=Paris|éditeur=HORUS|date=19 Mai 2019|isbn=978-2-9514675-0-7}}</ref>, auteur spécialisé dans la sapologie



Version du 9 mai 2024 à 21:19

Société des ambianceurs et des personnes élégantes
Parade d'un jeune sapeur de la République du Congo
Cadre
Type
Pays
Organisation
Fondateur

La société des ambianceurs et des personnes élégantes (plus connue sous l'acronyme SAPE) est un mouvement culturel et de société originaire de la république du Congo et plus précisément du groupe ethnique lari.

Ses adeptes, appelés les sapeurs, s'habillent chez les grands couturiers ou font concevoir leurs vêtements sur le même modèle, puis paradent dans la rue ; ils pratiquent la « sapologie », art de bien se « saper ».

Histoire

Sapeur de Kinshasa.

L'origine de la SAPE est mal connue. Les sapeurs se revendiquent plus ou moins des dandys européens du XIXe siècle[1][2] et pourraient avoir commencé leur activité dans les années 1920[3]. À l'époque, il s'agit d’une façon d’imiter le colonisateur en accaparant son style vestimentaire et ses manières, d’une part pour être intégré dans leurs sphères, mais aussi, d’autre part, pour le parodier et être adulé par sa communauté d’origine[réf. souhaitée]. Il vient notamment de l'habitude des patrons européens de récompenser leurs domestiques africains en leur donnant des vieux vêtements occidentaux[3]. Une autre théorie est que la Sape vient de l'après-seconde guerre mondiale, quand les soldats congolais de retour d'Europe rentrent chez eux en rapportant la mode parisienne[4]. Au Congo, les colons belges rendent les costumes trois-pièces obligatoires pour les travailleurs africains. En parallèle, les jazzmen américains noirs sont connus au Congo pour porter le même type de vêtements afin de gagner en respectabilité[5].

Stervos Niarcos est considéré comme le fondateur officiel de la Sape moderne, tandis que Papa Wemba démocratise le mouvement[4]. Certaines sources supposent que le terme de Sape est inventé par Papa Wemba lui-même[3]. Un autre possible inventeur du terme est Christian Loubaki, homme à tout faire travaillant dans le quartier huppé du seizième arrondissement à Paris, qui aurait observé ses employeurs s'habiller et aurait profité des vieux vêtements qu'ils lui offraient[6].

La SAPE se popularisé réellement au cours des années 1960 à Brazzaville puis à Kinshasa, avant de se développer ensuite dans les diaspora congolaises, en France et en Belgique[7]. Elle gagne ensuite en popularité au Cameroun, au Gabon ou encore en Côte d'Ivoire. Le quartier de Bacongo à Brazzaville est un haut lieu de la sape[3].

En 1978, avec la complicité de Koffino Massamba, Christian Loubaki crée la première boutique : La Saperie à Bacongo (le quartier par excellence de la sape au Congo). Stervos Niarcos est un autre nom de la sapologie, fondateur de la religion Kitendi (« tissu » ou « matière », en lingala)[7].

Une première étude sociologique fut menée en 1984 par Justin-Danuel Gandoulou[8].

Dans les années 1980, des campagnes ont visé à interdire les sapeurs dans l’espace public[9]. Au début des années 1970, le président Mobutu, au Zaïre, a interdit le costume-cravate. Une interdiction qui visait à montrer son rejet de l’impérialisme occidental[10].

Dans les années 2000, la SAPE gagne en reconnaissance dans le monde entier[4][5]. En 2010, Paul Smith crée une collection inspirée des sapeurs[5]. En France, une exposition est consacrée au genre au Palais de Tokyo en 2015[11][12]. Une soirée SAPE est organisée pour la première fois en décembre 2018 à Montréal[13]. Aux Jeux de la Francophonie de 2023, la cérémonie d'ouverture inclut un spectacle de sapeurs[5].

Concept

Style vestimentaire et défilés

L'art de la sape consiste à s'habiller le mieux possible, généralement en achetant les vêtements les plus chers possibles dans des grandes maisons de luxe. Le sapeur parade ensuite dans les rues vêtu de ses meilleurs vêtements[3]. Parfois, les sapeurs arrêtent la circulation pour s'asseoir sur le capot de voitures, un spectacle généraelment apprécié même par les conducteurs[2].

Le style vestimentaire se reconnaît le plus souvent au port d'un costume trois-pièces bigarré accompagné d'accessoires comme des cannes dorées et des chapeaux à motif léopard[5].

Revendication sociale

La philosophie d'origine de la Sape est l'idée que s'habiller comme une personne respectable poussera les autres à respecter le sapeur lui-même[5].

La philosophie de la sape s’accompagne de « dix commandements » fondamentaux, qui régissent le comportement des sapelogues et résument leurs valeurs. Les commandements soutiennent la sapologie, mais ajoutent aussi des injonctions à l'hygiène, contre les discriminations et les violences, ou encore un appel à coloniser les peuples sapophobes[14].

Les costumes étant très coûteux, il est courant de les partager[2].

La Sape est un divertissement, mais aussi un symbole d'émancipation post-coloniale, créant la figure d'un Noir élégant et libéré[4].

Place des femmes dans le mouvement

Si le mouvement est traditionnellement masculin, les femmes sont les bienvenues dans le mouvement et leur nombre croît[4].

Place dans les médias

Hector Mediavilla a passé huit ans à photographier des personnages clés de cette scène congolaise dans sa série « SAPE : Society of Ambianceurs and Elegant People ». Alain Mabanckou, écrivain congolais, tire l’analyse suivante de l’œuvre du photographe :

« Si d’aucuns perçoivent la Sape comme un simple mouvement de jeunes Congolais qui s’habillent avec un luxe ostentatoire, il n’en reste pas moins qu’elle va au-delà d’une extravagance gratuite. Elle est, d’après les Sapeurs, une esthétique corporelle, une autre manière de concevoir le monde et, dans une certaine mesure, une revendication sociale d’une jeunesse en quête de repères. Le corps devient alors l’expression d’un art de vivre[15]. »

Le photographe congolais Baudouin Mouanda leur a également consacré une série de photos en 2008, Sapologie, qui a rencontré un succès planétaire[16], ainsi qu'une autre en 2022 intitulée La SAPE, le Rêve d'aller-retour, exposée dans plusieurs endroits du Grand Paris (France), dont le Musée Carnavalet[17].

Quelques sapeurs célèbres

Jocelyn Armel, figure de la sape à Château Rouge.

Notes et références

  1. Manuel Charpy, Une histoire de la sapologie africaine
  2. a b et c « En exil, avec du style | UNHCR Spotlight » (consulté le )
  3. a b c d et e « La sape » Accès libre, sur Jeune Afrique, (consulté le )
  4. a b c d et e « Les Sapeurs du Congo revisitent leurs origines », sur Congo in Conversation, (consulté le )
  5. a b c d e et f (en-US) « The Society of Ambiance Makers and Elegant Persons », sur 99% Invisible, (consulté le )
  6. « La "Sape", un art de vivre pour les amoureux de la mode africaine », sur Portail Afrique!, (consulté le )
  7. a et b « Le pape de la Sape », Society, 13 mai 2015.
  8. Jean-Danuel Gandoulou, Entre Paris et Bacongo, L'Homme,
  9. « Chic. Aux Congos, sapés comme jamais », sur Courrier international, (consulté le )
  10. « Cravate et politique, la révolution des apparences », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le )
  11. « Les sapeurs : un art de vivre vestimentaire pour apprendre à mieux s'aimer », sur France Inter, (consulté le )
  12. « La « Sape » congolaise à l’honneur à Paris au palais de Tokyo »
  13. Jean-Baptiste Hervé, « À la découverte de la Société des ambianceurs et des personnes élégantes », Le Devoir,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. « Les 10 commandements de la Sapelogie » [archive du ], sur afrique.arte.tv
  15. « Les Sapeurs de Brazzaville : Soyez élégants au lieu de faire la guerre », sur rue89.nouvelobs.com
  16. Nicolas Michel, « Baudouin Mouanda, Koyo Kouoh, Diébédo Francis Kéré… L’art et la manière », sur jeuneafrique.com,
  17. Inès Boittiaux, « Baudouin Mouanda : sapés comme jamais », sur beauxarts.com,
  18. Joan Tilouine, « Séverin Mouyengo ou le “salopard de la Sape” », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  19. « Portrait : Jocelyn Armel, il sape comme jamais – Jeune Afrique », Jeune Afrique,‎ (lire en ligne)
  20. « 10 mai 1981 : Jocelyn le Bachelor est dans la rue pour l'élection de François Mitterrand », France Inter,‎ (lire en ligne)
  21. « Congo-Brazzaville : Roga Roga fait son mea-culpa face aux menaces des « combattants » congolais », Jeune Afrique,‎ (lire en ligne)
  22. (en-US) « A Billionaire In Clothes | Vestoj » (consulté le )
  23. Gilbert Goma, LA SAPE, L'art de bien s'habiller au Congo-Brazzaville, Paris, HORUS, (ISBN 978-2-9514675-0-7), p. 1

Voir aussi

Bibliographie

  • Georges Ballandier, La vie quotidienne au Royaume de Kongo du 16e au 18e siècle, Hachette, coll. « Vie quotidienne », , p. 158-160
  • Gauz, Debout-Payé, Paris, Le Nouvel Attila,
  • (de) Ilsemargret Luttmann, « Die kongolesischen sapeurs zwischen Marginalisierung und celebrity Kult », Anthropos, vol. 111, no 1,‎ , p. 21‒47
  • Manuel Charpy, « Les aventuriers de la mode », Hommes & migrations, no 1310,‎ (DOI 10.4000/hommesmigrations.3146, lire en ligne Accès libre)
  • Gibert Goma, La Sape / L’art de bien s’habiller au Congo-Brazzaville. Un art de vivre depuis le royaume du Kongo, éditions Horus,
  • Denis Bruna (dir.), Chloé Demey (dir.), Astrid Castres, Pierre-Jean Desemerie, Sophie Lemahieu, Anne-Cécile Moheng et Bastien Salva, Histoire des modes et du vêtement : du Moyen Âge au XXIe siècle, Paris, Éditions Textuel, , 503 p. (ISBN 978-2-84597-699-3), « La sape, entre marginalité et mondialisation », p. 460

Articles connexes

Liens externes

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