Mort d'Émile

Mort d'Émile
La vallée du Bès où se situe le village du Vernet.
Fait reproché	Disparition
Pays	France
Ville	Le Vernet (Alpes-de-Haute-Provence)
Date	8 juillet 2023
Nombre de victimes	1 (Émile S.)
Jugement
Statut	Affaire non résolue

La disparition d'Émile est une affaire judiciaire française, centrée sur la disparition d'un enfant prénommé Émile, le 8 juillet 2023 dans le hameau du Haut-Vernet sur la commune du Vernet des Alpes-de-Haute-Provence.

Victime

Émile S. est un petit garçon blond aux yeux bruns, âgé de deux ans et demi. C'est le fils aîné de Marie et Colomban S., domiciliés à La Bouilladisse, une commune de 6 000 habitants située à 30 km de Marseille.

Circonstances

Le 8 juillet matin, Émile est déposé par sa mère chez ses grands-parents — Philippe et Anne V. —qui passent leurs vacances d'été dans une maison achetée au début des années 2000, dans le hameau du Haut-Vernet , juché sur un piton au cœur du massif des Trois-Évêchés.

Ce jour-là, les grands-parents maternels sont à la maison avec huit de leurs 10 enfants, âgés de 7 à 18 ans. Marie, la plus âgée des enfants et mère d'Émile, est repartie après avoir déposé son fils. Bathilde, la cadette, qui s'est mariée récemment, retrouve la famille uniquement le dimanche. Dans la matinée du 8 juillet, la fratrie des oncles et tantes d'Emile est particulièrement occupée à construire des cabanes, un peu plus en hauteur par rapport à la maison de famille, en direction du Col du Labouret, car les enfants adoreraient y jouer.

Vers 17 h, Émile devait partir avec eux en promenade alors qu'il jouait dans le jardin. Alors que le grand-père, Philippe Vedovini, charge dans le coffre de sa voiture des piquets et du fil électrique afin de clôturer un pré pour ses chevaux, Émile, vêtu d'un tee-shirt jaune et d'un short blanc, s’engage dans la rue très pentue à la sortie de la maison. Il aurait pu vouloir rejoindre la cabane construite dans la matinée.

Le petit garçon a été vu pour la dernière fois seul vers 17 h 15 par deux témoins, un adolescent et un homme d’une soixantaine d’années dont les déclarations sont formelles, dans l'impasse du Haut Vernet, à environ 20 mètres de la maison familiale.

Les grands-parents signalent sa disparition à 18 h 12 auprès de la gendarmerie des Alpes-de-Haute-Provence, après l'avoir cherché en vain pendant environ 45 minutes.

Enquête

Recherches

Samedi 8 juillet

Immédiatement après l'alerte, la gendarmerie procède à une recherche de l'enfant disparu. Les sapeurs-pompiers et une centaine de personnes venant de la commune et des villages alentours se mobilisent pour chercher l'enfant sous leur autorité. Un hélicoptère survole la zone et trois chiens de la gendarmerie participent aux recherches. Les recherches s'étalent de 18 h 40 à 3 h du matin et concernent 12 hectares de terrain concentrés aux alentours immédiats du lieu de disparition. Ces recherches ne menant à rien, l’enquête se resserre ensuite autour du hameau où Émile a été vu pour la dernière fois.

À ce stade, il s'agit d'une procédure de recherche de personne disparue. L'inquiétude porte essentiellement sur le jeune âge de l'enfant, et donc sa faible autonomie, ainsi que la topographie du site avec végétation et escarpements rocheux, autant de lieux susceptibles d'accidents. Pour autant François Balique, maire du Vernet, espère un dénouement heureux, précisant que la famille de l'enfant et l'enfant lui-même sont des habitués de la randonnée.^{[réf. nécessaire]}

Dimanche 9 juillet

Le lendemain de la disparition, Rémy Avon, le procureur de la république de Digne-les-Bains lance un appel à témoins, considérant que tous les critères légaux ne sont pas remplis pour une procédure d'Alerte enlèvement. Il permettra de recueillir plus de 1 400 signalements qui pour la plupart ne mèneront à rien.

Une enquête de flagrance est ouverte « pour recherche des causes de disparition inquiétante ». Les grands-parents sont auditionnés pour orienter les recherches. Elles reprennent avec l'appui de 200 volontaires. Des drones et des hélicoptères, équipés de caméras thermiques, sont mobilisés par la gendarmerie. Des équipes cynophiles du SDIS des Alpes-de-Haute-Provence, spécialisées dans le questage, sont engagées, avec notamment des chiens de Saint-Hubert, reconnus pour leur odorat puissant. Selon le général Jacques-Charles Fombonne de la police judiciaire, « les chiens ont repéré sa trace à deux endroits, dans un rayon de 20 mètres autour de la maison, puis plus rien, ce qui peut vouloir dire qu’à ce moment-là l’enfant est monté dans un véhicule ».

Le soir, lors d'un point presse conjoint du préfet et du procureur, il est confirmé que deux témoins ont vu l'enfant dans une rue descendante du village mais que ceux-ci ne se sont pas inquiétés car il est fréquent de voir des enfants jouer seuls dans ce petit hameau « à l'esprit village ». Le procureur précise qu'à ce stade, aucune hypothèse n'est privilégiée ni aucune écartée. « Nous n'avons pas d'indice en ce sens, nous sommes sur les opérations de recherche qui sont la priorité vitale pour cet enfant », explique-t-il aux médias.

Lundi 10 juillet

Le lundi, les recherches reprennent avec l'aide de 500 volontaires. Au total, sur les deux jours, près de 800 volontaires se sont mobilisés en appui des services institutionnels sur un périmètre de 5 km précise le préfet des Alpes-de-Haute-Provence Marc Chappuis, le lundi soir en conférence de presse. Il indique par ailleurs que le dispositif sera réadapté dès le mardi matin. Il remercie les volontaires qui se sont engagés ces dernières heures, mais leur demande de cesser leur participation pour laisser place à un dispositif avec l'appui de militaires sur des recherches plus ciblées. Le procureur considère qu'à ce stade « le pronostic vital de l'enfant est engagé » en raison des circonstances, de l'âge, des températures et de la topographie. Selon Rémy Avon, « les recherches sont toujours en cours, sans évolution ».

Dans l'après-midi, est publié dans un groupe Facebook un appel à la prière : « Veuillez prier la vénérable sœur Benoîte Rencurel, mystique des apparitions du Laus. Le diable l'emmenait régulièrement dans la montagne pour la persécuter et les anges la ramenaient. La maman d'Émile ».

L'enquête de flagrance ouverte pour la disparition de l'enfant avait basculé en enquête préliminaire, conformément à la procédure.

Mardi 11 juillet

Les gendarmes procèdent à des « opérations de ratissage » jusqu'au 13 juillet 2023, mais elles ne permettent pas de trouver d’éléments expliquant la disparition de l'enfant. Le soir, Rémy Avon déclare que la totalité des 30 bâtiments composant le hameau du Haut-Vernet ont été fouillés, 12 véhicules visités, les 25 habitants du bourg entendus et 12 hectares de terrain « méticuleusement ratissés ». Au total, 97 hectares ont été ratissés. D'après « Le Monde », c'est : « sans doute l’une des plus importantes opérations de ratissage judiciaire jamais conduite ».

Rémy Avon insiste sur le fait que « Aucune thèse n’est privilégiée, aucune thèse n’est exclue » et confirme que l'enquête passait désormais sur sa seconde phase.

Seconde phase de l'enquête

Le mercredi 12 juillet, les recherches s'inscrivent dans un processus d'enquête judiciaire. Tous les bâtiments du hameau ont fait l'objet de visites domiciliaires. Malgré des recherches intensives, l'enfant reste introuvable. Le mercredi soir, les recherches sont arrêtées, les autorités se concentrent à partir de ce moment sur les investigations techniques.

À la demande des parents d'Emile, une messe est donnée dans la petite chapelle du hameau du Haut Vernet, dédiée à Saint Pancrace de Rome, un des saints patrons des enfants.

Après que le procureur a décidé l'arrêt des battues citoyennes, François Balique, le maire du village du Vernet, prend, le vendredi 14 juillet, un arrêté municipal interdisant l'accès du public au hameau du Haut-Vernet pour « protéger l'enquête » et « protéger les familles et canaliser un éventuel tourisme de curiosité » d'après ses propres déclarations. Le lundi 17 juillet, cet arrêté est prorogé jusqu'au 31 juillet fondé sur les mêmes arguments. Un autre arrêté rallonge cette interdiction jusqu'au 31 août à la suite de la plainte d'habitants qui estiment avoir été importunés par des journalistes.

Les enquêteurs cherchent à analyser l'importante quantité d'informations recueillie par l’enquête de terrain, notamment en analysant les données téléphoniques autour du hameau du Haut-Vernet au moment de la disparition d'Émile ainsi que les 1 200 messages laissés sur la ligne d'appel dédiée à l'enquête.

À la date du mercredi 13 juillet 2023, 25 enquêteurs travaillent sur l'affaire dans une cellule désormais « nationale », parmi lesquels dix gendarmes des Alpes-de-Haute-Provence.

Les enquêteurs utilisent le logiciel AnaCrim afin de croiser les milliers d'informations recueillies pendant les premiers jours : éléments recueillis sur le terrain, bornages téléphoniques, immatriculations, témoignages, ... Ils espèrent, par ces recoupements, trouver des indices susceptibles d'orienter les investigations.

Le 21 juillet, les habitants du Haut-Vernet sont de nouveau entendus et des véhicules sont passés au peigne fin.

Le 25 juillet, des drones et des chiens spécialisés dans la recherche de restes humains du Groupe national d'investigation cynophile de la gendarmerie (GNIC) ont été engagés. Ces recherches vont s'effectuer sur une zone de 5 km autour du domicile des grands-parents du garçonnet et vont durer jusqu'au 29 juillet. François Daoust, ancien directeur de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale explique : « On est dans une autre phase, on n'est plus dans la recherche de l'enfant vivant qui était la première phase. Là, les enquêteurs espèrent retrouver au moins un petit corps ou des restes d'un corps. Donc ce sont des moyens qui ne sont pas utiles dans un premier temps, mais qui vont l'être dans un second dès lors qu'on ne recherche pas un être vivant ».

Ouverture d'une information judiciaire

Durant les huit premiers jours, les investigations sont menées dans le cadre d'une enquête de flagrance, cadre juridique qui permet aux enquêteurs de travailler sous l'autorité du procureur de la République avec des pouvoirs assez étendus, notamment les visites domiciliaires. Toutefois, la loi limite ce temps à huit jours.

Le mardi 18 juillet, Rémy Avon, procureur de Digne-les-Bains, annonce l'ouverture d'une enquête préliminaire du chef de « Recherche des causes de disparition inquiétante ». Deux juges d'instruction du pôle d'Aix-en-Provence sont saisis. « Toutes les pistes restent envisagées, aucune n'étant ni exclue ni privilégiée » précise le magistrat qui évoque « la complexité de l'affaire. ». Le parquet ouvre le même jour une information judiciaire. Selon François Daoust, le fait d'avoir plusieurs juges peut s'expliquer par le fait que « La collégialité est de plus en plus de mise. Un juge seul a un portefeuille de plusieurs dizaines d’affaires. Passer de l’une à l’autre et y revenir, même si elle est considérée comme prioritaire sur d’autres, n’est pas simple ». Ainsi, en mobilisant deux juges d'instruction, une double lecture du dossier est apportée, ce qui n'est pas négligeable, lorsque les juges travaillent sur une affaire où chaque détail compte.

Cette nouvelle phase judiciaire offre aux enquêteurs des moyens coercitifs sous l'autorité des juges d'instruction : comparutions sous contrainte, perquisitions, géolocalisation de téléphones et de véhicules, écoutes téléphoniques, saisine d'experts, etc. Elle permet aussi aux membres de la famille de se constituer partie civile, ce qui, dans les limites de l'intérêt de l'enquête (la famille n'étant pas exclue du champ des suspects à ce stade), leur permet d'avoir accès au dossier. Les enquêteurs vont aussi décortiquer les profils de toutes les personnes qui ont borné dans le secteur au moment de la disparition. Près de 1 600 lignes téléphoniques ont été détectées au moment du drame.

Le 19 juillet, le numéro de téléphone est remplacé par une adresse mail.

Reprise des recherches

Trois semaines après la disparition d'Émile, de nouvelles recherches sont menées. Des équipes cynophiles et des drones avaient été dépêchés sur place. Ces recherches ont été suspendues pour le week-end, avant de reprendre lundi dans un périmètre élargi, au-delà du rayon de cinq kilomètres autour du hameau.

Les drones ont cartographié pendant cinq jours les forêts qui entourent le hameau.

Début août 2023, la famille d'Émile se constitue partie civile, lui permettant d'être informée du déroulement de la procédure et d'avoir accès au dossier de la disparition de l'enfant via son avocat.

Théories autour de sa disparition

Enlèvement

Depuis la disparition inquiétante du petit Emile, les médias ont été inondés de théories diverses quant aux circonstances entourant cette affaire. Certaines théories suggèrent une possible implication de tiers malveillants, telles que des trafics d'enfants, sacrifice satanique, pédocriminalité, trafics d'organes..., relayées notamment sur les réseaux sociaux puis sur les forums.

Piste animale

Selon une source proche du dossier, « la piste animale » est une hypothèse envisagée, plus particulièrement un enlèvement par un rapace ou par un loup. La théorie selon laquelle Émile aurait été victime d'une attaque de loup est appuyée par une interview qu'a donnée en 2017 le maire de Vernet. Il avait déclaré à cette époque « On a vu des loups traverser le village ».

Accident de voiture

Une autre hypothèse est qu'un automobiliste aurait percuté Émile puis aurait cherché à effacer son crime. Des traces de sang avaient été détectées sur une voiture suspecte, mais les analyses ont montré qu'elles venaient probablement d'un animal.

Famille

Le père et le grand-père d'Émile sont membres de l'organisation chrétienne traditionaliste Chrétienté-Solidarité, dont le fondateur est Bernard Antony. Certaines personnes ont vu cette appartenance d'un mauvais œil, voire en lien avec la disparition de l'enfant. Aux personnes qui accusent les parents d'Émile d'être membres d'une secte, Bernard Antony déclare : « Ils sont chrétiens, point. La messe en latin, c’est la messe traditionnelle, celle qui permet de donner un véritable sens aux mots. Ils ne font pas partie d’une secte ». Par ailleurs, Philippe Vedovini, grand-père d'Émile, est cité, selon Le Canard enchaîné, comme « témoin assisté » dans une affaire judiciaire pour des faits de violences sur mineurs au sein de la communauté religieuse de la Sainte-Croix de Riaumont, à Liévin.

Colomban S. — le père d'Émile — est un ingénieur. C'est aussi un ancien membre de l’Action française et de la branche marseillaise du groupuscule Bastion social. Il a aussi été appelé à comparaître devant le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence, en 2018, pour une agression présumée sur des personnes d’origine étrangère. Il avait toutefois été relaxé dans ce dossier. Il s’était ensuite engagé en politique, puisqu’il était, lors des régionales de 2021, sur une liste électorale en soutien à Éric Zemmour, appelée « Zou la liste qui vous débarrasse du système. ».

Plusieurs habitants du hameau déclarent : « Ils sont très croyants, très discrets. Ils vivaient un peu en autarcie [...] Nous n’avons pas vraiment d’échanges avec eux [...] On les connaît seulement de vue, ils sont très discrets ».

En 2019, trois maisons dans un hameau voisin avaient subi un incendie criminel. La maison des arrière-grands-parents d'Émile avait été épargnée contrairement aux affirmations d'une certaine presse. Une source judiciaire a déclaré à ce sujet : « Elle n’est ni privilégiée ni exclue par les enquêteurs à ce stade, précise-t-il. Mais forcément, le fait que cette famille semble avoir été visée par des incendies criminels oblige à s’y intéresser. ». Au 5 août, aucun lien n'a pu être fait entre les deux affaires et il s'agit pour les enquêteurs d'un « élément non prioritaire ».

Un proche de la famille a déclaré à des journalistes de BFM TV : « Les parents et les grands-parents ne veulent pas s'exprimer, il faut respecter ça. Tout ce qui est dit sur nous est un tissu de conneries. Comme cette histoire de maison qui brûle à Beaujeu. On est catho et de droite, et alors ? ».

Conséquences

Depuis la disparition, une ambiance de soupçons règne dans le hameau. Une des habitantes déclare : « On est 123 habitants, on va se regarder, on va se demander qui ça peut être. Tout le monde se pose des questions, on ne peut pas se retrouver sans parler de ça. ».

Dans la culture populaire

En octobre 2023, l'émission Chroniques Criminelles revient sur l'affaire dans l'épisode : Disparition du petit Emile : le mystère du Haut-Vernet.

Notes et références

Articles connexes

• Pôle judiciaire dédié aux affaires criminelles non élucidées