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« Tutti Frutti (chanson) » : différence entre les versions

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== Enregistrement ==
== Enregistrement ==
Bien que Richard Penniman dit « Little Richard » ait enregistré pour RCA et Peacock Records dès 1951, ses premiers disques étaient relativement ternes et n'ont pas eu le succès commercial escompté par ses producteurs. En {{date-|février 1955}}, il envoya un enregistrement ''[[Démo (musique)|demo]]'' à Specialty Records, lequel fut entendu par le propriétaire de la petite maison de disques, Art Rupe. Rupe trouva cet enregistrement prometteur, signa un contrat avec Little Richard et organisa en une session d'enregistrement, le {{date|14|septembre|1955}}, au Studio J & M de Cosimo Matassa à [[La Nouvelle-Orléans]], avec [[Robert Blackwell]] en tant que [[Réalisateur artistique|producteur]] et le groupe de musiciens de [[Fats Domino]], comprenant : [[Lee Allen]] ([[saxophone alto]]), [[Alvin Tyler|Alvin « Red » Tyler]] ([[saxophone baryton]]), Justin Adams ([[guitare]]), Frank Fields (contrebasse), [[Earl Palmer]] ([[Batterie (musique)|batterie]]), Huey Smith ([[piano]]) ; Little Richard chante et joue du [[piano]].<ref name=":0">{{Ouvrage|nom1=Dawson, Jim, 1944-|titre=What was the first rock 'n' roll record?|éditeur=Faber and Faber|date=1992|isbn=0-571-12939-0|isbn2=978-0-571-12939-3|oclc=26397148|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/26397148|consulté le=2020-08-08}}</ref><ref>Livret du CD ''Little Richard, Tutti Frutti, Selected Singles 51-56'', Saga, 2007.</ref>
En [[1955]], Little Richard, qui vient de signer un contrat avec le label [[Specialty]], modeste maison de disques, part à [[La Nouvelle-Orléans]] pour une séance d’enregistrement avec le producteur ''Robert Blackwell'' le {{date|14|septembre|1955}} au '''studio J&M''' de ''Cosimo Matassa'', accompagné par les musiciens habituels de [[Fats Domino]] : [[Lee Allen]] ([[Saxophone|sax alto]]), [[Alvin Tyler|Alvin « Red » Tyler]] (sax baryton), Justin Adams ([[guitare]]), Frank Fields (basse), [[Earl Palmer]] ([[Batterie (musique)|batterie]]) ; Little Richard chante et joue du [[piano]]<ref>CD ''Little Richard, Tutti Frutti, Selected Singles 51-56'', Saga, 2007.</ref>. Ils enregistrent d'abord des morceaux de ''[[blues]]'' qui n'emballent guère le producteur<ref>Jean-William Thoury, ''Dictionnaire du rock'', sous la direction de [[Michka Assayas]], Robert Laffont, 2000, {{p.|1025}}.</ref>. C’est au cours d’une pause d'un quart d'heure que Little Richard, frustré par le déroulement de la séance d'enregistrement, entame un morceau absurde, largement improvisé, intitulé « ''Tutti Frutti'' », scandé par l'[[onomatopée]] devenue célèbre : « ''A Wop Bop Aloobop Alop Bam Boom!'' ». Il aurait fredonné l'ébauche de cette chanson plusieurs années auparavant, lorsqu'il était gardien d'une station de bus.{{Référence nécessaire||date=7 août 2020}} Le producteur [[Robert Blackwell]], frappé par le potentiel commercial de sa mélodie, trouve néanmoins les paroles choquantes et demande à Dorothy LaBostrie de les réécrire. Le morceau sort peu après, en octobre 1955, sous le titre ''Tutti Frutti'', et obtient aussitôt un succès considérable, devenant un classique du ''rock 'n' roll'' naissant. Le titre figurant en [[Face (disque)|face B]] du [[Disque microsillon|45 tours]], ''I'm Just a Lonely Guy'', est enregistré le même jour.

Ils enregistrèrent d'abord des morceaux de ''[[blues]]'' qui n'emballèrent guère le producteur<ref>Jean-William Thoury, ''Dictionnaire du rock'', sous la direction de [[Michka Assayas]], Robert Laffont, 2000, {{p.|1025}}.</ref>. À la pause déjeuner, frustré que son style exubérant ne soit pas dûment capté sur bande, il se mit à frapper les touches du piano et à chanter une chanson grivoise, scandée par l'[[onomatopée]] devenue célèbre : « ''A Wop Bop Aloobop Alop Bam Boom!'' », qu'il aurait écrite et composée plusieurs années auparavant, et qu'il jouait régulièrement sur scène<ref name=":1">{{Ouvrage|langue=|auteur1=|nom1=White, Charles, 1942-|titre=The life and times of Little Richard : the quasar of rock|passage=p. 55|lieu=|éditeur=Harmony Books|date=1984|pages totales=|isbn=0-517-55498-4|isbn2=978-0-517-55498-2|oclc=10711582|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/10711582|consulté le=2020-08-08}}</ref>. Selon certains témoignages, il aurait d'abord écrit et interprété la chanson tout en travaillant comme concierge dans une gare routière<ref>{{Ouvrage|nom1=Cox, Michael, 1949-|titre=Mind-blowing music|éditeur=Hippo|date=1997|isbn=0-590-19570-0|isbn2=978-0-590-19570-6|oclc=45329797|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/45329797|consulté le=2020-08-08}}</ref>, puis l'aurait peaufiné dans des cabarets du Sud<ref name=":2">{{Ouvrage|nom1=Lhamon, W. T.|titre=Deliberate speed : the origins of a cultural style in the American 1950s : with a new preface|éditeur=Harvard University Press|date=2002, ©1990|isbn=0-674-00873-1|isbn2=978-0-674-00873-1|oclc=49803526|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/49803526|consulté le=2020-08-08}}</ref>. Little Richard chantait initialement<ref>{{Ouvrage|langue=|auteur1=|nom1=White, Charles, 1942-|titre=The life and times of Little Richard : the quasar of rock|passage=p. 49|lieu=|éditeur=Harmony Books|date=1984|pages totales=|isbn=0-517-55498-4|isbn2=978-0-517-55498-2|oclc=10711582|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/10711582|consulté le=2020-08-08}}</ref> :
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|A-wop-bop-a-loo-mop a-good-Goddam!
Tutti Frutti, good booty
|A-wop-bop-a-loo-mop a-good-Goddam!
Tutti Frutti, bon derrière
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Après cette performance animée, Blackwell reconnut immédiatement le potentiel commercial de la chanson, mais considéra les paroles trop crues et demanda à ce que celles-ci soient révisées<ref name=":2" />. Il confia la tâche à Dorothy LaBostrie, qui selon lui était une parolière talentueuse même si elle « ne comprenait pas la mélodie »<ref>{{Ouvrage|nom1=Brackett, David,|titre=The pop, rock, and soul reader : histories and debates|isbn=978-0-19-084358-8|isbn2=0-19-084358-6|isbn3=978-0-19-084359-5|oclc=1097365692|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/1097365692|consulté le=2020-08-08}}</ref>.

Selon les sources, les paroles originales, dans lesquelles « Tutti Frutti » faisait manifestement référence à un homme [[Homosexualité|homosexuel]], disaient<ref name=":1" /> :
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|Tutti Frutti, good booty
If it don't fit, don't force it

You can grease it, make it easy
|Tutti Frutti, bon derrière
Si ça ne rentre pas, ne forcez pas

Mettez de l'huile, et c'est offert
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Ou selon la version de Charles Connor, batteur de Little Richard<ref>''Rock 'n' Roll America'', documentaire de la BBC, 2015, partie 1, vers 41:00.</ref> :
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|Tutti Frutti, good booty
If it's tight, it's all right

And if it's greasy, it makes it easy
|Tutti Frutti, bon derrière
Si c'est serré, c'est agréable

Et si c'est huilé, ça se laisse faire
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Après réécriture, le sens devient plus ambigu, et si le sous-entendu sexuel reste présent celui-ci s'inscrit dans un contexte [[Hétérosexualité|hétérosexuel]] moins subversif :
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|Tutti Frutti, aw rooty<ref>« Aw rooty » était une expression argotique signifiant « tout va bien ».</ref>
Tutti Frutti, aw rooty

I got a gal named Sue

She knows just what to do

She rocks to the East, she rocks to the West

She is the gal that I love best
|Tutti Frutti, oh merci
Tutti Frutti, oh merci

J'ai une amie qui s'appelle Sue

Elle connaît très bien mes goûts

Elle se balance à gauche, elle se balance à droite

Avec elle j'aime quand c'est moite
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Outre Penniman et LaBostrie, le troisième nom crédité en tant qu'auteur, « J. Lubin », n'est pas clairement identifié ; selon certaines sources il s'agirait de l'auteur-compositeur Joe Lubin<ref>{{Lien web |langue=en-us |titre=Joe Lubin {{!}} Biography & History |url=https://www.allmusic.com/artist/joe-lubin-mn0000785531 |site=AllMusic |consulté le=2020-08-08}}</ref>, mais d'autres prétendent que ce serait un pseudonyme utilisé par Art Rupe pour bénéficier des redevances sur certaines chansons de son label<ref name=":0" />.

Selon d'autres témoignages, ce récit faisant de « ''Tutti Frutti'' » une chanson à l'origine ouvertement sexuelle serait [[Apocryphe (littérature et art)|apocryphe]]. Dorothy LaBostrie a ainsi déclaré : « Little Richard n'a rien écrit de « ''Tutti Frutti'' ». Je vais vous dire exactement comment j'en suis arrivé à écrire cela. Je vivais dans la rue Galvez et avec une amie nous aimions aller acheter de la crème glacée à l'épicerie du coin. Un jour, nous sommes entrés et avons vu cette nouvelle saveur, « Tutti Frutti ». J'ai tout de suite pensé : ça alors, c'est une chouette idée pour une chanson. Je l'ai donc gardée dans un coin de ma mémoire jusqu'à ce que j'arrive au studio ce jour-là. J'ai aussi écrit ce même jour la face B de « ''Tutti Frutti'' », « ''I'm Just A Lonely Guy'' », et un ''[[Negro spiritual|spiritual]]'', « ''Blessed Mother'' ». Dans les années 1980 Dorothy LaBostrie recevait encore des chèques de redevances pour cette chanson, en moyenne de 5 000 dollars tous les trois à six mois.<ref>{{Lien web |langue= |auteur= |titre=DOROTHY LABOSTRIE |url=https://web.archive.org/web/20200520021723/http://www.rockabilly.nl/references/messages/dorothy_labostrie.htm |site=www.rockabilly.nl |date=2020-05-20 (date d'archivage) |consulté le=2020-08-08}}</ref><ref>{{Ouvrage|langue=|auteur1=|nom1=Hannusch, Jeff.|titre=I hear you knockin' : the sound of New Orleans rhythm and blues|passage=p. 222|lieu=|éditeur=Swallow Publications|date=1985|pages totales=|isbn=0-9614245-0-8|isbn2=978-0-9614245-0-3|oclc=12991604|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/12991604|consulté le=2020-08-08}}</ref><ref>{{Lien web |langue=en-us |titre=Dorothy LaBostrie {{!}} Biography & History |url=https://www.allmusic.com/artist/dorothy-labostrie-mn0000801511 |site=AllMusic |consulté le=2020-08-08}}</ref>

Selon Blackwell, les contraintes de temps ont empêché le développement d'un nouvel arrangement, donc Little Richard a enregistré la chanson révisée en trois prises, en un quart d'heure, avec la partie de piano d'origine. Le titre figurant en [[Face (disque)|face B]] du [[Disque microsillon|45 tours]], ''I'm Just a Lonely Guy'', est enregistré le même jour.

Le disque sort peu après, en octobre 1955, sous le titre ''Tutti Frutti'', et obtient aussitôt un succès considérable, devenant un classique du ''rock 'n' roll'' naissant.


== Classement ==
== Classement ==
Entrée dans le ''hit-parade'' des États-Unis en novembre [[1955 en musique|1955]], elle atteint en [[1956 en musique|1956]] la deuxième position du classement des meilleures ventes de disques ''[[rhythm and blues]]'', et se classe {{n°|17}} des ''charts'' ''pop'' aux [[États-Unis]] en février. Mais la reprise de [[Pat Boone]], plus sage, culmine à la {{12e|place}} le mois suivant.
Entrée au ''hit-parade'' des États-Unis en novembre [[1955 en musique|1955]], elle atteint en [[1956 en musique|1956]] la deuxième position du classement des meilleures ventes de disques ''[[rhythm and blues]]'', et se classe {{n°|17}} des ''charts'' ''pop'' aux [[États-Unis]] en février.
Mais la reprise de [[Pat Boone]], plus sage, culmine à la {{12e|place}} le mois suivant.


== Commentaire ==
== Commentaire ==
Jordan Bassett, dans un hommage au chanteur publié dans le ''[[New Musical Express]]'', décrit la chanson, et plus particulièrement sa fameuse scansion incandescente « ''A Wop Bop Aloobop Alop Bam Boom!'' », comme étant : « Le [[Big Bang|big bang]] qui a enflammé le ''rock'n'roll'', la naissance du ''teenager'', l'étincelle ayant allumé le fusible qui a parcouru les sons d'[[Elvis Presley]] et des [[The Beatles|Beatles]], et qui continue de traverser les veines de n'importe qui — et de n'importe quoi — déterminé à résister au statu quo<ref>{{Lien web |langue=en-GB |auteur= |titre=Little Richard 1932–2020: the King and Queen of rock'n'roll who gave us everything |url=https://www.nme.com/features/little-richard-obituary-tribute-2662850 |site=NME Music News, Reviews, Videos, Galleries, Tickets and Blogs {{!}} NME.COM |date=2020-05-09 |consulté le=2020-08-07}}</ref> ».
Jordan Bassett, dans un hommage au chanteur publié en mai 2020 dans le ''[[New Musical Express]]'', décrit la chanson, et plus particulièrement sa fameuse scansion incandescente « ''A Wop Bop Aloobop Alop Bam Boom!'' », comme étant : « Le [[Big Bang|big bang]] qui a enflammé le ''rock'n'roll'', la naissance du ''teenager'', l'étincelle ayant allumé le fusible qui a parcouru les sons d'[[Elvis Presley]] et des [[The Beatles|Beatles]], et qui continue de traverser les veines de n'importe qui — et de n'importe quoi — déterminé à résister au statu quo<ref>{{Lien web |langue=en-GB |auteur= |titre=Little Richard 1932–2020: the King and Queen of rock'n'roll who gave us everything |url=https://www.nme.com/features/little-richard-obituary-tribute-2662850 |site=NME Music News, Reviews, Videos, Galleries, Tickets and Blogs {{!}} NME.COM |date=2020-05-09 |consulté le=2020-08-07}}</ref> ».


== Postérité ==
== Postérité ==
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* [[MC5]], sur l'album ''[[Back in the USA]]'' (1970)
* [[MC5]], sur l'album ''[[Back in the USA]]'' (1970)
* [[Rufus Thomas]], sur l'album ''Crown Prince of Dance'' (1972)
* [[Rufus Thomas]], sur l'album ''Crown Prince of Dance'' (1972)
* [[Commander Cody]], sur l'album ''Hot Licks, Cold Steel & Trucker's Favorites'' (1972)
* [[Chicken Shack]], sur l'album ''Goodbye Chicken Shack'' (1974)
* [[Johnny Hallyday]] l'enregistre en studio pour l'album ''[[Rock à Memphis]]'' en [[1975 en musique|1975]], et l'interprète dans de nombreux albums enregistrés en public, dont une première version en [[1961 en musique|1961]] sur ''[[Johnny Hallyday et ses fans au festival de Rock'n'Roll]]''
* [[Johnny Hallyday]] l'enregistre en studio pour l'album ''[[Rock à Memphis]]'' en [[1975 en musique|1975]], et l'interprète dans de nombreux albums enregistrés en public, dont une première version en [[1961 en musique|1961]] sur ''[[Johnny Hallyday et ses fans au festival de Rock'n'Roll]]''
* [[Eddy Mitchell]], ''[[Rocking in Olympia 1975]]'' (1975)
* [[Eddy Mitchell]], ''[[Rocking in Olympia 1975]]'' (1975)
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* [[Val Kilmer]], dans le film ''Top secret'' (1984)
* [[Val Kilmer]], dans le film ''Top secret'' (1984)
* [[The Flying Lizards]], ''Top Ten'' (1984)
* [[The Flying Lizards]], ''Top Ten'' (1984)
* [[Screamin' Jay Hawkins]], ''Live and Crazy'' (1989)
* [[Lee Austin]], sur l'album des J.B.'s ''Gimme Your Hand, J-B!'' (1989)
* [[Cássia Eller]], sur son premier album sans titre (1990)
* [[Cássia Eller]], sur son premier album sans titre (1990)
* [[Adriano Celentano]], sur la compilation ''La Mezza Luna'' (1990)
* [[Queen]], ''[[Live at Wembley '86]]'' (concert de 1986, album paru en 1992)
* [[Queen]], sur l'album ''[[Live at Wembley '86]]'' (concert de 1986, paru en 1992)
* [[Fleetwood Mac]], sur l'album ''Live in Boston 70'' (concert de 1970, paru en 2003)
* [[Roy Orbison]], sur la compilation ''The Soul Of Rock And Roll'' (2008)


== Notes et références ==
== Notes et références ==

Version du 8 août 2020 à 04:16

Tutti Frutti

Single de Little Richard
extrait de l'album Here's Little Richard
Face A Tutti Frutti
Face B I'm Just a Lonely Guy
Sortie
Enregistré
La Nouvelle-Orléans
Durée 2:25
Genre Rock 'n' roll
Format 45 tours
Auteur Dorothy LaBostrie
J. Lubin
Richard Penniman
Producteur Robert Blackwell
Label Specialty

Singles de Little Richard

Tutti Frutti est l'une des premières chansons de rock 'n' roll, interprétée par Little Richard, signée Dorothy LaBostrie, J. Lubin et Richard Penniman (vrai nom de Little Richard). Premier succès commercial du chanteur, elle est devenue un standard du genre.

Enregistrement

Bien que Richard Penniman dit « Little Richard » ait enregistré pour RCA et Peacock Records dès 1951, ses premiers disques étaient relativement ternes et n'ont pas eu le succès commercial escompté par ses producteurs. En , il envoya un enregistrement demo à Specialty Records, lequel fut entendu par le propriétaire de la petite maison de disques, Art Rupe. Rupe trouva cet enregistrement prometteur, signa un contrat avec Little Richard et organisa en une session d'enregistrement, le , au Studio J & M de Cosimo Matassa à La Nouvelle-Orléans, avec Robert Blackwell en tant que producteur et le groupe de musiciens de Fats Domino, comprenant : Lee Allen (saxophone alto), Alvin « Red » Tyler (saxophone baryton), Justin Adams (guitare), Frank Fields (contrebasse), Earl Palmer (batterie), Huey Smith (piano) ; Little Richard chante et joue du piano.[1][2]

Ils enregistrèrent d'abord des morceaux de blues qui n'emballèrent guère le producteur[3]. À la pause déjeuner, frustré que son style exubérant ne soit pas dûment capté sur bande, il se mit à frapper les touches du piano et à chanter une chanson grivoise, scandée par l'onomatopée devenue célèbre : « A Wop Bop Aloobop Alop Bam Boom! », qu'il aurait écrite et composée plusieurs années auparavant, et qu'il jouait régulièrement sur scène[4]. Selon certains témoignages, il aurait d'abord écrit et interprété la chanson tout en travaillant comme concierge dans une gare routière[5], puis l'aurait peaufiné dans des cabarets du Sud[6]. Little Richard chantait initialement[7] :

A-wop-bop-a-loo-mop a-good-Goddam!

Tutti Frutti, good booty

A-wop-bop-a-loo-mop a-good-Goddam!

Tutti Frutti, bon derrière

Après cette performance animée, Blackwell reconnut immédiatement le potentiel commercial de la chanson, mais considéra les paroles trop crues et demanda à ce que celles-ci soient révisées[6]. Il confia la tâche à Dorothy LaBostrie, qui selon lui était une parolière talentueuse même si elle « ne comprenait pas la mélodie »[8].

Selon les sources, les paroles originales, dans lesquelles « Tutti Frutti » faisait manifestement référence à un homme homosexuel, disaient[4] :

Tutti Frutti, good booty

If it don't fit, don't force it

You can grease it, make it easy

Tutti Frutti, bon derrière

Si ça ne rentre pas, ne forcez pas

Mettez de l'huile, et c'est offert

Ou selon la version de Charles Connor, batteur de Little Richard[9] :

Tutti Frutti, good booty

If it's tight, it's all right

And if it's greasy, it makes it easy

Tutti Frutti, bon derrière

Si c'est serré, c'est agréable

Et si c'est huilé, ça se laisse faire

Après réécriture, le sens devient plus ambigu, et si le sous-entendu sexuel reste présent celui-ci s'inscrit dans un contexte hétérosexuel moins subversif :

Tutti Frutti, aw rooty[10]

Tutti Frutti, aw rooty

I got a gal named Sue

She knows just what to do

She rocks to the East, she rocks to the West

She is the gal that I love best

Tutti Frutti, oh merci

Tutti Frutti, oh merci

J'ai une amie qui s'appelle Sue

Elle connaît très bien mes goûts

Elle se balance à gauche, elle se balance à droite

Avec elle j'aime quand c'est moite

Outre Penniman et LaBostrie, le troisième nom crédité en tant qu'auteur, « J. Lubin », n'est pas clairement identifié ; selon certaines sources il s'agirait de l'auteur-compositeur Joe Lubin[11], mais d'autres prétendent que ce serait un pseudonyme utilisé par Art Rupe pour bénéficier des redevances sur certaines chansons de son label[1].

Selon d'autres témoignages, ce récit faisant de « Tutti Frutti » une chanson à l'origine ouvertement sexuelle serait apocryphe. Dorothy LaBostrie a ainsi déclaré : « Little Richard n'a rien écrit de « Tutti Frutti ». Je vais vous dire exactement comment j'en suis arrivé à écrire cela. Je vivais dans la rue Galvez et avec une amie nous aimions aller acheter de la crème glacée à l'épicerie du coin. Un jour, nous sommes entrés et avons vu cette nouvelle saveur, « Tutti Frutti ». J'ai tout de suite pensé : ça alors, c'est une chouette idée pour une chanson. Je l'ai donc gardée dans un coin de ma mémoire jusqu'à ce que j'arrive au studio ce jour-là. J'ai aussi écrit ce même jour la face B de « Tutti Frutti », « I'm Just A Lonely Guy », et un spiritual, « Blessed Mother ». Dans les années 1980 Dorothy LaBostrie recevait encore des chèques de redevances pour cette chanson, en moyenne de 5 000 dollars tous les trois à six mois.[12][13][14]

Selon Blackwell, les contraintes de temps ont empêché le développement d'un nouvel arrangement, donc Little Richard a enregistré la chanson révisée en trois prises, en un quart d'heure, avec la partie de piano d'origine. Le titre figurant en face B du 45 tours, I'm Just a Lonely Guy, est enregistré le même jour.

Le disque sort peu après, en octobre 1955, sous le titre Tutti Frutti, et obtient aussitôt un succès considérable, devenant un classique du rock 'n' roll naissant.

Classement

Entrée au hit-parade des États-Unis en novembre 1955, elle atteint en 1956 la deuxième position du classement des meilleures ventes de disques rhythm and blues, et se classe no 17 des charts pop aux États-Unis en février.

Mais la reprise de Pat Boone, plus sage, culmine à la 12e place le mois suivant.

Commentaire

Jordan Bassett, dans un hommage au chanteur publié en mai 2020 dans le New Musical Express, décrit la chanson, et plus particulièrement sa fameuse scansion incandescente « A Wop Bop Aloobop Alop Bam Boom! », comme étant : « Le big bang qui a enflammé le rock'n'roll, la naissance du teenager, l'étincelle ayant allumé le fusible qui a parcouru les sons d'Elvis Presley et des Beatles, et qui continue de traverser les veines de n'importe qui — et de n'importe quoi — déterminé à résister au statu quo[15] ».

Postérité

En 2003, cette chanson a été classée 43e plus grande chanson de tous les temps par le magazine Rolling Stone.

Reprises

Elle a été reprise par de nombreux musiciens, les versions les plus connues étant celles de Pat Boone et Elvis Presley. Le groupe Queen la jouait également régulièrement durant ses spectacles dans les années 1970-1980, notamment lors du « Magic Tour », immortalisé sur le DVD Live at Wembley. Cette chanson a également été jouée durant un concert de T. Rex et Elton John, en 1972, immortalisé sur le DVD Born to Boogie.

Liste (non exhaustive) d'artistes ayant enregistré Tutti Frutti[16] :

Notes et références

  1. a et b Dawson, Jim, 1944-, What was the first rock 'n' roll record?, Faber and Faber, (ISBN 0-571-12939-0 et 978-0-571-12939-3, OCLC 26397148, lire en ligne)
  2. Livret du CD Little Richard, Tutti Frutti, Selected Singles 51-56, Saga, 2007.
  3. Jean-William Thoury, Dictionnaire du rock, sous la direction de Michka Assayas, Robert Laffont, 2000, p. 1025.
  4. a et b White, Charles, 1942-, The life and times of Little Richard : the quasar of rock, Harmony Books, (ISBN 0-517-55498-4 et 978-0-517-55498-2, OCLC 10711582, lire en ligne), p. 55
  5. Cox, Michael, 1949-, Mind-blowing music, Hippo, (ISBN 0-590-19570-0 et 978-0-590-19570-6, OCLC 45329797, lire en ligne)
  6. a et b Lhamon, W. T., Deliberate speed : the origins of a cultural style in the American 1950s : with a new preface, Harvard University Press, 2002, ©1990 (ISBN 0-674-00873-1 et 978-0-674-00873-1, OCLC 49803526, lire en ligne)
  7. White, Charles, 1942-, The life and times of Little Richard : the quasar of rock, Harmony Books, (ISBN 0-517-55498-4 et 978-0-517-55498-2, OCLC 10711582, lire en ligne), p. 49
  8. Brackett, David,, The pop, rock, and soul reader : histories and debates (ISBN 978-0-19-084358-8, 0-19-084358-6 et 978-0-19-084359-5, OCLC 1097365692, lire en ligne)
  9. Rock 'n' Roll America, documentaire de la BBC, 2015, partie 1, vers 41:00.
  10. « Aw rooty » était une expression argotique signifiant « tout va bien ».
  11. (en-US) « Joe Lubin | Biography & History », sur AllMusic (consulté le )
  12. « DOROTHY LABOSTRIE », sur www.rockabilly.nl, 2020-05-20 (date d'archivage) (consulté le )
  13. Hannusch, Jeff., I hear you knockin' : the sound of New Orleans rhythm and blues, Swallow Publications, (ISBN 0-9614245-0-8 et 978-0-9614245-0-3, OCLC 12991604, lire en ligne), p. 222
  14. (en-US) « Dorothy LaBostrie | Biography & History », sur AllMusic (consulté le )
  15. (en-GB) « Little Richard 1932–2020: the King and Queen of rock'n'roll who gave us everything », sur NME Music News, Reviews, Videos, Galleries, Tickets and Blogs | NME.COM, (consulté le )
  16. Second Hand Songs.