« Algérie française (expression) » : différence entre les versions

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== Bibliographie ==
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* {{Article|langue=fr|nom1=Emmanuel Blanchard |nom2= Sylvie Thénault|lien auteur1=|titre=Quel « monde du contact » ? Pour une histoire sociale de l'Algérie pendant la période coloniale|périodique=Le Mouvement Social|éditeur=La Découverte|volume=n° 236|numéro=3|jour=1|mois=septembre|année=2011|pages=|ISSN=0027-2671|ISBN=9782707169655|doi=10.3917/lms.236.0003|url texte=http://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=LMS_236_0003|résumé=http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=LMS_236_0003|consulté le=21 avril 2014}}
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Version du 22 juillet 2015 à 20:46

L'expression « Algérie française » peut désigner :

  • dans un sens chronologique, l'Algérie sous administration française ou l'Algérie du temps des Français, de 1830 à 1962. Cette signification est attestée dans la littérature coloniale dès le XIXe siècle, mais devient usuelle après l'indépendance de l'Algérie, en concurrence notamment avec l'expression « Algérie coloniale »[1],[2],[3], pour distinguer cette période historique du pays des autres périodes[4] ; la dénomination officielle française choisie était alors juste « Algérie » depuis 1831[5],[6] ;
  • dans un sens plus restreint, la sphère française de l'Algérie coloniale ou l'Algérie des Français, par opposition à la sphère algérienne (dite Algérie algérienne[Note 1]), l'ensemble formant l'Algérie coloniale[4] ;
  • les personnes restées favorables au maintien de la souveraineté française sur l'Algérie[7], comme dans les expressions « très Algérie française »[8], « nostalgique de l'Algérie française »[9], « partisan de l'Algérie française »[10], « irréductible de l'Algérie française »[11] ou « activiste de l'Algérie française »[12],[Note 2].
  • un slogan politique, en particulier sous une forme télégraphique — trois brèves, deux longues (concerts de casseroles, concerts de klaxon) — employé dans les dernières années de la guerre d'Algérie (1958-1962) par les opposants, notamment Pieds-Noirs, à l'indépendance revendiquée par les nationalistes algériens, puis à la politique gaullienne d'autodétermination de l'Algérie[13].

« Ces casseroles, ces sifflets, ces klaxons Al-gé-rie française, ont quelque chose d'émouvant. Cela a duré deux heures sans une seconde d'interruption. Ce n'est plus de l'hystérie, mais un cri désespéré, interminable, qui remue les plus endurcis. Voilà comment on est balancé continuellement entre deux mondes qui s'entretuent, pleurent, souffrent, appellent au secours : cri dérisoire des casseroles, quête pathétique d'un impossible miracle. Cela ne me fait pas oublier les autres, les miens qui ne finissent pas de tomber, de se faire haïr et ne parviendront sans doute jamais à émouvoir leur vis-à-vis car il y a longtemps qu'on se refuse à les prendre pour des hommes. »

— Mouloud Feraoun[14] ;

L'expression est également employée dans la dénomination de plusieurs partis ou mouvements politiques, parfois clandestins, ayant milité pour le maintien d'un lien organique et politique entre la France et l'Algérie dans la période de la Guerre d'Algérie, comme l'Organisation de la résistance de l'Algérie française, le Front Algérie française, le Rassemblement pour l'Algérie française ;

Évolution de l'expression

Pierre-Louis Rey rappelle qu'avant 1954 « l’expression « Algérie française » eût paru tautologique ; elle s’imposa comme un slogan du moment où elle devint problématique »[15].

Selon l'historien Michel Winock, le fait colonial algérien a donné naissance à une fiction : celle d'une Algérie « française »[16]. Dans le contexte du processus de décolonisation de l'après-guerre, l'expression « Algérie française » est la dernière formule utilisée par la Quatrième République française pour réaffirmer et imposer l'idée d'une Algérie indissociable de la France métropolitaine[17].

À l'instar d'autres dénominations en usage à l'époque pour désigner l'Algérie (« province française » ou « départements français »), cette expression se maintient jusqu'à l'indépendance du pays. Elle est raillée par la suite, utilisée « comme une étiquette politique infamante ou comme un slogan dérisoire »[18].

Usages et ambiguïtés

L'expression « Algérie française » est ambiguë et controversée car :

  • elle renvoie, en Algérie notamment, l'idée de la « domination de la majorité algérienne par la majorité européenne »[19] ; elle est l'un des trois mots-clés qui « définissent et caractérisent la politique d'exaction à outrance, méthodiquement menée à l'encontre de la société algérienne »[20],[Note 3] ;
  • la réalité même d'une Algérie « française » est questionnée : englobée dans le « roman national français »[21], cette Algérie française est tour à tour qualifiée de « dogme national et républicain »[22], de « mythe »[23], de « décor »[23], de « chimère »[24], de « fiction »[16] ou d'« anachronisme »[25].
  • les deux expressions concurrentes « Algérie algérienne » et « Algérie française » constituent des armes symboliques dans les luttes d'appropriation du toponyme « Algérie »[26].
  • Pour Sylvie Thénault, l'expression renvoie au dogme de la classe politique française qui s'est construit tout au long de la présence française en Algérie et dont la principale manifestation est la doctrine de l'« assimilation » dans sa conception coloniale (c'est-à-dire pensée uniquement pour le territoire et ses habitants européens, au détriment des autochtones algériens)[27].

L'expression « Algérie française » ne fait pas partie des différentes appellations qui ont servi à désigner l'Algérie durant sa période coloniale[28],[Note 4]. Comme le constate l'historienne Sylvie Thénault, elle ne doit être utilisée que dans un sens chronologique, pour désigner l'« Algérie du temps des Français » ou l'« Algérie sous tutelle française » ; cependant, l'expression « Algérie coloniale » doit lui être préférée, car elle désigne « à la fois la période chronologique considérée et l'état de cette Algérie »[4].

Bibliographie

  • Sabrina Kassa, « Pourquoi l'Algérie française a le vent en poupe », Le courrier de l'Atlas, no 85,‎ , p. 26-28 (lire en ligne, consulté le ).
  • Daniel Lefeuvre, « Les trois replis de l'Algérie française », dans Jean-Charles Jauffret, Des hommes et des femmes en guerre d'Algérie, Éditions Autrement, (ISBN 2746704218)
  • Sylvie Thénault, « L'histoire au musée : l'espace, les temps, les mots de l'Algérie coloniale », dans Éric Savarese, L'Algérie dépassionnée : Au-delà du tumulte des mémoires, Éditions Syllepse, (ISBN 9782849501849), p. 45-54

Notes et références

Notes
  1. Cette acception d'Algérie algérienne est attestée dès 1980 : Charles-Robert Ageron, L'Algérie algérienne, de Napoléon III à de Gaulle, Paris, Sinbad, 1980.
  2. Ou encore « favorable à l'Algérie française », « défenseur de l'Algérie française », « tenant de l'Algérie française », « sympathisant de l'Algérie française », etc.
  3. Les deux autres mots-clés étant étant « administration directe » et « dépersonnalisation ».
  4. Dans sa période coloniale, l'Algérie est parfois confondue avec l'Afrique, et souvent englobée dans l'ensemble maghrébin sous la dénomination d'Afrique du Nord. À cette dernière est souvent accolé l'adjectif « français » qui lui donne une « connotation coloniale », perçue par les nationalistes maghrébins comme un « désir de pérenniser l'entreprise de domination » des trois pays nord-africains (Frémeaux 2002, p. 15).
Références
  1. Résultats de recherche dans des sources académiques via Google Scholar, à partir de 1963 (année qui a suivi l'indépendance) : « intitle:"Algérie française" » (consulté le ) et « intitle:"Algérie coloniale" » (consulté le )
  2. Résultats de recherche dans des titres de publications via Revues.org : « "Algérie française" » (consulté le ) et « "Algérie coloniale" » (consulté le )
  3. Résultats de recherche dans des titres de publications via Persée : « "Algérie française" » (consulté le ) et « "Algérie coloniale" » (consulté le )
  4. a b et c Thénault 2008, p. 52.
  5. Lucienne Martini, « L'Algérie et les "Algériens" dans les lettres françaises avant 1962 », dans Racines de papier : Essai sur l'expression littéraire de l'identité pieds-noirs, Paris, Publisud, , 295 p. (ISBN 9782866007850, OCLC 37497081), p. 13« Jusqu'en 1830, il est peu question de l'Algérie dans les lettres françaises. [...] Le pays a, jusque là, été désigné par les termes les plus divers : "Barbarie", "El Djezair", "Numidie", "Africa", "Ifrikya", "Royaume d'Alger". Le nouvel espace délimité par la conquête, Régence d'Alger sous les Turcs, s'est, d'abord, juridiquement appelé : "Etablissements français du Nord de l'Afrique" ou "Possessions françaises dans le Nord de l'Afrique". Une ordonnance de Louis- Philippe, le 1er décembre 1831, institue "Algérie" à partir du nom d'Alger [...] ; l'appellation ne sera couramment employée qu'en 1838. Dans une lettre du 14 octobre 1839 adressée au maréchal Vallée, gouverneur, le Général Schneider, Ministre, Secrétaire d'Etat de la guerre, demande que le terme d'Algérie, "déjà consacré par une application constante dans les documents aux chambres législatives et dans plusieurs discours du trône" soit définitivement "substitué aux dénominations précédemment en usage". »
  6. Belkacem Mebarki, « Le texte littéraire algérien : brisures d'un imaginaire », Synergies Algérie, Sylvains-les-Moulins, Groupe d'études et de recherches pour le français langue internationale (GERFLINT), no 13,‎ , p. 13 (lire en ligne [PDF], consulté le ) — Extrait de l'ordonnance royale de 1831 : « Le pays occupé par les Français dans le Nord de l’Afrique sera, à l’avenir, désigné sous le nom d’Algérie. En conséquence, les dénominations d’ancienne Régence d’Alger et de possessions françaises dans le Nord de l’Afrique cesseront d’être employées dans les actes et les correspondances officielles », au vu de ce que mentionne Pierre Montagnon dans Histoire de l'Algérie : Des origines à nos jours, Paris, Pygmalion, (ISBN 9782857045427, OCLC 39376386), p. 157.
  7. Valentine Gauchotte, Les catholiques en Lorraine et la Guerre d'Algérie, L'Harmattan, (lire en ligne), p. 98.
  8. Vivien Vergnaud, « Front national, Marine Le Pen, Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch - leJDD.fr », sur LeJDD.fr (consulté le ).
  9. Alfonso De Toro, Translatio : Transmédialité et transculturalité en littérature, peinture, photographie et au cinéma - Amériques Europe Maghreb, L'Harmattan, (ISBN 9782336320519, lire en ligne), p. 340.
  10. Sylvie Thénault, « France-Algérie : pour un traitement commun du passé de la guerre d'indépendance », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, Presses de Sciences Po, vol. 1, no 1,‎ (ISBN 2724630025, ISSN 0294-1759, DOI 10.3917/ving.085.0119, résumé, lire en ligne).
  11. Claude Ardid et Luc Davin, Ascenseur pour les fachos, Editions PleinSud, (ISBN 9782877644327), p. 112.
  12. Jacques Capdevielle et René Mouriaux, Mai soixante-huit, Les Presses de Sciences Po, (ISBN 9782724605556, lire en ligne), p. 289.
  13. Jacques Delarue, « Éditorial. Quelle Algérie française ? », Matériaux pour l'histoire de notre temps « La guerre d'Algérie: les humiliés et les oubliés. », no 26,‎ , p. 2-5 (lire en ligne).
  14. Mouloud Feraoun, Journal, 1955-1962, éditions du Seuil, 1962, p. 337 (26 septembre 1961).
  15. Camus l'Algérien, Pierre-Louis Rey, L'Histoire, n°349 daté janvier 2010, page 8
  16. a et b Michel Winock, « La France et l'Algérie : 130 ans d'aveuglement », dans Yves Michaud, La guerre d'Algérie (1954-1962), Odile Jacob, (ISBN 2738111904), p. 16.
  17. (en) Ian Lustick, Unsettled States, Disputed Lands : Britain and Ireland, France and Algeria, Israel and the West Bank-Gaza, Cornell University Press, (ISBN 9780801480881, lire en ligne), p. 107.
  18. Verdès-Leroux 2001, p. 48.
  19. Achour Cheurfi, Dictionnaire de la révolution algérienne (1954-1962), Alger, Casbah Éditions, , 495 p. (ISBN 9961644786, lire en ligne), p. 32.
  20. Benyoucef Benkhedda, Les origines du 1er novembre 1954, Alger, Éditions Dahleb, , p. 36.
  21. Tahar Khalfoune et Gilbert Meynier, Repenser l'Algérie dans l'histoire, L'Harmattan, (ISBN 9782336002613), p. 18.
  22. Guy Pervillé, « La guerre d'Algérie parmi les guerres françaises du XXème siècle : essai de bilan (2000) », sur http://guy.perville.free.fr, (consulté le ).
  23. a et b Michelle Baussant, « Exils et construction de la mémoire généalogique : l'exemple des Pieds-Noirs », Pôle Sud, vol. 24, no 24,‎ , p. 29-44 (lire en ligne).
  24. Dominique Casajus, « Baussant, Michèle, 2002, Pieds-noirs : mémoires d'exils », Journal des africanistes, vol. 79, no 1,‎ , p. 284-286 (lire en ligne).
  25. Alexander Harrison, Le défi à de Gaulle : l'OAS et la contre-révolution en Algérie, 1954-1962, L'Harmattan, coll. « Histoire et perspectives méditerranéennes » (ISBN 9782296045767, lire en ligne), p. 127.
  26. Paul Siblot, « Algérien dans l'imbroglio des dénominations », Mots, vol. 57, no 57,‎ , p. 7-27.
  27. Sylvie Thénault, Algérie : des « événements » à la guerre — Idées reçues sur la guerre d'indépendance algérienne, Le Cavalier Bleu, coll. « Idées reçues », (ISBN 9782846703949), « L'Algérie, c'était la France. », p. 123-124.
  28. Frémeaux 2002, p. 14.