« Suites pour violoncelle seul de Bach » : différence entre les versions

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<n tempéré]] »), [[violoncelle]] (Suites pour violoncelle seul), et les Six [[Concertos brandebourgeois]].


Cette période tranche avec celle de [[Mühlhausen (Thuringe)|Mühlhausen]] et [[Weimar]], de [[1707]] à [[1717]] — 300 [[cantate]]s (cinq années de cycle liturgique), œuvres pour [[orgue]].
Cette période tranche avec celle de [[Mühlhausen (Thuringe)|Mühlhausen]] et [[Weimar]], de [[1707]] à [[1717]] — 300 [[cantate]]s (cinq années de cycle liturgique), œuvres pour [[orgue]].

Version du 4 décembre 2014 à 18:19

Les six suites pour violoncelle seul de Johann Sebastian Bach (BWV 1007 à 1012) sont considérées comme des classiques incontournables du répertoire de cet instrument.

Historique

Composition

De 1717 à 1723, Bach est maître de chapelle à la cour du prince Léopold de Anhalt-Cöthen. Le prince est musicien, attentionné et calviniste. Cette période heureuse de la maturité est propice à l'écriture de ses plus grandes œuvres instrumentales pour luth, flûte, violon (Sonates et partitas pour violon solo), clavecin (premier livre du « Clavier bienoejafgi rgh ba <n tempéré »), violoncelle (Suites pour violoncelle seul), et les Six Concertos brandebourgeois.

Cette période tranche avec celle de Mühlhausen et Weimar, de 1707 à 1717 — 300 cantates (cinq années de cycle liturgique), œuvres pour orgue.

L'éclipse et la redécouverte

Il faut voir deux raisons à l'éclipse que subirent les six suites : la faible popularité du violoncelle avant la période romantique, et celle, alors également limitée, de Bach.

Le violoncelle resta longtemps cantonné au rôle de faire-valoir ; il faut attendre la deuxième moitié du XVIIIe siècle pour que soit définitivement supplantée la basse de viole de gambe, et le XIXe siècle pour que soient acquises au violoncelle ses lettres de noblesse d'instrument soliste et concertant, notamment grâce à Ludwig van Beethoven, Johannes Brahms, Robert Schumann, Édouard Lalo, Jacques Offenbach, Camille Saint-Saëns, Antonín Dvořák, Felix Mendelssohn.

Bach connut, étrangement, un destin comparable : si les grands classiques que furent Wolfgang Mozart, Joseph Haydn ou Ludwig van Beethoven connaissaient, étudiaient, respectaient l'œuvre de Bach pour sa constante perfection formelle et sa maîtrise éclairante du contrepoint, et s'en inspiraient, il n'en restait pas moins démodé. Leurs héritiers romantiques, Felix Mendelssohn en tête, le sortiront de cet oubli pour le placer plus "hors des modes".

Malgré la première publication à Paris en 1824 le XIXe siècle ne sonna pas encore l'heure du réveil des suites : la musique se tournait de plus en plus résolument vers la musique orchestrale, et de Bach on jouait alors surtout les passions (Passion selon saint Matthieu, Passion selon saint Jean). Le tournant du siècle fut le temps de Wagner, Verdi, Mahler, des orchestres immenses et des opéras gigantesques.

Le XXe siècle fut plus favorable : Pablo Casals, tout jeune, se prit de passion pour les suites  ; son talent et son interprétation novatrice leur permirent d'acquérir la reconnaissance qu'elles méritent.

Les suites et le violoncelle moderne

Ces Suites sont un élément incontournable du répertoire pour violoncelle, d'abord en raison de leurs qualités musicales, ensuite pour leur intérêt pédagogique et théorique. Bach met en valeur toutes les possibilités polyphoniques de l'instrument.

L'interprétation des suites fait partie du cursus honorum du violoncelliste moderne : Pablo Casals, Pierre Fournier, Jacqueline du Pré, Paul Tortelier, André Navarra, Yo-Yo Ma, Mstislav Rostropovitch, Janos Starker, Anner Bylsma, Heinrich Schiff, Pieter Wispelwey, Raphaël Pidoux, Ophélie Gaillard, Jean-Guihen Queyras, Anne Gastinel et tant d'autres se sont pliés à l'exercice. Certains interprètes ont attendu la maturité pour enregistrer les Suites : Casals à plus de 60 ans (1936-1939), Pierre Fournier à 54 ans (1961), Navarra à 66 ans (1977) Tortelier à 47 (1961) puis 69 ans (1983), Bÿlsma à 45 et 58 ans (1979, 1992) Rostropovitch à 63 ans (1990), Yo-Yo Ma après 35 ans (1990, 1998). Starker enregistre une première fois les Suites à 33 ans en 1957 et reprend deux autres fois l'œuvre en 1963 et 1983 respectivement à 39 et 59 ans.

Dans l'ensemble, la difficulté technique modérée des trois premières suites ne fait aucunement obstacle à leur interprétation par tous. Certaines danses sont même parfaitement accessibles dès les premières années du débutant. Dans les conservatoires et écoles de musiques, les suites sont au programme de la majorité des concours et examens.

Les manuscrits

Jean-Sébastien Bach n'accéda pas de son vivant à la célébrité et fut considéré, tout au plus, comme un brillant compositeur et organiste. Mais après sa mort beaucoup de ses manuscrits furent perdus, parmi lesquels celui des suites pour violoncelle. Toutefois, trois copies nous sont parvenues :

Suites a

Violoncello Solo
senza
Basso
composées
par
H. J. S. Bach

Maître de Chapelle
  • Une copie de celle de Westphal, organiste à Hambourg et sans doute son élève :
Suiten mit Preluden

für das Violoncello
von

Joh. Seb. Bach

Ce manuscrit a la particularité de comprendre un phrasé et des ornements plus précis.

  • Une copie de Johann Peter Kellner, l'administrateur et ami de Bach, qui fut maître de Chapelle en Thuringe à Grafenrode. Il s'agit de la plus ancienne copie, datée des environs de 1726. Le manuscrit est amputé gravement d'une partie de la cinquième suite. Il pourrait s'agir une version antérieure des œuvres, plus tard corrigées par Bach. Le manuscrit Kellner pour sa part contient plus d'ornements que ceux d'Anna Magdalena[1].

À ces documents précieux s'ajoutent deux copies anonymes plus tardives de la moitié du siècle, qui à l'évidence – coups d'archets judicieux – sont de la main d'interprètes pour leur usage personnel. En outre, il existe la copie de Bach de la version pour luth de la cinquième suite.

Analyse des suites

Généralités

Les six suites suivent un plan de suite de danses avec ses quatre danses obligatoires : allemande, courante, sarabande et gigue, toutes dans la même tonalité.

Le plan, somme toute classique, retenu par Bach est :

  • un prélude
  • une allemande, pièce au contrepoint très structuré, ancêtre de l'allegro de sonate.
  • une courante
  • une sarabande, ancêtre du mouvement lent de la sonate.
  • des « galanteries » (une pièce « double » : menuet, gavotte ou bourrée), qui, pour les trois premières suites, comporte une première partie dans la tonalité principale, et une deuxième dans le mode opposé. Cette pièce est l'ancêtre du troisième mouvement de la sonate (scherzo-trio)
  • une gigue, ancêtre du mouvement vif conclusif de la sonate.

Les deux premières suites comportent un menuet, les suites III et IV une bourrée et les deux dernières une gavotte.

Les suites se démarquent dans l'œuvre de Bach par leur continuité ; il semble probable que Bach lui-même les ait écrites comme un cycle :

  • l'ordre des mouvements est particulièrement stable et ne présente aucune irrégularité, y compris dans l'ajout des intermèdes ou galanteries ce qui ne se retrouve pas dans les autres « cycles » de suites de Bach ;
  • la complexité technique augmente de suite en suite,
    • les trois premières suites sont écrites dans des tonalités ne présentant aucune difficulté au violoncelle — sol majeur (les fa dièses sont d'accès aisé à toutes les positions), mineur (si bémol et do dièse) et do majeur (pas d'accidents),
    • la quatrième suite est écrite en mi bémol majeur, tonalité plus complexe au violoncelle (en particulier à cause du la bémol)
    • la cinquième suite ajoute une scordatura,
    • la sixième suite, écrite pour violoncelle à cinq cordes, est la plus virtuose ;
  • la richesse émotionnelle progresse, culminant dans les cinquième (la plus sombre, en do mineur) et sixième suites (d'un style plus libre, souvent proche de la cadenza).

Seuls le second menuet de la première suite, la gigue de la quatrième suite, la sarabande et la seconde gavotte de la cinquième suite (si on ne considère pas l'unisson sol-sol comme un accord) ne comportent pas d'accords.

Les suites

Suite pour Violoncelle N° 1. BWV 1007. Sol Majeur (1720)

Fichiers audio
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Le Prélude est sans doute le mouvement le plus connu de toutes les suites pour violoncelle, car entendu de nombreuses fois à la télévision ou dans les films. Il consiste principalement en une succession d'arpèges.

Extrait des danses de la première suite
Extrait des danses de la première suite

Suite pour Violoncelle N° 2. BWV 1008. Ré mineur (1721)

Suite pour Violoncelle N° 3. BWV 1009. Do Majeur (1722)

Suite pour Violoncelle N° 4. BWV 1010. Mi bémol Majeur (1723)

Suite pour Violoncelle N° 5. BWV 1011. Do mineur (1724)

Écrite pour un violoncelle avec scordatura : do, sol, , sol. Cet accord particulier, qui double le sol « à vide » confère un timbre particulier à l'instrument, le sol aigu faisant vibrer le sol et le do graves. Beaucoup de violoncellistes interprètent cette suite sur un violoncelle accordé normalement et si certains accords deviennent alors inaccessibles, des lignes mélodiques sont aussi d'une articulation plus aisée.

D'une façon générale, cette suite est d'un goût plus français que les autres.

  • le prélude est décomposé en deux parties (il s'agit d'une ouverture à la française) : un grave lent, sombre et solennel, exploitant richement les possibilités du violoncelle pour simuler des effets de pédale puis une fugue vive et virtuose, terminée par une forme de cadence ou de toccata.
  • la gigue est dans le style français, plutôt que dans le style italien des cinq autres suites.

Il existe de Bach (BWV 995) un manuscrit de cette suite pour luth.

Suite pour Violoncelle N° 6. BWV 1012. Ré Majeur (1725)

Cette suite fut écrite pour un instrument à cinq cordes (une corde aiguë, accordée à mi, une quinte au-dessus du la aigu). Cependant la nature exacte de l'instrument n'est pas précisée.

Elle fut peut-être écrite pour Viola pomposa, un petit (60 cm) violoncelle à cinq cordes, aussi nommé Violoncello piccolo. L'identité de cet instrument est discutée ; toutefois le manuscrit d'Anna Magdalena précise que la suite est écrite pour instrument à cinq cordes ; de plus, elle est la seule des six suites à utiliser la clef d'Ut quatrième (ténor). L'instrument pourrait aussi être une version du violoncello piccolo plus proche de l'alto, instrument dont Bach aimait jouer et certaines cantates écrites à Leipzig (1724–1726) le requiert.

Il est aussi possible que Bach n'ait pas décidé de préciser pour quel instrument à cinq cordes il écrivait afin de ne pas restreindre les possibilités d'interprétation, sage décision au vu de l'inventivité débordante de la lutherie du XVIIIe siècle ainsi que de la forte variation des formes d'instruments au travers de l'Europe. On a par exemple retrouvé un stradivarius à cinq cordes. La cantate Gott ist mein König (BWV 71) semble lui donner une partie. Cet instrument à cinq cordes n'était donc pas rare à l'époque[1].

La plupart des violoncellistes jouent cette suite sur un violoncelle à quatre cordes (Anner Bylsma, Alexander Rudin ou Pieter Wispelwey utilisent un instrument à 5 cordes), ceci rendu plus aisé avec l'invention de la « position du pouce » et l'ajout de la pique, au XIXe siècle.

Cette suite est celle dont le style est le plus libre et souvent le plus virtuose. Elle se rapproche souvent de la cadence, avec rythmes irréguliers et ornements écrits.

Voir aussi

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Les partitions sont disponibles sur Wikisource.

Illustration au cinéma

Les suites pour violoncelle seuls de Bach représentent non seulement l'accompagnement musical du téléfilm Six crimes sans assassins mais aussi un de ses thèmes. Le personnage principal du film, commissaire de police à la retraite joué par Jean-Pierre Marielle les écoute quotidiennement, chaque lundi la première, la deuxième mardi et ainsi de suite jusqu'au dimanche où il choisit l'une des six et s'efforce de faire partager cette passion à l'écrivain qui se charge de sa biographie joué par Fabrice Luchini.

Liens externes

Notes et références

  1. a et b Steven Isserlis (2007), livret de son disque chez Hyperion.