Aller au contenu

« Cinéma japonais » : différence entre les versions

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
typographie
Harmonide (discuter | contributions)
 
(23 versions intermédiaires par 17 utilisateurs non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
[[Fichier:Japan film clapperboard.svg|115px|droite]]
{{Mettre à jour||date=juin 2019}}
[[Image:Japanfilm.png|right]]

[[Fichier:Tokyo monogatari poster.jpg|vignette|Affiche du film ''[[Voyage à Tokyo]]'' de [[Yasujirō Ozu]].]]
[[Fichier:Tokyo monogatari poster.jpg|vignette|Affiche du film ''[[Voyage à Tokyo]]'' de [[Yasujirō Ozu]].]]
[[Fichier:Ugetsu monogatari poster.jpg|vignette|Affiche du film ''[[Les Contes de la lune vague après la pluie]]'' de [[Kenji Mizoguchi]].]]
[[Fichier:Ugetsu monogatari poster.jpg|vignette|Affiche du film ''[[Les Contes de la lune vague après la pluie]]'' de [[Kenji Mizoguchi]].]]


Le {{japonais|'''cinéma japonais'''|日本映画|Nihon eiga}}, également connu sous le nom de '''hōga''' (邦画, « cinéma national »), a une histoire qui date des débuts du cinéma. Le Japon possède l'une des industries cinématographiques les plus anciennes et les plus importantes au monde (en 2021, il est quatrième en nombre de longs métrages produits<ref>{{lien web|titre=Top 50 countries ranked by number of feature films produced, 2005–2010 |url=http://screenaustralia.gov.au/research/statistics/acompfilms.asp |site=Screen Australia |consulté le=2012-07-14 |archive-url=https://web.archive.org/web/20121027152501/http://screenaustralia.gov.au/research/statistics/acompfilms.asp |archive-date=October 27, 2012 }}</ref>). En 2011, le Japon a produit 411 longs métrages qui ont rapporté 54,9 % d'un total de 2,338 milliards $ au box-office<ref>{{lien web| titre=Japanese Box Office Sales Fall 18% in 2011| url=http://www.animenewsnetwork.com/news/2012-01-26/japanese-box-office-sales-fall-18-percent-in-2011| site=[[Anime News Network]]|date=2012-01-26| consulté le=2012-01-28}}</ref>.
Le '''cinéma japonais''' a une histoire qui date des débuts du cinéma. C'est actuellement le troisième cinéma mondial pour le nombre de films produits derrière le [[cinéma indien]] et le [[cinéma chinois]]<ref>{{Lien web|langue=Français|titre=Quel pays produit le plus de films ? Combien d'écrans 3D dans le monde ? Le cinéma en chiffres.|url=http://www.slate.fr/culture/87229/pays-films-ecrans-cinema-data|site=slate.fr|date=17/05/2014|consulté le=18/12/2017}}</ref>.

Au cours des années 1950 a lieu une période surnommée l'« âge d'or du cinéma japonais ». Les films ''[[jidai-geki]]'' d'[[Akira Kurosawa]] ainsi que les ''[[tokusatsu]]'' d'[[Ishirō Honda]] et [[Eiji Tsuburaya]] connaissent un succès mondial et rendent ces réalisateurs universellement reconnus et très influents. Certains des films japonais de cette période sont désormais classés parmi les [[Liste des meilleurs films jamais réalisés|meilleurs films jamais réalisés]] : ''[[Voyage à Tokyo]]'' (1953) est classé troisième dans la liste de ''[[Sight and Sound|Sight & Sound]]'' des 100 plus grands films de tous les temps<ref>{{lien web|titre=The 100 Greatest Films of All Time {{!}} Sight & Sound|url=https://www2.bfi.org.uk/greatest-films-all-time|consulté le=2021-01-13|website=British Film Institute|langue=en}}</ref> et est également en tête du classement de 2012 après sondage de réalisateurs, détrônant ''[[Citizen Kane]]''<ref name="director2012">{{lien web|url=http://www.bfi.org.uk/news/sight-sound-2012-directors-top-ten |titre=Directors' 10 Greatest Films of All Time |site=Sight & Sound |éditeur=British Film Institute |date=December 4, 2014}}</ref>{{,}}<ref>{{lien web|url=http://www.bfi.org.uk/films-tv-people/sightandsoundpoll2012/directors |titre=Directors' Top 100 |année=2012 |site=Sight & Sound |éditeur=British Film Institute}}</ref>, tandis que ''[[Les Sept Samouraïs]]'' (1954) d'Akira Kurosawa est élu meilleur film en langue étrangère de tous les temps dans le sondage de 2018 de la [[BBC]] auprès de 209 critiques de 43 pays<ref name="bbc">{{lien web|url=http://www.bbc.com/culture/story/20181029-the-100-greatest-foreign-language-films|titre=The 100 greatest foreign-language films|website=BBC Culture|date=29 October 2018|langue=en|consulté le=1 novembre 2018}}</ref>. Le Japon a également remporté cinq fois l'[[Oscar du meilleur film international|Oscar du meilleur film en langue étrangère]]<ref>{{lien web|url=https://www.oscars.org/news/academy-announces-rules-92nd-oscars |titre=Academy announces rules for 92nd Oscars |site=Academy of Motion Picture Arts and Sciences |date=April 23, 2019 |consulté le=14 février 2021}}</ref>{{,}}<ref>{{lien web|url=https://www.forbes.com/sites/jeffewing/2019/04/24/academy-announces-rule-changes-for-92nd-oscars/#7b9d85ac3d5b |titre=Academy Announces Rule Changes For 92nd Oscars |site=Forbes |consulté le=14 février 2021}}</ref>, plus que tout autre pays asiatique<ref>{{lien web|url=https://awardsdatabase.oscars.org/ |titre=The Official Academy Awards Database |consulté le=4 août 2021}}</ref>.

Les quatre grands studios de cinéma japonais sont la [[Tōhō]], la [[Toei Company|Toei]], la [[Shōchiku]] et la {{Lien|langue=en|trad=Kadokawa Daiei Studio|texte=Kadokawa}}, qui sont les seuls membres de l'Association des producteurs cinématographiques du Japon (MPPAJ). Les [[Japan Academy Prize|prix de l'académie japonaise]], qui se tiennent chaque année, organisés par l'association Nippon Academy-shō, sont considérée comme l'équivalent japonais des [[Césars du cinéma|Césars]] et des [[Oscars|Oscars du cinéma]].


== Histoire du cinéma japonais ==
== Histoire du cinéma japonais ==
=== Les débuts ===
=== Les débuts ===
Les premiers films, ceux de [[Thomas Edison]] qui adopte le mot anglais film pour désigner les bobineaux enregistrés avec la [[caméra|première caméra de cinéma]], le [[Kinétographe]], par son assistant [[William Kennedy Laurie Dickson]], sont connus des [[Japonais]] dès {{date|novembre 1896|au cinéma}} car ils sont présentés à [[Kobe]]<ref name="tessier">{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=[[Max Tessier]] |lien auteur1=Max Tessier |titre=Le Cinéma japonais |éditeur=Armand Colin |collection=128 |lieu=Paris |année=2005 |pages totales=128 |passage=15 |isbn=2-200-34162-8}}</ref> à l’aide des [[kinétoscope]]s, les appareils de visionnement individuel mis au point par Dickson d’après les croquis de l’industriel américain<ref>{{Grammaire du cinéma|passage=15}}</ref>.
Les premiers films, ceux de [[Thomas Edison]] qui adopte le mot anglais film pour désigner les bobineaux enregistrés avec la [[caméra|première caméra de cinéma]], le [[Kinétographe]], par son assistant [[William Kennedy Laurie Dickson]], sont connus des [[Japonais]] dès {{date|novembre 1896|au cinéma}} car ils sont présentés à [[Kobe]]<ref name="tessier">{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=[[Max Tessier]] |lien auteur1=Max Tessier |titre=Le Cinéma japonais |éditeur=Armand Colin |collection=128 |lieu=Paris |année=2005 |pages totales=128 |passage=15 |isbn=2-200-34162-8}}.</ref> à l'aide des [[kinétoscope]]s, les appareils de visionnement individuel mis au point par Dickson d'après les croquis de l'industriel américain<ref>{{Grammaire du cinéma|passage=15}}</ref>.


Puis ce sont deux opérateurs des [[frères Lumière]], [[Gabriel Veyre]] et [[François-Constant Girel]], qui organisent des [[projection cinématographique|projections sur grand écran]] à [[Osaka]] en [[1897 au cinéma|1897]] à l’aide d'un [[cinématographe]]<ref name="tessier"/>. Une présentation du [[vitascope]] qu’Edison aligne contre ses concurrents français est faite à Osaka puis à [[Tokyo]], mais la première caméra importée au Japon par [[Shirō Asano (réalisateur)|Shirō Asano]] porte la marque Lumière.
Puis ce sont deux opérateurs des [[frères Lumière]], [[Gabriel Veyre]] et [[François-Constant Girel]], qui organisent des [[projection cinématographique|projections sur grand écran]] à [[Osaka]] en [[1897 au cinéma|1897]] à l'aide d'un [[cinématographe]]<ref name="tessier"/>. Une présentation du [[vitascope]] qu'Edison aligne contre ses concurrents français est faite à Osaka puis à [[Tokyo]], mais la première caméra importée au Japon par [[Shirō Asano (réalisateur)|Shirō Asano]] porte la marque Lumière.


C’est [[Shibata Tsunekichi]] qui commence à tourner les premiers films : il s'agit de scènes de rues et de [[geisha]]s<ref name="Richie">Cf. {{Ouvrage |langue=fr |langue originale=en |auteurs=Donald Richie |traducteur=[[Romain Slocombe]] |titre=Le Cinéma japonais |éditeur=Édition du rocher |lieu=Paris |année=2005 |pages totales=402 |passage=23 |isbn=2-268-05237-0}}</ref>.
C'est [[Shibata Tsunekichi]] qui commence à tourner les premiers films : il s'agit de scènes de rues et de [[geisha]]s<ref name="Richie">Cf. {{Ouvrage |langue=fr |langue originale=en |auteurs=Donald Richie |traducteur=[[Romain Slocombe]] |titre=Le Cinéma japonais |éditeur=[[Éditions du Rocher]] |lieu=Paris |année=2005 |pages totales=402 |passage=23 |isbn=2-268-05237-0}}.</ref>.


=== Le cinéma muet et les débuts du cinéma parlant ===
=== Le cinéma japonais sous l'empire ===
La première star japonaise est un acteur de [[kabuki]], [[Matsunosuke Onoe]], qui apparaît dans près d'un millier de films entre 1909 et 1926. La première actrice reconnue est la danseuse classique Tokuko Nagai Takagi, qui apparaît dans quatre films produits par la compagnie américaine [[Thanhouser Company|Thanhouser]] entre 1911 et 1914<ref>Aaron M. Cohen [http://www.brightlightsfilm.com/30/tokuko.html Bright Lights Film Journal 30] octobre 2000.</ref>.


Le cinéma japonais comme forme d'expression artistique commence son histoire en [[1899]] avec le tournage de ''[[Promenade sous les feuillages de l'érable|Momijigari]]'', tiré d'une pièce de ''[[kabuki]]''. Lors de ses deux premières décennies, le nouvel art se conçoit comme une extension d'expressions artistiques nationales préexistantes. Le film sert à compléter une œuvre ou à lui fournir une nouvelle dimension en adaptant à l'écran un contenu conçu pour la scène. Les conteurs de [[Théâtre de marionnettes|spectacles de marionnettes]], les ''[[gidayū-bushi]]'', servent de commentateurs de [[Cinéma muet|films muets]], ou ''[[benshi]]''. Dans les premières productions cinématographiques de la période, sont adaptés des genres théâtraux relevant du ''kabuki'' — comme le ''[[shinpa]]'' (mélodrames) ou le ''[[shingeki]]'' (« nouveau drame »)<ref>{{Harvsp|Taylor Atkins|2017|p=110}}.</ref>. Divers récits classiques constituent eux aussi une importante source d'inspiration — comme l'histoire des [[47 rōnin]], portée {{nobr|45 fois}} à l'écran entre [[1907]] et [[1925]], et plus encore les années suivantes<ref name="Totman 2005 P419">{{Harvsp|Totman|2005|p=419}}.</ref>. Ce nouveau média joue aussi un rôle non négligeable lors de la [[guerre russo-japonaise]] de [[1904]]-[[1905]], en informant les [[Japon]]ais au travers de [[faux documentaire]]s qui mêlent images originales du conflit et plans créés pour l'occasion<ref name="E. Taylor Atkins P.111"/>.
[[Shōzō Makino]] popularise le genre ''[[Chanbara|jidaigeki]]''. Il tourne en décors naturels, prologue à la sortie du film japonais de l'univers théâtral. Les films sont encore muets, et les cinémas emploient des ''[[benshi]]'', qui commentent ou interprètent la bande-son des films, parfois accompagnés de musique jouée par un orchestre. Leur grande popularité explique en partie le retard du Japon à passer massivement au cinéma parlant dans la seconde moitié des [[années 1930]]. Il ne subsiste que très peu de films de cette époque, car ils ont été détruits par le [[tremblement de terre de Kantō de 1923|tremblement de terre de 1923]] ou les bombardements de la [[Seconde Guerre mondiale]]. Le séisme de 1923 inspire des [[Mélodrame (cinéma)|mélodrames]] larmoyants comme ''[[La chansonnette du passeur]]'' de [[Daisuke Itō (réalisateur)|Daisuke Itō]].


Ce n'est que vers la fin des [[années 1910]], alors qu'affluent de nombreux films étrangers, que le cinéma japonais commence à intégrer des techniques et des styles narratifs plus proches des modèles [[occident]]aux de la même époque<ref name="E. Taylor Atkins P.111">{{Harvsp|Taylor Atkins|2017|p=111}}.</ref>. La rupture est portée par de nouveaux studios de production comme [[Shōchiku]] et [[Taishō Katsuei|Taikatsu]] (créés en [[1920]]), alors que des studios plus anciens comme [[Nikkatsu]] ou [[Tennenshoku Katsudō Shashin|Tenkatsu]] font plus longtemps perdurer leurs liens stylistiques avec d'autres formes artistiques comme le ''kabuki''<ref name="E. Taylor Atkins P.113"/>. Le pays produit aussi ses premiers ''[[anime]]'', style dont [[Noburō Ōfuji]] devient l'un des principaux représentants<ref name="E. Taylor Atkins P.114">{{Harvsp|Taylor Atkins|2017|p=114}}.</ref>. Les ''benshi'', commentateurs de films muets, perdurent tout au long des [[années 1920]] et jusqu'au début des [[années 1930]], et lors de cette période, connaissent même une phase de [[Star de cinéma|starification]]. Leur rôle tend cependant à s'effacer pendant la projection du film au profit des acteurs<ref>{{Harvsp|Taylor Atkins|2017|p=112}}.</ref>, et il périclite au milieu des [[années 1930]], lors de l'arrivée des [[Cinéma sonore|films parlants]]<ref name="E. Taylor Atkins P.113">{{Harvsp|Taylor Atkins|2017|p=113}}.</ref>. Le Japon produit son premier film parlant en [[1931]], ''[[Mon amie et mon épouse|Madamu to nyōbō]]'', mais ce n'est que dans la seconde moitié des [[années 1930]] que cette technique s'impose réellement<ref name="E. Taylor Atkins P.114"/>. L'industrie cinématographique connaît une forte croissance à partir de la fin des [[années 1920]], grâce à ses succès d'audience. Entre [[1928]] et [[1938]], plus de {{nobr|700 films}} sortent en salles chaque année, ce qui hisse le pays à la première place mondiale en matière de production cinématographique<ref name="E. Taylor Atkins P.115">{{Harvsp|Taylor Atkins|2017|p=115}}.</ref>. En [[1940]], le pays compte une dizaine de grandes compagnies cinématographiques<ref name="Totman 2005 P419"/>.
Daisuke Itō est peut-être le premier cinéaste, au sens d'utiliser le médium cinéma comme expression artistique en tant que telle et non seulement comme une production industrielle, lorsqu'il réalise en [[1927]] ''[[Le Journal de voyage de Chuji|Journal de voyage de Chûji]]'', après avoir écrit de nombreux scénarios de commande. Au même moment [[Teinosuke Kinugasa]], acteur de kabuki, réalise des films marqués par une forte influence européenne. C'est le temps des films « à tendance » qui, sur fond de crise économique et sociale, tentent d'illustrer les conséquences négatives et contradictions du [[capitalisme]] avant que la censure ne mette fin à cette ambition critique.


<gallery mode="packed">
C'est ce contexte qui favorise l'émergence ou impose une autre orientation : libéré des contraintes figées du théâtre, l'intérêt pour la vie quotidienne au sein du foyer japonais se développe afin d'éviter les thèmes idéologiques. C'est le début du premier âge d'or du cinéma japonais, avec ''[[Gosses de Tokyo]]'' de [[Yasujirō Ozu]] ([[1932 au cinéma|1932]]), ''[[L'Élégie d'Osaka]]'' et ''[[Les Sœurs de Gion]]'' de [[Kenji Mizoguchi]] ([[1936 au cinéma|1936]]).
Fichier:Momijigari (1899).webm|''[[Promenade sous les feuillages de l'érable|Momijigari]]'', premier film japonais, tourné en [[1899]].|alt=Film montrant une pièce de ''kabuki''.
Fichier:Katsudō Shashin (1907).webm|''[[Katsudō Shashin]]'', plus ancienne animation du Japon.|alt=Dessin animé montrant un garçonnet en train de dessiner un titre.
Fichier:Kouichi Jun'ichi - Namakura Gatana (1917) - 4-minute restored version.webm|''[[Namakura Gatana]]'', l'un des plus anciens ''[[anime]]'' produits dans le pays.|alt=Dessin animé : un samurai en costume marche et fait diverses actions.
Fichier:Goketsu Jiraiya (1921).webm|''[[Jiraiya le ninja]]'', court métrage muet de [[1921]].|alt=Film de samurai, compenant plusieurs scènes et divers combats au sabre.
Fichier:Burglars of Baghdad Castle (1926).webm|''Baguda-jō no tōzoku'', l'un des premiers ''anime'' de [[Noburō Ōfuji]], sorti en [[1926]].|alt=Dessin animé
</gallery>


Dès les [[années 1920]], la production cinématographique commence à se polariser autour de deux genres majeurs, le ''[[jidai-geki]]'' (films traitant de récits historiques) et le ''[[gendaigeki]]'' (films traitant de récits contemporains)<ref name="E. Taylor Atkins P.115"/>. Le [[séisme du Kantō de 1923]], qui frappe durement la région de [[Tokyo]], pousse la plupart des studios à déménager dans l'ouest du pays et à s'établir à [[Kyoto|Kyōto]], [[Osaka|Ōsaka]] et [[Kobe|Kōbe]] : c'est là que s'épanouit le style du ''jidai-geki''. Le studio Shōchiku reste quant à lui à Tokyo, où il est le seul studio actif entre [[1923]] et [[1934]], et où il se distingue par la qualité de ses productions relevant du ''gendaigeki''. Lors des années 1920 et 1930, une certaine spécialisation s'opère entre ces deux espaces<ref>{{Harvsp|Mitsuyo Wada-Marciano|2008|p=5|id=Mitsuyo Wada-Marciano 2008}}.</ref>. Un sous-genre du ''jidai-geki'' comme le ''[[chanbara]]'' (film se concentrant sur les combats au sabre) connaît un succès certain et contribue à la naissance des premières stars — comme [[Tsumasaburō Bandō]], qui joue dans ''[[Orochi (film, 1925)|Orochi]]'' en [[1925]]<ref name="E. Taylor Atkins P.115" />. Avec la sortie en [[1936]] de ''[[L'Élégie d'Osaka|Naniwa erejii]]'', le style du ''gendaigeki'' compte l'un de ses représentants d'avant-guerre les plus aboutis<ref name="E. Taylor Atkins P.116">{{Harvsp|Taylor Atkins|2017|p=116}}.</ref>, alors que dans le même genre, ''[[Gosses de Tokyo]]'' d'[[Yasujirō Ozu|Ozu]], sorti en [[1932]], reste dans le registre du film muet<ref>{{Harvsp|Mitsuyo Wada-Marciano|2008|p=2|id=Mitsuyo Wada-Marciano 2008}}.</ref>. ''Orochi'' comme ''Naniwa erejii'' parviennent à véhiculer une critique politique et sociale de leur société, s'attirant à la fois l'attention du public et celle de la [[censure]]<ref name="E. Taylor Atkins P.115"/>{{,}}<ref name="E. Taylor Atkins P.116"/>.
En 1936, les studios de la compagnie [[Shōchiku]] quittent le quartier de [[Kamata]] à Tokyo pour s'installer à {{lien|langue=ja|trad=大船|fr=Ōfuna (Kamakura)|texte=Ōfuna}}, dans la [[préfecture de Kanagawa]], et commencent à promouvoir des stars comme [[Kinuyo Tanaka]] ou [[Hiroko Kawasaki|Hiroko Kazasaki]]<ref>Tadao Sato, ''Le cinéma japonais'', tome 1, {{p.|206}} {{ISBN|978-2-85850-919-5}}</ref>.


Dans les [[années 1930]], la montée du militarisme constitue une contrainte majeure pour la production cinématographique : une loi de [[1939]] impose des règles de censure plus drastiques, et en [[1940]], l'État impose la fusion de plusieurs studios, ce qui lui permet de mieux contrôler la production. Le genre du [[film de guerre]] se développe rapidement, avec des productions comme ''[[Les Cinq Éclaireurs]]'' ([[1938]]), ''[[Ashihei Hino|Boue et soldats]]'' (1939) ou ''[[L'Histoire du commandant de chars Nishizumi]]'' ([[1940]])<ref>{{Harvsp|Taylor Atkins|2017|p=174}}.</ref>. Dans chacun de ces films, la guerre est le plus souvent présentée comme une expérience anoblissante pour l'homme ou comme un moyen de purifier la société, et le [[scénario]] fait résonance aux valeurs japonaises du [[Bushido|bushidō]], prônées par le régime. Un tel message se retrouve aussi dans les ''jidai-geki'' produits au même moment, comme ''[[La Vengeance des 47 rōnin]]'', qui partage le goût pour des décors opulents avec d'autres films du même style produits à la même époque<ref>{{Harvsp|Taylor Atkins|2017|p=175}}.</ref>. À l'occasion, les ''jidai-geki'' relaient également la propagande anti-alliés : ''[[Ahen senso]]'' ([[1943]]), avec la [[première guerre de l'opium]] pour toile de fond, véhicule ainsi un message [[anglophobie|anglophobe]]<ref>{{Article |langue=en |auteur1=David Desser |titre=From the Opium War to the Pacific War: Japanese Propaganda Films of World War II |périodique=Asian Cinema |volume=7 |numéro= 1|date=printemps 1995 |pages=32-48 |lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/3815159 |consulté le=14 mai 2023 }}.</ref>. Ciblant aussi le public des enfants, la propagande contribue à la production de plusieurs films ''anime''. Entre [[1933]] et [[1938]], le personnage de [[Norakuro]] fait l'objet de quatre adaptations<ref>{{Harvsp|Taylor Atkins|2017|p=178}}.</ref>, et la technique d'animation effectuée sur ''[[Momotaro, le divin soldat de la mer]]'', sorti en {{date|avril 1945}}, reste inégalée jusqu'à la fin des [[années 1950]]<ref>{{Harvsp|Taylor Atkins|2017|p=179}}.</ref>.
Le {{date|26 février 1936}}, des officiers fomentent un coup d'État qui échoue mais qui symbolise l'essor inexorable du [[Militarisme japonais|militarisme]]. La veille, l'Association des réalisateurs japonais était fondée, ce qui permet à [[Tomu Uchida]] de réaliser ''[[Le Progrès éternel]]'' (1937) sur une idée d'Ozu, au moment même où débute la [[Guerre sino-japonaise (1937-1945)|guerre sino-japonaise]]. En [[1937 au cinéma|1937]], [[Sadao Yamanaka]] réalise son dernier film, ''[[Pauvres humains et ballons de papier]]'', tenu par [[Kiyoshi Kurosawa]] comme le chef-d'œuvre du cinéma japonais, œuvre dominée par le thème de la mort. Yamanaka meurt l'année suivante sur le front chinois, à 28 ans.


<gallery mode="packed">
=== Pendant la guerre ===
Fichier:Naniwa erejii poster.jpg|Affiche de ''[[L'Élégie d'Osaka|Naniwa erejii]]''.|alt=Affiche sur laquelle est dessinée une femme en train de fumer.
Au début de la [[guerre sino-japonaise (1937-1945)|guerre sino-japonaise]], une loi mettant la production cinématographique sous contrôle du gouvernement est mise en place le {{Date|1|octobre|1939}}. Les professionnels doivent avoir une autorisation du pouvoir japonais. Ainsi, la censure est appliquée avant même les tournages<ref>Tadao Sato, {{op. cit.}}, tome 1, {{p.|208-209}}</ref>. Cette même année, ''[[Le Goût du riz au thé vert]]'' de [[Yasujirō Ozu]] ne passe pas cette censure préalable ; décrire l'oisiveté de femmes bourgeoises n'est pas autorisé en temps de guerre. En 1940, les autorités vont jusqu'à interrompre une projection du [[documentaire]] ''[[Les Soldats au combat]]'' et retirer son droit d'exercer au réalisateur [[Fumio Kamei]] pour ses idées [[Marxisme|marxistes]]<ref>Tadao Sato, {{op. cit.}}, tome 1, {{p.|211}}</ref>.
Fichier:Orochi film2.jpg|''[[Orochi (film, 1925)|Orochi]]'', un des premiers classiques du ''[[chanbara]]''.|alt=Photo d'un homme brandissant une épée, entouré d'autres hommes armés et menaçants.
Le chef-d'œuvre de [[Tomotaka Tasaka]], ''[[Terres et soldats]]'' (1939), décrit les souffrances de la guerre tout en exaltant le militarisme nippon<ref>Tadao Sato, {{op. cit.}}, tome 1, {{p.|214}}</ref>.
Fichier:I Was Born, But... 1932.jpg|''[[Gosses de Tokyo]]'' d'[[Yasujirō Ozu|Ozu]].|alt=Photo de trois enfants assis.
Fichier:Five Scouts 1938.jpg|''[[Les Cinq Éclaireurs]]'', [[film de guerre]] produit en [[1938]].|alt=Photo d'un soldat regardant vers le coin supérieur droit.
Fichier:Genroku Chūshingura 02.jpg|D'une durée de quatre heures trente, ''[[La Vengeance des 47 rōnin]]'' adopte des décors opulents.|alt=Photo d'une riche habitation montrant un groupe d'hommes dans un long couloir donnant vers l'extérieur.
</gallery>


=== L'après-guerre ===
Des films ne parlant pas directement de la guerre sont acceptés comme la ''trilogie de l'art'' réalisée par [[Kenji Mizoguchi]] d'après des scénarios de [[Yoshikata Yoda]] : ''[[Conte des chrysanthèmes tardifs]]'' (1939), ''[[La Femme de Naniwa]]'' (1940) et ''[[La Vie d'un acteur]]'' (1941) sont une apologie du sacrifice de soi, finalement proches des thèmes des films militaristes<ref>Tadao Sato, {{op. cit.}}, tome 1, {{p.|217}}</ref>.

En 1941, alors que la guerre prend de l'ampleur, le « Bureau d'information publique » veut limiter la production en ne gardant que deux ''geki eiga'' ([[Fiction|films de fiction]]) par mois produits par deux compagnies seulement, alors que la [[Nikkatsu]], [[Shōchiku]], [[Tōhō]], [[Shinko]] et [[Daito (entreprise)|Daito]] présentent alors environ un nouveau film par semaine. Les différentes compagnies sont fusionnées en deux compagnies : la Shōchiku et la Tōhō. Néanmoins, [[Masaichi Nagata]] de [[Shinko cinema]] intervient pour permettre la création en 1942 de ce qui deviendra la [[Daiei (production)|Daiei]]<ref name="ReferenceA">Tadao Sato, {{op. cit.}}, tome 1, {{p.|223}}</ref>. Beaucoup de professionnels abandonnent leur emploi. Les jeunes employés partent à la guerre. Dans les territoires occupés comme les [[Philippines]], l'[[Indonésie]] ou la [[Mandchourie]], des [[Propagande|films de propagande]] sont tournés<ref name="ReferenceA"/>.

[[Kajirō Yamamoto]] réalise des [[Parodie|parodies]] avec le comique Enoken avant de réaliser des films de propagande militaristes dans lesquels sont expérimentées des techniques de prises de vue qui seront reprises sur le plateau des [[Godzilla]].

Tous les genres contribuent à la propagande. ''[[La Vengeance des 47 rōnin]]'' (en deux parties, 1941-1942), un ''reshiki-geki'' (dramatique historique) fleuve de 3 h 35 de Mizoguchi, reconstitue très esthétiquement l'histoire célèbre des [[47 rōnin|47 ''rōnin'']]. Ozu tourne en 1942 ''[[Il était un père]]'' qui décrit un père ayant un sens élevé de ses responsabilités. Le scénario est donc conforme aux idées de l'État dans la guerre bien que le scénario ait été écrit en 1937. [[Keisuke Kinoshita]] cède lui aux exigences de la propagande avec, en [[1943 au cinéma|1943]], ''[[Le Port en fleurs]]'', tout en réalisant une comédie populaire. Mais son manque d'enthousiasme militariste l'écartera de la réalisation de ''Kamikazes'', un film patriotique<ref>Tadao Sato, {{op. cit.}}, tome 1, {{p.|240}}.</ref>.

En 1943, l'exemption de service militaire pour les étudiants est levée. En 1945, neuf membres de la compagnie de théâtre Sakuratai meurent dans le [[Bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki|bombardement d'Hiroshima]].

=== L’après-guerre ===
[[Fichier:Gojira 1954 Japanese poster.jpg|vignette|Affiche du film ''[[Godzilla (film, 1954)|Godzilla]]'' ([[1954 au cinéma|1954]]).]]
[[Fichier:Gojira 1954 Japanese poster.jpg|vignette|Affiche du film ''[[Godzilla (film, 1954)|Godzilla]]'' ([[1954 au cinéma|1954]]).]]
À la censure japonaise succède la censure imposée par les Américains. [[Akira Kurosawa]] fait ses débuts comme assistant de [[Kajirō Yamamoto]] durant la guerre. En 1946, sort ''[[ Je ne regrette rien de ma jeunesse |Je ne regrette pas ma jeunesse]]'', virulente critique du système qui vient de s'écrouler. La même année, [[Keisuke Kinoshita]], qui a aussi débuté durant la guerre, réalise ''[[Le Matin de la famille Osone]]''.
À la censure japonaise succède la censure imposée par les Américains. [[Akira Kurosawa]] fait ses débuts comme assistant de [[Kajirō Yamamoto]] durant la guerre. En 1946, sort ''[[ Je ne regrette rien de ma jeunesse |Je ne regrette pas ma jeunesse]]'', virulente critique du système qui vient de s'écrouler. La même année, [[Keisuke Kinoshita]], qui a aussi débuté durant la guerre, réalise ''[[Le Matin de la famille Osone]]''.


En 1951, ''[[Rashōmon (film)|Rashōmon]]'', avec la star [[Toshirō Mifune]], reçoit le [[Lion d'or]] à [[Mostra de Venise|Venise]] puis l’[[Oscar du meilleur film international|Oscar du meilleur film étranger]]. Cette récompense stimule l'ambition en berne des aînés. ''[[Les Contes de la lune vague après la pluie]]'' de [[Kenji Mizoguchi]] (1953) et ''[[Les Sept Samouraïs]]'' (1954) de Kurosawa sont récompensés par un [[Lion d'argent]] à la [[Mostra de Venise]]. [[Masaki Kobayashi]] reçoit le [[Prix du jury œcuménique du Festival de Cannes|Prix du jury]] du [[Festival de Cannes]] pour ''[[Hara-kiri (film, 1962)|Hara-kiri]]'' en 1962. C'est le deuxième âge d'or.
En 1951, ''[[Rashōmon (film)|Rashōmon]]'', avec la star [[Toshirō Mifune]], reçoit le [[Lion d'or]] à [[Mostra de Venise|Venise]] puis l'[[Oscar du meilleur film international|Oscar du meilleur film étranger]]. Cette récompense stimule l'ambition en berne des aînés. ''[[Les Contes de la lune vague après la pluie]]'' de [[Kenji Mizoguchi]] (1953) et ''[[Les Sept Samouraïs]]'' (1954) de Kurosawa sont récompensés par un [[Lion d'argent]] à la [[Mostra de Venise]]. [[Masaki Kobayashi]] reçoit le [[Prix du jury œcuménique du Festival de Cannes|Prix du jury]] du [[Festival de Cannes]] pour ''[[Hara-kiri (film, 1962)|Hara-kiri]]'' en 1962. C'est le deuxième âge d'or, dans lequel [[Mikio Naruse]] trouve sa place. Avec une grande économie d'effet, il se plaît à dépeindre une société japonaise en mutation, où transparaît son attention à la condition de la femme japonaise.


Les studios tournent également de très nombreux films de genre. C'est le début des ''[[kaijū]]-eiga'' (films de monstres) avec ''[[Godzilla]]'' d’[[Ishirō Honda]] en 1954.
Les studios tournent également de très nombreux films de genre. C'est le début des ''[[kaijū]]-eiga'' (films de monstres) avec ''[[Godzilla]]'' d'[[Ishirō Honda]] en 1954.
Durant l'après-guerre, la Nikkatsu qui s'était limitée à la distribution après 1941 distribue des films américains puis décide de produire de nouveau des films. De nouveaux studios Nikkatsu sont construits en 1954 dans la banlieue de Tokyo<ref name="cinemasie.com">[http://www.cinemasie.com/fr/fiche/dossier/172/ La Nouvelle Vague à la Nikkatsu, cinemasie.com]</ref>. La Nikkatsu lance la star [[Yūjirō Ishihara]] avec l'adaptation de deux romans de [[Shintarō Ishihara]], un écrivain de la « génération du soleil » (''taiyōzoku'') : ''[[La Saison du soleil (film, 1956)|La Saison du soleil]]'' ([[Takumi Furukawa]], 1956) et ''[[Passions juvéniles]]'' ([[Kō Nakahira]], 1956). Le succès de ces films entraine l'adoption d'une ligne de production de films estampillés Nikkatsu Action, fictions dont le fonds de commerce repose sur la violence et la sexualité débridées de héros de type « jeunes rebelles »<ref>[https://issuu.com/mcjp/docs/nikkatsu Antoine de Mena, ''Nikkatsu : l'histoire d'une major company japonaise'']</ref>, notamment dans les ''[[pinku eiga]]'' (films érotiques).
Durant l'après-guerre, la Nikkatsu qui s'était limitée à la distribution après 1941 distribue des films américains puis décide de produire de nouveau des films. De nouveaux studios Nikkatsu sont construits en 1954 dans la banlieue de Tokyo<ref name="cinemasie.com">[http://www.cinemasie.com/fr/fiche/dossier/172/ La Nouvelle Vague à la Nikkatsu, cinemasie.com]</ref>. La Nikkatsu lance la star [[Yūjirō Ishihara]] avec l'adaptation de deux romans de [[Shintarō Ishihara]], un écrivain de la « génération du soleil » (''taiyōzoku'') : ''[[La Saison du soleil (film, 1956)|La Saison du soleil]]'' ([[Takumi Furukawa]], 1956) et ''[[Passions juvéniles]]'' ([[Kō Nakahira]], 1956). Le succès de ces films entraine l'adoption d'une ligne de production de films estampillés Nikkatsu Action, fictions dont le fonds de commerce repose sur la violence et la sexualité débridées de héros de type « jeunes rebelles »<ref>[https://issuu.com/mcjp/docs/nikkatsu Antoine de Mena, ''Nikkatsu : l'histoire d'une major company japonaise'']</ref>, notamment dans les ''[[pinku eiga]]'' (films érotiques).


=== La nouvelle vague ===
=== La nouvelle vague ===
{{Article détaillé|Nouvelle vague japonaise}}
{{Article détaillé|Nouvelle Vague japonaise {{!}} Nouvelle vague japonaise}}


La nouvelle vague japonaise, contrairement à la [[nouvelle Vague|Nouvelle Vague française]], ne regroupait pas un groupe de cinéastes autour d'une revue ou d'un groupe, mais correspondait au Japon à un terme utilisé par les critiques pour évoquer des cinéastes « rebelles » de la [[Shōchiku]] : [[Nagisa Ōshima]], [[Yoshishige Yoshida]] et [[Masahiro Shinoda]] et en référence à la Nouvelle Vague française. Les trois réalisateurs s'opposaient aux « maîtres » des studios tels que [[Keisuke Kinoshita]] et [[Yasujirō Ozu]], accusés de réaliser un cinéma « bourgeois »<ref>[[Max Tessier]], [http://www.3continents.com/cinema/infos_diverses/nouvelle_vague_japonaise.html La nouvelle vague japonaise, Festival des 3 Continents, 1997].</ref>. Dès son deuxième film, ''[[Contes cruels de la jeunesse]]'' (1960), qui aborde le renouvellement du traité de sécurité américano-japonais, Ōshima filme une histoire mêlant sexe et crime, des thèmes qui parcourront son œuvre. Le film est retiré de l'affiche après quatre jours et Ōshima quitte les studios pour fonder sa société indépendante. Dans le même temps d'autres réalisateurs qui ne sont pas passés par les studios se font connaître, comme [[Susumu Hani]] et [[Hiroshi Teshigahara]], qui débutent en réalisant des documentaires. C'est aussi l'essor des productions indépendantes, produites grâce à un système de collaboration entre une petite société de distribution, l'[[Art Theatre Guild]], et une société de production dirigée par le réalisateur. D'autres films sortent selon ce système comme ''[[La Pendaison]]'' de [[Nagisa Ōshima]] en 1968. Ce modèle de financement basé sur de petits budgets permet à de nombreux réalisateurs et à des idées nouvelles d'émerger, comme ''[[L'île nue]]'' de [[Kaneto Shindo]].
La nouvelle vague japonaise, contrairement à la [[nouvelle Vague|Nouvelle Vague française]], ne regroupait pas un groupe de cinéastes autour d'une revue ou d'un groupe, mais correspondait au Japon à un terme utilisé par les critiques pour évoquer des cinéastes « rebelles » de la [[Shōchiku]] : [[Nagisa Ōshima]], [[Yoshishige Yoshida]] et [[Masahiro Shinoda]] et en référence à la Nouvelle Vague française. Les trois réalisateurs s'opposaient aux « maîtres » des studios tels que [[Keisuke Kinoshita]] et [[Yasujirō Ozu]], accusés de réaliser un cinéma « bourgeois »<ref>[[Max Tessier]], [http://www.3continents.com/cinema/infos_diverses/nouvelle_vague_japonaise.html La nouvelle vague japonaise, Festival des 3 Continents, 1997].</ref>. Dès son deuxième film, ''[[Contes cruels de la jeunesse]]'' (1960), qui aborde le renouvellement du traité de sécurité américano-japonais, Ōshima filme une histoire mêlant sexe et crime, des thèmes qui parcourront son œuvre. Le film est retiré de l'affiche après quatre jours et Ōshima quitte les studios pour fonder sa société indépendante. Dans le même temps d'autres réalisateurs qui ne sont pas passés par les studios se font connaître, comme [[Susumu Hani]] et [[Hiroshi Teshigahara]], qui débutent en réalisant des documentaires. C'est aussi l'essor des productions indépendantes, produites grâce à un système de collaboration entre une petite société de distribution, l'[[Art Theatre Guild]], et une société de production dirigée par le réalisateur. D'autres films sortent selon ce système comme ''[[La Pendaison]]'' de [[Nagisa Ōshima]] en 1968. Ce modèle de financement basé sur de petits budgets permet à de nombreux réalisateurs et à des idées nouvelles d'émerger, comme ''[[L'Île nue]]'' de [[Kaneto Shindō]].


À la Nikkatsu, [[Shōhei Imamura]] tourne ''[[Désir inassouvi]]'' (''Hateshinaki Yokubo'') en 1958 ou ''[[La Femme insecte (film)|La Femme insecte]]'' (1963), portrait d'une prostituée luttant pour son indépendance, qui sont caractéristiques de son regard d'« entomologiste » de la société japonaise<ref name="cinemasie.com"/>.
À la Nikkatsu, [[Shōhei Imamura]] tourne ''[[Désir inassouvi]]'' (''Hateshinaki Yokubo'') en 1958 ou ''[[La Femme insecte (film)|La Femme insecte]]'' (1963), portrait d'une prostituée luttant pour son indépendance, qui sont caractéristiques de son regard d'« entomologiste » de la société japonaise<ref name="cinemasie.com"/>.
Ligne 72 : Ligne 73 :
C'est aussi l'époque des premiers films de la série ''[[Otoko wa tsurai yo]]'' (''C'est dur d'être un homme'') de [[Yōji Yamada]], saga populaire aux thèmes universels.
C'est aussi l'époque des premiers films de la série ''[[Otoko wa tsurai yo]]'' (''C'est dur d'être un homme'') de [[Yōji Yamada]], saga populaire aux thèmes universels.


En 1972, la police saisit quatre films ''[[roman porno]]'' (''pinku-eiga'' de la [[Nikkatsu]]) et neufs personnes sont inculpées. Le genre attire néanmoins des créateurs au sommet de leur art. C'est dans ce contexte qu'Oshima réalise en [[1976]], grâce à un producteur français, ''[[L'empire des sens]]'' qui repousse les limites de l'expression de la sexualité au Japon. Les livres qui présentent le scénario et des photos du film sont saisis par les autorités japonaises, le film est censuré et n'est jamais sorti au Japon en version intégrale.
En 1972, la police saisit quatre films ''[[roman porno]]'' (''pinku-eiga'' de la [[Nikkatsu]]) et neuf personnes sont inculpées. Le genre attire néanmoins des créateurs au sommet de leur art. C'est dans ce contexte qu'Oshima réalise en [[1976]], grâce à un producteur français, ''[[L'empire des sens]]'' qui repousse les limites de l'expression de la sexualité au Japon. Les livres qui présentent le scénario et des photos du film sont saisis par les autorités japonaises, le film est censuré et n'est jamais sorti au Japon en version intégrale.


=== Les années 1980 ===
=== Les années 1980 ===
[[Fichier:TakesiKitano.jpg|vignette|gauche|[[Takeshi Kitano]]]]
[[Fichier:TakesiKitano.jpg|vignette|gauche|[[Takeshi Kitano]]]]


Les années 1980 et 1990 signent la mort du système des grands studios. L'industrie du cinéma se reforme autour de producteurs et de réalisateurs indépendants<ref>[http://www.objectif-cinema.com/evenements/0228.php Panorama du cinéma japonais des années 1980 et 90, Objectif cinéma]</ref>. Les cinéastes de l'après-guerre continuent de tourner avec des productions souvent non japonaises (Kurosawa en URSS, États-Unis, France ; Ōshima en France). ''[[La Ballade de Narayama (film, 1983)|La Ballade de Narayama]]'' de [[Shōhei Imamura]] gagne la [[Palme d'or]] en 1983. Les ''jidaigeki'' d'Akira Kurosawa ''[[Kagemusha, l'ombre du guerrier]]'' (1980, produit par Hollywood) et ''[[Ran (film, 1985)|Ran]]'' (1985, production franco-japonaise<ref>[https://www.imdb.com/title/tt0089881/companycredits Company credits for Ran, IMDb]</ref>
Les années 1980 et 1990 signent la mort du système des grands studios. L'industrie du cinéma se reforme autour de producteurs et de réalisateurs indépendants<ref> [http://www.objectif-cinema.com/evenements/0228.php Panorama du cinéma japonais des années 1980 et 90, Objectif cinéma]</ref>. Les cinéastes de l'après-guerre continuent de tourner avec des productions souvent non japonaises (Kurosawa en URSS, États-Unis, France ; Ōshima en France). ''[[La Ballade de Narayama (film, 1983) |La Ballade de Narayama]]'' de [[Shōhei Imamura]] gagne la [[Palme d'or]] en 1983. Les ''jidaigeki'' d'Akira Kurosawa ''[[Kagemusha, l'Ombre du guerrier]]'' (1980, produit par Hollywood) et ''[[Ran (film, 1985)|Ran]]'' (1985, production franco-japonaise<ref>[https://www.imdb.com/title/tt0089881/companycredits Company credits for Ran, IMDb]</ref>) remportent aussi de nombreux prix<ref>[https://www.imdb.com/name/nm0000041/awards Récompenses de Ran sur IMDb]</ref>{{,}}<ref>[https://www.imdb.com/title/tt0080979/awards Récompenses de Kagemusha sur IMDb]</ref>. Shōhei Imamura gagne une nouvelle Palme d'or avec ''[[L'Anguille]]'' en 1997.
) remportent aussi de nombreux prix<ref>[https://www.imdb.com/name/nm0000041/awards Récompenses de Ran sur IMDb]</ref>{{,}}<ref>[https://www.imdb.com/title/tt0080979/awards Récompenses de Kagemusha sur IMDb]</ref>. Shōhei Imamura gagne une nouvelle Palme d'or avec ''[[L'Anguille]]'' en 1997.


Tous les réalisateurs apparus après 1980 sont nés après la guerre et n'ont jamais travaillé pour les studios. [[Takeshi Kitano]] qui a commencé par des ''[[manzai]]'' (sketchs de cabaret) sous le nom de Beat Takeshi est engagé par [[Nagisa Ōshima]] pour son film ''[[Furyo]]'' (1983). En 1989, il remplace Kinji Fukasaku pour la réalisation de ''[[Violent Cop]]''. Il remanie le scénario en créant son personnage de héros ambigu, dépeignant la société moderne comme règne de la violence instinctive.
Tous les réalisateurs apparus après 1980 sont nés après la guerre et n'ont jamais travaillé pour les studios. [[Takeshi Kitano]] qui a commencé par des ''[[manzai]]'' (sketchs de cabaret) sous le nom de Beat Takeshi est engagé par [[Nagisa Ōshima]] pour son film ''[[Furyo]]'' (1983). En 1989, il remplace Kinji Fukasaku pour la réalisation de ''[[Violent Cop]]''. Il remanie le scénario en créant son personnage de héros ambigu, dépeignant la société moderne comme règne de la violence instinctive.


[[Shinji Sōmai]] dépeint dans ''[[Typhoon Club]]'' (1985) les affres de la condition des jeunes Japonais désormais voués à la compétition sociale dès leur plus jeune âge et considérés par les producteurs japonais comme une masse se contentant de divertissements violents et/ou érotiques. Il n'y plus d'alternative à la société capitaliste industrielle moderne. Les taux de suicide explosent.
[[Shinji Sōmai]] dépeint dans ''[[Typhoon Club]]'' (1985) les affres de la condition des jeunes Japonais désormais voués à la compétition sociale dès leur plus jeune âge et considérés par les producteurs japonais comme une masse se contentant de divertissements violents et/ou érotiques. Il n'y a plus d'alternative à la société capitaliste industrielle moderne. Les taux de suicide explosent.


=== Les années 1990 ===
=== Les années 1990 ===
Ligne 93 : Ligne 93 :
C'est aussi l'époque de l'émergence de réalisateurs étrangers vivants au Japon, comme ''De quel côté se trouve la lune'' de [[Yōichi Sai]] (1993) qui est un ''[[zainichi]]'', c'est-à-dire un Coréen du Japon.
C'est aussi l'époque de l'émergence de réalisateurs étrangers vivants au Japon, comme ''De quel côté se trouve la lune'' de [[Yōichi Sai]] (1993) qui est un ''[[zainichi]]'', c'est-à-dire un Coréen du Japon.


Alors que les scénarios de films d'horreur étaient jusqu'à présent refusés par les producteurs, à la fin des années 1990 des films d'horreur remportent un succès commercial comme ''[[Ring (film)|Ring]]'' de [[Hideo Nakata]] (1997) et/ou un succès critique comme ''[[Cure (film, 1997)|Cure]] (1997)'' de [[Kiyoshi Kurosawa]], jusqu'à parfois faire l'objet de l'objet de ''remake'' des studios américains. Si les films d'horreur occidentaux sont des références pour ces réalisateurs, ils développent néanmoins un traitement formel qui s'impose comme « histoires de fantômes japonais » ou [[J-Horror]]. Ces films caractérisés par une « horreur glacée » ne sont pas sans être irrigués par la description de l'effacement des liens sociaux remplacés par des prothèses électroniques. Dans cette optique, [[Shin'ya Tsukamoto]] peut être considéré comme le précurseur thématique, mais pas formel, de ce genre avec ''[[Tetsuo (film)|Tetsuo]]'' (1989), bien que Kurosawa indique que plusieurs de ses scénarios d'horreurs ont été refusés depuis les années 1980. Le cinéma japonais aborde à cette époque des thèmes qui sont en passe de devenir internationaux dans les années 2000, avec le développement et la démocratisation de ce qu'on appelle alors les NTIC pour Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (images numériques, ordinateurs personnels, téléphones portables et Internet).
Alors que les scénarios de films d'horreur étaient jusqu'à présent refusés par les producteurs, à la fin des années 1990 des films d'horreur remportent un succès commercial comme ''[[Ring (film)|Ring]]'' de [[Hideo Nakata]] (1997) et/ou un succès critique comme ''[[Cure (film, 1997)|Cure]] (1997)'' de [[Kiyoshi Kurosawa]], jusqu'à parfois faire l'objet de ''remake'' des studios américains. Si les films d'horreur occidentaux sont des références pour ces réalisateurs, ils développent néanmoins un traitement formel qui s'impose comme « histoires de fantômes japonais » ou [[J-Horror]]. Ces films caractérisés par une « horreur glacée » ne sont pas sans être irrigués par la description de l'effacement des liens sociaux remplacés par des prothèses électroniques. Dans cette optique, [[Shin'ya Tsukamoto]] peut être considéré comme le précurseur thématique, mais pas formel, de ce genre avec ''[[Tetsuo (film)|Tetsuo]]'' (1989), bien que Kurosawa indique que plusieurs de ses scénarios d'horreurs ont été refusés depuis les années 1980. Le cinéma japonais aborde à cette époque des thèmes qui sont en passe de devenir internationaux dans les années 2000, avec le développement et la démocratisation de ce qu'on appelle alors les NTIC pour Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (images numériques, ordinateurs personnels, téléphones portables et Internet).


=== Les années 2000 ===
=== Les années 2000 ===
Ligne 103 : Ligne 103 :
[[Sono Sion]] se fait connaître avec ''[[Suicide Club (film, 2001)|Suicide Club]]'' en 2001, très proche à la fois formellement et thématiquement de ce que fait Kurosawa à la même époque. À partir de 2005 il réalise des œuvres plus originales portant un regard extrêmement critique sur la société japonaise actuelle. En 2012 dans ''[[The Land of Hope (film, 2012)|The Land of Hope]]'' il aborde la question des conséquences d'une catastrophe nucléaire.
[[Sono Sion]] se fait connaître avec ''[[Suicide Club (film, 2001)|Suicide Club]]'' en 2001, très proche à la fois formellement et thématiquement de ce que fait Kurosawa à la même époque. À partir de 2005 il réalise des œuvres plus originales portant un regard extrêmement critique sur la société japonaise actuelle. En 2012 dans ''[[The Land of Hope (film, 2012)|The Land of Hope]]'' il aborde la question des conséquences d'une catastrophe nucléaire.


[[Naomi Kawase]] est distinguée aussi bien pour ses fictions que pour ses documentaires autobiographiques. Elle est primée dans les festivals les plus prestigieux, notamment le Grand prix au festival de Cannes 2007 pour le merveilleux ''[[La Forêt de Mogari]]''.
[[Naomi Kawase]] est distinguée aussi bien pour ses fictions que pour ses documentaires autobiographiques. Elle est primée dans les festivals les plus prestigieux, notamment le [[Grand prix du Festival de Cannes|Grand prix]] au [[festival de Cannes 2007]] pour ''[[La Forêt de Mogari]]''.

Kore-eda, Kawase, Kitano et Kyoshi Kurosawa sont les principaux représentants du Japon dans les [[Festival de cinéma|festivals internationaux]] depuis les années 1990 et sont surnommés les « 4K », d'après leurs patronymes<ref>{{Lien web|url= https://www.radiofrance.fr/franceculture/evenements/sortie-du-film-suis-moi-je-te-suis-de-koji-fukada-3989210|titre= Sortie du film "Suis-moi je te fuis" de Kôji Fukada|site= France Culture|date= 11-05-2022}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|url= https://www.artymag.com/koji-fukada-je-milite-pour-la-creation-dun-cnc-japonais/|titre= Koji Fukada : « Je milite pour la création d’un CNC japonais »|site= Arty Magazine|date= 15-05-2023}}</ref>.


Après 30 ans d'exil au Proche-Orient et quelques années de prison, [[Masao Adachi]] revient à la réalisation en 2005 après avoir été sollicité par des cinéphiles.
Après 30 ans d'exil au Proche-Orient et quelques années de prison, [[Masao Adachi]] revient à la réalisation en 2005 après avoir été sollicité par des cinéphiles.
Ligne 141 : Ligne 143 :
* [[Prix des nouveaux réalisateurs de la Directors Guild of Japan]] (1960-)
* [[Prix des nouveaux réalisateurs de la Directors Guild of Japan]] (1960-)


== Bibliographie ==
== Sources ==
=== Références ===
* [[Max Tessier]], ''Le Cinéma japonais au présent 1959-1979'' (sous la dir. de), P. Lherminier, ''Cinéma d'aujourd'hui'' No 15, 1979
{{Références nombreuses}}
* [[Max Tessier]], ''Cinéma et littérature au Japon de l'ère Meiji à nos jours'' (sous la dir. de), Éditions Centre Georges Pompidou, coll. « Cinéma-singulier », 1986
* [[Max Tessier]], ''Images du cinéma japonais'', introduction de [[Nagisa Ōshima]], Henri Veyrier, 1990
* [[Max Tessier]], ''Cinéma et littérature au Japon'', avec Pierre Aubry, Éditions Centre Georges Pompidou, 1992
* [[Tadao Satō]], ''Le Cinéma japonais'', trad. de Karine Chesneau, Rose-Marie Makino-Fayolle et Chiharu Tanaka, 2 vol., Éditions du Centre Georges Pompidou, 1997, 264 et 324 p.
* [[Max Tessier]],''Le Cinéma japonais'', Armand Colin, 2005 ; rééd. Armand Colin, 2008 ; {{3e}} édition revue et augmentée par Frédéric Monvoisin, Armand Colin, coll. « Focus Cinéma », 2018
* ''100 ans de cinéma japonais'' (ouvrage collectif), préface de [[Hirokazu Kore-eda]], La Martinière, coll. « Art et spectacle », 2018
* ''Dictionnaire du cinéma japonais en 101 cinéastes. L'Âge d'Or (1935-1975)'', sous la dir. de [[Pascal-Alex Vincent]], GM éditions, 2018, 242 p.


== Notes et références ==
=== Bibliographie ===
* '''Publications généralistes sur l'Histoire du Japon :'''
{{Références}}
** {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Conrad|nom1=Totman|lien auteur1=Conrad Totman|titre=A History of Japan|éditeur=[[Wiley-Blackwell]]|année=2005|mois=janvier|pages totales=720|isbn=978-1-4051-2359-4|plume=oui}}.
* '''Publications spécialisées dans la culture du Japon :'''
** {{Ouvrage|langue=en|prénom1=E.|nom1=Taylor Atkins|titre=A History of Popular Culture in Japan|sous-titre=From the Seventeenth Century to the Present|éditeur=Bloomsbury Academic|année=2017|mois=octobre|pages totales=288|isbn=978-1474258548|lire en ligne=https://www.google.fr/books/edition/A_History_of_Popular_Culture_in_Japan/DK41DwAAQBAJ|plume=oui}}.
** {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Mitsuyo Wada-Marciano|titre=Nippon Modern|sous-titre=Japanese Cinema of the 1920s|lieu=Honolulu, T. H.|éditeur=University of Hawaii Press|année=2008|mois=janvier|pages totales=198|isbn=978-0824832407|lire en ligne=https://www.google.fr/books/edition/Nippon_Modern/dIc0RBYMs9kC|id=Mitsuyo Wada-Marciano 2008|plume=oui}}.
** [[Max Tessier]], ''Le Cinéma japonais au présent 1959-1979'' (sous la dir. de), P. Lherminier, ''Cinéma d'aujourd'hui'' No 15, 1979
** [[Max Tessier]], ''Cinéma et littérature au Japon de l'ère Meiji à nos jours'' (sous la dir. de), Éditions Centre Georges Pompidou, coll. « Cinéma-singulier », 1986
** [[Max Tessier]], ''Images du cinéma japonais'', introduction de [[Nagisa Ōshima]], Henri Veyrier, 1990
** [[Max Tessier]], ''Cinéma et littérature au Japon'', avec Pierre Aubry, Éditions Centre Georges Pompidou, 1992
** [[Tadao Satō]], ''Le Cinéma japonais'', trad. de Karine Chesneau, Rose-Marie Makino-Fayolle et Chiharu Tanaka, 2 vol., Éditions du Centre Georges Pompidou, 1997, 264 et 324 p.
** [[Max Tessier]],''Le Cinéma japonais'', Armand Colin, 2005 ; rééd. Armand Colin, 2008 ; {{3e}} édition revue et augmentée par Frédéric Monvoisin, Armand Colin, coll. « Focus Cinéma », 2018
** ''100 ans de cinéma japonais'' (ouvrage collectif), préface de [[Hirokazu Kore-eda]], La Martinière, coll. « Art et spectacle », 2018
** ''Dictionnaire du cinéma japonais en 101 cinéastes. L'Âge d'Or (1935-1975)'', sous la dir. de [[Pascal-Alex Vincent]], GM éditions, 2018, 242 p.


== Voir aussi ==
== Voir aussi ==

Dernière version du 1 février 2024 à 22:01

Affiche du film Voyage à Tokyo de Yasujirō Ozu.
Affiche du film Les Contes de la lune vague après la pluie de Kenji Mizoguchi.

Le cinéma japonais (日本映画, Nihon eiga?), également connu sous le nom de hōga (邦画, « cinéma national »), a une histoire qui date des débuts du cinéma. Le Japon possède l'une des industries cinématographiques les plus anciennes et les plus importantes au monde (en 2021, il est quatrième en nombre de longs métrages produits[1]). En 2011, le Japon a produit 411 longs métrages qui ont rapporté 54,9 % d'un total de 2,338 milliards $ au box-office[2].

Au cours des années 1950 a lieu une période surnommée l'« âge d'or du cinéma japonais ». Les films jidai-geki d'Akira Kurosawa ainsi que les tokusatsu d'Ishirō Honda et Eiji Tsuburaya connaissent un succès mondial et rendent ces réalisateurs universellement reconnus et très influents. Certains des films japonais de cette période sont désormais classés parmi les meilleurs films jamais réalisés : Voyage à Tokyo (1953) est classé troisième dans la liste de Sight & Sound des 100 plus grands films de tous les temps[3] et est également en tête du classement de 2012 après sondage de réalisateurs, détrônant Citizen Kane[4],[5], tandis que Les Sept Samouraïs (1954) d'Akira Kurosawa est élu meilleur film en langue étrangère de tous les temps dans le sondage de 2018 de la BBC auprès de 209 critiques de 43 pays[6]. Le Japon a également remporté cinq fois l'Oscar du meilleur film en langue étrangère[7],[8], plus que tout autre pays asiatique[9].

Les quatre grands studios de cinéma japonais sont la Tōhō, la Toei, la Shōchiku et la Kadokawa (en), qui sont les seuls membres de l'Association des producteurs cinématographiques du Japon (MPPAJ). Les prix de l'académie japonaise, qui se tiennent chaque année, organisés par l'association Nippon Academy-shō, sont considérée comme l'équivalent japonais des Césars et des Oscars du cinéma.

Histoire du cinéma japonais[modifier | modifier le code]

Les débuts[modifier | modifier le code]

Les premiers films, ceux de Thomas Edison qui adopte le mot anglais film pour désigner les bobineaux enregistrés avec la première caméra de cinéma, le Kinétographe, par son assistant William Kennedy Laurie Dickson, sont connus des Japonais dès car ils sont présentés à Kobe[10] à l'aide des kinétoscopes, les appareils de visionnement individuel mis au point par Dickson d'après les croquis de l'industriel américain[11].

Puis ce sont deux opérateurs des frères Lumière, Gabriel Veyre et François-Constant Girel, qui organisent des projections sur grand écran à Osaka en 1897 à l'aide d'un cinématographe[10]. Une présentation du vitascope qu'Edison aligne contre ses concurrents français est faite à Osaka puis à Tokyo, mais la première caméra importée au Japon par Shirō Asano porte la marque Lumière.

C'est Shibata Tsunekichi qui commence à tourner les premiers films : il s'agit de scènes de rues et de geishas[12].

Le cinéma japonais sous l'empire[modifier | modifier le code]

Le cinéma japonais comme forme d'expression artistique commence son histoire en 1899 avec le tournage de Momijigari, tiré d'une pièce de kabuki. Lors de ses deux premières décennies, le nouvel art se conçoit comme une extension d'expressions artistiques nationales préexistantes. Le film sert à compléter une œuvre ou à lui fournir une nouvelle dimension en adaptant à l'écran un contenu conçu pour la scène. Les conteurs de spectacles de marionnettes, les gidayū-bushi, servent de commentateurs de films muets, ou benshi. Dans les premières productions cinématographiques de la période, sont adaptés des genres théâtraux relevant du kabuki — comme le shinpa (mélodrames) ou le shingeki (« nouveau drame »)[13]. Divers récits classiques constituent eux aussi une importante source d'inspiration — comme l'histoire des 47 rōnin, portée 45 fois à l'écran entre 1907 et 1925, et plus encore les années suivantes[14]. Ce nouveau média joue aussi un rôle non négligeable lors de la guerre russo-japonaise de 1904-1905, en informant les Japonais au travers de faux documentaires qui mêlent images originales du conflit et plans créés pour l'occasion[15].

Ce n'est que vers la fin des années 1910, alors qu'affluent de nombreux films étrangers, que le cinéma japonais commence à intégrer des techniques et des styles narratifs plus proches des modèles occidentaux de la même époque[15]. La rupture est portée par de nouveaux studios de production comme Shōchiku et Taikatsu (créés en 1920), alors que des studios plus anciens comme Nikkatsu ou Tenkatsu font plus longtemps perdurer leurs liens stylistiques avec d'autres formes artistiques comme le kabuki[16]. Le pays produit aussi ses premiers anime, style dont Noburō Ōfuji devient l'un des principaux représentants[17]. Les benshi, commentateurs de films muets, perdurent tout au long des années 1920 et jusqu'au début des années 1930, et lors de cette période, connaissent même une phase de starification. Leur rôle tend cependant à s'effacer pendant la projection du film au profit des acteurs[18], et il périclite au milieu des années 1930, lors de l'arrivée des films parlants[16]. Le Japon produit son premier film parlant en 1931, Madamu to nyōbō, mais ce n'est que dans la seconde moitié des années 1930 que cette technique s'impose réellement[17]. L'industrie cinématographique connaît une forte croissance à partir de la fin des années 1920, grâce à ses succès d'audience. Entre 1928 et 1938, plus de 700 films sortent en salles chaque année, ce qui hisse le pays à la première place mondiale en matière de production cinématographique[19]. En 1940, le pays compte une dizaine de grandes compagnies cinématographiques[14].

Dès les années 1920, la production cinématographique commence à se polariser autour de deux genres majeurs, le jidai-geki (films traitant de récits historiques) et le gendaigeki (films traitant de récits contemporains)[19]. Le séisme du Kantō de 1923, qui frappe durement la région de Tokyo, pousse la plupart des studios à déménager dans l'ouest du pays et à s'établir à Kyōto, Ōsaka et Kōbe : c'est là que s'épanouit le style du jidai-geki. Le studio Shōchiku reste quant à lui à Tokyo, où il est le seul studio actif entre 1923 et 1934, et où il se distingue par la qualité de ses productions relevant du gendaigeki. Lors des années 1920 et 1930, une certaine spécialisation s'opère entre ces deux espaces[20]. Un sous-genre du jidai-geki comme le chanbara (film se concentrant sur les combats au sabre) connaît un succès certain et contribue à la naissance des premières stars — comme Tsumasaburō Bandō, qui joue dans Orochi en 1925[19]. Avec la sortie en 1936 de Naniwa erejii, le style du gendaigeki compte l'un de ses représentants d'avant-guerre les plus aboutis[21], alors que dans le même genre, Gosses de Tokyo d'Ozu, sorti en 1932, reste dans le registre du film muet[22]. Orochi comme Naniwa erejii parviennent à véhiculer une critique politique et sociale de leur société, s'attirant à la fois l'attention du public et celle de la censure[19],[21].

Dans les années 1930, la montée du militarisme constitue une contrainte majeure pour la production cinématographique : une loi de 1939 impose des règles de censure plus drastiques, et en 1940, l'État impose la fusion de plusieurs studios, ce qui lui permet de mieux contrôler la production. Le genre du film de guerre se développe rapidement, avec des productions comme Les Cinq Éclaireurs (1938), Boue et soldats (1939) ou L'Histoire du commandant de chars Nishizumi (1940)[23]. Dans chacun de ces films, la guerre est le plus souvent présentée comme une expérience anoblissante pour l'homme ou comme un moyen de purifier la société, et le scénario fait résonance aux valeurs japonaises du bushidō, prônées par le régime. Un tel message se retrouve aussi dans les jidai-geki produits au même moment, comme La Vengeance des 47 rōnin, qui partage le goût pour des décors opulents avec d'autres films du même style produits à la même époque[24]. À l'occasion, les jidai-geki relaient également la propagande anti-alliés : Ahen senso (1943), avec la première guerre de l'opium pour toile de fond, véhicule ainsi un message anglophobe[25]. Ciblant aussi le public des enfants, la propagande contribue à la production de plusieurs films anime. Entre 1933 et 1938, le personnage de Norakuro fait l'objet de quatre adaptations[26], et la technique d'animation effectuée sur Momotaro, le divin soldat de la mer, sorti en , reste inégalée jusqu'à la fin des années 1950[27].

L'après-guerre[modifier | modifier le code]

Affiche du film Godzilla (1954).

À la censure japonaise succède la censure imposée par les Américains. Akira Kurosawa fait ses débuts comme assistant de Kajirō Yamamoto durant la guerre. En 1946, sort Je ne regrette pas ma jeunesse, virulente critique du système qui vient de s'écrouler. La même année, Keisuke Kinoshita, qui a aussi débuté durant la guerre, réalise Le Matin de la famille Osone.

En 1951, Rashōmon, avec la star Toshirō Mifune, reçoit le Lion d'or à Venise puis l'Oscar du meilleur film étranger. Cette récompense stimule l'ambition en berne des aînés. Les Contes de la lune vague après la pluie de Kenji Mizoguchi (1953) et Les Sept Samouraïs (1954) de Kurosawa sont récompensés par un Lion d'argent à la Mostra de Venise. Masaki Kobayashi reçoit le Prix du jury du Festival de Cannes pour Hara-kiri en 1962. C'est le deuxième âge d'or, dans lequel Mikio Naruse trouve sa place. Avec une grande économie d'effet, il se plaît à dépeindre une société japonaise en mutation, où transparaît son attention à la condition de la femme japonaise.

Les studios tournent également de très nombreux films de genre. C'est le début des kaijū-eiga (films de monstres) avec Godzilla d'Ishirō Honda en 1954. Durant l'après-guerre, la Nikkatsu qui s'était limitée à la distribution après 1941 distribue des films américains puis décide de produire de nouveau des films. De nouveaux studios Nikkatsu sont construits en 1954 dans la banlieue de Tokyo[28]. La Nikkatsu lance la star Yūjirō Ishihara avec l'adaptation de deux romans de Shintarō Ishihara, un écrivain de la « génération du soleil » (taiyōzoku) : La Saison du soleil (Takumi Furukawa, 1956) et Passions juvéniles (Kō Nakahira, 1956). Le succès de ces films entraine l'adoption d'une ligne de production de films estampillés Nikkatsu Action, fictions dont le fonds de commerce repose sur la violence et la sexualité débridées de héros de type « jeunes rebelles »[29], notamment dans les pinku eiga (films érotiques).

La nouvelle vague[modifier | modifier le code]

La nouvelle vague japonaise, contrairement à la Nouvelle Vague française, ne regroupait pas un groupe de cinéastes autour d'une revue ou d'un groupe, mais correspondait au Japon à un terme utilisé par les critiques pour évoquer des cinéastes « rebelles » de la Shōchiku : Nagisa Ōshima, Yoshishige Yoshida et Masahiro Shinoda et en référence à la Nouvelle Vague française. Les trois réalisateurs s'opposaient aux « maîtres » des studios tels que Keisuke Kinoshita et Yasujirō Ozu, accusés de réaliser un cinéma « bourgeois »[30]. Dès son deuxième film, Contes cruels de la jeunesse (1960), qui aborde le renouvellement du traité de sécurité américano-japonais, Ōshima filme une histoire mêlant sexe et crime, des thèmes qui parcourront son œuvre. Le film est retiré de l'affiche après quatre jours et Ōshima quitte les studios pour fonder sa société indépendante. Dans le même temps d'autres réalisateurs qui ne sont pas passés par les studios se font connaître, comme Susumu Hani et Hiroshi Teshigahara, qui débutent en réalisant des documentaires. C'est aussi l'essor des productions indépendantes, produites grâce à un système de collaboration entre une petite société de distribution, l'Art Theatre Guild, et une société de production dirigée par le réalisateur. D'autres films sortent selon ce système comme La Pendaison de Nagisa Ōshima en 1968. Ce modèle de financement basé sur de petits budgets permet à de nombreux réalisateurs et à des idées nouvelles d'émerger, comme L'Île nue de Kaneto Shindō.

À la Nikkatsu, Shōhei Imamura tourne Désir inassouvi (Hateshinaki Yokubo) en 1958 ou La Femme insecte (1963), portrait d'une prostituée luttant pour son indépendance, qui sont caractéristiques de son regard d'« entomologiste » de la société japonaise[28].

Alors que la fréquentation totale des salles baisse à partir de 1959, apparaissent des petites sociétés spécialisées dans la production de films érotiques ou pinku-eiga qui attirent un large public. Tetsuji Takechi, critique influent et metteur en scène de théâtre traditionnel, décide de réaliser des pinku : Neige noire est saisi par la police et Tetsuji poursuivi pour violation des lois sur l'obscénité.

En 1968, Seijun Suzuki qui a passé sa carrière à tenter de produire des œuvres stylisées dans le cadre du studio Nikkatsu est mis à la porte à la suite de son film La Marque du tueur. La même année, deux documentaires marquent les esprits : Un été à Narita de Shinsuke Ogawa montre les manifestations de paysans et d'étudiants contre la construction du nouvel aéroport de Tokyo en pleine campagne ; La préhistoire des partisans de Noriaki Tsuchimoto suit le meneur de la rébellion étudiante à l'Université de Kyoto.

C'est à cette époque que Kōji Wakamatsu et Masao Adachi réalisent l'essentiel de leurs films, croisant les codes du pinku eiga, du film de yakuza et la critique sociale virulente.

Les années 1970[modifier | modifier le code]

En 1971, le premier film de Shūji Terayama Jetez vos livres et descendez dans la rue ! est produit selon le système de collaboration entre une société de distribution et le réalisateur. La même année le critique Eizu Ori écrit à propos de La Cérémonie de Nagisa Ōshima qu'il s'agit d'une synthèse prématurée de la démocratie d'après-guerre. L'époque est au pessimisme : Yukio Mishima s'est suicidé en 1970, en 1971 Masao Adachi part pour le Liban, en 1972 l'Armée rouge japonaise tourne ses armes contre 12 de ses propres membres, les survivants sont ensuite arrêtés à l'issue d'un siège qui bat tous les records d'audience à la télévision. Pour Nagisa Ōshima, c'est la fin du rôle des jeunes dans l'histoire moderne du Japon.

Les films de yakuza ont le vent en poupe : Kinji Fukasaku filme de jeunes délinquants qui enfreignent toutes les règles et par là se condamnent à une mort violente et prématurée comme dans Combat sans code d'honneur.

C'est aussi l'époque des premiers films de la série Otoko wa tsurai yo (C'est dur d'être un homme) de Yōji Yamada, saga populaire aux thèmes universels.

En 1972, la police saisit quatre films roman porno (pinku-eiga de la Nikkatsu) et neuf personnes sont inculpées. Le genre attire néanmoins des créateurs au sommet de leur art. C'est dans ce contexte qu'Oshima réalise en 1976, grâce à un producteur français, L'empire des sens qui repousse les limites de l'expression de la sexualité au Japon. Les livres qui présentent le scénario et des photos du film sont saisis par les autorités japonaises, le film est censuré et n'est jamais sorti au Japon en version intégrale.

Les années 1980[modifier | modifier le code]

Takeshi Kitano

Les années 1980 et 1990 signent la mort du système des grands studios. L'industrie du cinéma se reforme autour de producteurs et de réalisateurs indépendants[31]. Les cinéastes de l'après-guerre continuent de tourner avec des productions souvent non japonaises (Kurosawa en URSS, États-Unis, France ; Ōshima en France). La Ballade de Narayama de Shōhei Imamura gagne la Palme d'or en 1983. Les jidaigeki d'Akira Kurosawa Kagemusha, l'Ombre du guerrier (1980, produit par Hollywood) et Ran (1985, production franco-japonaise[32]) remportent aussi de nombreux prix[33],[34]. Shōhei Imamura gagne une nouvelle Palme d'or avec L'Anguille en 1997.

Tous les réalisateurs apparus après 1980 sont nés après la guerre et n'ont jamais travaillé pour les studios. Takeshi Kitano qui a commencé par des manzai (sketchs de cabaret) sous le nom de Beat Takeshi est engagé par Nagisa Ōshima pour son film Furyo (1983). En 1989, il remplace Kinji Fukasaku pour la réalisation de Violent Cop. Il remanie le scénario en créant son personnage de héros ambigu, dépeignant la société moderne comme règne de la violence instinctive.

Shinji Sōmai dépeint dans Typhoon Club (1985) les affres de la condition des jeunes Japonais désormais voués à la compétition sociale dès leur plus jeune âge et considérés par les producteurs japonais comme une masse se contentant de divertissements violents et/ou érotiques. Il n'y a plus d'alternative à la société capitaliste industrielle moderne. Les taux de suicide explosent.

Les années 1990[modifier | modifier le code]

Manque de communication, effritement des rapports humains et dissolution des identités sociales sont des thèmes récurrents de cette période.

Le Scintillement de Jōji Matsuoka (1992) évoque une famille qui essaie d'inventer de nouveaux modes de coexistence différents du foyer traditionnel.

Le personnage de Takeshi Kitano dans Sonatine (1993) illustre ce nouveau rapport au monde, problématique et sans repères ; même le gangster violent n'a plus sa place dans la société lorsqu'il est trop vieux. Là encore, la seule issue pour le personnage de Kitano est le suicide.

C'est aussi l'époque de l'émergence de réalisateurs étrangers vivants au Japon, comme De quel côté se trouve la lune de Yōichi Sai (1993) qui est un zainichi, c'est-à-dire un Coréen du Japon.

Alors que les scénarios de films d'horreur étaient jusqu'à présent refusés par les producteurs, à la fin des années 1990 des films d'horreur remportent un succès commercial comme Ring de Hideo Nakata (1997) et/ou un succès critique comme Cure (1997) de Kiyoshi Kurosawa, jusqu'à parfois faire l'objet de remake des studios américains. Si les films d'horreur occidentaux sont des références pour ces réalisateurs, ils développent néanmoins un traitement formel qui s'impose comme « histoires de fantômes japonais » ou J-Horror. Ces films caractérisés par une « horreur glacée » ne sont pas sans être irrigués par la description de l'effacement des liens sociaux remplacés par des prothèses électroniques. Dans cette optique, Shin'ya Tsukamoto peut être considéré comme le précurseur thématique, mais pas formel, de ce genre avec Tetsuo (1989), bien que Kurosawa indique que plusieurs de ses scénarios d'horreurs ont été refusés depuis les années 1980. Le cinéma japonais aborde à cette époque des thèmes qui sont en passe de devenir internationaux dans les années 2000, avec le développement et la démocratisation de ce qu'on appelle alors les NTIC pour Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (images numériques, ordinateurs personnels, téléphones portables et Internet).

Les années 2000[modifier | modifier le code]

Hirokazu Kore-eda, Shinji Aoyama, Nobuhiro Suwa produisent des œuvres influencées par le professeur spécialiste de littérature et de philosophie française Shigehiko Hasumi, et continuent à dépeindre la famille japonaise comme lieu d'expression privilégié des bouleversements de la société dans son ensemble. Kiyoshi Kurosawa, élève d'Hasumi comme Aoyama mais plus vieux peut également être inscrit dans ce mouvement malgré les quelques éléments fantastiques qui servent plutôt de prétextes. Éléments fantastiques abandonnés à la fin des années 2000 dans Tokyo Sonata (2008). Ce mouvement est appelé Rikkyo nūberu bāgu ou Nouvelle vague Rikkyo du nom de l'université dans laquelle enseigne Hasumi, et pour la distinguer de la Shochiku nuberu bagu des années 1960.

Sono Sion se fait connaître avec Suicide Club en 2001, très proche à la fois formellement et thématiquement de ce que fait Kurosawa à la même époque. À partir de 2005 il réalise des œuvres plus originales portant un regard extrêmement critique sur la société japonaise actuelle. En 2012 dans The Land of Hope il aborde la question des conséquences d'une catastrophe nucléaire.

Naomi Kawase est distinguée aussi bien pour ses fictions que pour ses documentaires autobiographiques. Elle est primée dans les festivals les plus prestigieux, notamment le Grand prix au festival de Cannes 2007 pour La Forêt de Mogari.

Kore-eda, Kawase, Kitano et Kyoshi Kurosawa sont les principaux représentants du Japon dans les festivals internationaux depuis les années 1990 et sont surnommés les « 4K », d'après leurs patronymes[35],[36].

Après 30 ans d'exil au Proche-Orient et quelques années de prison, Masao Adachi revient à la réalisation en 2005 après avoir été sollicité par des cinéphiles. Au tournant des années 2010, c'est Kōji Wakamatsu qui revient à la réalisation pour quatre films. Il meurt en 2012, renversé par un taxi juste après avoir annoncé sa volonté de réaliser un film sur l'entreprise Tepco et l'accident nucléaire de Fukushima. Leurs films des années 1960 et 1970 sortent pour la première fois en Occident.

Genres[modifier | modifier le code]

Anime[modifier | modifier le code]

Après quelques expérimentations au début du XXe siècle, le premier succès populaire du cinéma d'animation japonais (anime) est Astro, le petit robot, créé en 1963 par Osamu Tezuka et encouragé par le lobby nucléaire américain. Mais la reconnaissance internationale de l'anime ne vient que plus tard. Akira de Katsuhiro Ōtomo (1988) a un budget record pour l'animation japonaise[37] et sort ensuite notamment aux États-Unis et en France[38]. Les films du studio Ghibli et ses personnages font alors le tour du monde. Le Voyage de Chihiro d'Hayao Miyazaki reçoit le 1er prix du Festival du film de Berlin 2002 et remporte l'Oscar du meilleur film d'animation en 2003. Les films de Mamoru Oshii comme Ghost in the Shell sont aussi remarqués et le Festival de Cannes 2004 place Ghost in the Shell 2: Innocence en compétition officielle. Les autres réalisateurs d'anime les plus reconnus sont Isao Takahata, Osamu Dezaki, Yoshiaki Kawajiri, Satoshi Kon, Mamoru Hosoda, Makoto Shinkai, Hiroyuki Okiura.

Film de samouraï[modifier | modifier le code]

Film d'horreur[modifier | modifier le code]

Film de yakuza[modifier | modifier le code]

Film de comédie[modifier | modifier le code]

Film érotique[modifier | modifier le code]

Listes[modifier | modifier le code]

Récompenses[modifier | modifier le code]

Sources[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Top 50 countries ranked by number of feature films produced, 2005–2010 » [archive du ], sur Screen Australia (consulté le )
  2. « Japanese Box Office Sales Fall 18% in 2011 », sur Anime News Network, (consulté le )
  3. (en) « The 100 Greatest Films of All Time | Sight & Sound », sur British Film Institute (consulté le )
  4. « Directors' 10 Greatest Films of All Time », sur Sight & Sound, British Film Institute,
  5. « Directors' Top 100 », sur Sight & Sound, British Film Institute,
  6. (en) « The 100 greatest foreign-language films », sur BBC Culture, (consulté le )
  7. « Academy announces rules for 92nd Oscars », sur Academy of Motion Picture Arts and Sciences, (consulté le )
  8. « Academy Announces Rule Changes For 92nd Oscars », sur Forbes (consulté le )
  9. « The Official Academy Awards Database » (consulté le )
  10. a et b Max Tessier, Le Cinéma japonais, Paris, Armand Colin, coll. « 128 », , 128 p. (ISBN 2-200-34162-8), p. 15.
  11. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, coll. « Cinéma », , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 15
  12. Cf. Donald Richie (trad. de l'anglais par Romain Slocombe), Le Cinéma japonais, Paris, Éditions du Rocher, , 402 p. (ISBN 2-268-05237-0), p. 23.
  13. Taylor Atkins 2017, p. 110.
  14. a et b Totman 2005, p. 419.
  15. a et b Taylor Atkins 2017, p. 111.
  16. a et b Taylor Atkins 2017, p. 113.
  17. a et b Taylor Atkins 2017, p. 114.
  18. Taylor Atkins 2017, p. 112.
  19. a b c et d Taylor Atkins 2017, p. 115.
  20. Mitsuyo Wada-Marciano 2008, p. 5.
  21. a et b Taylor Atkins 2017, p. 116.
  22. Mitsuyo Wada-Marciano 2008, p. 2.
  23. Taylor Atkins 2017, p. 174.
  24. Taylor Atkins 2017, p. 175.
  25. (en) David Desser, « From the Opium War to the Pacific War: Japanese Propaganda Films of World War II », Asian Cinema, vol. 7, no 1,‎ , p. 32-48 (lire en ligne, consulté le ).
  26. Taylor Atkins 2017, p. 178.
  27. Taylor Atkins 2017, p. 179.
  28. a et b La Nouvelle Vague à la Nikkatsu, cinemasie.com
  29. Antoine de Mena, Nikkatsu : l'histoire d'une major company japonaise
  30. Max Tessier, La nouvelle vague japonaise, Festival des 3 Continents, 1997.
  31. Panorama du cinéma japonais des années 1980 et 90, Objectif cinéma
  32. Company credits for Ran, IMDb
  33. Récompenses de Ran sur IMDb
  34. Récompenses de Kagemusha sur IMDb
  35. « Sortie du film "Suis-moi je te fuis" de Kôji Fukada », sur France Culture,
  36. « Koji Fukada : « Je milite pour la création d’un CNC japonais » », sur Arty Magazine,
  37. Anecdotes d'Akira sur IMDb
  38. Dates de sortie d'Akira sur IMDb

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Publications généralistes sur l'Histoire du Japon :
  • Publications spécialisées dans la culture du Japon :
    • (en) E. Taylor Atkins, A History of Popular Culture in Japan : From the Seventeenth Century to the Present, Bloomsbury Academic, , 288 p. (ISBN 978-1474258548, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
    • (en) Mitsuyo Wada-Marciano, Nippon Modern : Japanese Cinema of the 1920s, Honolulu, T. H., University of Hawaii Press, , 198 p. (ISBN 978-0824832407, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
    • Max Tessier, Le Cinéma japonais au présent 1959-1979 (sous la dir. de), P. Lherminier, Cinéma d'aujourd'hui No 15, 1979
    • Max Tessier, Cinéma et littérature au Japon de l'ère Meiji à nos jours (sous la dir. de), Éditions Centre Georges Pompidou, coll. « Cinéma-singulier », 1986
    • Max Tessier, Images du cinéma japonais, introduction de Nagisa Ōshima, Henri Veyrier, 1990
    • Max Tessier, Cinéma et littérature au Japon, avec Pierre Aubry, Éditions Centre Georges Pompidou, 1992
    • Tadao Satō, Le Cinéma japonais, trad. de Karine Chesneau, Rose-Marie Makino-Fayolle et Chiharu Tanaka, 2 vol., Éditions du Centre Georges Pompidou, 1997, 264 et 324 p.
    • Max Tessier,Le Cinéma japonais, Armand Colin, 2005 ; rééd. Armand Colin, 2008 ; 3e édition revue et augmentée par Frédéric Monvoisin, Armand Colin, coll. « Focus Cinéma », 2018
    • 100 ans de cinéma japonais (ouvrage collectif), préface de Hirokazu Kore-eda, La Martinière, coll. « Art et spectacle », 2018
    • Dictionnaire du cinéma japonais en 101 cinéastes. L'Âge d'Or (1935-1975), sous la dir. de Pascal-Alex Vincent, GM éditions, 2018, 242 p.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Article connexe[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]