« Déformation élastique » : différence entre les versions

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En physique, l''''élasticité''' est la [[Liste de propriétés d'un matériau|propriété]] d'un [[matériau]] [[État solide|solide]] à retrouver sa forme d'origine après avoir été déformé. La '''déformation élastique''' est une '''[[déformation des matériaux|déformation]] [[Réversibilité - irréversibilité|réversible]]'''. Un matériau solide se déforme lorsque des [[Force (physique)|forces]] lui sont appliquées. Un matériau élastique retrouve sa forme et sa taille initiales quand ces forces ne s'exercent plus, jusqu'à une certaine [[Limite d'élasticité|limite]] de la valeur de ces forces. Les tissus biologiques sont également plus ou moins élastiques.
En [[mécanique des milieux continus]], une '''déformation élastique''' est une [[déformation d'un matériau|déformation]] réversible, c'est-à-dire qui disparaît lorsque les [[Force (physique)|forces]] appliquées au matériau disparaissent. Elle est généralement linéaire (proportionnelle à la force appliquée).


== Causes de l'élasticité ==
Les raisons physiques du comportement élastique diffèrent d'un matériau à un autre. Pour les [[métaux]], le treillis atomique change de taille et de forme quand des forces leur sont appliquées (ajout d'énergie au système). Quand les forces sont supprimées, le système retourne à son état original où l'énergie est la plus faible. Pour le [[caoutchouc (matériau)|caoutchouc]] et autres [[polymère|polymères]] l'élasticité est due à l’extension des chaînes de polymère lorsque les forces sont appliquées. Dans les tissus biologiques élastiques (muscle par exemple), plusieurs de ces causes peuvent être mobilisées.
Les raisons physiques du comportement élastique diffèrent d'un matériau à un autre. Pour les [[métal|métaux]], le treillis atomique change de taille et de forme quand des forces leur sont appliquées (ajout d'énergie au système). Quand les forces sont supprimées, le système retourne à son état original où l'énergie est la plus faible. Pour le [[caoutchouc (matériau)|caoutchouc]] et autres [[polymère]]s, l'élasticité est due à l’extension des chaînes de polymère lorsque les forces sont appliquées. Dans les tissus biologiques élastiques ([[muscle]] par exemple), plusieurs de ces causes peuvent être mobilisées.


L'élasticité '''linéaire''' concerne les ''petites'' déformations
L'élasticité linéaire concerne les ''petites'' déformations proportionnelles à la sollicitation.
[[wikt:proportionnelle|proportionnelle]]s à la sollicitation.
Dans cette gamme, l'[[allongement à la rupture|allongement]] est proportionnel à la [[Force (physique)|force]] dans le cas d'un étirement, selon le [[module de Young]], et l'[[angle]] est proportionnel au [[Couple (physique)|couple]] dans le cas d'une [[torsion]], selon le [[module de Coulomb]].
Dans cette gamme, l'[[allongement à la rupture|allongement]] est proportionnel à la [[Force (physique)|force]] dans le cas d'un étirement, selon le [[module de Young]], et l'[[angle]] est proportionnel au [[Couple (physique)|couple]] dans le cas d'une [[torsion]], selon le [[module de Coulomb]].


Aux plus grandes déformations, l'élasticité devient '''non linéaire''' pour certains matériaux. Pour d'autres, la fracture ou le [[fluage]] interviennent. Voir plus bas.
Aux plus grandes déformations, l'élasticité devient non linéaire pour certains matériaux.

La notion d'élasticité n'est pas spécifique à la mécanique des milieux continus et en physique, d'une manière générale, on parle d'interaction élastique lorsqu'il y a la conservation d'une grandeur. Par exemple, dans un « choc élastique », les objets s'échangent leur [[énergie cinétique]], mais il n'y a pas de perte par frottement ou par déformation résiduelle (de fait, la déformation est élastique). Dans le cas de l'interaction d'un atome avec un [[rayonnement électromagnétique]], on parle de diffusion élastique lorsque le [[rayonnement]] conserve la même [[longueur d'onde]] ([[diffusion Rayleigh]]).


La déformation élastique est un domaine important de la [[mécanique des milieux continus]] (MMC) et de la [[thermodynamique]] (compression des gaz).
La déformation élastique est un domaine important de la [[mécanique des milieux continus]] (MMC) et de la [[thermodynamique]] (compression des gaz).


== Généralités ==
== Généralités ==
La [[résistance des matériaux]] repose sur les faits suivants: Les matériaux peuvent être soumis à l'action d'une [[Force (physique)|force]] ou charge qui tend à les allonger dans le sens de la direction de la force, à les comprimer dans le même sens, à les fléchir, à les tordre, à les déchirer. Tous les ''[[Corps (entité)|corps de la nature]]'' sont plus ou moins élastiques, c'est à dire que dans certaines limites d'extension, de compression{{etc}}, ils allongent se compriment{{etc}} d'une certaine quantité sous l'action de la force qui les sollicite, mais ils reviennent à leur forme primitive dès que la force a cessé d'agir. Lorsque la [[limite d'élasticité]] d'un corps a été dépassée par « excès de force », il ne revient alors que jusqu'à un certain point vers ses dimensions antérieures, il y a eu séparation moléculaire partielle et si l'effort continue et augmente, la séparation devient complète, il y a [[Rupture (matériau)|rupture]]. De là la nécessité dans les structures de ne pas faire supporter aux matériaux des efforts capables de produire même la séparation partielle, c'est à dire susceptibles d'altérer leur élasticité. On doit toujours rester en dessous de cette limite. Les matériaux employés ne sont pas pour chaque espèce d'une homogénéité égale, ils sont soumis ordinairement à des influences qui peuvent modifier leur élasticité, les forces auxquelles ils doivent résister ne peuvent pas toujours être appréciées exactement, quelquefois même elles sont accidentelles ou variables<ref name="Roffiaen">Eug Roffiaen. Traité théorique et pratique sur la résistance des matériaux dans les constructions. Félix Oudart, 1858</ref>.
Les matériaux peuvent être soumis à l'action d'une [[Force (physique)|force]] qui les déforme. Tous les matériaux sont plus ou moins élastiques, c'est-à-dire qu'ils reviennent à leur forme primitive si la force appliquée n'a pas dépassé un certain seuil (la [[limite d'élasticité]]) et qu'elle cesse d'agir. Dans le cas contraire, il y a [[déformation plastique]], voire [[Rupture (matériau)|rupture]]<ref name="Roffiaen">Eug Roffiaen, ''Traité théorique et pratique sur la résistance des matériaux dans les constructions'', Félix Oudart, 1858.</ref>.


Lorsqu'un corps est soumis à l'action de forces qui tendent à le comprimer ou à l'allonger, les raccourcissements ou les allongements sont entre certaines limites proportionnels aux forces qui les produisent, l'expérience le prouve (pour la première fois réalisée par le physicien anglais [[Robert Hooke]]). Dans ce cas et si la force cesse d'agir, le corps reprend presque exactement sa forme et ses dimensions primitives. On dit alors que l'élasticité du corps n'a pas été altérée et l'allongement ou le raccourcissement observé qui a disparu ou plutôt dont il ne reste qu'une trace insensible se nomme « déformation élastique ». L'expérience apprend aussi que lorsque les allongements ou les raccourcissements ne sont plus proportionnels aux forces, les corps ne reprennent plus leur forme et leurs dimensions primitives: Lorsque ces forces ont cessé d'agir les corps demeurent plus ou moins allongés ou comprimés ([[Déformation plastique]]). On dit alors que leur élasticité est altérée et la modification qui subsiste ultérieurement dans leurs dimensions se nomme « allongement permanent », « contraction permanente ». La durée d'action des forces exerce une grande influence sur les effets qui se produisent. Ainsi dans le cas où une force n'agira que momentanément, on pourra sans craindre d'altérer l'élasticité du corps, donner à cette force une puissance plus grande que celle que l'on pourrait employer si les efforts s'exerçaient d'une manière permanente<ref name="Roffiaen"/>.
Lorsqu'un corps est soumis à l'action de forces qui tendent à le comprimer ou à l'allonger, les raccourcissements ou les allongements sont entre certaines limites proportionnels aux forces qui les produisent, l'expérience {{incise|pour la première fois réalisée par le physicien anglais [[Robert Hooke]]}} le prouve. Dans ce cas et si la force cesse d'agir, le corps reprend presque exactement sa forme et ses dimensions primitives. On dit alors que l'élasticité du corps n'a pas été altérée et l'allongement ou le raccourcissement observé qui a disparu, ou plutôt dont il ne reste qu'une trace insensible se nomme « déformation élastique ». L'expérience apprend aussi que lorsque les allongements ou les raccourcissements ne sont plus proportionnels aux forces, les corps ne reprennent plus leur forme et leurs dimensions primitives : lorsque ces forces ont cessé d'agir les corps demeurent plus ou moins allongés ou comprimés. On dit alors que leur élasticité est altérée, on parle de [[déformation plastique]] et la modification qui subsiste ultérieurement dans leurs dimensions se nomme « allongement permanent », « contraction permanente ». La durée d'action des forces exerce une grande influence sur les effets qui se produisent. Ainsi dans le cas où une force n'agira que momentanément, on pourra sans craindre d'altérer l'élasticité du corps, donner à cette force une puissance plus grande que celle que l'on pourrait employer si les efforts s'exerçaient d'une manière permanente<ref name="Roffiaen" />.


Il existe différents [[Module d'élasticité|modules d'élasticité]], tels que le [[module de Young]], le [[module de rigidité]] ou de cisaillement et le [[Module d'élasticité isostatique]], qui sont tous des mesures des propriétés élastiques d'un matériau, en tant que résistance à la déformation sous une charge appliquée. Les différents modules s'appliquent à différents types de déformation. Le module de Young (par [[Thomas Young]]) s'applique à l'extension/compression d'un corps, alors que le module de cisaillement s'applique à son [[Contrainte de cisaillement|cisaillement]]<ref>Landau LD, Lipshitz EM. Theory of Elasticity, 3rd Edition, 1970: 1-172.</ref>.
Il existe différents [[Module d'élasticité|modules d'élasticité]], tels que le [[module de Young]], le [[module de rigidité]] ou de cisaillement et le [[module d'élasticité isostatique]], qui sont tous des mesures des propriétés élastiques d'un matériau, en tant que résistance à la déformation sous une charge appliquée. Les différents modules s'appliquent à différents types de déformation. Le module de Young (par [[Thomas Young]]) s'applique à l'extension/compression d'un corps, alors que le module de cisaillement s'applique à son [[Contrainte de cisaillement|cisaillement]]<ref>Landau L.D. et Lipshitz E.M., ''Theory of Elasticity'', {{3e}}{{éd.}}, 1970, 1-172.</ref>.


L'élasticité des matériaux est décrite par une [[courbe contrainte-déformation]], qui montre la relation entre la [[Contrainte (mécanique)|contrainte]] (la force interne de restauration moyenne par unité de surface) et la déformation (la déformation relative)<ref>{{Ouvrage|last=Treloar|first=L. R. G.|titre=The Physics of Rubber Elasticity|Année=1975|publisher=Clarendon Press|Lieu=Oxford|isbn=978-0-1985-1355-1|page=2}}</ref>. La courbe est généralement non linéaire, mais elle peut être (approximativement linéaire) en utilisant des [[Série de Taylor|séries de Taylor]] pour des déformations suffisamment petites (dans lesquelles les termes d'ordre supérieur sont négligeables). Si le matériau est [[isotrope]], la relation contrainte-déformation linéarisée est appelée [[loi de Hooke]], qui est souvent présumée s'appliquer jusqu'à la limite élastique pour la plupart des métaux ou des matériaux cristallins, alors qu'une élasticité non linéaire est généralement requise pour modéliser de grandes déformations de matériaux caoutchouteux élastiques. Pour des contraintes encore plus élevées, les matériaux présentent un [[Déformation plastique|comportement plastique]], c'est-à-dire qu'ils se déforment irréversiblement et ne reviennent pas à leur forme d'origine, alors que la contrainte n'est plus appliquée<ref>{{Ouvrage|last=de With|first=Gijsbertus|title=Structure, Deformation, and Integrity of Materials, Volume I: Fundamentals and Elasticity|year=2006|publisher=Wiley VCH|location=Weinheim|isbn=978-3-527-31426-3|page=32}}</ref>. Pour les matériaux en caoutchouc tels que les élastomères, la pente de la courbe contrainte-déformation augmente avec la contrainte, ce qui signifie que les caoutchoucs deviennent progressivement plus difficiles à étirer, tandis que pour la plupart des métaux, le gradient diminue à des contraintes très élevées, ce qui les rend progressivement plus faciles étirer<ref>{{Ouvrage|last=de With|first=Gijsbertus|title=Structure, Deformation, and Integrity of Materials, Volume I: Fundamentals and Elasticity|year=2006|publisher=Wiley VCH|location=Weinheim|isbn=978-3-527-31426-3|page=32}}</ref>. L'élasticité n'est pas seulement applicable aux solides; Les [[Fluide non-newtonien|fluides non newtoniens]], tels que les fluides [[Viscoélasticité|viscoélastiques]], présenteront également une élasticité, dans certaines conditions, quantifiées par le [[nombre de Deborah]]. En réponse à une petite contrainte, rapidement appliquée et retirée, ces fluides peuvent se déformer, puis revenir à leur forme originale. Sous des contraintes plus grandes, ou des contraintes appliquées pendant de plus longues périodes de temps, ces fluides peuvent commencer à s'écouler à la manière d'un liquide [[Viscosité|visqueux]].
L'élasticité des matériaux est décrite par une [[courbe contrainte-déformation]], qui montre la relation entre la [[Contrainte (mécanique)|contrainte]] (la force interne de restauration moyenne par unité de surface) et la déformation (la déformation relative)<ref>{{Ouvrage|prénom1=L. R. G.|nom1=Treloar|titre=The Physics of Rubber Elasticity|éditeur=Clarendon Press |lieu=Oxford|année=1975|pages totales=310|page=2|isbn=978-0-19-851355-1}}.</ref>. La courbe est généralement non linéaire, mais elle peut être (approximativement linéaire) en utilisant des [[Série de Taylor|séries de Taylor]] pour des déformations suffisamment petites (dans lesquelles les termes d'ordre supérieur sont négligeables). Si le matériau est [[isotrope]], la relation contrainte-déformation linéarisée est appelée [[loi de Hooke]], qui est souvent présumée s'appliquer jusqu'à la limite d'élasticité pour la plupart des métaux ou des matériaux cristallins, alors qu'une élasticité non linéaire est généralement requise pour modéliser de grandes déformations de matériaux caoutchouteux élastiques. Pour des contraintes encore plus élevées, les matériaux présentent un [[Déformation plastique|comportement plastique]], c'est-à-dire qu'ils se déforment irréversiblement et ne reviennent pas à leur forme d'origine, alors que la contrainte n'est plus appliquée<ref name="a">{{Ouvrage|prénom1=Gijsbertus|nom1=de With|titre=Structure, Deformation, and Integrity of Materials, volume I|sous-titre=Fundamentals and Elasticity|éditeur=Wiley VCH|lieu=Weinheim|année=2006|pages totales=838|page=32|isbn=978-3-527-31426-3}}.</ref>. Pour les matériaux en caoutchouc tels que les élastomères, la pente de la courbe contrainte-déformation augmente avec la contrainte, ce qui signifie que les caoutchoucs deviennent progressivement plus difficiles à étirer, tandis que pour la plupart des métaux, le gradient diminue à des contraintes très élevées, ce qui les rend progressivement plus faciles étirer<ref name="a" />. L'élasticité n'est pas seulement applicable aux solides ; les [[Fluide non newtonien|fluides non newtoniens]], tels que les fluides [[Viscoélasticité|viscoélastiques]], présentent également une élasticité, dans certaines conditions, quantifiées par le [[nombre de Deborah]]. En réponse à une petite contrainte, rapidement appliquée et retirée, ces fluides peuvent se déformer, puis revenir à leur forme originale. Sous des contraintes plus grandes, ou des contraintes appliquées pendant de plus longues périodes de temps, ces fluides peuvent commencer à s'écouler à la manière d'un liquide [[Viscosité|visqueux]].


== Élasticité linéaire ==
== Élasticité linéaire ==
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== Valeurs particulières ==
== Valeurs particulières ==
=== Module d'Young ===
=== Module de Young ===
{{Article détaillé|Module de Young}}
{{Article détaillé|Module de Young}}


=== Limite d'élasticité ===
=== Limite d'élasticité ===
{{Article détaillé|Limite d'élasticité}}
{{Article détaillé|Limite d'élasticité}}
La déformation élastique intervient pour les faibles sollicitations. Si l'on augmente les sollicitations, on change le mode de déformation&nbsp;:
La déformation élastique intervient pour les faibles sollicitations. Si l'on augmente les sollicitations, on change le mode de déformation :
* [[rupture (matériau)|rupture]] (endommagement) pour les matériaux dits « [[fragilité|fragiles]] » ;
* [[rupture (matériau)|rupture]] (endommagement) pour les matériaux dits « [[fragilité|fragiles]] » ;
* [[déformation plastique]] (irréversible et non linéaire) puis rupture pour les matériaux dits « [[ductilité|ductiles]] » ;
* [[déformation plastique]] (irréversible et non linéaire) puis rupture pour les matériaux dits « [[ductilité|ductiles]] » ;
* éventuellement [[fluage]] pour les matériaux ductiles si la [[vitesse de déformation]] est lente ou la température élevée.
* éventuellement [[fluage]] pour les matériaux ductiles si la [[vitesse de déformation]] est lente ou la température élevée.
La contrainte délimitant le domaine élastique des autres domaines est appelée '''limite d'élasticité''' (''yield strength'' en anglais).
La contrainte délimitant le domaine élastique des autres domaines est appelée '''limite d'élasticité''' ({{en anglais|yield strength}}).


=== Coefficient de Poisson ===
=== Coefficient de Poisson ===
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== Contrainte et déformation ==
== Contrainte et déformation ==
On utilise deux modèles de déformation élastique : la traction-compression et le cisaillement. La flexion peut se modéliser selon les cas comme une traction-compression ou comme un cisaillement, la torsion se modélise comme un cisaillement (voir plus bas).

On utilise deux modèles de déformation élastique : la '''traction-compression''' et le '''cisaillement'''. La flexion peut se modéliser selon les cas comme une traction-compression ou comme un cisaillement, la torsion se modélise comme un cisaillement (voir plus bas).


=== Traction-compression uniaxiale ===
=== Traction-compression uniaxiale ===

Prenons le cas de la traction ou de la compression d'une pièce cylindrique ou parallélépipédique selon son axe. La traction-compression correspond à des forces s'exerçant perpendiculairement aux sections de ces pièces ; elle est dite uniaxiale car les côtés de la pièce ne sont pas contraints, toutes les forces sont sur un même axe.
Prenons le cas de la traction ou de la compression d'une pièce cylindrique ou parallélépipédique selon son axe. La traction-compression correspond à des forces s'exerçant perpendiculairement aux sections de ces pièces ; elle est dite uniaxiale car les côtés de la pièce ne sont pas contraints, toutes les forces sont sur un même axe.


==== Allongement dans l'axe ====
==== Allongement dans l'axe ====

En prenant des pièces de différentes dimensions, on remarque que pour une [[Force (physique)|force]] donnée :
En prenant des pièces de différentes dimensions, on remarque que pour une [[Force (physique)|force]] donnée :
* l'allongement Δ''l'' est proportionnel à la longueur initiale ''l''<sub>0</sub> du cylindre ;
* l'allongement {{math|Δ''l''}} est proportionnel à la longueur initiale {{math|''l''<sub>0</sub>}} du cylindre ;
:ceci se conçoit bien : si l'on met deux ressorts identiques bout-à-bout, le premier ressort transmet intégralement la force au second ressort, les deux s'allongent donc de la même quantité ; donc si avec un ressort on a un allongement Δ''l''<sub>1</sub>, avec deux ressorts l'allongement total est ''l''<sub>1</sub> ;
:ceci se conçoit bien : si l'on met deux ressorts identiques bout-à-bout, le premier ressort transmet intégralement la force au second ressort, les deux s'allongent donc de la même quantité ; donc si avec un ressort on a un allongement {{math|Δ''l''{{ind|1}}}}, avec deux ressorts l'allongement total est {{math|2 Δ''l''{{ind|1}}}} ;
* l'allongement Δ''l'' est inversement proportionnel à la section du cylindre ;
* l'allongement {{math|Δ''l''}} est inversement proportionnel à la section du cylindre ;
:on conçoit également aisément que si l'on met deux ressorts identiques en parallèle, chaque ressort exercera la moitié de la force de traction, l'allongement final sera donc Δ<sub>1</sub>/2 ; si l'on double la section de la pièce, c'est comme si l'on mettait deux pièces côte-à-côte.
:on conçoit également aisément que si l'on met deux ressorts identiques en parallèle, chaque ressort exercera la moitié de la force de traction, l'allongement final sera donc {{math|Δ''l''{{ind|1}}/2}} ; si l'on double la section de la pièce, c'est comme si l'on mettait deux pièces côte-à-côte.
Si l'on veut caractériser le matériau en faisant abstraction de la forme de la pièce et de ses dimensions, on définit donc :
Si l'on veut caractériser le matériau en faisant abstraction de la forme de la pièce et de ses dimensions, on définit donc :
* l''''allongement relatif''' ou '''déformation''' (''strain'' en anglais), noté ε
* l'allongement relatif ou déformation ({{en anglais|strain}}), noté {{mvar|ε}}
::<math>\varepsilon = \frac{\Delta l}{l_0} = \frac{l - l_0}{l_0}</math>
::<math>\varepsilon = \frac{\Delta l}{l_0} = \frac{l - l_0}{l_0}</math>
:ε est sans dimension, on l'exprime parfois en % (100×Δ''l''/''l''<sub>0</sub>)
:{{mvar|ε}} est sans dimension, on l'exprime parfois en % (100×Δ''l''/''l''<sub>0</sub>)
* la '''contrainte''' (''stress'' en anglais), notée σ
* la contrainte ({{en anglais|stress}}), notée {{mvar|σ}}
::<math>\sigma = \frac{F}{S}</math>
::<math>\sigma = \frac{F}{S}</math>
:σ est homogène à une [[pression]] ; du fait des valeurs énormes mises en jeu, on l'exprime généralement en [[méga]][[Pascal (unité)|pascal]] (MPa).
:{{mvar|σ}} est homogène à une [[pression]] ; du fait des valeurs énormes mises en jeu, on l'exprime généralement en [[méga]][[Pascal (unité)|pascals]] (MPa).


[[Image:Cylindre et parallelepipede deformation elastique.png]]
[[Image:Cylindre et parallelepipede deformation elastique.png]]


La loi élastique s'écrit alors :
La loi élastique s'écrit alors :
:<math>\sigma = E \varepsilon</math>,
:σ = ''E'' ε
c'est la '''[[loi de Hooke]]''' ; ''E'' est le '''[[module de Young]]''' (''Young's modulus'' en anglais), qui est une caractéristique du matériau. ''E'' est également homogène à une pression, du fait des valeurs très élevées qu'il prend, il est généralement exprimé en [[giga]][[Pascal (unité)|pascal]] (GPa).
c'est la [[loi de Hooke]] ; {{mvar|E}} est le [[module de Young]] ({{en anglais|Young's modulus}}), qui est une caractéristique du matériau. {{mvar|E}} est également homogène à une pression, du fait des valeurs très élevées qu'il prend, il est généralement exprimé en [[giga]][[Pascal (unité)|pascals]] (GPa).


On voit aisément que la densité d'énergie de déformation ''w'', c'est-à-dire l'énergie élastique divisée par le volume de la pièce, vaut&nbsp;:
On voit aisément que la [[densité d'énergie]] de déformation {{mvar|w}}, c'est-à-dire l'énergie élastique divisée par le volume de la pièce, vaut :
:<math>w = \frac12 \sigma \cdot \varepsilon = \frac12 E \varepsilon^2</math>.
:''w'' = 1/2 · σ · ε = 1/2 · ''E'' ε²


Lorsque l'on exerce une traction ou une compression, on constate que la largeur de la pièce varie également, à l'inverse de l'allongement. La variation relative de dimension est proportionnelle à l'allongement relatif ε, le coefficient de proportionnalité s'appelle le '''[[coefficient de Poisson]]''' ou '''rapport de Poisson''' (''Poisson's ratio'' en anglais) en hommage au mathématicien français [[Siméon Denis Poisson]]. Il est noté ν et est sans unité&nbsp;:
Lorsque l'on exerce une traction ou une compression, on constate que la largeur de la pièce varie également, à l'inverse de l'allongement. La variation relative de dimension est proportionnelle à l'allongement relatif {{mvar|ε}}, le coefficient de proportionnalité s'appelle le [[coefficient de Poisson]] ({{en anglais|Poisson's ratio}}) en hommage au mathématicien français [[Siméon Denis Poisson]]. Il est noté {{mvar|ν}} et est sans unité :
* pour un cylindre :
* pour un cylindre :
:<math>\frac{\Delta r}{r_0} = - \nu \cdot \frac{\Delta l}{l_0} = - \nu \cdot \varepsilon</math>
:<math>\frac{\Delta r}{r_0} = - \nu \cdot \frac{\Delta l}{l_0} = - \nu \cdot \varepsilon</math> ;
* pour un parallélépipède rectangle :
* pour un parallélépipède rectangle :
:<math>\frac{\Delta a}{a_0} = - \nu \cdot \frac{\Delta l}{l_0} = - \nu \cdot \varepsilon</math>
:<math>\frac{\Delta a}{a_0} = - \nu \cdot \frac{\Delta l}{l_0} = - \nu \cdot \varepsilon</math>
:<math>\frac{\Delta b}{b_0} = - \nu \cdot \frac{\Delta l}{l_0} = - \nu \cdot \varepsilon</math>
:<math>\frac{\Delta b}{b_0} = - \nu \cdot \frac{\Delta l}{l_0} = - \nu \cdot \varepsilon</math>.


[[Image:Traction compression variations dimensionnelles.png]]
[[Image:Traction compression variations dimensionnelles.png|thumb]]


Considérons le volume de la pièce. Pour une pièce cylindrique, on a :
On considère le volume de la pièce. Pour une pièce cylindrique, on a :
:''V'' = ''l'' × π ''r''<sup> 2</sup>
:<math>V = l \times \pi r^2</math>.
Pour des petites variations, on a donc :
Pour des petites variations, on a donc :
:<math>\frac{\Delta V}{V_0} = \frac{\Delta l}{l_0} + 2 \frac{\Delta r}{r_0}</math>
:Δ''V''/''V''<sub>0</sub> = Δ''l''/''l''<sub>0</sub> + 2·Δ''r''/''r''<sub>0</sub>
(développement limité au premier ordre), soit :
(développement limité au premier ordre), soit :
:<math>\frac{\Delta V}{V_0} = (1 - 2\nu) \varepsilon</math>.
:Δ''V''/''V''<sub>0</sub> = (1 - 2ν) · ε
De même pour une pièce parallélépipédique, on a :
De même pour une pièce parallélépipédique, on a :
:''V'' = ''l'' × ''a'' × ''b''
:<math>V = l \times a \times b</math>
:<math>\frac{\Delta V}{V_0} = \frac{\Delta l}{l_0} + \frac{\Delta a}{a_0} + \frac{\Delta b}{b_0}</math>
:Δ''V''/''V''<sub>0</sub> = Δ''l''/''l''<sub>0</sub> + Δ''a''/''a''<sub>0</sub> + Δ''b''/''b''<sub>0</sub>
donc de même :
donc de même :
:<math>\frac{\Delta V}{V_0} = (1 - 2\nu) \varepsilon</math>.
:Δ''V''/''V''<sub>0</sub> = (1 - 2ν) · ε
On voit donc que :
On voit donc que :
:si ν &gt; 0,5 le volume diminue en traction et augmente en compression (cas exceptionnel) ;
:si {{math|''ν'' > 0,5}}, le volume diminue en traction et augmente en compression (cas exceptionnel) ;
:si ν &lt; 0,5 le volume augmente en traction et diminue en compression (comportement le plus général).
:si {{math|''ν'' < 0,5}} le volume augmente en traction et diminue en compression (comportement le plus général).
Pour un acier, ν vaut environ 0,3, on est donc dans le second cas.
Pour un [[acier]], {{mvar|ν}} vaut environ 0,3, on est donc dans le second cas.


Si maintenant on maintient la largeur constante — par exemple on effectue une compression mais la pièce est dans une gaine ultra-rigide et ne peut pas s'étendre —, alors, la déformation n'est plus uniaxiale, la gaine exerce une pression (une contrainte) sur les côtés de la pièce. Il faut alors utiliser un autre coefficient élastique, noté ''C''<sub>11</sub>, différent de ''E''&nbsp;:
Si maintenant on maintient la largeur constante — par exemple on effectue une compression mais la pièce est dans une gaine ultra-rigide et ne peut pas s'étendre —, alors, la déformation n'est plus uniaxiale, la gaine exerce une pression (une contrainte) sur les côtés de la pièce. Il faut alors utiliser un autre coefficient élastique, noté {{math|''C''<sub>11</sub>}}, différent de {{mvar|E}} :
:<math>\sigma = C_{11}\cdot \varepsilon</math>.
:σ = ''C''<sub>11</sub> · ε


==== Cisaillement ====
==== Cisaillement ====
[[Image:Parallelepipede cisaillement.png|thumb]]

Si l'on considère un parallélépipède rectangle, le [[cisaillement]] est une variation de l'angle, qui n'est plus droit. Cela correspond à des forces s'exerçant parallèlement à la face.
Si l'on considère un parallélépipède rectangle, le [[cisaillement]] est une variation de l'angle, qui n'est plus droit. Cela correspond à des forces s'exerçant parallèlement à la face.


On définit de même la contrainte comme étant la force divisée par la surface sur laquelle elle s'exerce ; cette contrainte est appelée '''cission''' (toujours exprimée en MPa) et est notée τ.
On définit de même la contrainte comme étant la force divisée par la surface sur laquelle elle s'exerce ; cette contrainte est appelée cission (toujours exprimée en MPa) et est notée {{mvar|τ}}.


La déformation est l'écart à l'angle droit γ, appelé '''cisaillement''', exprimé en radian.
La déformation est l'écart à l'angle droit {{mvar|γ}}, appelé cisaillement. exprimé en radians.

[[Image:Parallelepipede cisaillement.png]]


On a toujours une loi linéaire :
On a toujours une loi linéaire :
:<math>\tau = G \gamma</math>
:τ = ''G'' · γ
''G'' est le '''[[module de cisaillement]]''' ou '''module de [[Charles de Coulomb|Coulomb]]''', généralement exprimé en GPa.
{{mvar|G}} est le [[module de cisaillement]] ou module de [[Charles de Coulomb|Coulomb]], généralement exprimé en GPa.
Dans le cas d'un milieu isotrope, le module de cisaillement est lié au module d'Young et au coefficient de Poisson par la relation suivante&nbsp;:
Dans le cas d'un milieu isotrope, le module de cisaillement est lié au module de Young et au coefficient de Poisson par la relation suivante :
:<math>G = \frac{E}{2 \; (1 + \nu)}</math>
:<math>G = \frac{E}{2 \; (1 + \nu)}</math>.


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'''Note''' : dans l'article ''[[Tenseur des déformations#Variation relative de volume|Tenseur des déformations]]'', l'angle γ défini vaut la moitié de l'angle γ défini ici.
''Note'' : dans l'article ''[[Tenseur des déformations#Variation relative de volume|Tenseur des déformations]]'', l'angle {{mvar|γ}} défini vaut la moitié de l'angle {{mvar|γ}} défini ici.
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==== Compression isostatique ====
==== Compression isostatique ====
[[Image:Isostatic pressure deformation.svg|thumb]]

Une compression isostatique est l'exercice d'une [[pression]] isotrope, c'est-à-dire qui a la même valeur dans toutes les directions. Si l'on désigne par ''V'' le volume de l'objet, la variation de volume relative est proportionnelle à la variation de la pression ''P''&nbsp;:
Une compression isostatique est l'exercice d'une [[pression]] isotrope, c'est-à-dire qui a la même valeur dans toutes les directions. Si l'on désigne par {{mvar|V}} le volume de l'objet, la variation de volume relative est proportionnelle à la variation de la pression {{mvar|P}} :

[[Image:Isostatic pressure deformation.png]]


:<math>\Delta P = -K \cdot \frac{\Delta V}{V_0}</math>
:<math>\Delta P = -K \cdot \frac{\Delta V}{V_0}</math>
''K'' est le '''[[module d'élasticité à la compression isostatique]]'''<ref>La notion de ''module de compressibilité'' est ambiguë puisqu'il s'agit de l'inverse de la dite « compressibilité ».</ref> (''bulk modulus'' en anglais).
{{mvar|K}} est le [[module d'élasticité à la compression isostatique]]<ref>La notion de ''module de compressibilité'' est ambiguë puisqu'il s'agit de l'inverse de ladite « compressibilité ».</ref> ({{en anglais|bulk modulus}}).
On remarque que ''K'' est l'inverse du coefficient de [[compressibilité]] isotherme χ<sub>''T''</sub> défini en thermodynamique par&nbsp;:
On remarque que {{mvar|K}} est l'inverse du coefficient de [[compressibilité]] isotherme {{mvar|χ<sub>T</sub>}} défini en thermodynamique par :
:<math>\frac{1}{K} = \chi_T = -\frac{1}{V} \cdot \left ( \frac{\partial V}{\partial P} \right )_T</math>
:<math>\frac{1}{K} = \chi_T = -\frac{1}{V} \cdot \left ( \frac{\partial V}{\partial P} \right)_T</math>
''K'' est aussi homogène à une pression et est généralement exprimé en gigapascal (GPa).
{{mvar|K}} est aussi homogène à une pression et est généralement exprimé en gigapascals (GPa).
On a :
On a :
{| class="wikitable"
{| class="wikitable"
! Matériau
! matériau
! ''K''
! ''K'' ({{nb|GPa}})
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| acier || 160 GPa
| acier || 160
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| eau || 2,2 GPa
| eau || 2,2
|-----
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| air || 0,000&nbsp;1 GPa<ref>l'équation des gaz parfaits nous donne χ<sub>''T''</sub> = 1/''P'', soit ''K'' = ''P'' = 10<sup>5</sup>&nbsp;Pa = 10<sup>-4</sup>&nbsp;GPa à une atmosphère.</ref>
| air || 0,0001<ref>L'[[équation des gaz parfaits]] donne ''χ''<sub>''T''</sub> = 1/''P'', soit ''K'' = ''P'' = {{unité|e5 Pa}} = {{unité|e-4 GPa}} à {{unité|1|atm}}.</ref>
|}
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Dans le cas d'un milieu isotrope, le module d'élasticité isostatique ''K'', le module de Young ''E'' et le module de cisaillement ''G'' sont liés par la relation suivante&nbsp;:
Dans le cas d'un milieu isotrope, le module d'élasticité isostatique {{mvar|K}}, le module de Young {{mvar|E}} et le module de cisaillement {{mvar|G}} sont liés par la relation suivante :
:<math>\frac{1}{E} = \frac{1}{9\;K} + \frac{1}{3\;G}</math>
:<math>\frac{1}{E} = \frac{1}{9\;K} + \frac{1}{3\;G}</math>.


==== Cas des grandes déformations ====
==== Cas des grandes déformations ====
La définition que l'on a prise de ''ε'' dépend du trajet suivi. On considère une déformation finale de ''ε''<sub>1</sub> + ''ε''<sub>2</sub>. Si l'on fait la déformation en une étape, la longueur finale est :

:<math>l = l_0(1 + \varepsilon_1 + \varepsilon_2)</math>.
La définition que l'on a prise de ε dépend du trajet suivi. Considérons une déformation finale de ε<sub>1</sub> + ε<sub>2</sub>. Si l'on fait la déformation en une étape, la longueur finale est
:''l'' = ''l''<sub>0</sub>(1 + ε<sub>1</sub> + ε<sub>2</sub>)
Si par contre on déforme d'abord de {{math|''ε''<sub>1</sub>}}, on a une première longueur :
:<math>l = l_0(1 + \varepsilon_1)</math>
Si par contre on déforme d'abord de ε<sub>1</sub>, on a une première longueur
qui devient la longueur initiale pour l'étape suivante, donc lorsque l'on rajoute une déformation {{math|''ε''<sub>2</sub>}}, on obtient :
:''l'' = ''l''<sub>0</sub>(1 + ε<sub>1</sub>)
:<math>l = l_0(1 + \varepsilon_1)(1 + \varepsilon_2)</math>.
qui devient la longueur initiale pour l'étape suivante, donc lorsque l'on rajoute une déformation ε<sub>2</sub>, on obtient
En développant cette dernière formule, on voit que les deux sont équivalentes si :
:''l'' = ''l''<sub>0</sub>(1 + ε<sub>1</sub>)(1 + ε<sub>2</sub>)
:<math>\varepsilon_1 \cdot \varepsilon_2 <\!\!< \varepsilon_1\ \mathrm{ et } \ \varepsilon_1 \cdot \varepsilon_2 <\!\!< \varepsilon_2</math>,
En développant cette dernière formule, on voit que les deux sont équivalentes si
soit, de manière synthétique, si :
:ε<sub>1</sub> · ε<sub>2</sub> ≪ ε<sub>1</sub> et ε<sub>1</sub> · ε<sub>2</sub> ≪ ε<sub>2</sub>
:<math>\varepsilon^2 <\!\!< \varepsilon\ \mathrm{ soit } \ \varepsilon <\!\!< 1 </math>,
soit, de manière synthétique, si
:ε² ≪ ε, soit ε ≪ 1 ;
c'est l'hypothèse des '''petites déformations'''.
c'est l'hypothèse des '''petites déformations'''.


Pour les grandes déformations, on peut utiliser une autre définition de ε :
Pour les grandes déformations, on peut utiliser une autre définition de ''ε'' :
:<math>\varepsilon = \ln \left ( \frac{l}{l_0} \right )</math>
:<math>\varepsilon = \ln \left ( \frac{l}{l_0} \right)</math>,
on voit que si ''l'' et ''l''<sub>0</sub> sont proches, le développement limité de cette formule redonne la définition de ε des petites déformations
on voit que si {{mvar|l}} et {{math|''l''<sub>0</sub>}} sont proches, le développement limité de cette formule redonne la définition de {{mvar|ε}} des petites déformations.


=== Pourquoi les lois sont-elles linéaires ? ===
=== Pourquoi les lois sont-elles linéaires ? ===
[[Image:Potentiel deformation elastique.png|thumb|300px|Évolution du potentiel interatomique.]]

De manière générale, toute loi peut localement (c'est-à-dire pour de petites variations) se remplacer par un [[développement limité]] du premier ordre, ou « approximation linéaire », à condition que la [[tangente (géométrie)|tangente]] de la loi ne soit pas horizontale autour du point considéré. Les lois élastiques sont donc des approximations linéaires du comportement réel, plus complexe.
De manière générale, toute loi peut localement (c'est-à-dire pour de petites variations) se remplacer par un [[développement limité]] du premier ordre, ou « approximation linéaire », à condition que la [[tangente (géométrie)|tangente]] de la loi ne soit pas horizontale autour du point considéré. Les lois élastiques sont donc des approximations linéaires du comportement réel, plus complexe.


Plus précisément, l'explication de la linéarité se trouve dans la forme du [[potentiel interatomique]] ''W''(''r''), où ''r'' est la distance entre deux atomes.
Plus précisément, l'explication de la linéarité se trouve dans la forme du [[potentiel interatomique]] {{math|''W''(''r'')}}, où {{mvar|r}} est la distance entre deux atomes.


À une [[température]] de 0 [[kelvin|K]], la distance entre deux atomes est ''r''<sub>0</sub>. Si l'on s'éloigne un peu de cette valeur, l'énergie ''W'' augmente ; on peut localement approcher la loi de ''W'' par une parabole (il s'agit en fait d'un [[développement limité]] au second ordre), on peut donc écrire :
À une température de {{unité|0|K}}, la distance entre deux atomes est {{math|''r''<sub>0</sub>}}. Si l'on s'éloigne un peu de cette valeur, l'énergie {{mvar|W}} augmente ; on peut localement approcher la loi de {{mvar|W}} par une parabole (il s'agit en fait d'un [[développement limité]] au second ordre), on peut donc écrire :
:''W''(''r'') = ''W''<sub>0</sub> + ''k'' · (''r'' - ''r''<sub>0</sub>)<sup>2</sup>.
:<math>W(r) = W_0 + k \cdot (r - r_0)^2</math>.


La force étant la dérivée de l'énergie potentielle, on voit que les atomes sont soumis à une force de rappel (qui tend à faire revenir à {{math|''r''<sub>0</sub>}}) qui vaut :
[[Image:Potentiel deformation elastique.png]]
:<math>F = 2k \cdot (r - r_0)</math>

La force étant la dérivée de l'énergie potentielle, on voit que les atomes sont soumis à une force de rappel (qui tend à faire revenir à ''r''<sub>0</sub>) qui vaut :
:''F'' = 2''k'' · (''r'' - ''r''<sub>0</sub>)
qui est bien une loi linéaire.
qui est bien une loi linéaire.


=== Déformations complexes ===
=== Déformations complexes ===
Jusqu'ici, des exemples de déformation très simples ont été montrés : traction uniaxiale, cisaillement, compression isostatique, sur un parallélépipède rectangle. Les applications réelles correspondent à des pièces et des sollicitations plus complexes, nécessitant de décrire la déformation et les contraintes par des [[matrice (mathématiques)|matrices]], des [[tenseur]]s, voir les articles :

Nous avons vu jusqu'ici des exemples de déformation très simples : traction uniaxiale, cisaillement, compression isostatique, sur un parallélépipède rectangle. Les applications réelles correspondent à des pièces et des sollicitations plus complexes, nécessitant de décrire la déformation et les contraintes par des [[matrice (mathématiques)|matrices]], des [[tenseur]]s, voir les articles :
* [[Tenseur des déformations]]
* [[Tenseur des déformations]]
* [[Tenseur des contraintes]]
* et [[Tenseur des contraintes]].


== Cas des gaz ==
=== Exemple des ressorts ===


[[Image:Ressorts elasticite.png|thumb|300px|Trois exemples de ressorts : ressort à spires non-jointives sollicité selon son axe (fig. de gauche), ressort à lame sollicité en flexion (au centre), ressort à lame sollicité en torsion (à droite).]]
Un [[gaz]] est constitué de [[molécule]]s qui volent et s'entrechoquent. Elles se cognent également aux parois du récipient contenant le gaz, ce qui crée la [[pression]]. L'[[énergie cinétique]] moyenne d'une molécule est proportionnelle à la [[température]] absolue (en [[kelvin]]s)&nbsp;:
:<math>E_c = \frac{3}{2} \cdot k \cdot T</math>
<math>k</math> étant la [[constante de Boltzmann]].

La pression du gaz sur les parois dépend donc du nombre de chocs par seconde et de la force de chaque choc, cette force dépendant de l'énergie cinétique. Si l'on diminue le volume de l'enveloppe en maintenant la température constante (compression isotherme), on augmente la fréquence des chocs donc la pression. À l'inverse, si l'on agrandit l'enveloppe, on diminue la fréquence des chocs, et donc on diminue la pression. Ceci se retrouve dans les lois de comportement des gaz, par exemple dans la loi des [[gaz parfait]]s, la pression est inversement proportionnelle au [[volume]]&nbsp;:
:<math> P \propto \frac{1}{V}</math>
(la constante de proportionnalité vaut <math> nRT </math> où <math> n </math> est la [[quantité de matière|quantité]] de gaz et <math>R</math> est la constante des gaz parfaits). Si l'on prend un cylindre de section <math>S</math> constante et de longueur <math> l </math> variable par l'action d'un piston, on a
:<math>F = P \cdot S = \frac{A}{l}</math>
soit pour de petites variations ([[développement limité]] de la fonction <math> \frac{1}{l} </math> autour de <math>l_0 </math>)&nbsp;:
:<math>\Delta F \simeq - \frac{A}{l_0^2} \cdot (l-l_0)</math>
qui est une loi linéaire (ou plutôt affine) en <math>l</math>.

On a bien un comportement élastique pour les gaz isothermes soumis à de faibles variations de volume.

''Voir les articles [[Théorie cinétique des gaz]] et [[Pression cinétique]].''

=== Exemple des ressorts ===


Le cas le plus simple de déformation élastique est celui des [[ressort]]s.
Le cas le plus simple de déformation élastique est celui des [[ressort]]s.


Sur les dessins, la réaction du support auquel est accroché le ressort n'est pas représentée. Mais il faut bien voir que la déformation résulte de l'application de deux actions mécaniques opposées (forces et/ou couples) ; s'il n'y a qu'une seule force, en application du [[lois du mouvement de Newton|principe fondamental de la dynamique]], la force accélère le ressort sans provoquer de déformation, on se ramène à la [[mécanique du point]].
[[Image:Ressorts elasticite.png]]<br />
<small>''Trois exemples de ressorts : ressort à spires non-jointives sollicité selon son axe (fig. de gauche), ressort à lame sollicité en flexion (au centre), ressort à lame sollicité en torsion (à droite)''</small>


Lorsque les [[lois de déformation]] sont linéaires, le coefficient de proportionnalité est appelé [[raideur (mécanique)|raideur]] du ressort et est noté {{mvar|k}} :
Sur les dessins, nous n'avons pas représenté la réaction du support auquel est accroché le ressort. Mais il faut bien voir que '''la déformation résulte de l'application de deux actions mécaniques opposées''' (forces et/ou couples)&nbsp;; s'il n'y a qu'une seule force, en application du [[lois du mouvement de Newton|principe fondamental de la dynamique]], la force accélère le ressort sans provoquer de déformation, on se ramène à la [[mécanique du point]].
* {{math|''F'' {{=}} ''k''<sub>1</sub> · Δ''l''}} pour une traction-compression ;
* {{math|''F'' {{=}} ''k''<sub>2</sub> · ''θ''}} pour une flexion ;
* {{math|''C'' {{=}} ''k''<sub>3</sub> · ''θ''}} pour une torsion.
On remarque que les coefficients {{math|''k''<sub>1</sub>}}, {{math|''k''<sub>2</sub>}} et {{math|''k''<sub>3</sub>}} ne sont pas homogènes (ils n'ont pas la même [[dimension]]). L'angle {{mvar|θ}} doit être exprimé en [[radian]]s.


Dans le cas d'un ressort à spires non-jointives, l'[[énergie]] de déformation élastique {{mvar|W}} est le [[travail d'une force|travail]] de la force :
Lorsque les [[lois de déformation]] sont linéaires, le coefficient de proportionnalité est appelé '''[[raideur (mécanique)|raideur]]''' du ressort et est noté ''k''&nbsp;:
:<math>W = \int_0^{\Delta l} F \cdot dl</math>.
* ''F'' = ''k''<sub>1</sub> · Δ''l'' pour une traction-compression ;
C'est donc la surface du triangle délimité par la droite dans le graphique {{math|(Δ''l'',''F'')}}, soit :
* ''F'' = ''k''<sub>2</sub> · θ pour une flexion ;
:<math>W = \frac12 k_1 \Delta l_2 = \frac12 F \cdot \Delta l</math>.
* ''C'' = ''k''<sub>3</sub> · θ pour une torsion.
On remarque que les coefficients ''k''<sub>1</sub>, ''k''<sub>2</sub> et ''k''<sub>3</sub> ne sont pas homogènes (ils n'ont pas la même [[dimension]]). L'angle θ doit être exprimé en [[radian]]s.


Dans le cas d'un ressort à spires non-jointives, l'[[énergie]] de déformation élastique ''W'' est le [[travail d'une force|travail]] de la force&nbsp;:
[[Image:Ressort energie elastique.png|thumb|300px|Illustration graphique de l'énergie de déformation élastique dans le cas d'un ressort à spires non-jointives.]]
:<math>W = \int_0^{\Delta l} F \cdot dl</math>
C'est donc la surface du triangle délimité par la droite dans le graphique (Δ''l'',''F''), soit
:''W'' = 1/2 ''k''<sub>1</sub> Δ''l''<sup> 2</sup> = 1/2 · ''F'' · Δ''l''


''Note'' : sur la première figure, un graphique montrant la déformation en fonction de la force a été utilisé, par exemple {{math|(''F'', Δ''l'')}}. Sur la deuxième figure, les axes sont inversés et la force est représentée en fonction de la déformation {{math|(Δ''l'',''F'')}}. Si la première représentation semble plus intuitive (on se représente la force comme la cause de la déformation), les deux sont équivalentes. C'est de fait la seconde, {{math|(Δ''l'',''F'')}}, qui est la plus utilisée, les [[Essai de traction|essais de traction]] se faisant à déformation imposée croissante (voir l'explication dans l'article [[essais mécaniques]]).
[[Image:Ressort energie elastique.png]]<br />
<small>''Illustration graphique de l'énergie de déformation élastique dans le cas d'un ressort à spires non-jointives''</small>


== Notes et références ==
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'''Note''' : sur la première figure, nous avons utilisé un graphique montrant la déformation en fonction de la force, par exemple (''F'',Δ''l''). Sur la deuxième figure, nous avons inversé les axes et représenté la force en fonction de la déformation (Δ''l'',''F''). Si la première représentation nous semble plus intuitive (on se représente la force comme la cause de la déformation), les deux sont équivalentes. C'est de fait la seconde, (Δ''l'',''F''), qui est la plus utilisée, les essais de traction se faisant à déformation imposée croissante (voir l'explication dans l'article [[essais mécaniques]]).
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== Notes ==
<references/>
<references/>


== Bibliographie ==
== Bibliographie ==
* Mekaouche, A., Chapelle, F., & Balandraud, X. (2015). ''Obtention de rigidité variable d'une structure robotique par l'utilisation d'un alliage à mémoire de forme''. S07 Mécanique des structures.
* Mekaouche, A., Chapelle, F. et Balandraud, X., ''Obtention de rigidité variable d'une structure robotique par l'utilisation d'un alliage à mémoire de forme'', 2015, S07 Mécanique des structures.


== Voir aussi ==
== Voir aussi ==
{{Autres projets
{{Autres projets
| wikiversity = Introduction à l'élasticité
| wikiversity = Introduction à l'élasticité
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}}


=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
* [[Lois de déformation]]
* [[Loi de comportement]]
* [[Rhéologie des solides]]
* [[Rhéologie des solides]]

=== Liens externes ===
=== Liens externes ===
* [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k77803b/f9.table Théorie de l'élasticité des corps solides], É. Mathieu (1835-1890), ''Traité de physique mathématique'' (sur [[Gallica]])
* [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k77803b/f9.table Théorie de l'élasticité des corps solides], É. Mathieu (1835-1890), ''Traité de physique mathématique'' (sur [[Gallica]]).
* [http://www.icab.fr/doc/icabforce/ref/elasticite.htm tenseurs contrainte/déformation - loi de comportement élastique isotrope, orthotrope] manuel de référence du logiciel de calcul de structure ICAB Force
* [http://www.icab.fr/doc/icabforce/ref/elasticite.htm Tenseurs contrainte/déformation - loi de comportement élastique isotrope, orthotrope], manuel de référence du logiciel de calcul de structure ICAB Force.
* [http://www.doitpoms.ac.uk/tlplib/deformation/index.php Tutoriel] sur la déformation élastique d'une structure de poutres en nid d'abeille, Univ. Cambridge.
* [http://www.doitpoms.ac.uk/tlplib/deformation/index.php Tutoriel] sur la déformation élastique d'une structure de poutres en nid d'abeille, Univ. Cambridge.


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Dernière version du 25 janvier 2024 à 19:41

En mécanique des milieux continus, une déformation élastique est une déformation réversible, c'est-à-dire qui disparaît lorsque les forces appliquées au matériau disparaissent. Elle est généralement linéaire (proportionnelle à la force appliquée).

Causes de l'élasticité[modifier | modifier le code]

Les raisons physiques du comportement élastique diffèrent d'un matériau à un autre. Pour les métaux, le treillis atomique change de taille et de forme quand des forces leur sont appliquées (ajout d'énergie au système). Quand les forces sont supprimées, le système retourne à son état original où l'énergie est la plus faible. Pour le caoutchouc et autres polymères, l'élasticité est due à l’extension des chaînes de polymère lorsque les forces sont appliquées. Dans les tissus biologiques élastiques (muscle par exemple), plusieurs de ces causes peuvent être mobilisées.

L'élasticité linéaire concerne les petites déformations proportionnelles à la sollicitation. Dans cette gamme, l'allongement est proportionnel à la force dans le cas d'un étirement, selon le module de Young, et l'angle est proportionnel au couple dans le cas d'une torsion, selon le module de Coulomb.

Aux plus grandes déformations, l'élasticité devient non linéaire pour certains matériaux.

La déformation élastique est un domaine important de la mécanique des milieux continus (MMC) et de la thermodynamique (compression des gaz).

Généralités[modifier | modifier le code]

Les matériaux peuvent être soumis à l'action d'une force qui les déforme. Tous les matériaux sont plus ou moins élastiques, c'est-à-dire qu'ils reviennent à leur forme primitive si la force appliquée n'a pas dépassé un certain seuil (la limite d'élasticité) et qu'elle cesse d'agir. Dans le cas contraire, il y a déformation plastique, voire rupture[1].

Lorsqu'un corps est soumis à l'action de forces qui tendent à le comprimer ou à l'allonger, les raccourcissements ou les allongements sont entre certaines limites proportionnels aux forces qui les produisent, l'expérience — pour la première fois réalisée par le physicien anglais Robert Hooke — le prouve. Dans ce cas et si la force cesse d'agir, le corps reprend presque exactement sa forme et ses dimensions primitives. On dit alors que l'élasticité du corps n'a pas été altérée et l'allongement ou le raccourcissement observé qui a disparu, ou plutôt dont il ne reste qu'une trace insensible se nomme « déformation élastique ». L'expérience apprend aussi que lorsque les allongements ou les raccourcissements ne sont plus proportionnels aux forces, les corps ne reprennent plus leur forme et leurs dimensions primitives : lorsque ces forces ont cessé d'agir les corps demeurent plus ou moins allongés ou comprimés. On dit alors que leur élasticité est altérée, on parle de déformation plastique et la modification qui subsiste ultérieurement dans leurs dimensions se nomme « allongement permanent », « contraction permanente ». La durée d'action des forces exerce une grande influence sur les effets qui se produisent. Ainsi dans le cas où une force n'agira que momentanément, on pourra sans craindre d'altérer l'élasticité du corps, donner à cette force une puissance plus grande que celle que l'on pourrait employer si les efforts s'exerçaient d'une manière permanente[1].

Il existe différents modules d'élasticité, tels que le module de Young, le module de rigidité ou de cisaillement et le module d'élasticité isostatique, qui sont tous des mesures des propriétés élastiques d'un matériau, en tant que résistance à la déformation sous une charge appliquée. Les différents modules s'appliquent à différents types de déformation. Le module de Young (par Thomas Young) s'applique à l'extension/compression d'un corps, alors que le module de cisaillement s'applique à son cisaillement[2].

L'élasticité des matériaux est décrite par une courbe contrainte-déformation, qui montre la relation entre la contrainte (la force interne de restauration moyenne par unité de surface) et la déformation (la déformation relative)[3]. La courbe est généralement non linéaire, mais elle peut être (approximativement linéaire) en utilisant des séries de Taylor pour des déformations suffisamment petites (dans lesquelles les termes d'ordre supérieur sont négligeables). Si le matériau est isotrope, la relation contrainte-déformation linéarisée est appelée loi de Hooke, qui est souvent présumée s'appliquer jusqu'à la limite d'élasticité pour la plupart des métaux ou des matériaux cristallins, alors qu'une élasticité non linéaire est généralement requise pour modéliser de grandes déformations de matériaux caoutchouteux élastiques. Pour des contraintes encore plus élevées, les matériaux présentent un comportement plastique, c'est-à-dire qu'ils se déforment irréversiblement et ne reviennent pas à leur forme d'origine, alors que la contrainte n'est plus appliquée[4]. Pour les matériaux en caoutchouc tels que les élastomères, la pente de la courbe contrainte-déformation augmente avec la contrainte, ce qui signifie que les caoutchoucs deviennent progressivement plus difficiles à étirer, tandis que pour la plupart des métaux, le gradient diminue à des contraintes très élevées, ce qui les rend progressivement plus faciles étirer[4]. L'élasticité n'est pas seulement applicable aux solides ; les fluides non newtoniens, tels que les fluides viscoélastiques, présentent également une élasticité, dans certaines conditions, quantifiées par le nombre de Deborah. En réponse à une petite contrainte, rapidement appliquée et retirée, ces fluides peuvent se déformer, puis revenir à leur forme originale. Sous des contraintes plus grandes, ou des contraintes appliquées pendant de plus longues périodes de temps, ces fluides peuvent commencer à s'écouler à la manière d'un liquide visqueux.

Élasticité linéaire[modifier | modifier le code]

Valeurs particulières[modifier | modifier le code]

Module de Young[modifier | modifier le code]

Limite d'élasticité[modifier | modifier le code]

La déformation élastique intervient pour les faibles sollicitations. Si l'on augmente les sollicitations, on change le mode de déformation :

La contrainte délimitant le domaine élastique des autres domaines est appelée limite d'élasticité (en anglais : yield strength).

Coefficient de Poisson[modifier | modifier le code]

Contrainte et déformation[modifier | modifier le code]

On utilise deux modèles de déformation élastique : la traction-compression et le cisaillement. La flexion peut se modéliser selon les cas comme une traction-compression ou comme un cisaillement, la torsion se modélise comme un cisaillement (voir plus bas).

Traction-compression uniaxiale[modifier | modifier le code]

Prenons le cas de la traction ou de la compression d'une pièce cylindrique ou parallélépipédique selon son axe. La traction-compression correspond à des forces s'exerçant perpendiculairement aux sections de ces pièces ; elle est dite uniaxiale car les côtés de la pièce ne sont pas contraints, toutes les forces sont sur un même axe.

Allongement dans l'axe[modifier | modifier le code]

En prenant des pièces de différentes dimensions, on remarque que pour une force donnée :

  • l'allongement Δl est proportionnel à la longueur initiale l0 du cylindre ;
ceci se conçoit bien : si l'on met deux ressorts identiques bout-à-bout, le premier ressort transmet intégralement la force au second ressort, les deux s'allongent donc de la même quantité ; donc si avec un ressort on a un allongement Δl1, avec deux ressorts l'allongement total est 2 Δl1 ;
  • l'allongement Δl est inversement proportionnel à la section du cylindre ;
on conçoit également aisément que si l'on met deux ressorts identiques en parallèle, chaque ressort exercera la moitié de la force de traction, l'allongement final sera donc Δl1/2 ; si l'on double la section de la pièce, c'est comme si l'on mettait deux pièces côte-à-côte.

Si l'on veut caractériser le matériau en faisant abstraction de la forme de la pièce et de ses dimensions, on définit donc :

  • l'allongement relatif ou déformation (en anglais : strain), noté ε
ε est sans dimension, on l'exprime parfois en % (100×Δl/l0)
  • la contrainte (en anglais : stress), notée σ
σ est homogène à une pression ; du fait des valeurs énormes mises en jeu, on l'exprime généralement en mégapascals (MPa).

La loi élastique s'écrit alors :

,

c'est la loi de Hooke ; E est le module de Young (en anglais : Young's modulus), qui est une caractéristique du matériau. E est également homogène à une pression, du fait des valeurs très élevées qu'il prend, il est généralement exprimé en gigapascals (GPa).

On voit aisément que la densité d'énergie de déformation w, c'est-à-dire l'énergie élastique divisée par le volume de la pièce, vaut :

.

Lorsque l'on exerce une traction ou une compression, on constate que la largeur de la pièce varie également, à l'inverse de l'allongement. La variation relative de dimension est proportionnelle à l'allongement relatif ε, le coefficient de proportionnalité s'appelle le coefficient de Poisson (en anglais : Poisson's ratio) en hommage au mathématicien français Siméon Denis Poisson. Il est noté ν et est sans unité :

  • pour un cylindre :
 ;
  • pour un parallélépipède rectangle :
.

On considère le volume de la pièce. Pour une pièce cylindrique, on a :

.

Pour des petites variations, on a donc :

(développement limité au premier ordre), soit :

.

De même pour une pièce parallélépipédique, on a :

donc de même :

.

On voit donc que :

si ν > 0,5, le volume diminue en traction et augmente en compression (cas exceptionnel) ;
si ν < 0,5 le volume augmente en traction et diminue en compression (comportement le plus général).

Pour un acier, ν vaut environ 0,3, on est donc dans le second cas.

Si maintenant on maintient la largeur constante — par exemple on effectue une compression mais la pièce est dans une gaine ultra-rigide et ne peut pas s'étendre —, alors, la déformation n'est plus uniaxiale, la gaine exerce une pression (une contrainte) sur les côtés de la pièce. Il faut alors utiliser un autre coefficient élastique, noté C11, différent de E :

.

Cisaillement[modifier | modifier le code]

Si l'on considère un parallélépipède rectangle, le cisaillement est une variation de l'angle, qui n'est plus droit. Cela correspond à des forces s'exerçant parallèlement à la face.

On définit de même la contrainte comme étant la force divisée par la surface sur laquelle elle s'exerce ; cette contrainte est appelée cission (toujours exprimée en MPa) et est notée τ.

La déformation est l'écart à l'angle droit γ, appelé cisaillement. exprimé en radians.

On a toujours une loi linéaire :

G est le module de cisaillement ou module de Coulomb, généralement exprimé en GPa. Dans le cas d'un milieu isotrope, le module de cisaillement est lié au module de Young et au coefficient de Poisson par la relation suivante :

.

Note : dans l'article Tenseur des déformations, l'angle γ défini vaut la moitié de l'angle γ défini ici.


Compression isostatique[modifier | modifier le code]

Une compression isostatique est l'exercice d'une pression isotrope, c'est-à-dire qui a la même valeur dans toutes les directions. Si l'on désigne par V le volume de l'objet, la variation de volume relative est proportionnelle à la variation de la pression P :

K est le module d'élasticité à la compression isostatique[5] (en anglais : bulk modulus). On remarque que K est l'inverse du coefficient de compressibilité isotherme χT défini en thermodynamique par :

K est aussi homogène à une pression et est généralement exprimé en gigapascals (GPa). On a :

Matériau K (GPa)
acier 160
eau 2,2
air 0,0001[6]

Dans le cas d'un milieu isotrope, le module d'élasticité isostatique K, le module de Young E et le module de cisaillement G sont liés par la relation suivante :

.

Cas des grandes déformations[modifier | modifier le code]

La définition que l'on a prise de ε dépend du trajet suivi. On considère une déformation finale de ε1 + ε2. Si l'on fait la déformation en une étape, la longueur finale est :

.

Si par contre on déforme d'abord de ε1, on a une première longueur :

qui devient la longueur initiale pour l'étape suivante, donc lorsque l'on rajoute une déformation ε2, on obtient :

.

En développant cette dernière formule, on voit que les deux sont équivalentes si :

,

soit, de manière synthétique, si :

,

c'est l'hypothèse des petites déformations.

Pour les grandes déformations, on peut utiliser une autre définition de ε :

,

on voit que si l et l0 sont proches, le développement limité de cette formule redonne la définition de ε des petites déformations.

Pourquoi les lois sont-elles linéaires ?[modifier | modifier le code]

Évolution du potentiel interatomique.

De manière générale, toute loi peut localement (c'est-à-dire pour de petites variations) se remplacer par un développement limité du premier ordre, ou « approximation linéaire », à condition que la tangente de la loi ne soit pas horizontale autour du point considéré. Les lois élastiques sont donc des approximations linéaires du comportement réel, plus complexe.

Plus précisément, l'explication de la linéarité se trouve dans la forme du potentiel interatomique W(r), où r est la distance entre deux atomes.

À une température de 0 K, la distance entre deux atomes est r0. Si l'on s'éloigne un peu de cette valeur, l'énergie W augmente ; on peut localement approcher la loi de W par une parabole (il s'agit en fait d'un développement limité au second ordre), on peut donc écrire :

.

La force étant la dérivée de l'énergie potentielle, on voit que les atomes sont soumis à une force de rappel (qui tend à faire revenir à r0) qui vaut :

qui est bien une loi linéaire.

Déformations complexes[modifier | modifier le code]

Jusqu'ici, des exemples de déformation très simples ont été montrés : traction uniaxiale, cisaillement, compression isostatique, sur un parallélépipède rectangle. Les applications réelles correspondent à des pièces et des sollicitations plus complexes, nécessitant de décrire la déformation et les contraintes par des matrices, des tenseurs, voir les articles :

Exemple des ressorts[modifier | modifier le code]

Trois exemples de ressorts : ressort à spires non-jointives sollicité selon son axe (fig. de gauche), ressort à lame sollicité en flexion (au centre), ressort à lame sollicité en torsion (à droite).

Le cas le plus simple de déformation élastique est celui des ressorts.

Sur les dessins, la réaction du support auquel est accroché le ressort n'est pas représentée. Mais il faut bien voir que la déformation résulte de l'application de deux actions mécaniques opposées (forces et/ou couples) ; s'il n'y a qu'une seule force, en application du principe fondamental de la dynamique, la force accélère le ressort sans provoquer de déformation, on se ramène à la mécanique du point.

Lorsque les lois de déformation sont linéaires, le coefficient de proportionnalité est appelé raideur du ressort et est noté k :

  • F = k1 · Δl pour une traction-compression ;
  • F = k2 · θ pour une flexion ;
  • C = k3 · θ pour une torsion.

On remarque que les coefficients k1, k2 et k3 ne sont pas homogènes (ils n'ont pas la même dimension). L'angle θ doit être exprimé en radians.

Dans le cas d'un ressort à spires non-jointives, l'énergie de déformation élastique W est le travail de la force :

.

C'est donc la surface du triangle délimité par la droite dans le graphique l,F), soit :

.
Illustration graphique de l'énergie de déformation élastique dans le cas d'un ressort à spires non-jointives.

Note : sur la première figure, un graphique montrant la déformation en fonction de la force a été utilisé, par exemple (F, Δl). Sur la deuxième figure, les axes sont inversés et la force est représentée en fonction de la déformation l,F). Si la première représentation semble plus intuitive (on se représente la force comme la cause de la déformation), les deux sont équivalentes. C'est de fait la seconde, l,F), qui est la plus utilisée, les essais de traction se faisant à déformation imposée croissante (voir l'explication dans l'article essais mécaniques).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Eug Roffiaen, Traité théorique et pratique sur la résistance des matériaux dans les constructions, Félix Oudart, 1858.
  2. Landau L.D. et Lipshitz E.M., Theory of Elasticity, 3e éd., 1970, 1-172.
  3. L. R. G. Treloar, The Physics of Rubber Elasticity, Oxford, Clarendon Press, , 310 p. (ISBN 978-0-19-851355-1), p. 2.
  4. a et b Gijsbertus de With, Structure, Deformation, and Integrity of Materials, volume I : Fundamentals and Elasticity, Weinheim, Wiley VCH, , 838 p. (ISBN 978-3-527-31426-3), p. 32.
  5. La notion de module de compressibilité est ambiguë puisqu'il s'agit de l'inverse de ladite « compressibilité ».
  6. L'équation des gaz parfaits donne χT = 1/P, soit K = P = 105 Pa = 10−4 GPa à 1 atm.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Mekaouche, A., Chapelle, F. et Balandraud, X., Obtention de rigidité variable d'une structure robotique par l'utilisation d'un alliage à mémoire de forme, 2015, S07 Mécanique des structures.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]