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== Illustration du théorème de Coase ==
== Illustration du théorème de Coase ==
L'illustration qui suit est une manière classique de présenter le théorème de Coase. Celle-ci montre qu'il est possible de trouver un accord gagnant-gagnant permettant d'obtenir une allocation efficace des ressources dans toutes les situations de coût social impliquant deux protagonistes. Toutefois, des recherches récentes montrent, à travers des illustrations similaires, que l'existence de ce type d'accord n'est plus indépendant de la distribution de droit dans le cas d'une situation de coût social impliquant plus que deux protagonistes<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Stéphane|nom1=Gonzalez|prénom2=Alain|nom2=Marciano|prénom3=Philippe|nom3=Solal|titre=The social cost problem, rights, and the (non)empty core|périodique=Journal of Public Economic Theory|volume=21|numéro=2|date=2019|issn=1467-9779|doi=10.1111/jpet.12334|lire en ligne=https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/jpet.12334|consulté le=2019-03-19|pages=347–365}}</ref>.
L'illustration qui suit est une manière classique de présenter le théorème de Coase. Celle-ci montre qu'il est possible de trouver un accord [[gagnant-gagnant]] permettant d'obtenir une allocation efficace des ressources dans toutes les situations de coût social impliquant deux protagonistes. Toutefois, des recherches récentes montrent, à travers des illustrations similaires, que l'existence de ce type d'accord n'est plus indépendant de la distribution de droit dans le cas d'une situation de coût social impliquant plus que deux protagonistes<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Stéphane|nom1=Gonzalez|prénom2=Alain|nom2=Marciano|prénom3=Philippe|nom3=Solal|titre=The social cost problem, rights, and the (non)empty core|périodique=Journal of Public Economic Theory|volume=21|numéro=2|date=2019|issn=1467-9779|doi=10.1111/jpet.12334|lire en ligne=https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/jpet.12334|consulté le=2019-03-19|pages=347–365}}</ref>.


=== Exemple du fermier et de l'éleveur ===
=== Exemple du fermier et de l'éleveur ===
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'''1) L'éleveur doit obtenir l'accord du fermier pour lui infliger des dommages.''' Dans ce cas, le fermier peut se prémunir de tout dommage et obtenir un paiement de 0 tandis que l'éleveur ne peut s'assurer aucun gain. Un accord gagnant-gagnant optimal au sens de Pareto peut toutefois être trouvé si le fermier consent à ce que l'éleveur entreprenne son activité à un niveau de 2 contre le versement d'un dommage et intérêt d'un montant <math>x</math> compris entre 5 et 18. Si cet accord a lieu, le fermier obtiendra un paiement égal à <math>x-5</math>, correspondant au versement moins les dommages, tandis que l'éleveur obtiendra <math>18-x</math>, correspondant aux gains liés à son activité, auxquels il faut soustraire le versement de dommages et intérêts. On observe, d'une part, que chacune des parties obtiendra davantage en négociant qu'en s'abstenant de négocier et, d'autre part, que la somme des paiements finaux sera bien égale à l'optimum social.
'''1) L'éleveur doit obtenir l'accord du fermier pour lui infliger des dommages.''' Dans ce cas, le fermier peut se prémunir de tout dommage et obtenir un paiement de 0 tandis que l'éleveur ne peut s'assurer aucun gain. Un accord gagnant-gagnant optimal au sens de Pareto peut toutefois être trouvé si le fermier consent à ce que l'éleveur entreprenne son activité à un niveau de 2 contre le versement d'un dommage et intérêt d'un montant <math>x</math> compris entre 5 et 18. Si cet accord a lieu, le fermier obtiendra un paiement égal à <math>x-5</math>, correspondant au versement moins les dommages, tandis que l'éleveur obtiendra <math>18-x</math>, correspondant aux gains liés à son activité, auxquels il faut soustraire le versement de dommages et intérêts. On observe, d'une part, que chacune des parties obtiendra davantage en négociant qu'en s'abstenant de négocier et, d'autre part, que la somme des paiements finaux sera bien égale à l'optimum social.


'''2) L'éleveur a le droit d'exercer son activité sans obtenir l'accord du fermier.''' Dans ce cas, l'éleveur peut obtenir un paiement de 21 tandis que le fermier peut se voir infliger un dommage de 16. Un accord gagnant-gagnant optimal au sens de Pareto peut toutefois être trouvé si l'éleveur consent à entreprendre son activité à un niveau de 2 contre le versement d'un montant <math>x</math> compris entre 3 et 11 de la part du fermier. Si cet accord a lieu, l'éleveur obtiendra un paiement égal à <math>18+x</math>, correspondant aux gains liés à son activité auxquels il faut ajouter le versement du fermier, tandis que le fermier obtiendra <math>-x-5</math>, correspondant au versement donné au fermier auquel il faut encore soustraire le dommage infligé. On observe d'une part que chacune des parties obtiendra plus en négociant qu'en s'abstenant de négocier, et d'autre part que la somme des paiements finaux sera bien égale à l'optimum social.
'''2) L'éleveur a le droit d'exercer son activité sans obtenir l'accord du fermier.''' Dans ce cas, l'éleveur peut obtenir un paiement de 21 tandis que le fermier peut se voir infliger un dommage de 16. Un accord gagnant-gagnant optimal au sens de Pareto peut toutefois être trouvé si l'éleveur consent à entreprendre son activité à un niveau de 2 contre le versement d'un montant <math>x</math> compris entre 3 et 11 de la part du fermier. Si cet accord a lieu, l'éleveur obtiendra un paiement égal à <math>18+x</math>, correspondant aux gains liés à son activité auxquels il faut ajouter le versement du fermier, tandis que le fermier obtiendra <math>-x-5</math>, correspondant au versement donné à l'éleveur auquel il faut encore soustraire le dommage infligé. On observe d'une part que chacune des parties obtiendra plus en négociant qu'en s'abstenant de négocier, et d'autre part que la somme des paiements finaux sera bien égale à l'optimum social.

Un élément critique dans l'article concerne la notion de 'droit de propriété' : pour générer un optimum social dans le cas n°2, l'éleveur doit logiquement pouvoir violer le 'droit de propriété' du fermier (mais le fermier, lui, n'a pas la possibilité de violer le 'droit de propriété' de l'éleveur) ; sans intrusion des animaux de l'éleveur, pas d'optimisation du produit social. Dans le cas n°1, 'obtenir l'accord du fermier pour lui infliger des dommages' n'a pas de sens : s'il y a un accord préalable, il n'y a logiquement pas de dommages. Pour générer de l'efficience, il faut donc que chaque partie puisse pleinement utiliser ses ressources sans en être exclusivement propriétaire (ainsi, chaque partie a accès aux ressources communes et aux ressources d'autrui) ; toute ressource est donc hybride : elle est à la fois privée et sociale, car potentiellement redistribuée (ou attribuée) à la partie la plus productive. C'est la fonction du juge, dans la suite de l'article, qui se substitue à l'échange libre quand les coûts de transaction sont positifs. A la limite, la notion de 'droit de propriété' n'a pas de sens juridique dans le début de l'article : quand les coûts de transaction sont considérés comme nuls, le droit de propriété privée (exclusive) est un coût de transaction, il réduit les opportunités d'échanges et de gains mutuels.

Ainsi, en 1988, Coase écrit :

« Un univers sans coûts de transaction présente des propriétés très particulières. (…) J’ai montré dans 'La nature de l’entreprise' (1937) qu’en l’absence de coûts de transaction, il n’y a pas de base économique à l’existence de l’entreprise. Ce que j’ai indiqué dans 'Le problème du coût social' (1960), c’est qu’en l’absence de coûts de transaction, peu importe alors ce qu’est le droit puisque le gens peuvent toujours négocier sans frais pour acquérir, subdiviser et combiner certains droits, toutes les fois que cela permet d’accroître la valeur de la production. Dans un tel univers, les institutions qui forment le système économique n’ont ni substance ni objet. Cheung a même soutenu que si les coûts de transaction sont nuls, « l’hypothèse des droits de propriété privée peut être abandonnée » sans renier aucunement le ‘théorème de Coase’, et il a sans nul doute raison. »

Ronald Coase, L’entreprise, le marché et le droit, 2005, p. 32 (traduction de 'The firm, the market and the law', 1988).


== Concept de coût de transaction ==
== Concept de coût de transaction ==
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== Usages au sein des sciences économiques ==
== Usages au sein des sciences économiques ==
Le théorème de Coase fait partie aujourd'hui des concepts principaux de la science économique. Il a marqué la naissance, en économie publique, du courant de l'économie néo-institutionnelle et, de manière plus générale, a donné naissance, via le concept de coût de transaction, à la [[nouvelle économie institutionnelle]] (Williamson, North etc.). Sa principale implication est d'indiquer que, dans le contexte de la théorie économique, même en cas de défaillance du marché ([[externalité]], bien collectif, [[monopole naturel]]), l'[[État-providence|intervention de l'État]] ne doit pas forcément être automatique.
Le théorème de Coase fait partie aujourd'hui des concepts principaux de la science économique. Il a marqué la naissance, en économie publique, du courant de l'économie néo-institutionnelle et, de manière plus générale, a donné naissance, via le concept de coût de transaction, à la [[nouvelle économie institutionnelle]] ([[Oliver Williamson|Williamson]], [[Douglass North|North]] etc.). Sa principale implication est d'indiquer que, dans le contexte de la théorie économique, même en cas de [[défaillance du marché]] ([[externalité]], bien collectif, [[monopole naturel]]), l'[[État-providence|intervention de l'État]] ne doit pas forcément être automatique.


== Notes et références ==
== Notes et références ==

Dernière version du 30 août 2023 à 00:27

Le théorème de Coase est un théorème économique, énoncé dans un premier temps par George Stigler (1966)[1],[2] en référence à l'économiste anglais Ronald Coase pour son article « The Problem of Social Cost » (1960). Ronald Coase conteste puis accepte finalement la paternité de ce théorème qu'il est possible de résumer sous la forme de deux thèses :

  • Thèse de l'efficience : si les coûts de transaction sont nuls et si les droits de propriété sont bien définis, des individus impliqués dans une externalité négocieront de façon à obtenir une allocation efficace des ressources ;
  • Thèse de l'invariance : l’affectation des ressources sera identique quelle que soit la répartition des droits de propriété.

Illustration du théorème de Coase[modifier | modifier le code]

L'illustration qui suit est une manière classique de présenter le théorème de Coase. Celle-ci montre qu'il est possible de trouver un accord gagnant-gagnant permettant d'obtenir une allocation efficace des ressources dans toutes les situations de coût social impliquant deux protagonistes. Toutefois, des recherches récentes montrent, à travers des illustrations similaires, que l'existence de ce type d'accord n'est plus indépendant de la distribution de droit dans le cas d'une situation de coût social impliquant plus que deux protagonistes[3].

Exemple du fermier et de l'éleveur[modifier | modifier le code]

Le raisonnement de Coase s’appuie sur un certain nombre d’exemples tirés de la jurisprudence anglaise. L'un des exemples les plus célèbres est celui d'un fermier produisant du blé et d'un éleveur produisant de la viande sur des terres contiguës. Si les champs sont non clôturés, les animaux de l'éleveur peuvent détruire les cultures du fermier voisin. Il est possible d'illustrer cette situation sous la forme d'un tableau numérique indiquant les gains et les pertes de chacun des protagonistes en fonction du niveau d'activité de l'éleveur.

Niveau d'activité de l'éleveur Dommages infligés au fermier Gains nets de l’éleveur Somme des gains moins dommages
0 0 (Optimum pour le fermier) 0 0
1 2 10 8
2 5 18 13 optimum social et optimum parétien (après échange)
3 10 20 10
4 16 21 (optimum pour l'éleveur) 5

Cette situation peut donner lieu à deux types de droits :

1) L'éleveur doit obtenir l'accord du fermier pour lui infliger des dommages. Dans ce cas, le fermier peut se prémunir de tout dommage et obtenir un paiement de 0 tandis que l'éleveur ne peut s'assurer aucun gain. Un accord gagnant-gagnant optimal au sens de Pareto peut toutefois être trouvé si le fermier consent à ce que l'éleveur entreprenne son activité à un niveau de 2 contre le versement d'un dommage et intérêt d'un montant compris entre 5 et 18. Si cet accord a lieu, le fermier obtiendra un paiement égal à , correspondant au versement moins les dommages, tandis que l'éleveur obtiendra , correspondant aux gains liés à son activité, auxquels il faut soustraire le versement de dommages et intérêts. On observe, d'une part, que chacune des parties obtiendra davantage en négociant qu'en s'abstenant de négocier et, d'autre part, que la somme des paiements finaux sera bien égale à l'optimum social.

2) L'éleveur a le droit d'exercer son activité sans obtenir l'accord du fermier. Dans ce cas, l'éleveur peut obtenir un paiement de 21 tandis que le fermier peut se voir infliger un dommage de 16. Un accord gagnant-gagnant optimal au sens de Pareto peut toutefois être trouvé si l'éleveur consent à entreprendre son activité à un niveau de 2 contre le versement d'un montant compris entre 3 et 11 de la part du fermier. Si cet accord a lieu, l'éleveur obtiendra un paiement égal à , correspondant aux gains liés à son activité auxquels il faut ajouter le versement du fermier, tandis que le fermier obtiendra , correspondant au versement donné à l'éleveur auquel il faut encore soustraire le dommage infligé. On observe d'une part que chacune des parties obtiendra plus en négociant qu'en s'abstenant de négocier, et d'autre part que la somme des paiements finaux sera bien égale à l'optimum social.

Concept de coût de transaction[modifier | modifier le code]

Le concept de coût de transaction occupe une place majeure aujourd'hui en économie, notamment en économie de l'entreprise (théorie des coûts de transaction). Mais il provient initialement de l'économie publique et des travaux de Ronald Coase. On peut le définir de manière générique comme l'ensemble des coûts engendrés par la coordination entre les agents. Il peut s'agir par exemple des coûts liés à l'incertitude qui requiert que l'agent s'informe avant de réaliser une transaction économique. Il peut s'agir également des coûts liés à la négociation et à la rédaction d'un contrat.

Signification et implications du théorème de Coase[modifier | modifier le code]

Le point de départ de Coase est celui de l'équilibre général : dans un monde (fictif) où il n'existerait pas de coûts de transaction et où les droits de propriété seraient bien définis, le marché établirait un équilibre Pareto-optimal. De ce fait, l'intervention de l'État en matière économique et juridique ne se justifierait pas.

Cependant, étant donné que dans le monde réel il existe des coûts de transaction, les processus de marché purs ne peuvent pas être Pareto efficients. Dans ce cas, l'intervention étatique peut se justifier par la théorie économique, mais seulement à deux conditions :

  1. il faut d'une part que les coûts de transaction engendrés par la réglementation soient eux-mêmes inférieurs aux coûts de transaction engendrés par les autres solutions n'impliquant pas l'intervention de l'État ;
  2. il faut d'autre part que l'action produise des bénéfices supérieurs à ces coûts de transaction, sans quoi l'intervention de l'État engendrerait une perte nette.

La transaction qui peut se définir comme « le transfert de droits (de propriété, de décision, de bénéfice) entre des entités technologiquement séparables » est considérée comme une unité fondamentale pour la nouvelle économie institutionnelle.

Usages au sein des sciences économiques[modifier | modifier le code]

Le théorème de Coase fait partie aujourd'hui des concepts principaux de la science économique. Il a marqué la naissance, en économie publique, du courant de l'économie néo-institutionnelle et, de manière plus générale, a donné naissance, via le concept de coût de transaction, à la nouvelle économie institutionnelle (Williamson, North etc.). Sa principale implication est d'indiquer que, dans le contexte de la théorie économique, même en cas de défaillance du marché (externalité, bien collectif, monopole naturel), l'intervention de l'État ne doit pas forcément être automatique.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Stigler, G.J., The theory of price, New York, Macmillan,
  2. Elodie Bertrand, « The three roles of the ‘Coase theorem’ in Coase's works », The European Journal of the History of Economic Thought, vol. 17, no 4,‎ , p. 975–1000 (ISSN 0967-2567, DOI 10.1080/09672560903552553, lire en ligne, consulté le )
  3. (en) Stéphane Gonzalez, Alain Marciano et Philippe Solal, « The social cost problem, rights, and the (non)empty core », Journal of Public Economic Theory, vol. 21, no 2,‎ , p. 347–365 (ISSN 1467-9779, DOI 10.1111/jpet.12334, lire en ligne, consulté le )

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]