« Omeyyades » : différence entre les versions

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Les Omeyyades, en général, souffrent d'une mauvaise réputation dans l'historiographie musulmane<ref name=":3">Borrut A., "De l'Arabie à l'Empire - conquête et construction califale dans l'islam premier", dans ''Le Coran des historiens'', t.1, 2019, {{p.|249-289}}.</ref>. Leurs adversaires leur reprochent essentiellement d'avoir transformé le califat d'une institution religieuse en une institution dynastique et héréditaire, mais aussi d'avoir versé le sang de la [[Ahl al-bayt|famille de Mahomet]].
Les Omeyyades, en général, souffrent d'une mauvaise réputation dans l'historiographie musulmane<ref name=":3">Borrut A., "De l'Arabie à l'Empire - conquête et construction califale dans l'islam premier", dans ''Le Coran des historiens'', t.1, 2019, {{p.|249-289}}.</ref>. Leurs adversaires leur reprochent essentiellement d'avoir transformé le califat d'une institution religieuse en une institution dynastique et héréditaire, mais aussi d'avoir versé le sang de la [[Ahl al-bayt|famille de Mahomet]].


Ommeyades
== Histoire ==
=== Origines ===
[[Fichier:Tribes english.png|vignette|droite|Regroupements des tribus en [[Arabie]] vers 400-600 : les [[Quraych]] ont pris le contrôle, à la fin de l'époque préislamique, du site sacré de la [[Kaaba]] à [[la Mecque]].]]
Les Omeyyades sont issus de la tribu [[Arabes|arabe]] de [[Quraych|Qurayš]]. Cette tribu tire son prestige et sa puissance du fait qu'elle est responsable de la protection et de la maintenance du sanctuaire de la [[Kaaba]] à [[la Mecque]]. En effet, l'[[Arabie préislamique]] est parsemée de [[sanctuaires]], certains renfermant des [[bétyles]], comme la Kaaba, et cette dernière est considérée par les Arabes, largement [[polythéistes]] à cette époque, comme leur sanctuaire le plus sacré{{sfn|Watt|1986|p=434}}. Vers la deuxième moitié du {{S|V}}, ʿAbd Manāf ibn Quṣayy des Qurayš est chargé de la maintenance et de la protection de la Kaaba et de ses pèlerins. Cette responsabilité est héritée par ses fils ʿAbd Šams, [[Hachim ibn Abd Manaf|Hāšim]] (à l'origine du clan des Banū Hāšim) et d'autres{{sfn|Hawting|2000|p=21-22|id=1}}. [[Umayya ibn Abd Shams|ʾUmayyah]], à l'origine du clan des Banū ʾUmayyah, ou Omeyyades, est le fils de ʿAbd Šams{{sfn|Levi Della Vida|Bosworth|2000|p=837}}{{,}}{{sfn|Sourdel|Sourdel|1996|p=911}}. Il succède à son père en tant que commandant de la Mecque en temps de guerre. Ce poste est probablement plus une fonction occasionnelle de supervision des affaires militaires en temps de guerre plutôt qu'un commandement sur le champ de bataille. Quoi qu'il en soit, ceci s'avère instructif plus tard pour les Banū ʾUmayyah, qui acquièrent des compétences organisationnelles politiques et militaires importantes{{sfn|Levi Della Vida|Bosworth|2000|p=838}}.

L'historien [[Giorgio Levi Della Vida]] suggère que les sources traditionnelles [[musulmanes]] à propos de ʾUmayyah, comme tous les anciens progéniteurs de tribus arabes, devraient être prises avec précaution, mais qu'{{Citation|un trop grand scepticisme à l'égard de la tradition serait aussi mal avisé qu'une foi absolue dans ses déclarations}}. Étant donné que les Banū ʾUmayyah apparaissant dans le début de l'Histoire musulmane au {{S|VI}} sont tout au plus des descendants de la troisième génération de ʾUmayyah, "il n'y a rien d'improbable à ce que ce dernier soit un personnage historique"<ref group="Note">"As those Umayyads who were living at the beginning of the Muslim epoch were only in the third generation from their eponym (e.g. Abu Sufyan b. Harb b. Umayya), there is nothing improbable in the latter's being a historical personage"</ref>{{,}}{{sfn|Levi Della Vida|Bosworth|2000|p=837}}.

=== Débuts de l'islam ===
Vers [[600]], les routes commerciales développées par Qurayš s'étendent à travers toute l'[[Arabie]] et des caravanes sont organisées vers la [[Syrie (région)|Syrie]] au nord et le [[Yémen]] au sud{{sfn|Watt|1986|p=434}}. Les Banū ʾUmayyah et les [[Banû-Makhzoum|Banū Maḫzūm]], un autre clan puissant de Qurayš, contrôlent la majorité de ces routes et développent des alliances économiques et militaires avec les [[Bédouins|tribus arabes nomades]] qui contrôlent le [[désert d'Arabie]], augmentant encore plus leur puissance politique{{sfn|Donner|1981|p=51}}. Lorsque [[Mahomet]], qui est membre des Banū Hāšim, clan rival des Banū ʾUmayyah et moins puissant, commence à prêcher l'islam à la Mecque, il essuie une vive opposition de la part de la majorité de Qurayš{{sfn|Donner|1981|p=53}}{{,}}{{sfn|Wellhausen|1927|p=40-41}}. Une exception notable parmi les Banū ʾUmayyah est [[Othmân ibn Affân|ʿUṯmān ibn ʿAffān]], un riche marchand, qui rejoint le Prophète de l'islam dès [[611]], ce qui en fait l'une des toutes premières personnes à se convertir à l'islam. Mahomet finit par trouver du soutien dans la ville de [[Yathrib]], qui devient par la suite Médine, et y émigre en [[622]], marquant ainsi le début du calendrier de l'[[hégire]]{{sfn|Donner|1981|p=54}}.

Après la défaite de Qurayš à la [[bataille de Badr]] face aux musulmans en [[624]] et les lourdes pertes essuyées par les Banū Maḫzūm, ces derniers sont supplantés à la tête de Qurayš par les descendants de ʿAbd Šams, notamment les Banū ʾUmayyah{{sfn|Wellhausen|1927|p=51}}. Le chef du clan des Banū ʾUmayyah, [[Abu Sufyan ibn Harb|ʾAbū Sufyān ibn Ḥarb]], prend alors la tête de l'armée mecquoise aux batailles de [[Bataille de Uhud|ʾUḥud]] et de la [[Bataille de la Tranchée|Tranchée]]. Il finit, tout comme ses fils, par se convertir à l'islam après la [[conquête de la Mecque]] par les musulmans. Afin de s'assurer la loyauté des Banū ʾUmayyah, le Prophète de l'islam leur offre des présents et des postes d'importance dans l'État naissant{{sfn|Hawting|2000|p=841|id=2}}. Ainsi, ʿAttāb ibn ʾAsīd, un descendant de ʾUmayyah, devient le premier gouverneur de la Mecque{{sfn|Tabari|1990|p=8}}. Médine devenant le centre politique de l'État, ʾAbū Sufyān et de nombreux Banū ʾUmayyah s'y installent afin de maintenir leur influence politique croissante{{sfn|Wellhausen|1927|p=20-21}}.

=== Califat bien guidé ===
{{Article détaillé|Califes bien guidés}}
Les chercheurs s'interrogent sur les premiers temps de l'islam. Période de structuration tant sociopolitique que religieuse, elle nous est connue par l'historiographie abbasside qui offre une vision nostalgique d'une Umma unifiée. « Ce passé primordial arabo-musulman se donne, en effet, à lire comme un récit composé a posteriori et visant à légitimer un pouvoir musulman confronté à ses propres divisions et à la splendeurs des empires passés ». Cette histoire est une construction des {{s2-|IX|X}}. Les récits des conquêtes (futuh) ont ainsi, été étudiés et ces ouvrages trahissent parfois des buts politiques propres au {{s-|IX}}<ref name=":3" />. Selon les traditions musulmanes, la période préalable au califat Ommeyades est composée de la succession de plusieurs califes surnommé "Bien guidés". Ce récit se lit comme un édifice narratif et pour el-Hibry comme une parabole. Il est donc nécessaire d'un point de vue historique de la déconstruire<ref name=":3" />. On observe ainsi la construction d'une vulgate, d'un texte fondateur<ref name=":3" />. Les recherches permettent d’attester qu’un fond historique existe. [[Omar ibn al-Khattâb|Umar]] et [[Othmân ibn Affân|ʿUṯmān]] sont cités dans des graffiti mais ne porte ni le titre de ''khalîfa'' ([[calife]]), ni celui ''d’amîr al-mu’minîn'' ([[Commandeur des croyants]]) que la tradition lui attribue, ni aucune formule eulogique<ref>Frédéric Imbert, « L’Islam des pierres : l’expression de la foi dans les graffiti arabes des premiers siècles », ''Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée'' 129 | juillet 2011.[http://remmm.revues.org/7067#bodyftn28 en ligne sur revues.org, lire juste après la note 5]</ref>{{,}}<ref>Heidemann S., "The Evolving Representation of the Early Islamic Empire and its Religion on Coin Imagery", ''The Qurʾān in Context: Historical and Literary Investigations...'', Brill, 2010.</ref>{{,}}<ref>Jeremy Johns, « Archaeology and the History of Early Islam: The First Seventy Years », ''Journal of the Economic and Social History of the Orient'', {{vol.|46}}, {{n°|4}}, 2003, {{p.|411–436}} ([[International Standard Serial Number|ISSN]] 0022-4995, consulté le 22 octobre 2019)</ref>.

[[Fichier:Abubakr'sreign.png|vignette|L'empire du califat d'[[Abou Bakr As-Siddiq|Abou Bakr]] à son apogée, en 634.]]
Selon le récit traditionnel, après la mort du Prophète de l'islam en [[632]] surgit une crise de succession et de nombreuses tribus nomades font défection de Médine{{sfn|Donner|1981|p=82}}. [[Abou Bakr As-Siddiq|ʾAbū Bakr aṣ-Ṣiddīq]], un des tout premiers [[Sahaba|compagnons]] de Mahomet, est finalement élu [[calife]], ayant la confiance aussi bien des premiers musulmans que des nouveaux convertis{{sfn|Donner|1981|p=83-84}}. Il accorde aux Banū ʾUmayyah un rôle important dans la [[conquête musulmane de la Syrie]] : il nomme d'abord Ḫālid ibn Saʿīd en tant que commandant de l'expédition, avant de le remplacer par quatre commandants, dont [[Yazid ben Abi Sufyan|Yazīd]], fils de ʾAbū Sufyān qui a des propriétés en Syrie et maintient un réseau commercial{{sfn|Donner|1981|p=114}}{{,}}{{sfn|Madelung|1997|p=45}}.

Le successeur de ʾAbū Bakr, [[Omar ibn al-Khattâb|ʿUmar ibn al-Ḫaṭṭāb]] ([[634]]-[[644]]), même s'il diminue l'influence de l'élite de Qurayš en faveur des premiers [[sahaba]] sur les plans politique et militaire, n'affecte pas l'ancrage grandissant des fils de ʾAbū Sufyān en Syrie, qui était déjà en grande partie conquise en [[638]]. Après la mort du gouverneur de Syrie [[Abu Ubayda ibn al-Djarrah|ʾAbū ʿUbaydah ibn al-Ǧarrāḥ]] en [[639]], Yazīd est nommé à sa place (districts de Damas, de [[Jund Filastin|Palestine]] et du Jourdain){{sfn|Madelung|1997|p=60-61}}. Il meurt peu après et ʿUmar nomme alors son frère [[Muʿāwiyah Ier|Muʿāwiyah ibn ʾAbī Sufyān]] gouverneur de Syrie. Le traitement de faveur de ʿUmar envers les fils de ʾAbū Sufyān pourrait venir de son respect envers cette famille, leur alliance bourgeonnante avec les puissants Banū Kalb pour contrebalancer l'influence des tribus [[himyarites]], déjà entrées dans le district de Homs pendant la conquête, ou simplement par manque de candidat convenable, la [[peste d'Emmaüs]] ayant déjà emporté de nombreux hommes, dont ʾAbū ʿUbaydah et Yazīd{{sfn|Madelung|1997|p=61}}.

À la mort du deuxième [[calife bien guidé]] ʿUmar en 644, [[Othmân ibn Affân|ʿUṯmān ibn ʿAffān]] lui succède{{sfn|Ahmed|2010|p=106}}. Il est élu face à [[Ali ibn Abi Talib|ʿAlī ibn ʾAbī Ṭalib]], qui est cousin de Mahomet, car il propose de concentrer le pouvoir de l'État parmi les Qurayš, alors que ʿAlī préfère le diffuser parmi toutes les factions musulmanes{{sfn|Kennedy|2004|p=70}}. Initialement, ʿUṯmān maintient les différents gouverneurs nommés par son prédécesseur à leur poste, mais, progressivement, commence à les remplacer par des Banū ʾUmayyah ou des membres du clan plus large des Banū ʿAbd Šams. Ainsi, Muʿāwiyah reste gouverneur de Syrie, al-Walīd ibn ʿUqbah et Saʿīd ibn al-ʿĀṣ (tous deux des Banū ʾUmayyah) sont nommés successivement à [[Koufa]], qui héberge l'une des deux principales garnisons d'[[Irak]] et est un centre administratif important, et son cousin [[Marwān Ier|Marwān ibn al-Ḥakam]] devient son conseiller principal{{sfn|Ahmed|2010|p=107}}. Même s'il est un membre important du clan des Banū ʾUmayyah, ʿUṯmān n'est généralement pas considéré comme faisant partie de la [[dynastie]] omeyyade car élu par [[Choura|consensus]] parmi le cercle restreint des dirigeants musulmans ; d'ailleurs, il n'essaie jamais de nommer un membre de son clan à sa succession. Néanmoins, à la suite de sa politique, les Banū ʾUmayyah retrouvent la puissance qu'ils avaient perdue après la conquête de la Mecque{{sfn|Hawting|2000|p=26|id=1}} : ʿUṯmān étend les frontières du califat à l'ouest en attaquant l'[[Exarchat de Carthage]] en Afrique du nord, ainsi qu'à l'est avec la conquête de l'[[Anatolie]], de l'[[Istakhr]] et de certaines zones du [[Grand Khorassan|Khorassan]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|nom1=Fisher, Sydney Nettleton, 1906-1987.|titre=The Middle East|sous-titre=a history|éditeur=McGraw-Hill|année=2004|isbn=0-07-244233-6|isbn2=9780072442335|oclc=51336562|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/51336562|consulté le=2019-05-20}}</ref> ; son règne a cependant été marqué par de nombreuses manifestations et troubles qui débouchèrent sur un {{Lien|lang=en|trad=Siege of Uthman|fr=Siège d'Othmân|texte=siège de 49 jours}} à l'issue duquel ʿUṯmān fut [[Assassinat|assassiné]] en [[656]].

[[Fichier:First Fitna Map, Ali-Muawiya Phase.png|vignette|Territoires contrôlés par [[Ali ibn Abi Talib|Ali]] (en vert, à l'est) et par [[Muʿawiya Ier|Muʿawiya]] (en rouge, à l'ouest) au début de la [[Grande discorde]].]]
Cet assassinat jette les prémices de la [[Grande discorde]] ou Première [[Fitna]]h. ʿAlī est élu pour lui succéder, mais une partie de l'élite de Qurayš s'oppose à cette succession, vu les circonstances de la mort de ʿUṯmān, sans tenir ʿAlī pour responsable de son assassinat pour autant. Cette opposition finit par cristalliser et polariser le conflit latent entre les Banū Hāšim et les Banū ʾUmayyah et dégénère en guerre civile. Après la défaite des opposants de ʿAlī à la [[bataille du Chameau]], qui voit la mort de leurs principaux chefs [[Talha ibn Ubayd Allah|Ṭalḥah ibn ʿUbayd Allāh]] et [[Zubayr ibn al-Awwam|az-Zubayr ibn al-ʿAwwām]], tous deux potentiels candidats au califat, [[Muʿawiya Ier|Muʿāwiyah]] prend la tête de l'opposition{{sfn|Hawting|2000|p=27|id=1}}. Initialement, il se garde de revendiquer le califat, préférant plutôt saper l'autorité de ʿAlī et consolider sa position en Syrie, le tout au nom de la vengeance de la mort de ʿUṯmān{{sfn|Hawting|2000|p=27-28|id=1}}. ʿAlī et Muʿāwiyah, avec le gros de leurs partisans respectivement d'Irak et de Syrie, finissent par se rencontrer à la [[Bataille de Siffin|bataille de Ṣiffīn]] en [[657]]{{sfn|Hawting|2000|p=28|id=1}}. L'issue de la bataille est indécise et les deux partis décident de recourir à un arbitrage. Cet arbitrage finit par affaiblir l'autorité de ʿAlī sur ses partisans{{sfn|Hawting|2000|p=28-29|id=1}}. Ceux qui sont contre l'arbitrage, arguant que ʿAlī est choisi par [[Dieu]] pour être calife et qu'il ne doit pas lui désobéir, se séparent de son camp et deviennent les [[kharidjites]]. Pendant que ʿAlī est embourbé dans sa lutte contre eux, Muʿāwiyah est acclamé par ses partisans en Syrie, dont le noyau dur, les tribus arabes syriennes, le reconnaît comme calife en [[659]] ou [[660]]. ʿAlī est assassiné par un kharidjite en [[661]]. Muʿāwiyah saisit alors l'opportunité pour marcher sur [[Koufa]] (que ʿAlī avait érigée auparavant comme capitale), contraint [[Al-Hassan ibn Ali|al-Ḥasan]], fils de ʿAlī, à lui céder l'autorité califale et obtient la reconnaissance de la noblesse tribale arabe de la région{{sfn|Hawting|2000|p=30|id=1}}. Désormais, Muʿāwiyah est largement accepté comme calife, marquant ainsi le début du [[Califat omeyyade]], avec [[Damas]] comme capitale, bien que l'opposition des kharidjites et de quelques loyalistes de ʿAlī persiste à un degré moindre{{sfn|Hawting|2000|p=31|id=1}}.

=== Califat omeyyade ===
{{Article détaillé|Califat omeyyade}}

La réunification du [[monde musulman]] sous l'égide de [[Muʿawiya Ier|Muʿāwiyah]] marque l'établissement de la dynastie omeyyade. L'historien Gerald R. Hawting fait remarquer que {{Citation|les Omeyyades, principaux représentants de ceux qui s'étaient opposés au Prophète [Mahomet] jusqu'au dernier moment possible, avaient, en trente ans suivant sa mort, rétabli leur position à tel point qu'ils étaient désormais à la tête de la communauté qu'il avait fondée}}{{sfn|Hawting|2000|p=31|id=1}}.

==== Sofyanides ====
[[Fichier:Umayyad Caliphate. temp. Mu'awiya I ibn Abi Sufyan. AH 41-60 AD 661-680.jpg|vignette|''[[dirham d'argent|Dirahm]]'' figurant {{souverain-|Muʿawiya Ier}}, frappé à [[Bassorah]] en 56 AH (675-676).]]
La période sofyanide ne possède pas une masse documentaire aussi fournie que celle de l'époque marwanide et pose des problèmes méthodologiques spécifiques. Ainsi, l'historiographie a souvent relégué [[Abd Allah ibn az-Zubayr|Ibn al-Zubair]] à un simple rang de rebelles alors que plusieurs indices historiques (existence de monnaie frappée, par exemple) semblent suggérer qu'il fut, durant plusieurs années, considéré comme le calife légitime<ref name=":3" />.

Le règne de [[Muʿawiya Ier|Muʿāwiyah {{Ier}}]], qui initie en [[661]] la dynastie des [[Sofyanides]] (descendants de ʾAbū Sufyān) est marqué par une stabilité politique et une rapide expansion territoriale. À sa mort en [[680]], son fils [[Yazīd Ier|Yazīd {{Ier}}]] lui succède{{sfn|Marsham|2009|p=99}}. Cette succession héréditaire n'est pas acceptée par de nombreux musulmans, notamment [[Abd Allah ibn az-Zubayr|ʿAbd Allāh ibn az-Zubayr]] et [[Husayn ben Ali|al-Ḥusayn]], second fils de ʿAlī. La [[Deuxième Fitna]]h éclate. Ibn az-Zubayr et al-Ḥusayn se dirigent de Médine vers La Mecque. Puis al-Ḥusayn continue vers Koufa pour rallier la population à sa cause, mais il est [[Bataille de Kerbala|intercepté]] à [[Kerbala]] par une importante armée omeyyade qui le tue ainsi que sa famille et ses compagnons. Ibn az-Zubayr se proclame calife, soulève les deux villes saintes de la Mecque et Médine et étend l'opposition jusqu'à [[Bassorah]], en Irak. Yazīd {{Ier}} arrête la révolte à Médine en [[683]] et meurt la même année. Son fils et successeur, [[Muʿāwiyah II|Muʿāwiyah {{II}}]], ne règne que quarante jours, et après son abdication en [[684]], Ibn az-Zubayr et Marwān ibn al-Ḥakam, descendant d'une autre branche omeyyade et ancien conseiller de ʿUṯmān ibn ʿAffān, se disputent le pouvoir. Marwān est proclamé calife à Damas, initiant la dynastie [[Marwanides (Omeyyades)|marwanide]].

==== Marwanides ====
[[Fichier:Second Fitna Territorial Control Map ca 686.svg|vignette|gauche|alt=Carte montrant le contrôle territorial des différentes factions pendant de la Deuxième Fitnah|Contrôle territorial des différentes factions pendant la [[Deuxième Fitna]]h (les Omeyyades en rose).]]
Le califat d'[[Abd Allah ibn az-Zubayr|Ibn az-Zubayr]] est reconnu par la plus grande partie du [[Civilisation islamique|monde musulman]]. [[Marwān Ier|Marwan {{Ier}}]], qui comptait initialement lui faire allégeance (ce dont il fut dissuadé par [[Ubayd Allah ben Ziyad]] et {{Lien|langue=en|trad=Husayn ibn Numayr al-Sakuni}}), réussit néanmoins à lui reprendre la [[Syrie]] et l'[[Égypte]], mais meurt après neuf mois de règne. Son fils [[Abd Al-Malik (calife omeyyade)|Abd al-Malik]] lui succède en [[685]]. La première partie de son règne est marquée par une révolte organisée par [[Moukhtar ath-Thaqafi]] à Koufa au nom de [[Muhammad ibn al-Hanafiya]], un des fils d'[[Ali ibn Abi Talib|Ali]]. Le {{date-|6|août|686}}, {{Lien|langue=en|trad=Ibrahim ibn al-Ashtar|fr=Ibrahim ibn al-Achtar}} repousse un {{Lien|langue=en|trad=Battle of Khazir|fr=Bataille de Khazir|texte=assaut}} des Omeyyades sur l'[[Irak]]. Moukhtar ath-Thaqafi est cependant défait quelques mois plus tard par le demi-frère d'Ibn az-Zubayr. Ibrahim al-Achtar passe alors dans le camp zubayride et conserve le contrôle du nord de l'Irak, tandis que le demi-frère d'Ibn az-Zubayr conserve la [[Sawad]]. En [[691]], ils sont tous les deux défaits par Abd al-Malik à la {{Lien|langue=en|trad=Battle of Maskin|fr=bataille de Maskine}}. En [[692]], Abd al-Malik met fin au califat d'Ibn az-Zubayr après avoir envoyé son général [[Al-Hajjaj ben Yusef|Al-Hajjaj ibn Youssouf ath-Thaqafi]] faire le {{Lien|langue=en|trad=Siege of Mecca (692)|fr=Second siège de La Mecque (692)|texte=second siège de La Mecque}}. Abd al-Malik n'ayant momentanément plus de rival pour le titre de calife, on considère la Deuxième Fitna comme terminée. Dans la foulée, Abd al-Malik et ses conseillers introduisent une réforme monétaire capitale, la fondation du [[dinar or]], qui tente d'unifier l'ensemble du Califat sous une même monnaie de référence<ref>{{en}} {{pdf}} Adam Abdullah, « The Islamic Monetary System: Diar and Dirham », in: ''International Journal of Islamic Economics and Finance Studies'', avril 2020, 6(1), {{p.|1-29}} - [https://www.researchgate.net/publication/340342492_The_Islamic_Monetary_Standard_The_Dinar_and_Dirham lire en ligne].</ref>.

[[Al-Walīd Ier|Al-Walīd {{Ier}}]] devient calife à la mort de son père ʿAbd al-Malik en [[705]]{{sfn|Lapidus|2002|p=50}}. Il poursuit les expansions territoriales initiées par ses prédécesseurs, ce que font également ses successeurs [[Sulaymān (calife omeyyade)|Sulaymān]], [[ʿUmar II|ʿUmar {{II}}]] et [[Yazīd II|Yazīd {{II}}]]. ʿUmar {{II}} tient une place particulière au sein de la dynastie, du fait de sa sagesse et de sa piété, étant parfois le seul à être reconnu calife par la tradition ultérieure.

Le dernier fils de ʿAbd al-Malik à devenir calife est [[Hišām (calife omeyyade)|Hišām]], qui succède à Yazīd {{II}} en [[724]]. Son assez long règne marque l'apogée militaire et territoriale du Califat omeyyade. Ses successeurs n'arrivent pas à endiguer le mouvement des [[Abbassides]], notamment au [[Grand Khorassan|Khorassan]] et en Irak, foyer de résistance aux Omeyyades. Les Abbassides, issus du clan des Banū Hāšim, finissent par prendre Koufa en [[749]], en font leur capitale et proclament calife leur chef [[Al-Saffah|ʾAbū al-ʿAbbās as-Saffāḥ]]. Le calife omeyyade [[Marwān II|Marwān {{II}}]], petit-fils de Marwān {{Ier}}, à la tête de l'armée omeyyade, se dirige alors vers l'est pour arrêter les Abbassides. Les deux armées se rencontrent à la [[bataille du Grand Zab]] au début de [[750]] et les Omeyyades sont défaits. La même année, Damas est prise et Marwān {{II}} fuit en Égypte, où il est tué, marquant ainsi la fin du Califat omeyyade. Les Abbassides détruisent la plupart des tombeaux omeyyades, n'épargnant que celui de ʿUmar {{II}}, et presque tous les membres de la famille sont traqués et tués, mais le prince [[Abd al-Rahman Ier|ʿAbd ar-Raḥmān ibn Muʿāwiyah]], petit-fils de Hišām, réussit à s'enfuir, à gagner al-ʾAndalus ''via'' le Maghreb et à y établir un [[Émirat de Cordoue|émirat]] à [[Cordoue]] en [[756]].

=== Omeyyades de Cordoue ===
[[Image:Reinos de Taifas en 1037.svg|vignette|L’époque des [[taïfa]]s : [[al-Andalus]] morcelé en [[1037]].]]
{{Article détaillé|Omeyyades de Cordoue}}

Les [[Omeyyades de Cordoue]] prospèrent pendant près de deux siècles et l'[[émir]] [[Abd al-Rahman III|ʿAbd ar-Raḥmān {{III}}]] se proclame [[Califat de Cordoue|calife]] en [[929]], rejetant ainsi l'autorité spirituelle du [[Califat abbasside]]. Cet âge d'or est plutôt bref et une [[Guerre civile en al-Andalus|guerre civile]] finit par faire chuter la dynastie en [[1031]] et morceler [[Al-Andalus|al-ʾAndalus]] en une multitude de [[taïfa]]s.


== Branches ==
== Branches ==

Version du 12 mai 2024 à 14:52

Omeyyades
(ar) الأمويون
Description de cette image, également commentée ci-après
Drapeau du Califat omeyyade.
Type Maison califale
Dénomination (ar) Al-ʾUmawiyyūn
(ar) Banū ʾUmayyah
Pays Califat omeyyade
Émirat de Cordoue
Califat de Cordoue
Lignée Quraych
Titres Calife
Émir de Cordoue
Fondation VIe siècle
ʾUmayyah ibn ʿAbd Šams
Déposition (branche de Damas)
1031 (branche de Cordoue)
Marwān II (branche de Damas)
Hišām III (branche de Cordoue)
Ethnicité Arabe
Branche Marwanides
Omeyyades de Cordoue
Soufyanides

Les Omeyyades, ou Umayyades, (en arabe : الأمويون (al-ʾUmawiyyūn), ou بنو أمية (Banū ʾUmayyah)) sont une dynastie arabe qui gouverne le monde musulman de 661 à 750 puis Al-Andalus de 756 à 1031. Ils tiennent leur nom de leur ancêtre ʾUmayyah ibn ʿAbd Šams, grand-oncle du prophète Mahomet. Ils font partie des clans les plus puissants de la tribu de Qurayš, qui domine la Mecque.

Après s'être initialement opposés à Mahomet, à l'exception notable de ʿUtṯmān ibn ʿAffān, ils finissent par embrasser l'islam et restent proches du pouvoir. ʿUṯman devient le troisième calife bien guidé en 644, tandis que différents membres du clan sont nommés à des postes plus ou moins importants. À la suite de l'assassinat de ʿUṯmān et de la Grande discorde qui s'ensuit, Muʿāwiyah ibn ʾAbī Sufyān, de la branche soufyanide des Omeyyades et gouverneur de Syrie, s'oppose à ʿAlī ibn ʾAbī Ṭalib, quatrième calife bien guidé. Ce dernier est assassiné après quatre ans de règne et Muʿāwiyah s'empare du pouvoir et fonde le Califat omeyyade en 661, avec pour capitale Damas. Le centre du monde musulman bascule alors vers la Syrie.

En 683, le Califat passe aux mains de la branche marwanide des Omeyyades. Les Marwanides étendent les frontières du Califat de l'Indus jusqu'au-delà des Pyrénées, en Septimanie (Gaule), entrant en guerre à plusieurs reprises notamment avec l'Empire byzantin et l'Empire khazar, et faisant disparaître le Royaume wisigoth. Néanmoins, l'étendue du Califat le fragilise et un mouvement assez hétéroclite, dirigé par les Abbassides, finit par faire chuter et remplacer le Califat omeyyade en 750. La plupart des membres de la dynastie sont tués, mais l'un des survivants, ʿAbd ar-Raḥmān ibn Muʿāwiyah, réussit à fuir en Al-Andalus et fonde un nouvel État à Cordoue, cinq ans plus tard.

Les Omeyyades de Cordoue prospèrent pendant près de deux siècles et, en 929, l'émir ʿAbd ar-Raḥmān III se proclame calife, rejetant ainsi l'autorité spirituelle du Califat abbasside. Cet âge d'or est plutôt bref et une guerre civile finit par faire chuter la dynastie en 1031 et morceler Al-Andalus en une multitude de taïfas.

Les Omeyyades, en général, souffrent d'une mauvaise réputation dans l'historiographie musulmane[1]. Leurs adversaires leur reprochent essentiellement d'avoir transformé le califat d'une institution religieuse en une institution dynastique et héréditaire, mais aussi d'avoir versé le sang de la famille de Mahomet.

Ommeyades

Branches

Au début du VIIe siècle, les principaux groupes des Banū ʾUmayyah sont les ʾAʿyāṣ et les ʿAnābisah. Les premiers regroupent les descendants de ʾAbū al-ʿĀṣ, d'al-ʿĀṣ, d'al-ʿĪṣ, de ʾAbū al-ʿĪṣ et d'al-ʿUwayṣ, tous fils de ʾUmayyah ibn ʿAbd Šams et dont le nom partage la même racine, d'où ils tirent le nom du groupe. Les deuxièmes regroupent les descendants de Ḥarb, de ʾAbū Ḥarb, de Sufyān, de ʾAbū Sufyān, de ʿAnbasah et de ʿAmr, tous fils de ʾUmayyah, ainsi que de ʾAbū ʿAmr Ḏakwān, possible fils adoptif de ʾUmayyah. ʿAnābisah est la forme pluriel de ʿAnbasah, un nom commun dans ce deuxième groupe[2].

Deux des fils de ʾAbū al-ʿĀṣ, ʿAffān et al-Ḥakam, sont les pères de deux califes, respectivement ʿUṯmān et Marwān Ier. Ce dernier est à l'origine de la branche des Marwanides, qui dirige le Califat omeyyade entre 684 et 750, puis l'Émirat de Cordoue entre 756 et 929 et enfin le Califat de Cordoue entre 929 et 1031 (avec quelques courts intervalles à la fin du Califat de Cordoue, lorsque les Hammudites disputent le pouvoir aux Omeyyades). Hormis les rescapés vers al-ʾAndalus, la plupart des Marwanides sont exterminés dans la purge entreprise par les Abbassides en 750. Toutefois, certains parmi eux se réfugient et s'installent en Égypte et en Iran et l'un de leurs descendants, l'auteur ʾAbū al-Faraǧ al-ʾAṣfahāniyy (897-967), est connu pour son Livre des Chansons. ʿUṯmān est le troisième calife bien guidé (644-656) et laisse de nombreux descendants dont certains servent dans différents postes au sein du Califat omeyyade. La lignée de ʾAbū al-ʿĪṣ, via son fils ʾAsīd, donne plusieurs gouverneurs et militaires sous les ordres des califes bien guidés puis des califes omeyyades. Quant à al-ʿĀṣ, son fils Saʿīd devient gouverneur de Koufa sous ʿUṯmān[2].

Parmi le groupe des ʿAnābisah, les membres les plus connus sont la famille de Ṣaḫr, fils de Ḥarb et plus connu sous le nom de ʾAbū Sufyān[3]. De sa lignée, les Soufyanides, est issu son fils Muʿāwiyah Ier, fondateur du Califat omeyyade en 661. Muʿāwiyah Ier engendre Yazīd Ier, deuxième calife omeyyade, qui est le père de Muʿāwiyah II, dernier calife de la branche soufyanide en 684. Les frères de Muʿāwiyah II, Ḫālid et ʿAbd Allāh, continuent cependant de jouer un rôle important, le premier étant souvent considéré comme étant le fondateur de l'alchimie dans le monde musulman. Le fils de ʿAbd Allāh, Ziyād, plus connu sous le nom de ʾAbū Muḥammad as-Sufyāniyy, mène une rébellion contre les Abbassides en 750 avant d'être tué. Les autres fils de ʾAbū Sufyān sont Yazīd, qui précède son frère Muʿāwiyah en tant que gouverneur de Syrie, ʿAmr, ʿAnbasah, Muḥammad et ʿUtbah. Seuls les deux derniers laissent une descendance. Une autre famille importante parmi les ʿAnābisah est celle de ʾAbū ʿAmr, via son fils ʾAbū Muʿayṭ. ʾUqbah, fils de ʾAbū Muʿayṭ, est capturé et exécuté pendant la bataille de Badr sur ordre de Mahomet pour son hostilité et sa grande virulence envers Mahomet. Al-Walīd, fils de ʿUqbah, devient gouverneur de Koufa sous ʿUṯmān pour une brève période. Les Banū ʾAbī Muʿayṭ s'installent principalement en Irak et en Djézireh[4].

Arbre généalogique

Notes et références

Notes

Références

  1. Borrut A., "De l'Arabie à l'Empire - conquête et construction califale dans l'islam premier", dans Le Coran des historiens, t.1, 2019, p. 249-289.
  2. a et b Levi Della Vida et Bosworth 2000, p. 838.
  3. Levi Della Vida et Bosworth 2000, p. 838-839.
  4. Levi Della Vida et Bosworth 2000, p. 839.

Bibliographie

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes