« Heinrich von Kleist » : différence entre les versions

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'''Heinrich von Kleist''' {{MSAPI|ˈhaɪ̯nʁɪç fɔn ˈklaɪ̯st}}<ref>[[Prononciation de l'allemand|Prononciation]] en [[allemand standard]] [[Transcription phonétique|retranscrite]] selon la [[alphabet phonétique international|norme API]]. [https://fr.forvo.com/word/heinrich_von_kleist/ Exemple audio sur Forvo].</ref>, de son nom complet '''Bernd Heinrich Wilhelm von Kleist''' ([[Francfort-sur-l'Oder]] le {{date de naissance|18|octobre|1777}} – [[Berlin]], [[Berlin-Wannsee|Wannsee]], le {{date de décès|21|novembre|1811}}), est un [[écrivain]] [[Royaume de Prusse|prussien]], poète, dramaturge et essayiste.
'''Heinrich von Kleist''' {{MSAPI|ˈhaɪ̯nʁɪç fɔn ˈklaɪ̯st}}<ref>[[Prononciation de l'allemand|Prononciation]] en [[allemand standard]] [[Transcription phonétique|retranscrite]] selon la [[alphabet phonétique international|norme API]]. [https://fr.forvo.com/word/heinrich_von_kleist/ Exemple audio sur Forvo].</ref>, de son nom complet '''Bernd Heinrich Wilhelm von Kleist''' ([[Francfort-sur-l'Oder]] le {{Date de naissance-|18|octobre|1777}} – [[Berlin]], [[Berlin-Wannsee|Wannsee]], le {{Date de décès-|21|novembre|1811}}), est un [[écrivain]] [[Royaume de Prusse|prussien]], poète, dramaturge et essayiste.


== Biographie ==
== Biographie ==
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Issu d'une [[Famille von Kleist|famille noble de militaires]], fils de Joachim Friedrich von Kleist et de sa seconde épouse Juliane Ulrike [[Famille von Pannwitz|von Pannwitz]], il est confié à un précepteur à [[Francfort-sur-l'Oder]] et étudie avec son cousin, Charles von Pannwitz.
Issu d'une [[Famille von Kleist|famille noble de militaires]], fils de Joachim Friedrich von Kleist et de sa seconde épouse Juliane Ulrike [[Famille von Pannwitz|von Pannwitz]], il est confié à un précepteur à [[Francfort-sur-l'Oder]] et étudie avec son cousin, Charles von Pannwitz.


En [[1788]], alors qu'il n'a que onze ans, son père, capitaine au régiment du prince {{Lien|trad=Leopold von Braunschweig-Wolfenbüttel|lang=de|Léopold de Brunswick-Wolfenbuttel}} à Francfort, meurt, laissant sa femme et ses enfants dans une situation financière difficile. Une demande de pension ayant été rejetée, de même qu'une requête pour intégrer Heinrich à l'académie militaire de Prusse, ce dernier étudie à l'école de la communauté réformée française de [[Berlin]], avant d'entrer en [[1792]] dans l'armée prussienne comme caporal<ref name="fischer2">{{en}} Bernd Fischer, ''A companion to the works of Heinrich von Kleist'', Boydell & Brewer, 2003, 258 pages, introduction, {{p.|2-5}} {{ISBN|1571131779}}.</ref> au régiment de la Garde de [[Potsdam]]. Il participe au [[siège de Mayence (1793)|siège de Mayence]] et au [[blocus de Mayence]]. Le {{date|3|février|1793}}, il perd sa mère.
En 1788, alors qu'il n'a que onze ans, son père, capitaine au régiment du prince {{Lien|trad=Leopold von Braunschweig-Wolfenbüttel|lang=de|Léopold de Brunswick-Wolfenbuttel}} à Francfort, meurt, laissant sa femme et ses enfants dans une situation financière difficile. Une demande de pension ayant été rejetée, de même qu'une requête pour intégrer Heinrich à l'académie militaire de Prusse, ce dernier étudie à l'école de la communauté réformée française de [[Berlin]], avant d'entrer en 1792 dans l'armée prussienne comme caporal<ref name="fischer2">{{en}} Bernd Fischer, ''A companion to the works of Heinrich von Kleist'', Boydell & Brewer, 2003, 258 pages, introduction, {{p.|2-5}} {{ISBN|1571131779}}.</ref> au régiment de la Garde de [[Potsdam]]. Il participe au [[siège de Mayence (1793)|siège de Mayence]] et au [[blocus de Mayence]]. Le {{Date-|3|février|1793}}, il perd sa mère.


En [[1799]], il démissionne de l'armée et s'inscrit à l'[[Université brandebourgeoise de Francfort|université de Francfort-sur-l'Oder]] : il y étudie les mathématiques et les sciences naturelles. En [[1800]], il se fiance avec Wilhelmine von Zenge. Refusant de réintégrer l'armée, il travaille comme fonctionnaire à Berlin. En [[1801]], il lit [[Emmanuel Kant|Kant]], ce qui le plonge dans une profonde dépression.
En 1799, il démissionne de l'armée et s'inscrit à l'[[Université brandebourgeoise de Francfort|université de Francfort-sur-l'Oder]] : il y étudie les mathématiques et les sciences naturelles. En 1800, il se fiance avec Wilhelmine von Zenge. Refusant de réintégrer l'armée, il travaille comme fonctionnaire à Berlin. En 1801, il lit [[Emmanuel Kant|Kant]], ce qui le plonge dans une profonde dépression.


Après un voyage en France avec sa demi-sœur, Ulrike, de trois ans son aîné, il s'installe à [[Thoune]] près de [[Berne]] où il termine sa première pièce, ''[[La Famille Schroffenstein]]''. En [[1802]] il se brouille avec sa fiancée Wilhelmine et tombe malade. Un médecin lui diagnostique une {{Citation|mélancolie morbide}}. Sa sœur le ramène à [[Weimar]]. ''La Famille Schroffenstein'' est publiée anonymement l'année suivante. Cette année [[1803]] est synonyme de voyages : [[Leipzig]], [[Dresde]], Berne (en juillet), [[Milan]], [[Genève]], [[Paris]] (à la mi-octobre). En octobre, après avoir brûlé le manuscrit de ''Robert Guiscard'', il quitte secrètement la capitale française et part, à pied et sans passeport, jusqu'au camp de Boulogne, afin de s'engager dans l'armée française, qui prépare l'invasion de l'Angleterre, et y mourir. Tandis qu'à Paris, son ami [[Ernst von Pfuel]] recherche son cadavre à la morgue, le croyant mort, il arrive à [[Saint-Omer (Pas-de-Calais)|Saint-Omer]] le {{date|23 octobre}}. Après un premier échec il retourne à Paris, avant de faire une nouvelle tentative le {{date|18 novembre}}. Puis, renonçant à ses projets, il obtient un passeport auprès de l'ambassade de Prusse et retourne en Allemagne. Tombé malade peu après, il s'arrête à [[Mayence]] où il demeure alité six mois et termine ''Robert Guiscard''. Il est soigné par Georg Wedekind, médecin [[jacobinisme|jacobin]], qui tente de lui obtenir une place dans l'administration française de [[Coblence]], mais il repart vers Berlin où il arrive au début de l'été [[1804]], après une visite à Ludwig Wieland, fils de [[Christoph Martin Wieland]], à Weimar et un passage par Francfort-sur-l'Oder et [[Potsdam]]<ref name="fischer2"/>.
Après un voyage en France avec sa demi-sœur, Ulrike, de trois ans son aîné, il s'installe à [[Thoune]] près de [[Berne]] où il termine sa première pièce, ''[[La Famille Schroffenstein]]''. En 1802 il se brouille avec sa fiancée Wilhelmine et tombe malade. Un médecin lui diagnostique une {{Citation|mélancolie morbide}}. Sa sœur le ramène à [[Weimar]]. ''La Famille Schroffenstein'' est publiée anonymement l'année suivante. Cette année 1803 est synonyme de voyages : [[Leipzig]], [[Dresde]], Berne (en juillet), [[Milan]], [[Genève]], [[Paris]] (à la mi-octobre). En octobre, après avoir brûlé le manuscrit de ''Robert Guiscard'', il quitte secrètement la capitale française et part, à pied et sans passeport, jusqu'au camp de Boulogne, afin de s'engager dans l'armée française, qui prépare l'invasion de l'Angleterre, et y mourir.
[[Fichier:Kleist suicide letter.jpg|vignette|droite|[[lettre d'adieu (suicide)|Lettre de suicide]] de Kleist.]]
À l'automne suivant, ses amis lui obtiennent une place de stagiaire à l'administration des Domaines à [[Königsberg|Kœnigsberg]], où il arrive en {{date||mai|1805}}, revoit ses premières compositions et écrit ''[[Michael Kohlhaas]]'', ''[[La Marquise d'O... (nouvelle)|La Marquise d'O...]]'' et ''Amphitryon'' d'après [[Molière]]<ref name="fischer2"/>.


Tandis qu'à Paris, son ami [[Ernst von Pfuel]] recherche son cadavre à la morgue, le croyant mort, il arrive à [[Saint-Omer (Pas-de-Calais)|Saint-Omer]] le {{Date-|23 octobre}}. Après un premier échec il retourne à Paris, avant de faire une nouvelle tentative le {{Date-|18 novembre}}. Puis, renonçant à ses projets, il obtient un passeport auprès de l'ambassade de Prusse et retourne en Allemagne. Tombé malade peu après, il s'arrête à [[Mayence]] où il demeure alité six mois et termine ''Robert Guiscard''. Il est soigné par Georg Wedekind, médecin [[jacobinisme|jacobin]], qui tente de lui obtenir une place dans l'administration française de [[Coblence]], mais il repart vers Berlin où il arrive au début de l'été 1804, après une visite à Ludwig Wieland, fils de [[Christoph Martin Wieland]], à Weimar et un passage par Francfort-sur-l'Oder et [[Potsdam]]<ref name="fischer2"/>.
En {{date||février|1806}}, il demande un rallongement de six mois de ses études. Toutefois, en juin, renonçant définitivement à une carrière de fonctionnaire, il demande à quitter le service, prétextant des problèmes de santé<ref name="fischer2"/>. Il termine la pièce ''La Cruche cassée''.
[[Fichier:Kleist suicide letter.jpg|vignette|droite|[[lettre d'adieu (suicide)|Lettre de suicide]] de Kleist.]]
À l'automne suivant, ses amis lui obtiennent une place de stagiaire à l'administration des Domaines à [[Königsberg|Kœnigsberg]], où il arrive en {{Date-||mai|1805}}, revoit ses premières compositions et écrit ''[[Michael Kohlhaas]]'', ''[[La Marquise d'O... (nouvelle)|La Marquise d'O...]]'' et ''Amphitryon'' d'après [[Molière]]<ref name="fischer2"/>. En {{Date-||février|1806}}, il demande un rallongement de six mois de ses études. Toutefois, en juin, renonçant définitivement à une carrière de fonctionnaire, il demande à quitter le service, prétextant des problèmes de santé<ref name="fischer2"/>. Il termine la pièce ''La Cruche cassée''.


En {{date||janvier|1807}}, voulant se rendre à Dresde, il est à nouveau soupçonné d'espionnage par l'état-major français à Berlin, qui lui a refusé un laissez-passer. À cette époque, {{souverain2|Napoléon Ier}}, fraîchement couronné [[Premier Empire|empereur des Français]] le {{date|2|décembre|1804}}, et successivement vainqueur à [[bataille d'Ulm|Ulm]] et à [[bataille d'Austerlitz|Austerlitz]] en [[1805]], puis à [[bataille d'Iéna|Iéna]] et [[Bataille d'Auerstaedt|Auerstadt]] en [[1806]], est entré en vainqueur à Berlin ({{date||novembre|1806}}), où il a décrété le [[blocus continental]]. Kleist, arrêté avec ses amis Karl Franz von Gauvain et Christoph Adalbert von Ehrenberg par les Français, est envoyé comme prisonnier de guerre en France, où il est incarcéré au [[fort de Joux]] du {{date|5 mars}} au {{date|9|avril|1807}}, puis transféré à [[Châlons-sur-Marne]], avant d'être libéré le {{date|13 juillet}}, après la [[paix de Tilsit]]<ref name="fischer2"/>.{{Autres projets
En {{Date-||janvier|1807}}, voulant se rendre à Dresde, il est à nouveau soupçonné d'espionnage par l'état-major français à Berlin, qui lui refuse un laissez-passer. À cette époque, {{souverain2|Napoléon Ier}}, fraîchement couronné [[Premier Empire|empereur des Français]] le {{Date-|2|décembre|1804}}, et successivement vainqueur à [[bataille d'Ulm|Ulm]] et à [[bataille d'Austerlitz|Austerlitz]] en 1805, puis à [[bataille d'Iéna|Iéna]] et [[Bataille d'Auerstaedt|Auerstadt]] en 1806, est entré en vainqueur à Berlin ({{Date-||novembre|1806}}), où il a décrété le [[blocus continental]]. Kleist, arrêté avec ses amis Karl Franz von Gauvain et Christoph Adalbert von Ehrenberg par les Français, est envoyé comme prisonnier de guerre en France, où il est incarcéré au [[fort de Joux]] du {{Date-|5 mars}} au {{Date-|9|avril|1807}}, puis transféré à [[Châlons-sur-Marne]], avant d'être libéré le {{Date-|13 juillet}}, après la [[paix de Tilsit]]<ref name="fischer2"/>.
[[Fichier:Heinrich-von-kleist grab.JPG|vignette|La tombe de Kleist avec un vers tiré de sa pièce ''Le Prince de Hombourg'']]
| wikisource = Heinrich von Kleist
}}[[Image:Heinrich-von-kleist grab.JPG|vignette|La tombe de Kleist avec un vers tiré de sa pièce ''Le Prince de Hombourg'']]


Sa pièce ''Amphitryon'' est publiée à Dresde par [[Adam Müller]], avec lequel il se lie d'amitié et qui est à la tête d'un groupe littéraire actif (avec Körner von Bual, [[Ludwig Tieck|Tieck]], Sophie von Haza…). Installé à Dresde le {{date|31|août|1807}}<ref name="fischer2"/>, Kleist publie sa nouvelle ''Tremblement de terre au Chili'', finit ''Penthésilée'' et ''La Petite Catherine de Heilbronn''.
Sa pièce ''Amphitryon'' est publiée à Dresde par [[Adam Müller]], avec lequel il se lie d'amitié et qui est à la tête d'un groupe littéraire actif (avec Körner von Bual, [[Ludwig Tieck|Tieck]], Sophie von Haza…). Installé à Dresde le {{Date-|31|août|1807}}<ref name="fischer2"/>, Kleist publie sa nouvelle ''Tremblement de terre au Chili'', finit ''Penthésilée'' et ''La Petite Catherine de Heilbronn''.


En [[1808 en littérature|1808]], paraît le premier numéro de la revue littéraire ''Phœbus'', fondée avec Adam Müller. Kleist propose à [[Johann Wolfgang von Goethe|Goethe]] d'y collaborer, mais celui-ci refuse, critiquant sévèrement Kleist. ''Phœbus'' ne dure qu'un an. La même année paraît ''[[La Marquise d'O... (nouvelle)|La Marquise d'O...]]'', tandis qu'est représentée pour la première fois ''La Cruche Cassée''. Un fragment de ''Michael Kohlhaas'' voit le jour, ainsi que ''La Bataille d'Hermann'', pièce qui sera interdite de représentation en [[1809 au théâtre|1809]] et qui sera publiée seulement dix ans après la mort de l'auteur.
En {{Date-|||1808|en littérature}}, paraît le premier numéro de la revue littéraire ''Phœbus'', fondée avec Adam Müller. Kleist propose à [[Johann Wolfgang von Goethe|Goethe]] d'y collaborer, mais celui-ci refuse, critiquant sévèrement Kleist. ''Phœbus'' ne dure qu'un an. La même année paraît ''[[La Marquise d'O... (nouvelle)|La Marquise d'O...]]'', tandis qu'est représentée pour la première fois ''La Cruche Cassée''. Un fragment de ''Michael Kohlhaas'' voit le jour, ainsi que ''La Bataille d'Hermann'', pièce qui sera interdite de représentation en {{Date-|||1809|au théâtre}} et qui sera publiée seulement dix ans après la mort de l'auteur.


En [[1810]], Kleist est animé par l'espoir d'une coalition entre la [[Royaume de Prusse|Prusse]] et l'[[Empire d'Autriche|Autriche]], contre Napoléon. Il décide d'écrire un drame en honneur de la famille [[Hohenzollern]]: ''[[Le Prince de Hombourg]]'', inspiré des ''Mémoires pour servir à l'histoire de la maison de Brandebourg'' de {{souverain2|Frédéric II (roi de Prusse)}}. La même année, Kleist lance sa deuxième revue littéraire : des journaux destinés à être publiés cinq fois par semaine, les ''Abendblätter'', aux contenus fort patriotiques. En novembre, il rencontre une femme mariée, par ailleurs musicienne, [[Henriette Vogel]], avec qui il échange une correspondance amoureuse.
En 1810, Kleist est animé par l'espoir d'une coalition entre la [[Royaume de Prusse|Prusse]] et l'[[Empire d'Autriche|Autriche]], contre Napoléon. Il décide d'écrire un drame en honneur de la famille [[Hohenzollern]]: ''[[Le Prince de Hombourg]]'', inspiré des ''Mémoires pour servir à l'histoire de la maison de Brandebourg'' de {{souverain2|Frédéric II (roi de Prusse)}}. La même année, Kleist lance sa deuxième revue littéraire : des journaux destinés à être publiés cinq fois par semaine, les ''Abendblätter'', aux contenus fort patriotiques. En novembre, il rencontre une femme mariée, par ailleurs musicienne, [[Henriette Vogel]], avec qui il échange une correspondance amoureuse.


En [[1811 en littérature|1811]], sont publiés ''La Cruche cassée'' et sa nouvelle, ''Les Fiancés de Saint-Domingue''. Les ''Abendblätter'' s'arrêtent. Kleist demande et obtient sa réintégration dans l'armée. Il adresse à Henriette les ''Litanies de la Mort''. Au matin de son dernier jour, Heinrich von Kleist a écrit à sa demi-sœur Ulrike : « La vérité c’est qu’on ne pouvait pas m’aider sur terre »<ref>Heinrich von Kleist, Correspondance complète. 1793-1811, traduit de l’allemand par Jean-Claude Schneider, Paris, Gallimard, 1976</ref>. Heinrich et Henriette se donnent rendez-vous à [[Berlin-Wannsee|Wannsee]], près de [[Potsdam]], où ils se donnent la mort ; Kleist tue Henriette, atteinte d'un cancer, puis retourne l'arme contre lui<ref>Sur le suicide et la mort de Kleist, voir l'entretien donné en 2015 par [[Philippe Forget (germaniste)|Philippe Forget]] à propos du film de Jessica Hausner ''Amour fou:''http://www.zerodeconduite.net/amourfou/entretien.html</ref>.
En {{Date-|||1811|en littérature}}, sont publiés ''La Cruche cassée'' et sa nouvelle, ''Les Fiancés de Saint-Domingue''. Les ''Abendblätter'' s'arrêtent. Kleist demande et obtient sa réintégration dans l'armée. Il adresse à Henriette les ''Litanies de la Mort''. Au matin de son dernier jour, Heinrich von Kleist a écrit à sa demi-sœur Ulrike : « La vérité c’est qu’on ne pouvait pas m’aider sur terre<ref>Heinrich von Kleist, Correspondance complète. 1793-1811, traduit de l’allemand par Jean-Claude Schneider, Paris, Gallimard, 1976</ref> ». Heinrich et Henriette se donnent rendez-vous à [[Berlin-Wannsee|Wannsee]], près de [[Potsdam]], où ils se donnent la mort : Kleist tue Henriette, atteinte d'un cancer, puis retourne l'arme contre lui<ref>Sur le suicide et la mort de Kleist, voir l'entretien donné en 2015 par [[Philippe Forget (germaniste)|Philippe Forget]] à propos du film de Jessica Hausner ''Amour fou:''http://www.zerodeconduite.net/amourfou/entretien.html</ref>.


On peut lire sur sa tombe un vers tiré du ''Prince de Hombourg'' : « ''Nun, o Unsterblichkeit, bist du ganz mein'' » (Maintenant, ô immortalité, tu es toute à moi !)
On peut lire sur sa tombe un vers tiré du ''Prince de Hombourg'' : « ''Nun, o Unsterblichkeit, bist du ganz mein'' » (Maintenant, ô immortalité, tu es toute à moi !)
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== Principales œuvres ==
== Principales œuvres ==
=== Romans et nouvelles ===
=== Romans et nouvelles ===
* ''Histoires'' (''Erzählungen''), 2 tomes, [[1810 en littérature|1810]]-[[1811 en littérature|1811]]:
* ''Histoires'' (''Erzählungen''), 2 tomes, {{Date-|||1810|en littérature}}-{{Date-|||1811|en littérature}}:
* ''Récits'', traduit par Pierre Deshusses, in Œuvres complètes, tome II, 308 p. Paris, Le Promeneur, 1999 {{ISBN|2-07-075302-6}}:
* ''Récits'', traduit par Pierre Deshusses, in Œuvres complètes, tome II, 308 p. Paris, Le Promeneur, 1999 {{ISBN|2-07-075302-6}}:
** ''Le Tremblement de terre au Chili'' (''Das Erdbeben in Chili''), paru dans le ''Morgenblatt'' à Stuttgart en {{date||septembre|1807}} (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999);
** ''Le Tremblement de terre au Chili'' (''Das Erdbeben in Chili''), paru dans le ''Morgenblatt'' à Stuttgart en {{Date-||septembre|1807}} (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999);
** ''[[La Marquise d'O... (nouvelle)|La Marquise d'O...]]'' (''Die Marquise von O...''), paru dans ''Phœbus'' en {{date||février|1808}} (traduit par [[Armel Guerne]], Phébus, 1976 ; adapté au [[La Marquise d'O... (film)|cinéma]] par [[Éric Rohmer]] en [[1976 au cinéma|1976]] - traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999) ;
** ''[[La Marquise d'O... (nouvelle)|La Marquise d'O...]]'' (''Die Marquise von O...''), paru dans ''Phœbus'' en {{Date-||février|1808}} (traduit par [[Armel Guerne]], Phébus, 1976 ; adapté au [[La Marquise d'O... (film)|cinéma]] par [[Éric Rohmer]] en {{Date-|||1976|au cinéma}} - traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999) ;
** ''[[Michael Kohlhaas]]'', [[1810 en littérature|1810]] (traduit par [[Armel Guerne]], Phébus, 1983 - traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999) ; adapté au cinéma par Arnaud des Pallières (Présenté en compétition officielle lors du [[Festival de Cannes 2013]], le film fait sa sortie généralisée le [[14 août|14]] [[Août 2013|août]] [[2013 au cinéma|2013]]).
** ''[[Michael Kohlhaas]]'', {{Date-|||1810|en littérature}} (traduit par [[Armel Guerne]], Phébus, 1983 - traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999) ; adapté au cinéma par Arnaud des Pallières (Présenté en compétition officielle lors du [[Festival de Cannes 2013]], le film fait sa sortie généralisée le [[14 août|14]] [[Août 2013|août]] {{Date-|||2013|au cinéma}}).
** ''Les Fiançailles à Saint-Domingue'' (''Die Verlobung in St. Domingo''), [[1808 en littérature|1808]] (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999) ;
** ''Les Fiançailles à Saint-Domingue'' (''Die Verlobung in St. Domingo''), {{Date-|||1808|en littérature}} (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999) ;
** ''La Mendiante de Locarno'' (''Das Bettelweib von Locarno''), [[1810 en littérature|1810]] (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999) ;
** ''La Mendiante de Locarno'' (''Das Bettelweib von Locarno''), {{Date-|||1810|en littérature}} (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999) ;
** ''L'Enfant trouvé'' (''Der Findling''), [[1811 en littérature|1811]] (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999);
** ''L'Enfant trouvé'' (''Der Findling''), {{Date-|||1811|en littérature}} (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999);
** ''Sainte Cécile ou la puissance de la musique'' (''Die heilige Cäcilie oder die Gewalt der Musik''), [[1810 en littérature|1810]] (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999 ;
** ''Sainte Cécile ou la puissance de la musique'' (''Die heilige Cäcilie oder die Gewalt der Musik''), {{Date-|||1810|en littérature}} (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999 ;
** ''Le Duel'' (''Der Zweikampf''), [[1811 en littérature|1811]] (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999).
** ''Le Duel'' (''Der Zweikampf''), {{Date-|||1811|en littérature}} (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999).


=== Théâtre ===
=== Théâtre ===
* ''Théâtre'', in Œuvres complètes, tome IV, 610 p.. Paris, Le Promeneur, 2002: ''Penthésilée'', ''Käthchen de Heilbronn'', ''La Bataille d'Hermann'', ''Le Prince Friedrich von Homburg'' + variantes. Trad. Pierre Deshusses et Irène Kuhn {{ISBN|2-07-076564-4}}
* ''Théâtre'', in Œuvres complètes, tome IV, 610 p.. Paris, Le Promeneur, 2002: ''Penthésilée'', ''Käthchen de Heilbronn'', ''La Bataille d'Hermann'', ''Le Prince Friedrich von Homburg'' + variantes. Trad. Pierre Deshusses et Irène Kuhn {{ISBN|2-07-076564-4}}
* ''[[La Famille Schroffenstein]]'' (''Die Familie Schroffenstein''), [[1803 en littérature|1803]] (publié en [[1822 en littérature|1822]]) ;
* ''[[La Famille Schroffenstein]]'' (''Die Familie Schroffenstein''), {{Date-|||1803|en littérature}} (publié en {{Date-|||1822|en littérature}}) ;
* ''Robert Guiscard'' (''Robert Guiskard''), manuscrit brûlé par l'auteur à Paris en [[1803]], dont il ne reste que dix scènes, retranscrites de mémoire à Dresde en [[1807]] et publiées dans ''Phœbus'' en {{date||mai|1808}} ;
* ''Robert Guiscard'' (''Robert Guiskard''), manuscrit brûlé par l'auteur à Paris en 1803, dont il ne reste que dix scènes, retranscrites de mémoire à Dresde en 1807 et publiées dans ''Phœbus'' en {{Date-||mai|1808}} ;
* ''Amphitryon'' (''Amphitryon: Ein Lustspiel nach Molière''), écrit et paru en [[1807 en littérature|1807]], créé en [[1989]] ;
* ''Amphitryon'' (''Amphitryon: Ein Lustspiel nach Molière''), écrit et paru en {{Date-|||1807|en littérature}}, créé en 1989 ;
* ''[[Penthésilée (Kleist)|Penthésilée]]'' (''Penthesilea''), écrit en [[1805 en littérature|1805]]-[[1807 en littérature|1807]], publié en [[1808 en littérature|1808]], créé en [[1876 au théâtre|1876]] ;
* ''[[Penthésilée (Kleist)|Penthésilée]]'' (''Penthesilea''), écrit en {{Date-|||1805|en littérature}}-{{Date-|||1807|en littérature}}, publié en {{Date-|||1808|en littérature}}, créé en {{Date-|||1876|au théâtre}} ;
* ''[[La Cruche cassée]]'' (''Der zerbrochene Krug''), [[1808 en littérature|1808]] ;
* ''[[La Cruche cassée]]'' (''Der zerbrochene Krug''), {{Date-|||1808|en littérature}} ;
* ''L'[[Ordalie]] ou [[la Petite Catherine de Heilbronn]]'' (''Das Käthchen von Heilbronn''), [[1810 en littérature|1810]], créé à [[Vienne (Autriche)|Vienne]] en [[1810 au théâtre|1810]] (adaptation française de [[Jean Anouilh]]) ;
* ''L'[[Ordalie]] ou [[la Petite Catherine de Heilbronn]]'' (''Das Käthchen von Heilbronn''), {{Date-|||1810|en littérature}}, créé à [[Vienne (Autriche)|Vienne]] en {{Date-|||1810|au théâtre}} (adaptation française de [[Jean Anouilh]]) ;
* ''[[La Bataille d'Arminius]]'' (''Die Hermannsschlacht''), écrit en [[1808 en littérature|1808]], paru en [[1821 en littérature|1821]], créé en [[1839 au théâtre|1839]] ;
* ''[[La Bataille d'Arminius]]'' (''Die Hermannsschlacht''), écrit en {{Date-|||1808|en littérature}}, paru en {{Date-|||1821|en littérature}}, créé en {{Date-|||1839|au théâtre}} ;
* ''[[Le Prince de Hombourg]]'' (''Prinz Friedrich von Homburg''), écrit en [[1808 en littérature|1808]]-[[1810 en littérature|1810]], paru et créé en [[1821 en littérature|1821]] (adapté au cinéma par [[Marco Bellocchio]] en [[1997 au cinéma|1997]]).
* ''[[Le Prince de Hombourg]]'' (''Prinz Friedrich von Homburg''), écrit en {{Date-|||1808|en littérature}}-{{Date-|||1810|en littérature}}, paru et créé en {{Date-|||1821|en littérature}} (adapté au cinéma par [[Marco Bellocchio]] en {{Date-|||1997|au cinéma}}).


=== Œuvres théoriques ===
=== Œuvres théoriques ===
* ''Petits écrits'' (Œuvres complètes, tome I), trad. Pierre Deshusses et Jean-Yves Masson, Paris, Le Promeneur, 1999, 384 p. {{ISBN|2-07-074948-7}}
* ''Petits écrits'' (Œuvres complètes, tome I), trad. Pierre Deshusses et Jean-Yves Masson, Paris, Le Promeneur, 1999, 384 p. {{ISBN|2-07-074948-7}}
* ''Essai sur le bonheur'' (''Aufsatz, den sichern Weg des Glücks zu finden''), écrit probablement en [[1799 en littérature|1799]] ;
* ''Essai sur le bonheur'' (''Aufsatz, den sichern Weg des Glücks zu finden''), écrit probablement en {{Date-|||1799|en littérature}} ;
* ''Sur l'élaboration progressive des idées par la parole'' (trad. Pierre Deshusses), Paris, Le Promeneur, 1999 in ''Petits Ecrits''.
* ''Sur l'élaboration progressive des idées par la parole'' (trad. Pierre Deshusses), Paris, Le Promeneur, 1999 in ''Petits Ecrits''.
* ''[[Essai sur l'élaboration progressive des idées pendant le discours]]'' (''Über die allmähliche Verfertigung der Gedanken beim Reden''), écrit vers [[1805 en littérature|1805]]-[[1806 en littérature|1806]] ;
* ''[[Essai sur l'élaboration progressive des idées pendant le discours]]'' (''Über die allmähliche Verfertigung der Gedanken beim Reden''), écrit vers {{Date-|||1805|en littérature}}-{{Date-|||1806|en littérature}} ;
* ''Considérations sur le cours du monde'' (''Betrachtungen über den Weltlauf''), paru dans les ''Berliner Abendblätter'' le {{date|9|octobre|1810}} (trad. Pierre Deshusses), Paris, Le Promeneur, 1999, in ''Petits Ecrits'';
* ''Considérations sur le cours du monde'' (''Betrachtungen über den Weltlauf''), paru dans les ''Berliner Abendblätter'' le {{Date-|9|octobre|1810}} (trad. Pierre Deshusses), Paris, Le Promeneur, 1999, in ''Petits Ecrits'';
* ''Paradoxe de la réflexion'' (''Von der Überlegung. (Eine Paradoxe)''), paru dans les ''Berliner Abendblätter'' le {{date|7|décembre|1810}} ;
* ''Paradoxe de la réflexion'' (''Von der Überlegung. (Eine Paradoxe)''), paru dans les ''Berliner Abendblätter'' le {{Date-|7|décembre|1810}} ;
* ''Essai sur le théâtre des marionnettes'' (''Über das Marionettentheater''), [[1810 en littérature|1810]]. ''Sur le théâtre de marionnettes'' (trad. Pierre Deshusses), Paris, Le Promeneur, 1999 in ''Petits Ecrits'';
* ''Essai sur le théâtre des marionnettes'' (''Über das Marionettentheater''), {{Date-|||1810|en littérature}}. ''Sur le théâtre de marionnettes'' (trad. Pierre Deshusses), Paris, Le Promeneur, 1999 in ''Petits Ecrits'';
* ''Lettre d'un jeune poète à un jeune peintre'' (''Brief eines jungen Dichters an einen jungen Maler''), [[1810 en littérature|1810]] ;
* ''Lettre d'un jeune poète à un jeune peintre'' (''Brief eines jungen Dichters an einen jungen Maler''), {{Date-|||1810|en littérature}} ;
* ''Lettre d'un poète à un autre poète'' (''Brief eines Dichters an einen anderen''), [[1811 en littérature|1811]].
* ''Lettre d'un poète à un autre poète'' (''Brief eines Dichters an einen anderen''), {{Date-|||1811|en littérature}}.
* {{Ouvrage|traducteur=Jacques Decour|titre=L'Élaboration de la pensée par le discours|date=1910-1942}}
* {{Ouvrage|traducteur=Jacques Decour|titre=L'Élaboration de la pensée par le discours|date=1910-1942}}


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* Sa ''Correspondance complète 1793 - 1811''. (''Correspondance''. Oeuvres complètes, tome V. trad. Pierre Deshusses, Paris, Le Promeneur, 1999, 486 p. {{ISBN|2-07-075749-8}}
* Sa ''Correspondance complète 1793 - 1811''. (''Correspondance''. Oeuvres complètes, tome V. trad. Pierre Deshusses, Paris, Le Promeneur, 1999, 486 p. {{ISBN|2-07-075749-8}}


Le journal que tenait Kleist et qu'il appelait ''Histoire de mon âme'' ayant disparu sans doute à jamais, c'est dans sa ''Correspondance'' qu'il faut aller chercher ce que cet homme qui se disait « inexprimable » a pu tenter de livrer directement de lui-même. Kleist, en qui chacun reconnaît aujourd'hui le « vrai poète tragique de l'Allemagne », resta tout à fait incompris de ses contemporains. Rejeté par Goethe avec la brutalité meurtrière que l'on sait, alors que Kleist lui soumettait sa ''Penthésilée'' dans les termes d'une humilité devenue fameuse (« je mets mon cœur à genoux devant vous » - lettre du {{date|24|janvier|1808}}), il ne fut jamais accepté par les [[romantisme allemand|Romantiques]] eux-mêmes qu'avec réticence, gêne ou embarras. Il faudra attendre [[Friedrich Nietzsche|Nietzsche]] pour que la « singularité » encombrante de Kleist soit reconnue pour ce qu'elle est : la sublime « impossibilité de vivre » une existence privée d'absolu. Et Nietzsche cite la lettre, devenue fameuse elle aussi, où Kleist dit comment la lecture de [[Emmanuel Kant|Kant]] l'a réduit au désespoir, lui retirant tout but, une existence condamnée au relatif devenant l'« incurable » même<ref>[[Friedrich Nietzsche]], ''{{IIIe|Considération}} inactuelle'' (« Schopenhauer éducateur »), Gallimard, 1990, « Folio essais », {{p.|30-34}}.</ref>.
Le journal que tenait Kleist et qu'il appelait ''Histoire de mon âme'' ayant disparu sans doute à jamais, c'est dans sa ''Correspondance'' qu'il faut aller chercher ce que cet homme qui se disait « inexprimable » a pu tenter de livrer directement de lui-même. Kleist, en qui chacun reconnaît aujourd'hui le « vrai poète tragique de l'Allemagne », resta tout à fait incompris de ses contemporains. Rejeté par Goethe avec la brutalité meurtrière que l'on sait, alors que Kleist lui soumettait sa ''Penthésilée'' dans les termes d'une humilité devenue fameuse (« je mets mon cœur à genoux devant vous » - lettre du {{Date-|24|janvier|1808}}), il ne fut jamais accepté par les [[romantisme allemand|Romantiques]] eux-mêmes qu'avec réticence, gêne ou embarras. Il faudra attendre [[Friedrich Nietzsche|Nietzsche]] pour que la « singularité » encombrante de Kleist soit reconnue pour ce qu'elle est : la sublime « impossibilité de vivre » une existence privée d'absolu. Et Nietzsche cite la lettre, devenue fameuse elle aussi, où Kleist dit comment la lecture de [[Emmanuel Kant|Kant]] l'a réduit au désespoir, lui retirant tout but, une existence condamnée au relatif devenant l'« incurable » même<ref>[[Friedrich Nietzsche]], ''{{IIIe|Considération}} inactuelle'' (« Schopenhauer éducateur »), Gallimard, 1990, « Folio essais », {{p.|30-34}}.</ref>.


* ''De l'élaboration progressive des idées par la parole''.
* ''De l'élaboration progressive des idées par la parole''.
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** L'acteur [[Georges Wilson]] en parle dans l'émission de [[Jacques Chancel]], Radioscopie (archives [[Institut national de l'audiovisuel|INA]]. Spectacle repris par Vilar en 1956.
** L'acteur [[Georges Wilson]] en parle dans l'émission de [[Jacques Chancel]], Radioscopie (archives [[Institut national de l'audiovisuel|INA]]. Spectacle repris par Vilar en 1956.
** Mise en scène de [[Matthias Langhoff]] (avec {{lien|lang=de|Manfred Karge}}), 1984.
** Mise en scène de [[Matthias Langhoff]] (avec {{lien|lang=de|Manfred Karge}}), 1984.
** Mise en scène de [[Daniel Mesguich]], [[Théâtre de l'Athénée Louis-Jouvet|Athénée-Louis Jouvet]], mars-{{date-|avril 2005}}.
** Mise en scène de [[Daniel Mesguich]], [[Théâtre de l'Athénée Louis-Jouvet|Athénée-Louis Jouvet]], mars-{{Date-|avril 2005}}.
** Mise en scène de [[Françoise Maimone]], {{Cie}} Françoise Maimone, théâtre Astrée de Villeurbanne, 2008. Traduction Irène Kuhn et Pierre Deshusses. Musiques de Gérard Maimone.
** Mise en scène de [[Françoise Maimone]], {{Cie}} Françoise Maimone, théâtre Astrée de Villeurbanne, 2008. Traduction Irène Kuhn et Pierre Deshusses. Musiques de Gérard Maimone.
** Mise en scène de Marie-Josée Malis, théâtre Garonne, Toulouse, 2009.
** Mise en scène de Marie-Josée Malis, théâtre Garonne, Toulouse, 2009.
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=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===


* [[Stefan Zweig]] lui a consacré une biographie particulièrement psychologique dans l'ouvrage intitulé ''Le Combat avec le démon Kleist-Hölderlin-Nietzsche'' paru en allemand en [[1925 en littérature|1925]] éditions Stock, traduction de l'allemand par [[Alzir Hella]], Paris, 1948 .
* [[Stefan Zweig]] lui a consacré une biographie particulièrement psychologique dans l'ouvrage intitulé ''Le Combat avec le démon Kleist-Hölderlin-Nietzsche'' paru en allemand en {{Date-|||1925|en littérature}} éditions Stock, traduction de l'allemand par [[Alzir Hella]], Paris, 1948 .


;En français
;En français
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* {{lien|lang=de|trad=Herbert Kraft (Literaturwissenschaftler)|fr=Herbert Kraft (écrivain)|texte=Herbert Kraft}}: ''Kleist. Leben und Werk.'' Aschendorff, Münster 2007 {{ISBN|3-402-00448-8}}.
* {{lien|lang=de|trad=Herbert Kraft (Literaturwissenschaftler)|fr=Herbert Kraft (écrivain)|texte=Herbert Kraft}}: ''Kleist. Leben und Werk.'' Aschendorff, Münster 2007 {{ISBN|3-402-00448-8}}.
* {{lien|lang=de|trad=Joachim Maass (Schriftsteller)|fr=Joachim Maass}}, ''Kleist: die Geschichte seines Lebens'', Scherz, 1977.
* {{lien|lang=de|trad=Joachim Maass (Schriftsteller)|fr=Joachim Maass}}, ''Kleist: die Geschichte seines Lebens'', Scherz, 1977.
* [[Jürgen Manthey]]: ''Emanzipation zum Dichter (Heinrich von Kleist)'', in ders.: ''Königsberg. Geschichte einer Weltbürgerrepublik''. München 2005 {{ISBN|978-3-423-34318-3}}, S. 360–385.
* [[Jürgen Manthey]]: ''Emanzipation zum Dichter (Heinrich von Kleist)'', in ders.: ''Königsberg. Geschichte einer Weltbürgerrepublik''. Munich 2005 {{ISBN|978-3-423-34318-3}}, S. 360–385.
* {{lien|lang=de|Peter Michalzik}}: ''Kleist – Dichter, Krieger, Seelensucher.'' Propyläen Verlag, Berlin 2011 {{ISBN|978-3-549-07324-7}}.
* {{lien|lang=de|Peter Michalzik}}: ''Kleist – Dichter, Krieger, Seelensucher.'' Propyläen Verlag, Berlin 2011 {{ISBN|978-3-549-07324-7}}.
* Georg Minde-Pouet, ''Heinrich von Kleist, seine Sprache und sein Stil'', 1897.
* Georg Minde-Pouet, ''Heinrich von Kleist, seine Sprache und sein Stil'', 1897.
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* [[Heiko Postma]]: ''„Welche Unordnungen in der natürlichen Grazie des Menschen das Bewußtsein anrichtet“. Über den deutschen Dichter Heinrich von Kleist (1777–1811).'' jmb, Hannover 2011 {{ISBN|978-3-940970-18-3}}.
* [[Heiko Postma]]: ''„Welche Unordnungen in der natürlichen Grazie des Menschen das Bewußtsein anrichtet“. Über den deutschen Dichter Heinrich von Kleist (1777–1811).'' jmb, Hannover 2011 {{ISBN|978-3-940970-18-3}}.
* Wolfgang Pütz: Heinrich von Kleist: 'Texte und Materialien' (Themenhefte Zentralabitur). Klett, Stuttgart 2009. 80 S. {{ISBN|978-3-12-347494-1}}
* Wolfgang Pütz: Heinrich von Kleist: 'Texte und Materialien' (Themenhefte Zentralabitur). Klett, Stuttgart 2009. 80 S. {{ISBN|978-3-12-347494-1}}
* {{lien|lang=de|trad=Gerhard Schulz (Literaturwissenschaftler)|fr=Gerhard Schulz (écrivain)|texte=Gerhard Schulz}}: ''Kleist. Eine Biographie.'' C. H. Beck, München 2007 {{ISBN|978-3-406-56487-1}}.
* {{lien|lang=de|trad=Gerhard Schulz (Literaturwissenschaftler)|fr=Gerhard Schulz (écrivain)|texte=Gerhard Schulz}}: ''Kleist. Eine Biographie.'' C. H. Beck, Munich, 2007 {{ISBN|978-3-406-56487-1}}.
* Franz Servaes, ''Heinrich von Kleist'', 1902.
* Franz Servaes, ''Heinrich von Kleist'', 1902.
* {{lien|lang=de|Eberhard Siebert}}: ''Heinrich von Kleist – eine Bildbiographie.'' Studienausgabe. Kleist-Archiv Sembdner, Heilbronn 2011 {{ISBN|978-3-940494-32-0}}. (''Heilbronner Kleist-Biographien'', Band 2, 364 S.)
* {{lien|lang=de|Eberhard Siebert}}: ''Heinrich von Kleist – eine Bildbiographie.'' Studienausgabe. Kleist-Archiv Sembdner, Heilbronn 2011 {{ISBN|978-3-940494-32-0}}. (''Heilbronner Kleist-Biographien'', Band 2, 364 p.)
* {{lien|lang=de|Peter Staengle}}: ''Heinrich von Kleist. Sein Leben.'' 4., wiederum durchgesehene und aktualisierte Auflage. Kleist-Archiv Sembdner, Heilbronn 2011 {{ISBN|978-3-940494-44-3}}. (''Heilbronner Kleist-Biographien'', Band 1)
* {{lien|lang=de|Peter Staengle}}: ''Heinrich von Kleist. Sein Leben.'' 4., wiederum durchgesehene und aktualisierte Auflage. Kleist-Archiv Sembdner, Heilbronn 2011 {{ISBN|978-3-940494-44-3}}. (''Heilbronner Kleist-Biographien'', Band 1)
* Reinhold Steig, ''Heinrich von Kleist's Berliner Kämpfe'', Berlin & Stuttgart 1901.
* Reinhold Steig, ''Heinrich von Kleist's Berliner Kämpfe'', Berlin & Stuttgart 1901.

Version du 17 mai 2024 à 09:38

Heinrich von Kleist
Portrait par Anton Graff vers 1808.
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom dans la langue maternelle
Bernd Heinrich Wilhelm von KleistVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activité
Période d'activité
Père
Joachim Friedrich von Kleist (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Mère
Juliane Ulrike von Pannwitz (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Parentèle
Margarethe von Brasch (d) (petite-nièce)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Mouvement
Maître
Christian Ernst Martini (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Genre artistique
Lieu de détention
Œuvres principales
signature de Heinrich von Kleist
Signature
Vue de la sépulture.

Heinrich von Kleist [ˈhaɪ̯nʁɪç fɔn ˈklaɪ̯st][1], de son nom complet Bernd Heinrich Wilhelm von Kleist (Francfort-sur-l'Oder le Berlin, Wannsee, le ), est un écrivain prussien, poète, dramaturge et essayiste.

Biographie

Plaque apposée à l'emplacement de la maison natale de Kleist, à Francfort-sur-l'Oder. Inscription : « Ici se tenait la maison natale du poète. Détruite pendant la guerre fasciste en 1945 »

Issu d'une famille noble de militaires, fils de Joachim Friedrich von Kleist et de sa seconde épouse Juliane Ulrike von Pannwitz, il est confié à un précepteur à Francfort-sur-l'Oder et étudie avec son cousin, Charles von Pannwitz.

En 1788, alors qu'il n'a que onze ans, son père, capitaine au régiment du prince Léopold de Brunswick-Wolfenbuttel (de) à Francfort, meurt, laissant sa femme et ses enfants dans une situation financière difficile. Une demande de pension ayant été rejetée, de même qu'une requête pour intégrer Heinrich à l'académie militaire de Prusse, ce dernier étudie à l'école de la communauté réformée française de Berlin, avant d'entrer en 1792 dans l'armée prussienne comme caporal[2] au régiment de la Garde de Potsdam. Il participe au siège de Mayence et au blocus de Mayence. Le , il perd sa mère.

En 1799, il démissionne de l'armée et s'inscrit à l'université de Francfort-sur-l'Oder : il y étudie les mathématiques et les sciences naturelles. En 1800, il se fiance avec Wilhelmine von Zenge. Refusant de réintégrer l'armée, il travaille comme fonctionnaire à Berlin. En 1801, il lit Kant, ce qui le plonge dans une profonde dépression.

Après un voyage en France avec sa demi-sœur, Ulrike, de trois ans son aîné, il s'installe à Thoune près de Berne où il termine sa première pièce, La Famille Schroffenstein. En 1802 il se brouille avec sa fiancée Wilhelmine et tombe malade. Un médecin lui diagnostique une « mélancolie morbide ». Sa sœur le ramène à Weimar. La Famille Schroffenstein est publiée anonymement l'année suivante. Cette année 1803 est synonyme de voyages : Leipzig, Dresde, Berne (en juillet), Milan, Genève, Paris (à la mi-octobre). En octobre, après avoir brûlé le manuscrit de Robert Guiscard, il quitte secrètement la capitale française et part, à pied et sans passeport, jusqu'au camp de Boulogne, afin de s'engager dans l'armée française, qui prépare l'invasion de l'Angleterre, et y mourir.

Tandis qu'à Paris, son ami Ernst von Pfuel recherche son cadavre à la morgue, le croyant mort, il arrive à Saint-Omer le . Après un premier échec il retourne à Paris, avant de faire une nouvelle tentative le . Puis, renonçant à ses projets, il obtient un passeport auprès de l'ambassade de Prusse et retourne en Allemagne. Tombé malade peu après, il s'arrête à Mayence où il demeure alité six mois et termine Robert Guiscard. Il est soigné par Georg Wedekind, médecin jacobin, qui tente de lui obtenir une place dans l'administration française de Coblence, mais il repart vers Berlin où il arrive au début de l'été 1804, après une visite à Ludwig Wieland, fils de Christoph Martin Wieland, à Weimar et un passage par Francfort-sur-l'Oder et Potsdam[2].

Lettre de suicide de Kleist.

À l'automne suivant, ses amis lui obtiennent une place de stagiaire à l'administration des Domaines à Kœnigsberg, où il arrive en , revoit ses premières compositions et écrit Michael Kohlhaas, La Marquise d'O... et Amphitryon d'après Molière[2]. En , il demande un rallongement de six mois de ses études. Toutefois, en juin, renonçant définitivement à une carrière de fonctionnaire, il demande à quitter le service, prétextant des problèmes de santé[2]. Il termine la pièce La Cruche cassée.

En , voulant se rendre à Dresde, il est à nouveau soupçonné d'espionnage par l'état-major français à Berlin, qui lui refuse un laissez-passer. À cette époque, Napoléon Ier, fraîchement couronné empereur des Français le , et successivement vainqueur à Ulm et à Austerlitz en 1805, puis à Iéna et Auerstadt en 1806, est entré en vainqueur à Berlin (), où il a décrété le blocus continental. Kleist, arrêté avec ses amis Karl Franz von Gauvain et Christoph Adalbert von Ehrenberg par les Français, est envoyé comme prisonnier de guerre en France, où il est incarcéré au fort de Joux du au , puis transféré à Châlons-sur-Marne, avant d'être libéré le , après la paix de Tilsit[2].

La tombe de Kleist avec un vers tiré de sa pièce Le Prince de Hombourg

Sa pièce Amphitryon est publiée à Dresde par Adam Müller, avec lequel il se lie d'amitié et qui est à la tête d'un groupe littéraire actif (avec Körner von Bual, Tieck, Sophie von Haza…). Installé à Dresde le [2], Kleist publie sa nouvelle Tremblement de terre au Chili, finit Penthésilée et La Petite Catherine de Heilbronn.

En , paraît le premier numéro de la revue littéraire Phœbus, fondée avec Adam Müller. Kleist propose à Goethe d'y collaborer, mais celui-ci refuse, critiquant sévèrement Kleist. Phœbus ne dure qu'un an. La même année paraît La Marquise d'O..., tandis qu'est représentée pour la première fois La Cruche Cassée. Un fragment de Michael Kohlhaas voit le jour, ainsi que La Bataille d'Hermann, pièce qui sera interdite de représentation en et qui sera publiée seulement dix ans après la mort de l'auteur.

En 1810, Kleist est animé par l'espoir d'une coalition entre la Prusse et l'Autriche, contre Napoléon. Il décide d'écrire un drame en honneur de la famille Hohenzollern: Le Prince de Hombourg, inspiré des Mémoires pour servir à l'histoire de la maison de Brandebourg de Frédéric II. La même année, Kleist lance sa deuxième revue littéraire : des journaux destinés à être publiés cinq fois par semaine, les Abendblätter, aux contenus fort patriotiques. En novembre, il rencontre une femme mariée, par ailleurs musicienne, Henriette Vogel, avec qui il échange une correspondance amoureuse.

En , sont publiés La Cruche cassée et sa nouvelle, Les Fiancés de Saint-Domingue. Les Abendblätter s'arrêtent. Kleist demande et obtient sa réintégration dans l'armée. Il adresse à Henriette les Litanies de la Mort. Au matin de son dernier jour, Heinrich von Kleist a écrit à sa demi-sœur Ulrike : « La vérité c’est qu’on ne pouvait pas m’aider sur terre[3] ». Heinrich et Henriette se donnent rendez-vous à Wannsee, près de Potsdam, où ils se donnent la mort : Kleist tue Henriette, atteinte d'un cancer, puis retourne l'arme contre lui[4].

On peut lire sur sa tombe un vers tiré du Prince de Hombourg : « Nun, o Unsterblichkeit, bist du ganz mein » (Maintenant, ô immortalité, tu es toute à moi !)

Principales œuvres

Romans et nouvelles

  • Histoires (Erzählungen), 2 tomes, -:
  • Récits, traduit par Pierre Deshusses, in Œuvres complètes, tome II, 308 p. Paris, Le Promeneur, 1999 (ISBN 2-07-075302-6):
    • Le Tremblement de terre au Chili (Das Erdbeben in Chili), paru dans le Morgenblatt à Stuttgart en (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999);
    • La Marquise d'O... (Die Marquise von O...), paru dans Phœbus en (traduit par Armel Guerne, Phébus, 1976 ; adapté au cinéma par Éric Rohmer en - traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999) ;
    • Michael Kohlhaas, (traduit par Armel Guerne, Phébus, 1983 - traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999) ; adapté au cinéma par Arnaud des Pallières (Présenté en compétition officielle lors du Festival de Cannes 2013, le film fait sa sortie généralisée le 14 août ).
    • Les Fiançailles à Saint-Domingue (Die Verlobung in St. Domingo), (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999) ;
    • La Mendiante de Locarno (Das Bettelweib von Locarno), (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999) ;
    • L'Enfant trouvé (Der Findling), (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999);
    • Sainte Cécile ou la puissance de la musique (Die heilige Cäcilie oder die Gewalt der Musik), (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999 ;
    • Le Duel (Der Zweikampf), (traduit par Pierre Deshusses, Le Promeneur, 1999).

Théâtre

  • Théâtre, in Œuvres complètes, tome IV, 610 p.. Paris, Le Promeneur, 2002: Penthésilée, Käthchen de Heilbronn, La Bataille d'Hermann, Le Prince Friedrich von Homburg + variantes. Trad. Pierre Deshusses et Irène Kuhn (ISBN 2-07-076564-4)
  • La Famille Schroffenstein (Die Familie Schroffenstein), (publié en ) ;
  • Robert Guiscard (Robert Guiskard), manuscrit brûlé par l'auteur à Paris en 1803, dont il ne reste que dix scènes, retranscrites de mémoire à Dresde en 1807 et publiées dans Phœbus en  ;
  • Amphitryon (Amphitryon: Ein Lustspiel nach Molière), écrit et paru en , créé en 1989 ;
  • Penthésilée (Penthesilea), écrit en -, publié en , créé en  ;
  • La Cruche cassée (Der zerbrochene Krug),  ;
  • L'Ordalie ou la Petite Catherine de Heilbronn (Das Käthchen von Heilbronn), , créé à Vienne en (adaptation française de Jean Anouilh) ;
  • La Bataille d'Arminius (Die Hermannsschlacht), écrit en , paru en , créé en  ;
  • Le Prince de Hombourg (Prinz Friedrich von Homburg), écrit en -, paru et créé en (adapté au cinéma par Marco Bellocchio en ).

Œuvres théoriques

  • Petits écrits (Œuvres complètes, tome I), trad. Pierre Deshusses et Jean-Yves Masson, Paris, Le Promeneur, 1999, 384 p. (ISBN 2-07-074948-7)
  • Essai sur le bonheur (Aufsatz, den sichern Weg des Glücks zu finden), écrit probablement en  ;
  • Sur l'élaboration progressive des idées par la parole (trad. Pierre Deshusses), Paris, Le Promeneur, 1999 in Petits Ecrits.
  • Essai sur l'élaboration progressive des idées pendant le discours (Über die allmähliche Verfertigung der Gedanken beim Reden), écrit vers - ;
  • Considérations sur le cours du monde (Betrachtungen über den Weltlauf), paru dans les Berliner Abendblätter le (trad. Pierre Deshusses), Paris, Le Promeneur, 1999, in Petits Ecrits;
  • Paradoxe de la réflexion (Von der Überlegung. (Eine Paradoxe)), paru dans les Berliner Abendblätter le  ;
  • Essai sur le théâtre des marionnettes (Über das Marionettentheater), . Sur le théâtre de marionnettes (trad. Pierre Deshusses), Paris, Le Promeneur, 1999 in Petits Ecrits;
  • Lettre d'un jeune poète à un jeune peintre (Brief eines jungen Dichters an einen jungen Maler),  ;
  • Lettre d'un poète à un autre poète (Brief eines Dichters an einen anderen), .
  • L'Élaboration de la pensée par le discours (trad. Jacques Decour), 1910-1942

Thématiques kleistiennes

  • Sa Correspondance complète 1793 - 1811. (Correspondance. Oeuvres complètes, tome V. trad. Pierre Deshusses, Paris, Le Promeneur, 1999, 486 p. (ISBN 2-07-075749-8)

Le journal que tenait Kleist et qu'il appelait Histoire de mon âme ayant disparu sans doute à jamais, c'est dans sa Correspondance qu'il faut aller chercher ce que cet homme qui se disait « inexprimable » a pu tenter de livrer directement de lui-même. Kleist, en qui chacun reconnaît aujourd'hui le « vrai poète tragique de l'Allemagne », resta tout à fait incompris de ses contemporains. Rejeté par Goethe avec la brutalité meurtrière que l'on sait, alors que Kleist lui soumettait sa Penthésilée dans les termes d'une humilité devenue fameuse (« je mets mon cœur à genoux devant vous » - lettre du ), il ne fut jamais accepté par les Romantiques eux-mêmes qu'avec réticence, gêne ou embarras. Il faudra attendre Nietzsche pour que la « singularité » encombrante de Kleist soit reconnue pour ce qu'elle est : la sublime « impossibilité de vivre » une existence privée d'absolu. Et Nietzsche cite la lettre, devenue fameuse elle aussi, où Kleist dit comment la lecture de Kant l'a réduit au désespoir, lui retirant tout but, une existence condamnée au relatif devenant l'« incurable » même[5].

  • De l'élaboration progressive des idées par la parole.

« Si tu veux savoir quelque chose et ne peux le trouver par la méditation, je te conseille (...) d'en parler avec la première personne de ta connaissance que tu rencontreras ». Voilà les premiers mots de cet essai, qui soutient une idée peu commune. Kleist y énonce que, comme l'appétit vient en mangeant, les idées viennent en parlant. Que l'on ne conçoit donc pas ces idées d'abord, pour les exprimer ensuite, mais que les idées se conçoivent au fur et à mesure que l'on parle.

  • Sur le théâtre de marionnettes 1810.

Cet essai aborde la question de la grâce au théâtre. Le poète converse avec un premier danseur de l'opéra, qui place les marionnettes au-dessus de l'homme. Il prétend qu'un danseur qui veut se perfectionner peut beaucoup apprendre d'elles. Car elles ont un avantage : l'absence de sentiments, d'affectation. L'homme, au contraire, est un être conscient et est le plus souvent à la recherche de l'effet à produire. Or voilà ce qui empêche la grâce d'advenir. La grâce apparaît si le danseur est inconscient de la beauté du geste effectué. L'homme, qui possède la connaissance et l'affectation, est plus lourd que la marionnette, innocente, spontanée. Elles ne connaissent rien de l'inertie de la matière : elles effleurent seulement le sol. Leur état d'innocence les place entre la conscience infinie d'un dieu et la spontanéité d'un animal. L'artiste qui veut convoquer la grâce dans son art devra travailler à se rapprocher de ces deux extrémités : conscience infinie ou inconscience animale.

Cet essai aura une influence considérable, au XXe siècle, sur les développements d'ordre artistique au Bauhaus, par l'intermédiaire d'Oskar Schlemmer, son professeur de l'atelier théâtre. Oskar Schlemmer, de par ses propres réflexions, était attiré par les figurines, marionnettes, ou pantins, pour leurs mouvements mécaniques, qu'ils considérait fondamentalement harmonieux. Lorsqu'il prit connaissance de l'ouvrage de von Kleist, il fut encouragé dans sa démarche, et appliqua ces principes avec plus de force[6].

Postérité

Rues, places et parcs

De nombreuses rues ont été nommées en hommage à Kleist, entre autres à Bonn, Vienne, Potsdam, Cologne, Mülheim, Leipzig, Berlin, Brunswick, Bad Homburg, Wolfsbourg ou Dresde. Des places Kleist existent à Kitzingen, Leverkusen ou Wuppertal.

Le forum Heinrich-von-Kleist (Heinrich-von-Kleist-Forum) est un centre pédagogique et culturelle à Hamm. La Realschule Heinrich-von-Kleist se trouve à Heilbronn.

Il existe un musée Kleist et un parc Kleist à Francfort-sur-l'Oder. Le Parc Heinrich-von-Kleist à Berlin-Kreuzberg abrite la Kammergericht.

Le prix Kleist est décerné par la Société Heinrich-von-Kleist (Heinrich-von-Kleist-Gesellschaft).

Mises en scène

France

  • La Petite Catherine de Heilbronn
  • Penthésilée
    • Mise en scène d'André Engel, Théâtre National de Strasbourg, 1980-1981
    • Mise en scène de Pierre Romans, Festival d'Avignon, Théâtre Nanterre-Amandiers, 1987-1988.
    • Mise en scène de Julie Brochen, Théâtre de l'Odéon, Paris, 1998.
    • Michèle Jung www.kleist.fr. Das Paradies ist verriegelt…. Intro du livret de l'Opéra en un acte de René Koering. Scènes de Chasse, d'après Penthesilea. Créé à l'Opéra Berlioz en 2008.
  • La Marquise d'O
    • Mise en scène de Lukas Hemleb, Maison de la culture d'Amiens, 2006.
    • Mise en scène et adaptation de Nikson Pitaqaj, Compagnie Libre d'Esprit, Théâtre de l'Epée de Bois, Cartoucherie, 2010.

Belgique

À l'affiche : Kohlhaas, par le Théâtre Agora, de Saint-Vith, 2012, inspiré de Michael Kohlhaas, le marchand de chevaux, également en version allemande : Heute : Kohlhaas.

Adaptations cinématographiques

Notes et références

  1. Prononciation en allemand standard retranscrite selon la norme API. Exemple audio sur Forvo.
  2. a b c d e et f (en) Bernd Fischer, A companion to the works of Heinrich von Kleist, Boydell & Brewer, 2003, 258 pages, introduction, p. 2-5 (ISBN 1571131779).
  3. Heinrich von Kleist, Correspondance complète. 1793-1811, traduit de l’allemand par Jean-Claude Schneider, Paris, Gallimard, 1976
  4. Sur le suicide et la mort de Kleist, voir l'entretien donné en 2015 par Philippe Forget à propos du film de Jessica Hausner Amour fou:http://www.zerodeconduite.net/amourfou/entretien.html
  5. Friedrich Nietzsche, IIIe Considération inactuelle (« Schopenhauer éducateur »), Gallimard, 1990, « Folio essais », p. 30-34.
  6. Roselee Goldberg, La Performance, du futurisme à nos jours, Thomas & Hudson / l'univers de l'art (ISBN 978-2-87811-380-8), Chap 5 : Le Bauhaus / Les ballets mécaniques
  7. Compagnie Libre d'Esprit
  8. AlloCine, « L'Enfant » (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Stefan Zweig lui a consacré une biographie particulièrement psychologique dans l'ouvrage intitulé Le Combat avec le démon Kleist-Hölderlin-Nietzsche paru en allemand en éditions Stock, traduction de l'allemand par Alzir Hella, Paris, 1948 .
En français
  • Roger Ayrault:
    • La Légende de Heinrich von Kleist: un poète devant la critique, Librairie Nizet & Bastard, 1934.
    • Heinrich von Kleist, Aubier-Montaigne, 1966.
  • Patrick Fort, Le Voyage à Wannsee, Gallimard, 2018.
  • Claude Gaudin, La Marionnette et son théâtre : le théâtre de Kleist et sa postérité, Presses universitaires de Rennes, 2007.
  • Jean-Paul Goux, La Voix sans repos, Éditions du Rocher, Monaco, 2003.
  • Jean Grosjean, Kleist, Gallimard, 1985.
  • Friedrich Gundolf, Heinrich von Kleist, éditions du Félin, 2011.
  • Michèle Jung:
  • Claude Le Manchec, Kleist contre Kant, Furor (Genève), 2019.
  • Jean-Charles Lombard, Henri de Kleist, Éditions Seghers, coll. Écrivains d'hier et d'aujourd'hui, no 28, 1967.
  • Joachim Maass, Heinrich von Kleist : histoire de sa vie (traduction de l'allemand par Jean Ruffet), Payot, 1989.
  • Pierre Mari, Kleist, un jour d'orgueil, Perspectives critiques, PUF, 2003.
  • Alain Muzelle, L'Écriture de Kleist comme élaboration progressive du discours : une étude stylistique des nouvelles, Lang, 1991.
  • Marthe Robert :
    • Heinrich von Kleist: dramaturge, L'Arche, 1955.
    • Un homme inexprimable: essai sur l'œuvre de Heinrich von Kleist, L'Arche, 1981.
  • Joël Schmidt, Heinrich von Kleist : biographie, Éditions Julliard, 1995.
  • Michèle Tournois-Jung:
    • La Penthésilée de Kleist ou la perversion d'une tragédie, Mémoire de D.E.A., Littérature et civilisation française, Montpellier, Université Paul Valéry, 1991.
    • Michèle Jung (cf. plus haut).


En allemand
En anglais
  • Carol Jacobs, Uncontainable romanticism : Shelley, Brontë, Kleist, 1989.

Articles connexes

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